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Réflexions autour des activités psychosociothérapiques
L'hôpital de jour, un modèle de référence

- Première partie : Argumentaire
- Deuxième partie : Généralités
- Troisième partie : suite de l'enquête
- Quatrième partie : Analyses et Commentaires

L'hôpital de jour, un modèle de référence

Après avoir déblayé le terrain, il nous est facile de rebondir à partir des deux questionnaires.

Nous pouvons schématiquement repérer quatre lieux avec des pratiques, des manières de penser les activités très différentes : le CATEB, l'intra-hospitalier, le CATTP/CMP, l'hôpital de jour.

Au CATEB, lieu de l'accueil et d'une certaine forme d'urgence, lieu d'accueil bref, aucune activité n'est pratiquée.

En Intra, lieu de l'urgence et lieu d'accueil long (par rapport au CATEB), peu d'activités sont pratiquées par les infirmiers, essentiellement des activités socioculturelles ponctuelles.

Au CATTP et au CMP, structures très différentes, les activités sont programmées, planifiées mais non systématisées tant sur un plan théorique que pratique.

L'hôpital de jour, au sein duquel les activités sont pensées, théorisées, planifiées, constitue notre modèle de référence (uniquement pour cette enquête).

Les activités à visée sociothérapique seront proposées par l’équipe infirmière, sur l’initiative d’un infirmier référent, par l’équipe qui anime l’activité, par l’équipe pluridisciplinaire (ce qui suppose que ces activités soient bien intégrées à la vie du secteur) et éventuellement sur prescription médicale s’il s’agit d’un engagement contractuel. Les activités à médiation artistique et celles à visée psychothérapique seront proposées sur prescription médicale, par l’équipe d’activité spécifique, par l’équipe pluridisciplinaire, par l’équipe infirmière ou par l’infirmier référent. Après avoir digéré les spécificités de chaque activité et celles des différentes professions et formations, au sein d’une équipe pluridisciplinaire qui met en commun les informations, échange à partir de références cliniques savoir qui propose importe alors peu, ce qui compte c’est qu’il s’agisse d’un projet de soin institutionnel auquel le patient et chaque membre de l’équipe adhère. Loin d’être une fiction ce cas de figure se rencontre à l’hôpital de jour. L’institution favorise alors la prise d’initiative individuelle, elle l’enveloppe et la contient. L’intra-hospitalier proposerait le cas de figure inverse.

Quelle que soit la façon dont les activités sont planifiées, il est nécessaire que des activités ponctuelles puissent être proposées. Sans cette possibilité le dispositif de soin apparaîtrait comme bloqué, fonctionnant comme une chape de plomb qui interdirait toute initiative individuelle. Il faut pouvoir proposer des moments exceptionnels, non programmés. Il faut pouvoir profiter des opportunités (Fête de la musique, Temps des Livres, Marche pour la Vie, billets de spectacle gratuit, etc.). Ces activités ponctuelles ne s’opposent pas nécessairement au souci de lier les activités à un projet thérapeutique, au contraire. Elles peuvent être l’occasion de rencontres avec le milieu social, avec ses ressources. Evaluées, elles prennent place dans le projet thérapeutique du patient, permettent de réaménager la démarche de soins. Il faut simplement éviter que ces activités ponctuelles soient les seules proposées dans un lieu de soin. Si en intra-hospitalier, les activités ponctuelles prédominent (celles animées par des infirmiers), à l’hôpital de jour, elles cohabitent avec un emploi du temps très structuré (séjours thérapeutiques, après-midi jazz, jeux de société, accompagnements, etc.).

Planifiées à la semaine les activités ne peuvent être que ponctuelles. La régularité implique un rythme plus long de planification. Le CMP et le CATTP proposent un rythme mensuel, l’hôpital de jour un rythme annuel. Nous avons vu que cette planification n’interdisait en rien la pratique d’activités plus ponctuelles.

Confrontés à la nécessité de rendre possible une activité régulière sur une période longue, le cadre et l’équipe font en sorte de prévoir qui sera disponible pour l’activité, qui sera disponible pour les autres soins. Une telle planification n’est possible qu’au sein d’une équipe qui a des objectifs communs, qui a établi un projet de soins global dont l’activité proposée est un élément important. Il est évident que si un soignant ou une fraction de l’équipe n’adhère pas au projet, il sera impossible de planifier l’activité.

La réalisation d’activités ne peut donc être une chasse gardée, un domaine réservé à certains infirmiers excluant d’autres infirmiers.

Cette organisation implique une attention soutenue aux différents dysfonctionnements, aux conflits qui viennent diviser une équipe, soit un véritable travail institutionnel.

Si l’immense majorité des infirmiers estiment que l’animation d’activités fait partie de leur rôle propre, ils sont finalement assez peu à reconnaître celles qui dépendent de leur rôle délégué.

La notion d’équipe spécifique nous interroge également. Ce n’est pas parce qu’une équipe est décrite comme pluridisciplinaire que le travail qui s’accomplit est pluridisciplinaire. L’hôpital de jour, le CATTP, le CMP sont de véritables équipes pluridisciplinaires : ergothérapeutes, éducateurs, infirmiers, psychologues co-animent des activités et s’enrichissent mutuellement. Il n’en va pas de même en Intra où existe la notion d’équipe spécifique. Dans un groupe lorsqu’on est soignant, on ne peut pas être là en dépannage, on est co-animateur, responsable où on est rien.

