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Deuxième partie :
DE L'ETYMOLOGIE A LA VIOLENCE UNIVERSELLE…

- Première partie : introduction


La construction historique du mot violence (1)

Le mot violence (1215) est emprunté au latin classique violentia qui désigne un "caractère emporté, farouche, indomptable", et, en parlant du vent ou d'un vin, une "force violente", dérivé de violentus.

Au XVI e siècle, le mot se dit de l'abus de la force pour contraindre, en particulier dans "faire violence à quelqu'un" (1538).

Violence reprend le sens latin de "force irrésistible, néfaste ou dangereuse" (1600) puis s'emploie en parlant de l'effort que l'on fait sur soi, en particulier dans "se faire violence" (1662).
Il désigne, par métonymie et d'abord au pluriel, un "acte brutal", "un acte de violence". De là l'emploi sorti d'usage pour "viol", faire violence à une femme, par exemple, c'est à dire "la violer"(1748).
Violence s'applique également à un sentiment (la violence d'une passion) ou à un phénomène (la violence d'un ouragan) d'une particulière intensité ainsi qu'au langage, avec la valeur de "caractère excessif" (1774).
L'adjectif violent, ainsi que le verbe violer, sont dérivés de vis, qui désigne d'abord "la force en action". Le pluriel vires désigne lui concrètement les forces physiques, en particulier les forces militaires.

Vis, à partir de Cicéron, traduit les valeurs techniques du grec dunamis : "dynamique, vigueur, puissance", mais aussi "vertu, valeur, abondance, essence ou caractère essentiel d'une chose ou d'une personne". Vis est intimement lié à l'idée même de la vie, à la force vitale.
Au commencement du mot violence il y a donc le mot vie…

L'hypothèse d'un instinct violent fondamental

""Violence" découle en effet de la lignée des radicaux indo-européens, grecs et latins, qui correspondent à l'idée de "vie", de vital, de naturel chez tout être vivant. […] La violence en quelque sorte, c'est la vie"…

La violence, telle que définie par J. Bergeret, est naturelle et primitive.

Pour cet auteur, elle est présente au tout début de la vie, assimilable à l'instinct de survie, d'auto-conservation.
Cette violence appartient au registre archaïque, elle se caractérise par un "ou moi ou lui".
La violence instinctuelle primaire est distincte de l'agressivité et de la haine, qui elles, résultent d'une érotisation.
Cette violence première est d'ordre narcissique, elle ne comporte aucune composante érotique.

Elle est antérieure à la reconnaissance d'un sujet extérieur et affectivement neutre :

"La violence demeure une pure protection d'un sujet en voie d'autonomisation, c'est à dire de constituer un "soi" primitif qui pourra par la suite devenir progressivement un "moi" au sens classique du terme" (2) .

La violence primitive ne vise pas au plaisir mais à la défense de soi.

Idéalement, dans cette conception, la violence fondamentale s'intègre secondairement à la problématique libidinale. Une bonne intégration au sein du courant génital ouvre l'accès aux investissements d'objets extérieurs, aux capacités créatrices. L'échec de la structuration Oedipienne conduit au contraire au maintien dans l'arbitraire du désir de l'autre. C'est ce qui, dans la théorie psychanalytique, distingue en partie la structure psychotique de la structure névrotique.

Pour J. Bergeret, les violences, ou exactions violentes, résulteraient donc de la non-intégration de la violence fondamentale. Il précise que "cette intégration n'est jamais complète, parfaite et définitive. […] on peut voir la violence primitive réapparaître, à l'échelon individuel ou collectif, à l'occasion de conflits économiques ou sociaux, de guerres, de révolutions, où la problématique fondamentale se trouve clairement ravivée : eux ou moi?" (3)

Les actes de violence, dans cette acception, témoigneraient d'une résurgence de peurs archaïques, et constitueraient une défense en réponse à une menace de destruction de son être.

C'est ce qu'illustre parfaitement la notion de légitime défense, dans laquelle le recours à la violence est admis.

(à suivre)

Nelly Derabours

Bibliographie

1- Grand dictionnaire de la langue française, LAROUSSE, Vol. 7, 1989, p.6489 et 6490 et Dictionnaire historique de la langue française, LE ROBERT, 1992, p. 2260 et 2261.

2- BERGERET (J), "L'analité et la maîtrise", Rev. Franç. Psychanal., 3/1995.

3- BERGERET (J), "Quelques repères théoriques sur la psychopathologie de la violence", Psychologie médicale,

Troisième partie : les définitions de la violence.

Quatrième partie : violence et folie

Cinquième partie : Enquête à l'hôpital Sirocco

Sixième partie : analyse et conclusion


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