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III) DANS LES MEANDRES DE L'AIDE A DOMICILE

1) La définition de l'aide à domicile et des différents professionnels

Définir l'aide à domicile n'est pas aisé, tant sont divers le profil, le statut et les tâches des aides à domicile. Nous reprendrons l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 1993 instituant le CAFAD : " Les personnes qui exercent ces fonctions interviennent auprès de familles, de personnes âgées ou de personnes handicapées, leur apportant une aide dans l'accomplissement des tâches et activités de la vie quotidienne. Elles leur permettent ainsi de se maintenir dans leur milieu de vie habituel, de préserver leur autonomie et d'éviter la rupture de liens sociaux. "

La définition du domaine d'aptitude du titulaire de la mention complémentaire du BEP Carrières sanitaires et sociales de l'Education Nationale, ajoute une dimension supplémentaire à la définition du CAFAD, en situant l'intervention de ce dernier dans un dispositif global d'aide aux personnes : " Il travaille en étroite collaboration avec les différents partenaires sanitaires et sociaux… ".

Trois types de population sont donc concernés par l'aide à domicile : les familles, les personnes handicapées et les personnes âgées. A ces catégories s'ajoutent, dans les faits, les personnes atteintes de maladies graves (cancer, maladies évolutives invalidantes, SIDA).

C'est l'aspect social de l'aide qui la différencie d'une simple intervention de type ménager, exercée par des femmes de ménage ou des employés de maison. La prise en compte de cette fonction sociale permet également d'opérer une classification entre les professionnels de l'aide à domicile et ceux qui relèvent du secteur sanitaire (médecins libéraux, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes…) qui dispensent des soins à domicile. Ces distinctions établies, il n'en reste pas moins que sous l'appellation ''aide à domicile'' exercent différents professionnels aux statuts et aux fonctions divers :
- L'aide ménagère (appelée maintenant couramment ''aide à domicile''). " L'aide ménagère à domicile a pour mission d'accomplir chez les personnes âgées un travail matériel, moral et social. "(1) Elle intervient principalement au domicile des personnes âgées, parfois aussi chez des personnes plus jeunes malades ou handicapées, ou encore dans des familles pendant une grossesse ou après un accouchement.

- La (ou le) garde à domicile (appelée aussi ''garde malade''). Elle effectue, chez les personnes âgées, des prestations qui se veulent complémentaires de celles des aides ménagères et des soins à domicile. Elle travaille généralement la nuit et le week-end. Elle est directement employée par les personnes âgées ou leur famille. Son rôle est mentionné dans la circulaire du 26 mars 1986 relative aux actions alternatives à l'hospitalisation.

- L'auxiliaire de vie s'adresse aux personnes handicapées qu'elle aide dans l'accomplissement des actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, repas…).
- La travailleuse familiale est toujours salariée d'une association ou d'un organisme (par exemple la Caisse d'Allocations Familiales). Elle seconde les familles en difficulté dans les tâches ménagères et les activités avec les enfants. Elle est appelée à intervenir de plus en plus souvent dans des familles en grande difficulté sociale, psychologique ou même psychiatrique.

Pour ce qui nous concerne, lorsque nous parlerons des aides à domicile, nous ferons essentiellement référence aux aides ménagères.

2) Le profil des aides à domicile

Les études sur la population des aides ménagères à domicile sont rares et il actuellement impossible de donner précisément le nombre de personnes en exercice. Une enquête de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques) dépendant du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, fait état de 177 000 auxiliaires de vie et aides ménagères en septembre 1999. Elles étaient 30 000 en 1975 et 87 000 en janvier 1989.
On sait toutefois qu'en 1975, on comptait moins de 30 000 aides ménagères (2) et qu'en 1996, on estimait à 88 502 actifs le nombre des aides ménagères et des auxiliaires de vie comptabilisées ensemble (3).

La profession d'aide ménagère à domicile est, à notre connaissance, exclusivement féminine. 65 % de ces femmes ont entre 40 et 50 ans et pour 52 % d'entre elles, l'ancienneté dans la profession est de 11 ans (4) .

