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VIOLENCE en psychiatrie
VIOLENCE de la psychiatrie
Ce qui fait VIOLENCE à l'hôpital Sirocco

- Première partie : introduction
- Deuxième partie : de l'étymologie à la violence universelle
- Troisième partie : Les définitions de la violence
- Quatrième partie : Violence et Folie


L'enquête

1 L'outil et la méthode

Nous envisagions initialement d'explorer le thème de la violence à l'hôpital Sirocco par le biais d'entretiens auprès de personnels infirmiers. Nous estimions en effet que cette catégorie était la plus confrontée à des interactions violentes dans le cadre de ses activités professionnelles.

Nous avons renoncé à cet outil qui exigeait une disponibilité dont nous ne disposions pas. A la réflexion, le sujet se révélant très impliquant sur un plan personnel, nous avons convenu que l'entretien, en ne respectant pas l'anonymat, risquait de peser sur la spontanéité et la sincérité des réponses.

A la suite d'un travail de recherche documentaire sur le thème de la violence, en particulier en institution, nous avons réalisé une série d'entretiens exploratoires. Nous avons ainsi rencontré les principaux acteurs institutionnels appelés à mettre en place des outils de prévention et de gestion de la violence, ainsi que des procédures visant au traitement de ses conséquences.

Nous avons également, dans cette période, été particulièrement attentifs aux écrits infirmiers et aux propos de collègues confrontés à des situations qualifiées de violentes, dans et hors les services de soins.

L'ensemble des lectures et des éléments recueillis dans ces entretiens formels et informels, nous a conduit à élargir le public ciblé. Le sentiment d'exposition à la violence dépassait largement le corps infirmier. La volonté de mettre en perspective la violence à l'hôpital impliquait donc une investigation plus ample.

Nous étions par ailleurs vivement intéressés par l'idée d'étendre cette enquête aux personnes soignées mais des contraintes temporelles et organisationnelles nous ont fait reporter cette ambition à un projet de recherche ultérieur…

Notre choix s'est donc porté sur un questionnaire alternant questions ouvertes et fermées. Diffusé à 150 exemplaires, il a été accompagné d'une note explicative portant sur la nature et la destinée de la recherche et adressant de vifs remerciements aux personnes volontaires.

Il a été soumis à six catégories professionnelles. Cinq d'entre elles exercent dans différentes structures rattachées à cinq secteurs de psychiatrie adulte, la sixième rassemble des personnels administratifs du service des tutelles, des admissions et frais de séjour et de la recette.

La diffusion a respecté la part relative de chacune de ces catégories dans la pyramide des emplois de l'établissement. Le mode de diffusion a été nominatif. Nous avons privilégié, sans exclusive toutefois, les personnels capitalisant plusieurs années d'exercice dans leur fonction. La recherche s'orientant vers l'hypothèse d'une plus grande vulnérabilité de l'institution psychiatrique face aux violences, il nous a semblé opportun d'interroger des professionnels expérimentés.

Une personne du service des admissions s'est aimablement chargée de le diffuser auprès de ses collègues.

Nous avons eu, dans chaque terrain, la possibilité de recourir à des personnes ressources pour faciliter la collecte et le retour des questionnaires à la date fixée.

Les questions fermées ont fait l'objet d'un traitement statistique classique : par catégories, nous avons additionné les réponses identiques entre elles et comptabilisé les réponses non renseignées et/ou non exploitables. Nous avons calculé des pourcentages.

Nous avons analysé le contenu des réponses aux questions ouvertes en les classant par catégories, ce qui nous a permis de dégager des thématiques que nous avons pu par la suite relier à nos références documentaires.

Nous avons croisé et lié certaines réponses afin d'en extraire davantage de pertinence et d'affiner le ressenti des personnels en matière de confrontation violente. Il en est ainsi des commentaires consécutifs aux questions fermées et des questions directement ouvertes.

