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Réflexions autour des activités psychosociothérapiques

Seconde partie :    Généralités

Première partie : Argumentaire

En suivant, l’argumentation de nos collègues de Rouffach, nous énoncerons que les activités psychosociothérapiques, souvent appelées " activités " pour simplifier, représentent un moment privilégié dans la relation avec le patient. Les techniques d'entretien classiques atteignent vite leurs limites avec des patients qui verbalisent peu voire pas du tout leur ressenti.

L'infirmier est confronté quotidiennement aux difficultés qu'éprouve le malade à s'exprimer avec la parole et/ou le corps. L'activité peut être. proposée en complément aux entretiens médicaux, infirmiers, ou psychothérapiques, en tant que support de la parole et médiation de la relation. Elle peut également être considérée comme une modalité thérapeutique de première intention

Le fonctionnement des activités s'appuie sur des concepts simples. Il s'agit, à partir des centres d'intérêt du patient, d'utiliser les activités comme support de la relation dans une perspective thérapeutique. Les activités sont une approche de l'Etre, elles concernent son corps perceptif et sensoriel, affectif et relationnel, imaginaire et symbolique.

En tenant compte des composantes biologiques et psychiques de l'être humain, les activités visent à agir sur l'affectivité, le psychisme du sujet et à contribuer à son bien-être physique.

Les activités sont nombreuses, variées, pratiquées individuellement ou en groupe. Leur réalisation dépend des capacités physiques, intellectuelles et psychologiques des patients. Elles dépendent d'une façon encore plus prégnante de la capacité d'imagination de l'infirmier et de sa capacité à susciter l'intérêt du patient pour lui proposer un temps où cet intérêt puisse être conservé voire stimulé.

Sur un plan théorique, les activités se pensent en mobilisant des références complexes (psychanalyse par exemple) ou beaucoup plus simples voire simplistes.

Ainsi, énonce-t-on que la nature des activités prend en compte les gestes et habitudes de la vie quotidienne, les besoins de base (manger, boire, dormir ...), les besoins de sécurité (sentiments d'angoisse, problèmes matériels ...), les besoins sociaux (liens affectifs, relationnels ...), les besoins d'estime (être reconnu...), les besoins de se réaliser (progresser, se développer ...) -selon la pyramide de Maslow.

On s'aperçoit vite qu'en réalité tout est et tout peut servir de "prétexte" à la réalisation d'une activité. (3)

" L’ensemble des techniques visant à améliorer les communications entre un sujet et son entourage à partir de situations de groupe qui se rattachent à celles de la dynamique de groupe ou résultent d'activités sociales menées en commun  " (4) peut être considéré comme psychosociothérapique.

Cadre réglementaire

Le décret du 17 Juillet 1984, relatif à la profession d’infirmier, en définit le champ de compétence par :

- un rôle propre infirmier qui comprend les notions de "  relation d’aide thérapeutique " et "  d’organisation d’activités occupationnelles à visée thérapeutique " (article 3);

- un rôle délégué exercé sur prescription médicale (article 4). Cet article stipule que l’infirmier "  participe au sein d’une équipe thérapeutique aux techniques à visée psychothérapique individuelle ou de groupe ".

Le décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier élargit le champ de compétence infirmier et redéfinit ses limites. Il renforce notamment les soins en santé mentale en précisant dans son article 3 la notion " d’organisation et animation d’activités à visée sociothérapique ". Le terme occupationnel a disparu.

Les auteurs de l’étude de Rouffach remarquent qu’il est parfois difficile d’assumer un rôle propre, d’oser mettre en œuvre les activités et d’engager ainsi sa "  propre " responsabilité.

La mise en place d’activités dans le cadre du rôle propre nécessite une réelle compétence infirmière permettant de dégager à partir d’une analyse, les problèmes de santé d’un patient et les activités entrant dans son projet thérapeutique, mais également des capacités de gestion et d’organisation.

Leur réalisation suppose des possibilités de remise en question personnelle, afin que l’activité ne devienne pas un but en soi, une échappatoire à la rencontre avec le patient, une source de satisfaction narcissique pour le soignant. " (3)

Certaines attitudes desservent les activités :

Hypothèses

Ces différents points, avec lesquels chacun peut être en gros en accord et qui constituent le degré minimum de réflexion sur le sujet, ont conduit l’équipe de Rouffach à poser l’hypothèse suivante :

" L’importance qu’accordent les infirmiers aux activités est liée à la considération qu’ils ont des activités comme un soin à part entière et à son inscription dans un projet thérapeutique. "

Telle n’est pas notre hypothèse. Nous sommes convaincus que les infirmiers de notre secteur (comme la plupart des autres) considèrent les activités psychosociothérapiques comme un soin à part entière inscrit dans le projet thérapeutique institutionnel, et dans le projet thérapeutique de chaque patient. Ceci étant posé, deux ans de travail dans les Unités fonctionnelles d’hospitalisation, nous ont conduits à constater que ceux-ci n’animent pas ou peu d’activités. Pourquoi ?