Les membres de la mission de l'Inspection Générale des Affaires Sociales sur l'aide ménagère aux personnes âgées (5) se sont basés sur une étude effectuée en 1995 dans la région Rhône-Alpes, pour souligner quelques caractéristiques de cette population :
- un taux important de femmes seules notamment en milieu urbain
- un niveau scolaire peu élevé (niveau d'études primaires ou de fin de premier cycle secondaire, équivalent aux CAP, BEP, Brevet des collèges)
- une activité s'exerçant surtout à temps partiel.

3) Un statut professionnel varié

En fonction de leur employeur, les statuts des aides ménagères sont très différents :
- Recrutées par des centres communaux d'action sociale (CCAS), elles ont le statut d'agents de la fonction publique territoriale.

- Salariées d'associations prestataires de services ou d'organismes de droit privé, elles relèvent du droit du travail et des conventions collectives, les principales étant celles de l'Union Nationale des Associations de Services et de Soins A Domicile (UNASSAD) et de l'Union nationale des Associations d'Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR).

- Enfin, les aides ménagères employées par des particuliers par le biais des services mandataires, dépendent de la convention collective des salariés du particulier employeur (ex convention collective des employés de maison, révisée et publiée au JO le 11 mars 2000).

Bien des associations gèrent à la fois un service prestataire et un service mandataire d'aide à domicile. Les aides ménagères des services prestataires ont un contrat à durée indéterminée mais elles sont payées en fonction des heures effectuées. Les aides ménagères des services mandataires sont salariées des personnes âgées, mais elles sont placées sous la responsabilité des associations qui les recrutent et assurent la gestion de l'aide apportée : planning des interventions, déclarations à l'URSSAF, établissement des bulletins de salaire.

Comme l'indique le rapport de l'IGAS (6), " rares sont celles qui refusent d'effectuer des heures en mandataire et courants les cas où l'aide ménagère intervient auprès de la même personne âgée alternativement sous le statut prestataire et mandataire y compris au cours d'une même journée. " Cependant l'activité exercée dans le cadre du mandataire confère un statut bien moins favorable en terme de rémunération (non prise en charge du temps de transport entre les interventions et niveau de reclassement dans la grille employé de maison assez variable). Quant aux possibilités d'accès à une formation, elles sont aléatoires.

4) Le travail des aides ménagères à domicile

Comme le souligne Vincent Caradec (7), la définition du métier de l'aide ménagère est marquée par l'ambivalence : tout en effectuant un certain nombre de tâches domestiques, elle exerce une profession à caractère social (8) . La fonction de l'aide ménagère comporte donc deux aspects : l'un technique et l'autre relationnel.

Du côté technique, la gamme des activités ménagères est variée. Selon une enquête réalisée en 1992 en Ille-et-Vilaine (9) " Les tâches matérielles citées, réalisées par l'aide ménagère, sont par ordre décroissant : le nettoyage des vitres pour 96 % des personnes âgées, le ménage quotidien (85 %), le changement de draps (64 %), le lit (51 %), l'aide aux courses (48 %), le repassage (43 %), d'autres tâches (combustibles, jardin, couture, gros travaux ménagers, 31 %), le lavage du petit et grand linge (28 % et 27 %), la préparation des repas (13 %).

Une étude plus récente (1996)(10) , détaille davantage les différents besoins des personnes âgées et la part relative de l'aide apportée par l'aide ménagère. A côté des tâches matérielles classiques, on trouve des tâches plus administratives et des aides directes à la personne : lever et coucher, toilette-habillage, pose d'appareillage, administration du traitement médicamenteux, prise des repas, déplacements. Sur le plan relationnel, l'aide est mentionnée par près de 4 personnes sur 5 dans l'enquête d'Ille-et-Vilaine, tandis que les personnes interrogées en Rhône Alpes estiment à 30 % la part de l'aide apportée par leur aide ménagère.