Enfin, à l'issue du dépouillement, nous avons réalisé quelques entretiens complémentaires pour éclaircir ou étayer certaines réponses.

2 Caractéristiques générales de la population enquêtée


Près de 80% des personnes enquêtées appartiennent au service de soins infirmiers et exercent en unités de soins, intra ou extra-hospitalières.

Il s'agit de femmes, à presque 77%, ce qui reflète la forte féminisation des équipes hospitalières.

La majorité des personnels ayant répondu, exerce leur profession depuis plus de dix ans (35% d'entre eux ont entre zéro et dix ans d'expérience).

Moins de 50 % d'entre eux ont moins de quarante ans. L'échantillon type se situe dans la tranche d'âge des 40/50 ans.

Un peu plus de la moitié travaillent en milieu intra-hospitalier. Près de 20% déclarent exercer alternativement en intra et en extra-hospitalier. Cette polyvalence des lieux d'exercice concerne les assistantes sociales mais aussi les infirmiers et les surveillants, ce qui apparaît comme une nouveauté dans l'organisation du service de soins infirmiers.

Les unités de soins dans lesquelles les personnes ayant répondu travaillent, sont ouvertes pour 51% d'entre elles, fermées pour 31% et alternativement fermées et ouvertes à presque 18%.

Très peu ont bénéficié d'une formation à la "gestion de la violence et de l'agressivité" dans le cadre de la formation continue, ils ne représentent que 12,5% des enquêtés, issus du corps infirmier dans leur majorité. La pratique d'un sport de self-défense est marginale (moins de 5%) et concerne essentiellement les infirmiers. La pratique d'une activité telle que la relaxation ou le yoga est quant à elle plus répandue : environ 11% sans que l'on repère de catégorie de prédilection.

3. Evaluation de la participation

Le taux de retour

Le taux de retour général du questionnaire est supérieur à nos attentes. Compte tenu de sa longueur et des remarques qui nous ont été transmises par les dix personnes qui ont bien voulu le tester, nous misions sur 50 questionnaires retournés, soit 1/3 du total diffusé. Le taux de retour global se révèle être de près de 50%[5].

Il est très satisfaisant en ce qui concerne la catégorie des assistantes sociales (80%), des agents ou adjoints-administratifs (69,23%) et des surveillants (64,28%).

Le taux de retour est inférieur à 50% pour les agents des services hospitaliers (ASH) et les infirmiers, catégories auprès desquelles le questionnaire a été le plus largement diffusé.

Enfin, seuls deux aides-soignants sur onze ont répondu au questionnaire, ce qui rend leurs réponses inexploitables.

Le taux de remplissage

Les questionnaires les plus complets sont ceux des personnels soignants (surveillants, aides-soignants, infirmiers).

Le taux de réponse aux questions fermées ne varie que très peu selon la catégorie professionnelle interrogée.

Par contre, seulement deux catégories ont répondu à plus de la moitié des questions ouvertes (surveillants et infirmiers). Leur position privilégiée auprès des patients peut expliquer leur facilité à illustrer leurs réponses d'exemples concrets.

Les personnels administratifs ont quant à eux signalé que le questionnaire proposé comportait de nombreuses questions concernant spécifiquement les personnels soignants. Malgré cette difficulté, les agents ou adjoints administratifs se placent en deuxième position en ce qui concerne les taux de retour, ce qui témoigne d'un vif intérêt pour le sujet traité.

4. L'analyse des contenus

a). La violence à l'hôpital Sirocco : un phénomène structurel, conjoncturel et personnel

Toutes les catégories interrogées se sentent exposées à la violence dans l'exercice de leur métier d'hospitalier. Seule une assistante sociale a répondu par la négative. Si cette exposition n'est pas permanente (plus de 70% estiment que cela arrive "parfois"), sa fréquence semble toutefois augmenter pour les infirmiers et les ASH (question n°1). La population infirmière masculine est quant à elle particulièrement exposée du fait de ses interventions en renfort. Ces interventions ayant lieu dans tout l'établissement, les infirmiers déplorent de ne disposer au préalable d'aucun élément de connaissance des patients. Ils se posent ainsi la question de leur rôle soignant alors qu'ils sont sollicités pour leurs caractéristiques physiques présumées.