Nous émettons l’hypothèse que tant que l’institution ne sera pas organisée pour favoriser la réalisation d’activités, les infirmiers ne pourront, malgré leur bonne volonté les assumer.

Nous avons utilisé le questionnaire "  Rouffach " pour tenter de vérifier cette hypothèse. En comparant les réponses "  Quatorzième secteur " aux réponses obtenues dans 64 hôpitaux psychiatriques, nous obtenons un écart dont l’analyse s’avérera pertinente.

La fiabilité des réponses au questionnaire Rouffach peut être remise en cause. En adressant leur questionnaire aux équipes, les infirmiers de Rouffach ont obtenu des réponses médianes ou de consensus. Remplis par un cadre ou par deux ou trois personnes, ces réponses ne traduisent pas la réalité des pratiques, mais uniquement l’idée que ces trois personnes se font de ces pratiques. Seuls des questionnaires adressés individuellement permettraient de se rapprocher de la réalité des pratiques. Il serait possible, afin d’éviter ce biais, de se référer uniquement aux réponses obtenues à l’hôpital même de Rouffach qui sont, elles, individuelles.

Cela ne serait pas davantage satisfaisant, l’extra-hospitalier y est sous-représenté : Hôpital de jour (6%), Equipe extra-hospitalière (3%) alors que pour les autres établissements on compte 25 % de réponses d’infirmiers et de cadres-infirmiers exerçant en hôpital de jour et 22 % de réponses d’infirmiers et de cadres-infirmiers travaillant en équipe extra-hospitalière. Nous regrettons d’une façon générale que l’exercice extra-hospitalier soit si peu différencié. Les pratiques des soignants exerçant en CMP, en CAC (Centre d’Accueil et de Crise appelé CATEB dans notre secteur), en CATTP (Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel), en Studio relais, en appartement thérapeutique apparaissent nécessairement différentes du point de vue des activités; il n’est donc pas logique de les mélanger.

Le travail accompli par la Commission du Service de Soins Infirmiers à Esquirol est à cet égard exemplaire.

Il aurait, par ailleurs, été intéressant de croiser les réponses, par structure, par années de formation, par âge, voire par région. Pour des raisons méthodologiques, ce travail n’a pas pu être fait. Il s’agit des limites d’une étude qui est, ceci mis à part, remarquablement intéressante.

Si 63 % d’infirmières ont répondu à l'enquête nationale, 80 % ont répondu à l'enquête locale, ce qui tendrait à montrer une sous-représentation de la gent masculine au sein du secteur, tous les infirmiers hommes ayant répondu au questionnaire.

La pyramide des âges est équivalente dans les deux enquêtes 59-63 % de 31-50 ans.

Il nous a semblé intéressant de centrer les années de diplôme sur les contenus différents de formation : avant 72, 73-82, 83-92, et depuis 93. Les collègues de Rouffach n'ayant pas ce choix, les deux questionnaires ne sont pas tout à fait comparables sauf pour les années 1983-96. Dans le secteur 13 % d'infirmiers diplômés avant 1972, 33 % de 1973-82, 24 % de 1983-92 et 15 % depuis 1992 ont répondu au questionnaire.

Si les infirmiers du secteur ont le même âge que ceux de l'enquête nationale, ils ont en général moins d'ancienneté dans la fonction : 39 % sont diplômés depuis 1983 contre 13 %. Cette différence peut également expliquer les écarts entre les deux enquêtes.

Exploitation des données

Les pourcentages utilisés dans les Unités Fonctionnelles du Quatorzième secteur n’ont qu’une valeur indicative, ils n’ont pas de valeur en soi. Ils n’ont d’autre but que de nous permettre de mesurer un écart entre les résultats obtenus dans les 64 hôpitaux et ceux de notre secteur.

A - Type d'Unité :

Unités

Intra

HDJ

CATEB

CATTP+CMP

Total Esquirol

Total (France)

Unité d’admission

22 (100%)

1 (14%)

1(10%)

1(17%)

25 (55%)

42%

U.F. patients chroniques

11 (50)

     

11 (24%)

32%

U.F. géronto- psychiatrie

5 (24%)

     

5 (11 %)

22%

HDJ

 

8 (100%)

   

8 (18%)

20 %

CMP

     

5 (83%)

5 (11%)

 

CATEB

   

10 (100%)

 

10 (22%)

 

CATTP

     

2 (33%)

2 (4 %)

 

Studio Relais

 

1 (7%)

   

1(2 %)

 

Avant d’analyser les réponses obtenues, nous noterons l’importance du taux de retour (70%) comparable à celui obtenu pour l’enquête générale. Rappelons pour mémoire qu’à Rouffach le taux de retour a été de 54 %.