Au-delà des chiffres, ce qui nous intéresse, c'est le fait que, selon les personnes en présence, la prestation de service va se situer plutôt dans le registre technique ou plutôt dans le registre relationnel. A partir d'entretiens semi-directifs, réalisés auprès de personnes âgées et d'aides ménagères, V. Caradec a mis en évidence qu'il existait deux codages idéaux-typiques de cette prestation, pour chacun des deux protagonistes. Ce codage se construit dans l'interaction à partir des attentes réciproques des personnes par rapport à leur relation. Il nous semble que celles-ci renvoient à tout un ensemble de représentations mutuelles sur la vieillesse et sur la fonction de l'aide ménagère.

Insistant sur la charge psychique inhérente au travail de l'aide ménagère, M. Rocher (11) considère que la formation doit être prioritaire pour que les aides à domicile puissent analyser des problèmes relationnels complexes et avoir une conception claire de leur rôle. Nous allons à présent aborder cet aspect de notre problématique.

IV) UNE FORMATION ENCORE TROP RARE

1) Les différents types de formation des aides à domicile

Il nous semble tout d'abord utile de rappeler qu'il n'est pas obligatoire d'avoir effectué une formation pour travailler au domicile de particuliers (12). Qui plus est, les personnes formées sont minoritaires même au sein des associations d'aide à domicile.

Il existe actuellement plusieurs diplômes ou titres homologués relevant de la compétence de trois ministères, le ministère de l'Education Nationale et le ministère de l'Agriculture pour les formations sous statut scolaire et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour la formation en cours d'emploi:

- Le BEP (Brevet d'Etudes Professionnelles) Carrières sanitaires et sociales. C'est un diplôme de l'Education Nationale qui se prépare en deux ans après la classe de 3ème. L'arrêté du 28 juillet 1995 a créé, pour ce BEP, une mention complémentaire Aide à Domicile.

- Le BEPA (Brevet d'Etudes Professionnelles Agricoles), option Services, spécialité services aux personnes. Il dépend du ministère de l'Agriculture et se prépare dans les lycées agricoles.

- Le CAFAD (Certificat d'Aptitude aux Fonctions d'Aide à Domicile). Il est placé sous la responsabilité de la Direction de l'Action Sociale (ministère de l'Emploi et de la Solidarité).

- Le titre Assistante de Vie a été mis en place par la Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle (ministère de l'Emploi et de la Solidarité). Il est homologué au niveau V. La formation a lieu dans les centres de l'AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes) et est sanctionnée par un Certificat de Formation Professionnelle du ministère.

La Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle, que nous avons contactée, nous a également signalé l'existence du titre Employé Familial Polyvalent, homologué depuis 1998 au niveau V. La formation est dispensée par l'Institut de la FEPEM (Fédération des Particuliers Employeurs).

Nous avons vu ci-dessus qu'il fallait distinguer l'aide à domicile et le travail chez des particuliers employeurs. Le fait que le titre Employé Familial Polyvalent ait été mentionné tant par la Direction de l'Action Sociale que par la Délégation Générale à l'Emploi et à la Formation Professionnelle, alors que nous demandions des renseignements sur les formation des aides à domicile, nous paraît significatif des enjeux économiques de ce secteur (financement de la dépendance et lutte contre le chômage).

En dehors de ces formations qualifiantes, il existe également des formations courtes, financées par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et dispensées par des centres de formation agréés. Elles sont destinées au personnel des établissements et services, aux responsables d'associations et parfois même aux élus locaux. Le ministère donne chaque année des orientations thématiques en fonction de la politique vieillesse de l'Etat. Citons pour exemple : la désorientation des personnes âgées, les projets de vie, l'accueil familial.

Pour ce qui concerne notre recherche, nous nous intéresserons plus spécifiquement à la formation CAFAD, nos entretiens ayant été effectués auprès d'aides à domicile préparant un CAFAD modulaire.