En liant la question n° 1 à la question n° 9, on observe qu'il ne s'agit pas d'une exposition à une violence présumée puisque que plus de 90 % des hospitaliers déclarent avoir été directement "impliqués" dans une interaction violente, en tant que témoins ou victimes.

La confrontation des hospitaliers à la violence est ressentie comme spécifiquement liée au milieu psychiatrique (question n°2), même s'ils ne pensent pas y côtoyer plus d'individus violents que dans la population générale (question n°17).

Elle tient en effet à la spécificité des pathologies des personnes accueillies (délire, hallucinations, fausses reconnaissances…), et se manifeste particulièrement au contact des personnes alcooliques, toxicomanes et psychopathes (question n°2). Les personnels para-médicaux font état de l'accroissement d'une population jeune, réfractaire aux règlements et aux contraintes collectives, qui les met en difficulté dans la relation.

Les troubles de ces "jeunes" ne sont pas clairement identifiés comme appartenant au registre de la psychiatrie. Leur souffrance est dite "psychique", "sociale", "familiale". La précarité sociale et financière est plus nettement perçue que les troubles. Il est question de "pathologies de l'errance et de l'exclusion" à propos desquelles les soignants se posent la question de leur légitimité à les traiter.

Les placements et les soins sous contrainte favorisent la survenue de comportements violents. Si leurs indications sont rarement remises en cause, le manque d'informations délivrées aux patients et de prise en charge médicale sont identifiés comme des facteurs de risque importants. C'est particulièrement le cas lors des premières admissions où l'angoisse d'une hospitalisation en psychiatrie se conjugue avec la découverte de conditions d'hospitalisation vécues comme ségrégatives, en partie parce que non expliquées et par conséquent mal ou non comprises (questions n° 2 ; 14 et 22).

Le corps médical est ici clairement interpellé : infirmiers et surveillants déplorent un désengagement des psychiatres de l'hôpital. Ils estiment que les personnes hospitalisées ne sont pas assez régulièrement reçues en entretien médical au cours des hospitalisations. Ainsi, selon eux, les médecins auraient une connaissance très superficielle des patients, entraînant une mauvaise évaluation clinique et la prescription de traitements inadaptés. La dangerosité de certains patients serait en conséquence mal évaluée.

Les consignes médicales d'entrée, telles que la suspension des sorties, des visites et des communications téléphoniques, feraient très rarement l'objet d'informations au cours de l'entretien d'admission. C'est en sollicitant ces actes que les personnes hospitalisées apprendraient qu'elles n'y sont pas autorisées par le médecin. Cette découverte est très souvent l'occasion d'une explosion violente.

Les commentaires livrés aux questions n° 2, 8, 12 et 14 dénotent un fort sentiment d'abandon des personnels para-médicaux de l'institution. Ils se sentent seuls face à des manifestations comportementales et des situations sociales qui les déroutent. L'insuffisance de cadre et de référence médicale, dans un lieu où le recours à la contrainte est fréquent, tend à légitimer les comportements violents de la population captive.

Les personnels des unités de soins ainsi que les assistantes sociales, les personnels administratifs dans une moindre mesure, estiment ainsi qu'une conduite d'agression d'un patient envers un membre du personnel peut "parfois" être justifiée (plus de 72% des réponses, toutes catégories confondues, question n°12).

Ils pensent que nombre de ces incidents violents sont induits par un "trop plein" de frustrations qui ne sont pas toujours justifiées. Le patient serait privé de toute possibilité de négocier la prise en charge qui le concerne. Les règles de l'institution se heurtent aux droits des patients, affichés en bonne place dans chaque unité de soins, sous la forme de Charte des personnes hospitalisées. Le patient réagirait ainsi en état de défense face à une agression ressentie.