Les réponses obtenues en France montrent que la plupart des unités admettent des patients sans tenir compte de leur âge, pathologie ou durée d’hospitalisation. En effet le total des réponses par type d’unité dépasse les 100 %. Ce constat est vérifié au sein du quatorzième secteur.

Si tous les infirmiers interrogés en Intra définissent leur unité comme une unité d’admission, 50 % d’entre eux estiment travailler aussi dans une unité de patients chroniques, ce qui mérite d’être réfléchi; et 24 % de ceux-ci définissent leur unité comme étant également une unité de géronto-psychiatrie ce qui est infirmé par la réalité mais montre que le passé dure longtemps.

Si 38 % des réponses émanent d’équipe extra-hospitalières pour les réponses générales, ce nombre passe à 51 % pour le secteur, illustrant ainsi l’importance du développement des structures extra-hospitalières.

Ce chiffre montre, par ailleurs, que dans des secteurs tels que le nôtre, l’intra-hospitalier n’a plus, en nombre de soignants la première place.

Si nous nous intéressons au retentissement des différentes structures sur l’ensemble du questionnaire, nous aurons :

U.F. Intra : 49 %

CATEB : 22 %

HDJ : 18 %

CMP : 11%

CATTP : 4,50 %

Studio relais : 2 %

Le total est supérieur à 100 % trois soignants travaillant dans deux structures.

B- Où sont utilisées les activités ?

Lieu d'utilisation

Intra

HDJ

CATEB

CATTP+CMP

Total Esquirol

Total (France)

Hôpital

20 (91%)

4 (57%)

9 (90%)

 

33 (73%)

84%

Secteur

20 (91%)

3 (43 %)

9 (90%)

3 (50%)

35 (78%)

82%

Unité

13 (59%)

7 (100%)

0

4 (67%)

24 (53%)

84%

Au niveau de l’enquête générale, les activités sont massivement utilisées dans les différents hôpitaux, dans les différents secteurs ainsi que dans les différentes unités (82 à 84 %). Pour les deux premiers points, au niveau du secteur, les chiffres sont comparables, voire même supérieurs. En revanche, nous percevons des différences au niveau des unités, ce qui justifie le croisement proposé.

Nous nous rendons compte que les activités psychosociothérapiques ne sont pas utilisées au CATEB, ce qui apparaît logique vu le projet de cette structure. Ce premier résultat nous conduit à tempérer les résultats généraux. Si le CATEB qui regroupe 22 % des infirmiers interrogés n’utilise pas les activités, il sera difficile d’obtenir un score de 84 % pour le total de l’enquête.

A l’inverse, chaque infirmier de l’hôpital de jour et du CATTP pratique des activités psycho-sociothérapiques, conformément au projet de ces deux structures.

Au CMP, la situation est plus complexe, certains infirmiers utilisent les activités, d’autres non. Il existe plusieurs façons de soigner dans un CMP : centrer sa pratique soit sur les entretiens d’orientation et d’accueil, soit sur les visites à domicile (faut-il les considérer comme des activités ?), soit sur des accompagnements, soit sur des activités de groupe à vocation sociothérapique avec toutes les synthèses possibles entre ces différentes façons de procéder.

C’est souvent l’histoire du CMP et les goûts des soignants qui font la différence. En tout cas la diversité des structures est telle qu’il est difficile de statuer quant aux activités.

Il est difficile en intra, de se faire une idée exacte des pratiques en raison du manque de précision de la question.

Que ce soit au CMP, au CATTP ou à l’Hôpital de Jour, les activités sont aussi bien animées par les infirmiers que par d’autres membres de l’équipe, il en va différemment en intra où les activités sont quasi essentiellement animées par ergothérapeutes, psychomotricienne, éducatrice et psychologue. Seules deux activités sont animées par des infirmiers : "  Quoi de neuf dans le monde? " (Revue de presse) et le journal. Si celles-ci ont lieu dans l’unité, elles ne sont pas pratiquées par des soignants de l’unité.

Il est ainsi possible de répondre de plusieurs façons à la question posée, d’où l’écart enregistré. Précisons également qu’aucune activité "  infirmière " n’est organisée dans une des trois unités.