2) L'historique du CAFAD

En juin 1983, une circulaire ministérielle instaure, pour la première fois, un cycle de formation de 200 heures en six unités de formation, financé par des crédits d'Etat, à l'attention des aides ménagères et des auxiliaires de vie. Ce texte fait suite à la signature de la convention collective des services d'aide et de maintien à domicile.

Un rapport du Conseil Supérieur du Travail Social, intitulé ''Décloisonner les professions d'aide à domicile'', rendu public en octobre 1997, préconise, pour le développement de l'aide à domicile, la mise en place d'une formation polyvalente, adaptée à tous les types d'usagers et à tous les niveaux de besoins.

S'inspirant de ses conclusions, la Direction de l'Action Sociale crée, par arrêté du 30 novembre 1988, modifié le 15 décembre 1993, le CAFAD. La réforme de 1993 a été appliquée jusqu'en 1998, puis annulée par un arrêt du Conseil d'Etat le 16 mars 1998. Depuis cette date, le texte de 1988 est donc à nouveau en vigueur.

Les textes régissant le CAFAD de 1993 ont prévu la possibilité d'une réduction de volume horaire de formation et d'une dispense partielle de stage pour les personnes remplissant certaines conditions de formation antérieure ou d'expérience professionnelle dans l'aide à domicile. Des expériences de CAFAD Modulaire sont menées en Ile de France et en Bretagne : avant l'entrée en formation, les acquis professionnels ou de formation des candidats sont évalués par le centre de formation ; un parcours individuel de formation est défini, précisant l'amplitude, la durée de la formation, les modules à réaliser et les dispenses de modules. L'admission et la validation du dossier d'allégement de formation sont soumis à l'approbation d'une commission de sélection présidée par la DRASS. Pour l'instant, ces expériences restent minoritaires.

Par contre, des équivalences au CAFAD peuvent être accordées à certaines aides à domicile ayant une longue expérience de travail, à condition qu'elles effectuent un stage pratique et une petite formation théorique complémentaire.

Dans son rapport (13), Paulette Guinchard-Kunstler préconise de diversifier les compétences des intervenants auprès des personnes âgées et de former les professionnels de l'aide à domicile. Elle insiste sur la nécessité de :
- réformer les formations, notamment le BEP Carrières sanitaires et sociales et le CAFAD

- favoriser le passage d'un exercice en établissement vers un exercice à domicile et vice versa

- réfléchir sur le statut de certains actes professionnels comme la distribution de médicaments et l'aide à la toilette

- rapprocher le secteur sanitaire et le secteur social

- faciliter la mobilité professionnelle et la promotion sociale en appliquant le dispositif de validation des acquis professionnels prévu par la loi de juillet 1992 et en restructurant les formations sous une forme modulaire.

Actuellement un Comité de Pilotage réfléchit, à la Direction de l'action Sociale sur la formation des aides à domicile et sur les possibilités de passerelles entre le domaine sanitaire et le domaine médico-social. Un projet de réforme du CAFAD est à l'étude ; il devrait voir le jour en 2001.

3) Les professionnels concernés par ce diplôme

Le CAFAD est une formation qui s'adresse à des professionnels en exercice. Il s'agit d'une formation qualifiante dispensée en cours d'emploi, commune à plusieurs professions d'aide à domicile. Les candidats à la formation doivent être titulaires d'un diplôme professionnel ou satisfaire à un examen d'aptitudes, ou être titulaires d'un diplôme d'enseignement général.(14)
D'après Richard Vercauteren et Nathalie Babin, le ministre Théo Braun, pourtant à l'origine de la création du CAFAD, regrettait, en privé, que ce diplôme se prépare en cours d'emploi, " ce qui, à ses yeux, démontait le sens de la reconnaissance d'une authentique formation, dévalorisant de ce fait l'aide à domicile.(15) "

4) Le financement du CAFAD

Un CAFAD complet (280 heures pour le CAFAD réformé de 1993) coûte 13 440 francs (en 2000). Le taux de l'heure de formation est le même dans toutes les écoles et s'élève à 48 francs. Le coût moyen d'un CAFAD modulaire est de 10 000 francs. A cela s'ajoutent les frais de sélection (7heures), soit 336 francs. La formation au diplôme représente donc un effort financier pour les services d'aide à domicile qui doivent en outre faire face au remplacement des personnes pendant leur absence.