Des incohérences dans les prises en charge, liées à des difficultés de relations et de coordination interprofessionnelles, favorisent tensions et réactions violentes de la part des bénéficiaires.

D'autres facteurs sont mis en avant pour expliquer cette difficulté grandissante à absorber les comportements violents. La rigueur budgétaire imposée à l'établissement ces dernières années semble amplifier une violence quotidienne jusque là mieux tolérée. Les effectifs, infirmiers notamment, ont sensiblement décru depuis 1996. Face à une charge de travail accrue, les personnels soignants se sentent moins disponibles et moins tolérants envers les patients. Ils reconnaissent volontiers que le surmenage et le stress engendrent des réponses soignantes non réfléchies et parfois provocatrices.

Directement liés au professionnalisme, des "dérapages", des "abus de pouvoir", des "attitudes sadisantes" de la part du personnel sont identifiés comme cause de certaines réactions violentes de la part des personnes hospitalisées (question n°12).

Enfin, la diminution du nombre de lits d'hospitalisation temps plein concoure à réduire les durées de séjour mais aussi, conjoncturellement, à surpeupler les unités de soins. L'hospitalisation simultanée de plusieurs patients en crise, ou s'adonnant à des conduites addictives, est perçue comme une difficulté supplémentaire pour les personnels soignants.

Ils décrivent dans ce cadre, un "effet de contamination" des patients, qui se livrent plus facilement à des comportements violents, entre eux ou envers le personnel.

Certaines sorties sont selon eux, dictées par la nécessité d'accueillir de nouveaux entrants et non par un état de stabilisation satisfaisant. A côté des patients placés sous contrainte, s'agitant ou menaçant pour quitter l'hôpital, il est fait état d'interactions violentes avec des patients opposés à la sortie qui leur est proposée…

Il semble donc que ce n'est pas tant l'augmentation perçue de la fréquence des manifestations violentes qui est en cause à l'hôpital Sirocco mais une organisation et un fonctionnement institutionnels qui s'avèrent peu efficaces pour les prévenir et les contenir (question n°8).

b). Les protagonistes, les manifestations et le cadre de la violence

C'est au contact des patients que les personnels hospitaliers rencontrent le plus souvent de la violence (à plus de 74%), et de façon plus marquée pour les ASH, surveillants et infirmiers (respectivement 100 ; 77,77 et 72,72%). Néanmoins, près du quart repère de la violence dans les relations qu'il entretient avec d'autres professionnels. Cette tendance s'affirme en ce qui concerne les assistantes sociales, les personnels administratifs et les surveillants. Il semblerait qu'une certaine harmonie de travail prévale au sein de l'équipe restreinte, qui a tendance à s'effriter aux portes de l'unité (question n°4)…

Parmi les situations de violence rencontrées, les plus insupportables aux yeux des hospitaliers sont celles que les patients subissent (question n°7). En premier lieu, celles exercées par les personnels envers les patients (52% des réponses), puis celles définies par les phénomènes d'exclusion et d'isolement dont ils sont victimes (48%). Les personnels administratifs y sont particulièrement sensibles. Les assistantes sociales abordent plus volontiers une violence institutionnelle latente, qui, banalisée, atteint en profondeur et se révèle terriblement destructrice.

Il est intéressant de noter, en tendance générale, que moins les personnels sont intégrés au collectif soignant (c'est le cas des ASH et des administratifs), plus ils sont sensibles aux violences que les patients exercent envers les membres du personnel. Il semblerait que la tolérance à cet égard s'accroît avec la connaissance des phénomènes morbides.

En tête des violences les plus fréquemment subies figurent les insultes et les menaces (87% des réponses), à l'exception du corps des assistantes sociales qui semblent davantage souffrir de la violence exercée par l'institution sur les patients que de formes de violences exercées contre elles-mêmes (question n°5). Ensuite viennent les coups, pour les infirmiers et surveillants, le harcèlement et les humiliations pour les ASH et les personnels administratifs.