Ces réserves faites, nous observons finalement peu de différences entre notre secteur et le reste de la France.

Un autre écart est intéressant à noter : le nombre de non-réponses concernant l’existence d’activités dans l’hôpital et dans le secteur : Hôpital de jour (43 et 57 %), CATTP et CMP (100 et 50 %).

C - Quel genre d’activité ?

Genre d'activités

Intra

HDJ

CATEB

CATTP+CMP

Total Esquirol

Total (France)

corporelles

14 (64%)

7 (100%)

0

2 (33%)

23 (51%)

79 %

expression

12 (54,50%)

7(100%)

0

5 (83%)

24 (53%)

67 %

ergothérapique

16 (73%)

6 (86%)

0

 

22 (49%)

50 %

socioculturelle

16 (73%)

7 (100%)

0

6 (100%)

29 (64 %)

87 %

jeux de société

19 (86%)

7 (100%)

0

1 (17%)

27 (60%)

 

autres :

8 (36%)

1 (14%)

0

 

9 (20%)

37 %

Les réponses sont nombreuses et confirment la diversité des activités proposées. La lecture des chiffres montre un écart important (14 à 18 %) entre le 14ème secteur et le reste de la France pour toutes les activités proposées.

Les activités corporelles sont utilisées en Intra, à l’hôpital de jour et au CATTP mais peu au CMP, ce qui est logique, vue la mission du CMP. C’est à ce niveau que l’écart est le plus important même en déduisant les réponses des infirmiers du CATEB.

Les activités d’expression sont proposées à l’hôpital de jour, au CATTP et au CMP mais moins en Intra. Si nous ne tenons pas compte des réponses du CATEB, nous aurons des réponses similaires pour les deux enquêtes (68,50 % contre 67 %).

Il en va de même pour les activités socioculturelles, pratiquées à peu près partout; sans le CATEB, les réponses sont comparables (83% contre 87%).

Nous avons rajouté un item supplémentaire : "  jeux de société " qui était compris dans les activités socioculturelles. La démarche qui préside aux jeux nous semble assez différente : les jeux peuvent se pratiquer dans pratiquement toutes les structures, à des heures "  libres ", n’impliquent pas un déplacement hors de l’unité, ni la mise en place d’une infrastructure lourde. Ils peuvent, enfin, être utilisés dans un CATEB. Les réponses montrent que cet item était pertinent puisqu’il arrive en seconde position dans le secteur (en première en Intra). Mais contrairement à ce que nous pensions, aucun infirmier du CATEB ne les mentionne, ce qui est étonnant. Il nous paraît difficile d’imaginer qu’aucun jeu de société (" Scrabble ", jeux de cartes, " trivial pursuit " ou autre) n’est proposé à des patients qui sont certes hospitalisés pour une durée brève mais n’en éprouvent pas moins la longueur du temps et notamment le week-end

Cela tient-il au fait que ces jeux de société ne sont pas considérés comme une activité mais comme un jeu, à une lecture trop rapide de la question, au souhait de montrer qu’aucune activité n’est utilisée ? Question ouverte.

Les activités ergothérapiques sont quant à elles, moins représentées, mais cela tient également à l’imprécision du terme, un groupe piscine animé par un ergothérapeute est-il un groupe piscine ou un groupe ergothérapique? A quel sens du mot ergothérapique nous référons-nous : au sens premier de soin par le travail et dans ce cas nous évoquerons des activités manuelles telles que la menuiserie, le tissage, la poterie, la vannerie voire peu créatives telles que la forge, la peinture en bâtiment, etc. ou au sens d’activité animée par un ergothérapeute et nous aurons dans ce cas bien du mal à les différencier de certaines activités " infirmières " telles que cuisine, pâtisserie, théâtre, équitation, etc., etc.

Ni au CATEB, ni au CMP, il n’y a d’ergothérapeute, il n’y a donc pas d’activités ergothérapiques. Au CATTP et à l’Hôpital de jour, il y a des ergothérapeutes, les infirmiers répondent donc par l’affirmative à l’hôpital de Jour et par la négative au CATTP, ce qui semble colorer d’une certaine façon la collaboration entre les deux professions. En Intra, la situation apparaît plus complexe, les ergothérapeutes n’intervenant pas directement dans l’unité et aucune activité ergothérapique n’étant proposée par les infirmiers. 16 infirmiers ont répondu oui, ils auraient pu tout aussi légitimement répondre non.

 

 

(A suivre !)

 

Dominique Friard

Troisième partie : Suite de l'enquête

Quatrième partie : analyses et commentaires

Cinquième partie : L'hôpital de jour, un modèle de référence
Sixième partie : Conclusion

 


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