En Ile de France, le CAFAD est financé à raison de :
- 50 % par le Conseil Régional d'Ile de France
- 30 par les fonds mutualisés des OPCA (Organismes Paritaires Collectifs Agréés) auxquels cotisent les employeurs dans le cadre de la formation professionnelle continue
- 20 % par le plan de formation de l'entreprise.

Les difficultés de financement de la formation expliquent en partie le faible nombre de personnes titulaires de ce diplôme, alors que le nombre d'aides à domicile a beaucoup augmenté au cours des 25 dernières années.

5) Les personnes formées

Entre 1989 et 1990, premières années d'existence du CAFAD, 750 personnes ont obtenu ce diplôme et en 1990, 6039 équivalences ont été accordées. Depuis 1991, 19 551 diplômes ont été délivrés (14) .
Selon une estimation, 10 % seulement des aides à domicile étaient qualifiées en 1991 (15).
Selon le rapport de l'IGAS déjà cité, l'accès au CAFAD semble lié à l'ancienneté des aides ménagères, dans la pratiques des associations. Dans le cadre d'un entretien que nous avons eu avec une responsable d'association, nous avons eu la nette impression que le CAFAD représentait une sorte de " récompense " et que le choix des personnes susceptibles de partir en formation était basé sur des critères tels que l'investissement et le sérieux dans le travail. De fait, toutes les personnes que nous avons interrogées, semblaient fortement motivées par leur fonction.
Il est évident que ce sont ces personnes qui sont le mieux à même de tirer profit d'une formation, alors qu'elles ont souvent en charge des situations lourdes (personnes désorientées ou très dépendantes).

6) Les enjeux du CAFAD

La circulaire du 7 avril 1982 affirmait : " l'aide ménagère n'est pas une femme de ménage. Son travail ne se limite pas aux tâches domestiques ; elle exerce une profession à vocation sociale ". Menée initialement de manière bénévole par la famille ou le voisinage, l'aide à domicile a évolué vers une véritable professionnalisation à la faveur de l'évolution démographique et du développement des politiques de maintien à domicile. Parallèlement, de nombreux demandeurs d'emploi, souvent dépourvus de toute qualification et parfois eux mêmes en grande difficulté sociale, ont été orientés vers le secteur de l'aide à domicile perçue comme un vaste bassin d'emploi. Enfin, pour certains organismes lucratifs proposant des services aux particuliers, le " quatrième âge " est devenu " un gisement de richesses ", selon l'expression de Bernadette Puijalon et Jacqueline Trincaz.(16)

Le CAFAD offre la possibilité à ces salariés peu reconnus dans leur fonction, d'acquérir une qualification et de bénéficier d'une grille de salaire plus avantageuse que pour les non titulaires du diplôme. Cependant, ce n'est pas ce différentiel de rémunération qui reste modéré qui attire principalement les candidates au CAFAD, mais le désir de reconnaissance de leur métier.

Dans les entretiens que nous avons menés, les aides à domicile ont souvent exprimé leur sentiment d'appartenir à une profession d'aide, en se démarquant d'un rôle qui serait limité aux activités ménagères. Ainsi Francine :
" Il y a une personne, plusieurs fois même devant mon employeur, qui a dit : ''Oui, mais je ne comprends pas, votre femme de ménage, ceci ou cela.'' Ma patronne a dit : ''Ecoutez, ce n'est pas une femme de ménage, attention, son travail est parfait, elle fait ce qu'elle a à faire, maintenant si c'est vous qui ne tirez pas profit de tout ce qu'elle peut vous apporter, vous n'avez besoin de personne.'' "

A travers et au-delà de la formation, il s'agit bien d'une problématique de construction d'une identité professionnelle. Face au développement du secteur marchand et à l'augmentation de l'emploi direct, la qualification des intervenantes est un impératif tant pour elles-mêmes que pour les associations les employant.