Lorsqu'on s'intéresse au seuil de tolérance en fonction du type de violence, la catégorie des coups est indiscutablement la moins tolérable, puis celle du harcèlement et des humiliations (respectivement 93,75 et 75%, toutes réponses confondues). Les coups sont "imprévisibles", voire "inexcusables" ; il est difficile de s'en protéger et d'en protéger l'entourage. Le traumatisme qui en résulte est profond, en particulier en ce qui concerne les séquelles psychologiques (question n°6).

On repère néanmoins des variations du seuil de tolérance en fonction des catégories, que des différences de fonction auprès des patients peuvent sans doute expliquer.

Les infirmiers désignent dans leur majorité, et c'est une exception, les coups comme la manifestation de violence la plus intolérable. Il n'y a là rien d'étonnant puisque leur plus grande proximité avec les patients les y confronte davantage.

Les décès et les suicides arrivent en seconde position.

Ces événements, "irréversibles", leur font violence, en les renvoyant à des sentiments d'échec et de culpabilité. Ils viennent cruellement leur rappeler les limites de leurs interventions.

Les surveillants, bien que rarement confrontés au harcèlement et aux humiliations (question n°5), semblent moins les tolérer que les coups.

Les personnels administratifs déclarent quant à eux à la fois y être le plus souvent confrontés et moins bien les tolérer.

Les commentaires consentis sur ce point (47%, en majorité de la part d'infirmiers et de surveillants) désignent le harcèlement et les humiliations comme des "éléments pernicieux" ou "pervers", qui portent gravement atteinte à la dignité humaine.

Ils auraient, de plus, la particularité d'être utilisés sciemment. Ils témoignent d'un non-respect du professionnel et d'une tentative de déstabilisation dans sa fonction.

Leur caractère insidieux les rend particulièrement difficiles "à faire reconnaître, à exprimer et à travailler en équipe".

Le harcèlement et les humiliations se rapportent pour quelques-uns à une "hiérarchie toute puissante", qui décourage, démotive et fait douter de ses propres compétences. A l'extrême, l'assujettissement à de telles pressions conduit à "l'anéantissement" de la personne et peut "briser sa carrière".

Les agents d'entretien, lesquels se disent à 100% être le plus souvent confrontés à des insultes et des menaces, les jugent également les plus intolérables. Les commentaires révèlent à la fois leur difficulté à se faire respecter par les usagers et à trouver une place au sein de l'équipe.

Nous avons été frappés par le "sentiment d'indignité" que certains d'entre eux disent éprouver (questions n°6 ; 10 et 28).

Leur rôle apparaît particulièrement ingrat en psychiatrie où les conduites de négligence et d'incurie sont très courantes. Les tâches d'entretien accomplies ne restent que très brièvement visibles, à leurs yeux, aux yeux des autres membres de l'équipe comme à ceux des usagers plus respectueux des locaux.

Les remarques faites à ce sujet sont particulièrement blessantes, d'autant plus que ces personnels n'ont souvent pas le sentiment d'être entendus et soutenus par le reste de l'équipe.

Ils ont le sentiment que ces rappels des règles collectives adressées aux patients, en matière d'hygiène et de sécurité, leur incombent presque exclusivement et les exposent à des attitudes méprisantes, insultantes, voire menaçantes.

Ce cadre de "rappel de règles", constitue de loin la situation de violence la plus marquante pour les ASH (62,5%).

Il l'est également pour les autres catégories (35% des réponses), à plus de vingt points d'écart avec le second item retenu, à savoir le contexte de l'admission (question n°10). On peut même considérer que ce pourcentage est supérieur lorsqu'on étudie les descriptions de ces situations données en exemple.

Les personnels administratifs, qui ont choisi majoritairement le contexte de l'admission comme premier facteur de risque (à 57,14%), décrivent le plus souvent des incidents liés à des problèmes d'argent : dette liée au règlement du forfait journalier, délai du tuteur pour virer des liquidités vers l'hôpital pendant la période d'hospitalisation, restrictions financières annoncées par le tuteur du fait de la situation du compte.