7) La formation au CAFAD

La préparation au diplôme a été conçue comme une formation polyvalente destinée à divers professionnels de l'aide à domicile intervenant auprès de différentes catégories de population. L'arrêté du 30 novembre 1988 avait prévu 250 heures d'enseignement théoriques réparties en trois unités de formation et 120 heures de stage pratique. L'annexe pédagogique n'est jamais parue au Journal Officiel. Elle précisait les objectifs de la formation, la démarche pédagogique, l'organisation et le déroulement de la formation ainsi que le programme des trois unités de formation :
- UF1 : Techniques de la vie quotidienne (120 heures)
- UF2 : Connaissance des personnes aidées à domicile (90 heures)
- UF3 : L'aide à domicile et l'environnement des personnes aidées (40 heures).

Le CAFAD réformé conservait le même nombre d'heures de stage mais augmentait les heures d'enseignement théorique à 280, permettant d'ajouter 20 heures à l'UF2 et 10 heures à l'UF3. L'annexe pédagogique de ce CAFAD développait les trois unités de formation sous la forme d'un référentiel détaillé déterminant des contenus précis.

Dans l'attente d'une réforme, le CAFAD initial est remis en vigueur. Il s'articule selon trois grands axes : la vie quotidienne, les personnes aidées et leur environnement.

- L'UF1 comporte quatre domaines : l'alimentation et la préparation des repas, l'hygiène et la santé, l'entretien du logement et l'entretien du linge et des vêtements. La formation vise ici essentiellement au développement de compétences pratiques.

- L'UF2 comprend la connaissance du groupe familial, des personnes âgées et des personnes handicapées et les relations avec les personnes aidées.

- Le contenu de l'UF3 se répartit entre l'environnement (politiques sociales, institutions) et le rôle professionnel (déontologie, responsabilité et méthodes de travail).

Chaque institut de formation dispose d'une certaine latitude dans l'organisation de sa formation. Ainsi le CAFAD modulaire de l'IFRAD (17) est-il basé sur 280 heures de formation, comme dans le diplôme réformé, dispensées en 7 modules.

Nous nous sommes intéressée au contenu du chapitre sur les personnes âgées (UF2) du Guide des professions de santé consacré au CAFAD (18) . Après un bref rappel de la situation démographique, des notions générales sur le vieillissement biologique sont apportées. Le 4ème âge est défini comme celui de l'entrée dans la dépendance. Même si l'ouvrage nuance son propos en rappelant que " chacun connaît des personnes très âgées en bonne santé et parfaitement saines d'esprit ", il affirme : " on admet la détérioration mentale comme inéluctable à partir d'un certain âge, très variable d'un individu à l'autre. "

Les incidences de la vieillesse sur la vie personnelle, familiale et sociale sont ensuite évoquées : conséquences du passage à la retraite, relations des personnes âgées avec leur famille, rôles sociaux. Parmi ces rôles figure celui de témoin de l'histoire.
Globalement, en dépit de quelques nuances, l'accent est mis sur les aspects de perte et de dégradation et la vieillesse est présentée sous l'angle d'un ensemble de problèmes auxquels il convient d'apporter des solutions.

L'injonction n'est pas absente de ce manuel : " Il faut donc engager la personne âgée à oublier ses maladies ou ses malaises et à être curieuse du monde. D'ailleurs, nombre d'organismes sociaux, de municipalités, proposent des services permettant une retraite vivante (voyages, clubs, repas…) ". Est-ce à dire qu'une personne non active est moins vivante qu'une autre ? Et si le vieux, souffrant dans sa chair ou dans son esprit, avait d'abord besoin d'être écouté et d'être reconnu comme une personne à part entière ?

Enfin, les auteurs semblent chercher à se persuader quand ils concluent: " On comprend que si la vieillesse n'est pas toujours envisagée avec plaisir, les personnes âgées ont encore une activité et un rôle vital dans notre société. "

Le projet pédagogique de l'IFRAD laisse une place à un apport théorique sur la représentation de la vieillesse et des personnes âgées dans la société. N'ayant pas eu la possibilité d'assister aux cours, nous ne connaissons pas son contenu précis, mais nous nous autorisons à penser que le fait de consacrer un temps aux représentations sociales de la vieillesse apporte aux stagiaires des éléments de réflexion sur la catégorisation d'une partie importante de la population.

Que sont les représentations sociales ? A quoi servent-elles ? Comment fonctionnent-elles ? C'est ce que nous nous proposons d'exposer dans la deuxième partie de notre problématique : le concept de représentation sociale.


Marie-Odile MARTIN SANCHEZ

Lire la suite : Les représentations sociales

BIBLIOGRAPHIE


1 Source : convention collective de l'aide à domicile, in Les cahiers de l'actif, N° 252/253 - mai, juin 1997 (article intitulé ''Misère et splendeur de l'aide à domicile'', p. 73)

2 Dossier de Michèle ROCHER, ergonome à l'Institut National de Recherche et de Sécurité, Quand l'aide est un métier, article publié dans la revue mensuelle ''Travail et Sécurité'', juin 1989 et décembre 1990.

3 Les professions sociales et éducatives en 1996, Documents statistiques n° 301, avril 1998, SESI, ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

4 Le livre blanc de l'aide à domicile, CFDT, novembre 1990, cité dans ''Quand l'aide est un métier''.

5 Rapport L'aide ménagère à domicile aux personnes âgées, op. cité.

6 Rapport de l'IGAS, op. cité.

7 Vincent CARADEC, L'aide ménagère : une employée ou une amie ?, in Faire ou faire-faire ?,sous la direction de Jean-Claude KAUFMANN, Presses Universitaires de Rennes, 1996.

8 Cette définition est citée dans le paragraphe 6 du chapitre III : les enjeux du CAFAD.

9 Mentionnée dans le rapport de l'IGAS, op. cité.

10 Etude de la CRAM Rhône Alpes, in le rapport de l'IGAS, op. cité.

11 Dossier Quand l'aide est un métier, op. cité.

12 Nous excluons les travailleuses familiales qui doivent posséder le Certificat de travailleuse familiale qui nécessite une durée de formation trois fois supérieure à celle du CAFAD.

13 Paulette GUICHARD- KUNSTLER, Rapport ''Vieillir en France, op. cité.

14 Voir en annexe l'arrêté du 30/11/88 (paragraphe sur les conditions d'accès à la formation).

15 Nathalie BABIN et Richard VERCAUTEREN, Un projet de vie pour le maintien à domicile, Toulouse, Erès, Pratiques du champ social, 1998.

16 Bernadette PUIJALON et Jacqueline TRINCAZ, Le droit de vieillir, op. cité.

17 Institut Régional de Formation et de Recherche en Aide à Domicile (c'est par le biais de cette école que nous avons rencontré des aides à domicile en formation).

18 Guide des professions de santé, sous la direction de Jacqueline GASSIER, Préparation au CAFAD, Paris, Masson, 1996.


Avant propos et Introduction Regards sur la vieillesse, ses politiques et ses acteurs

Le vieillissement, la vieillesse et les vieux
Les politiques de la vieillesse
Dans les méandres de l'aide à domicile
Une formation encore trop rare

Concept de représentation sociale
Hypothèse de travail Etude d'un groupe d'aides à domicile préparant le C.A.F.A.D. modulaire -
Eléments théoriques, démarche méthodologique, caractéristiques et portraits des personnes interrogées
Représentations de la vieillesse chez les aides à domiciles - Les appellations - Le vieillissement physique - Le vieillissement psychique - Les aspects sociaux du vieillissementx-
La mort - Les figures personnelles de la vieillesse chez les aides à domicile - Leur propre vieillesse - Le rôle professionnel des aides à domicile
La confrontations des résultats aux hypothèses Conclusion