Il s'agit du même type de situation dans les exemples développés par les agents ayant coché la case "autre". On peut de fait légitimement rapprocher ces exemples à un contexte de "rappel de règles".

Pour les personnels para-médicaux (infirmiers et surveillants), ces rappels de la règle sont essentiellement liés au respect du règlement intérieur de l'unité et des contraintes inhérentes à la vie communautaire (usage du tabac, détention et consommation de toxiques, application des consignes médicales en matière de visites et de communications téléphoniques, respect des biens et de la tranquillité d'autrui).

Ces rappels ne s'adressent pas uniquement aux patients mais aussi à leurs visiteurs qui ne les admettent pas toujours mieux. C'est avec ces derniers que les infirmiers rencontrent, après les hospitalisés, le plus souvent de la violence, comme nous l'avions constaté dans les réponses à la question n° 4.

Nous retrouvons en second les situations de soins non consentis (mise - ou maintien - en chambre d'isolement, administration de traitements injectables), comme nous l'avons développé en première partie d'analyse (question n°10).

Remarquons que rares sont les situations de violence dont le motif ne peut être identifié : trois infirmiers sur les trente deux ayant répondu à la question n°10, deux surveillants sur neuf et deux ASH sur huit ne s'expliquent pas l'acte violent.

Les réponses à la question ouverte n°22 confirment cette impression : près de 80% des personnes interrogées sont en mesure de citer trois facteurs qui, selon eux, favorisent la survenue d'incidents violents.

Nous retrouvons dans ces facteurs, ceux décrits à la question n°2, qui demandait en quoi l'exercice en milieu psychiatrique constituait un facteur de risque en matière d'exposition à la violence. La question n°22 présente l'intérêt de les classer par ordre d'importance.

Sont ainsi cités à égalité, comme facteurs favorisants la survenue d'incidents violents dans les services, les problèmes liés aux manques de cohérence dans les prises en charge et de cohésion dans l'équipe de soins ; la présence de personnes toxicomanes, psychopathes et persécutées et les problèmes liés aux traitements imposés.

Immédiatement après est évoqué le "sous-effectif soignant", entraînant un sentiment d'insécurité, une surcharge de travail, de la fatigue et un manque de disponibilité auprès des patients.

Le troisième facteur concerne les conditions d'hospitalisation : enfermement, promiscuité, restriction des libertés individuelles et conduites d'irrespect de la part du personnel.

A propos de l'enfermement, la majorité des hospitaliers questionnés, et dans une plus grande proportion les infirmiers et surveillants, estiment qu'il y a moins de violence dans les unités de soins ouvertes (question n°23). La question étant mal formulée, nous nous sommes servis des commentaires libres pour dégager le lien de causalité : c'est bien l'ouverture qui, selon les paramédicaux, a une vertu apaisante en la matière (questions n°22 et 28).

Cette première partie d'analyse nous a permis de définir à quels types de violence les hospitaliers étaient confrontés et quelles étaient, selon eux, les conditions d'émergence (question n°18).

Insultes, menaces et coups, en portant atteinte à l'intégrité physique et/ou psychologique et en brisant une règle établie, constituent des violences pour les personnes interrogées.

Comme nous l'indiquent les réponses aux questions n°16 et 18, il existe cependant une différence entre agressivité et violence. Cette différence n'est pas une différence de nature mais une différence de degré. L'agressivité est perçue comme un pallier précédant la violence. Elle est de l'ordre de l'émotion et s'observe dans le ton et dans le regard. En ayant une adresse, l'agressivité reste dans le champ de la communication

La violence est davantage définie par le contenu verbal et le comportement. Elle témoigne d'une perte de contrôle et n'a pas d'intention relationnelle.

Nelly Derabours

- Sixième partie : analyse et conclusion