A la notion d'infirmier responsable nous préférons celle d'infirmier référent. Les activités ont en général deux à trois soignants référents, tous n'ont pas nécessairement la même responsabilité au sein de l'équipe. Il est ainsi évident qu'un psychothérapeute n'aura pas le même niveau de responsabilité qu'un infirmier même si tous deux sont référents de l'activité.

L'insertion des activités dans le soin

Nous avons vu comment les activités étaient proposées, il nous reste à voir pourquoi.

La prescription ou la proposition d'activités ne dépendent pas seulement de l'impact thérapeutique recherché, elle prennent également en compte les centres d'intérêt du patient, ses possibilités intellectuelles, ses capacités créatives (souvent sous évaluées), ce qui reste vivant en lui (souvent lié d'une façon ou d'une autre au délire). Elles s'étayent pour les infirmiers sur la démarche de soins.

C'est ainsi que face à une incapacité d'effectuer ses soins d'hygiène liée à une perturbation de l'image du corps il pourra être souhaitable de proposer un groupe piscine (corps plaisir), un groupe terre (en se projetant sur l'objet le patient se reconstruit en construisant/reconstruisant sa pièce), un groupe d'entraînement aux habiletés sociales, etc. Ces activités seront proposées selon les possibilités offertes par le service. Leur pertinence doit être régulièrement examinée. Rien de pire que ces groupes poterie proposés années après années à des générations de patients psychotiques. Ils finissent par n'être que chronicisants.

Les activités ne pourront être considérées comme des soins que si elles répondent à des indications les plus précises possibles, qu’elles impliquent un rythme (l’équivalent d’une posologie pour les médicaments), qu’elles aient des effets thérapeutiques (autant que possible mesurables), des effets secondaires (éventuellement), et une durée de prescription.

L'évaluation doit s'effectuer en post-groupe après chaque séance et donner lieu à un compte-rendu écrit. Cette évaluation doit être le fruit de l'observation et de la réflexion des soignants référents. Le document écrit peut être un document spécifique (recueil de données), un cahier propre à l'activité. Il doit permettre de mesurer l'évolution du groupe, de chaque patient au sein du groupe tant en terme de production que d'interactions. Ce document peut également être le dossier de soins infirmiers individualisé.

La transmission écrite est la plupart du temps insuffisante. Elle doit être relayée par une transmission orale inter équipe et pluridisciplinaire lors de flashs (ou staffs) réguliers.

Chaque groupe de soignants référents doit effectuer des synthèses régulières qui permettent d'enrichir une présentation de cas, des synthèses cliniques centrées sur un patient donné de telle sorte que ce qui se vit au sein du groupe contribue à faire rebondir l'ensemble de la prise en charge.

Les difficultés rencontrées dans la participation des infirmiers aux activités sont indéniables.

Contrairement à ce qui est énoncé, elles ne paraissent pas seulement dues au manque de personnel et à l’importance de la charge de travail. Aucun professionnel n’énonce qu’il ne distribue pas les traitements prescrits, ou qu’il n’effectue pas les traitements retards par manque de personnel ou en raison d’une charge de travail trop importante.

Si la participation aux activités est insuffisante, c’est parce que ces activités sont systématiquement perçues comme moins importantes qu’un médicament ou qu’un soin technique. A importance égale, ces activités seraient effectuées.

Répétons le, ces activités sont plus importantes que les soins techniques prescrits. Elles sont le principal moyen d’éviter les réhospitalisations, les rechutes. Le traitement prescrit est efficace lorsqu’il est pris, si un patient abandonne toute prise dès sa sortie, il rechutera et sera de nouveau hospitalisé.

Le traitement prescrit implique souvent une inhibition, une perte d’initiative. Confrontés à cette perte d’initiative, à la survie grise qui en découle, de nombreux patients se retrouvent isolés, incapables d’assumer un rôle social et abandonnent toute prise médicamenteuse. L’entraînement aux habiletés sociales permet d’éviter, de ralentir, de dépasser ces troubles souvent décrits comme " résiduels ".

Si l’hospitalisation ne s’accompagne pas d’un début de travail sur soi, la rechute est fréquente, les activités qui permettent l’expression des conflits psychologiques renforcent le mieux-être, le patient ressort de l’unité plus fort, plus conscient de lui-même, de ses difficultés, de ses zones de fragilité.

Il vaut mieux permettre à un patient de s’exprimer, de jouer ses conflits dans un cadre contenant, dans un cadre qui propose une certaine forme de transgression que de le laisser vivre ces mêmes conflits dans le registre du passage à l’acte. C’est plus économique tant en personnel mobilisé, qu’en burn out, qu’en arrêt de travail, qu’en terme de satisfaction au travail.

Il ne sert à rien de distribuer des neuroleptiques, si cette distribution ne s’accompagne pas d’un travail relationnel intensif.

Si l’importance de ces activités était clairement perçue chaque lieu de soin donnerait aux infirmiers les moyens de les effectuer. Cela impliquerait que chaque unité ait un projet de soin dans lequel les activités aient une véritable place.

Ce projet implique évidemment que chaque membre de l’équipe adhère au projet de soin global de l’unité Cette adhésion suppose que ce projet soit le fruit du travail de chacun et non pas l’élucubration d’un cadre-infirmier supérieur ou du cadre de l’unité.

L’encouragement réservé aux activités ne se traduit pas en mots mais en actes.

Lorsque l’on est médecin, encourager la participation infirmière aux activités ne coûte rien.

Un véritable encouragement suppose un travail clinique authentique qui ne se réfère pas qu’aux molécules les plus appropriées mais à une prise en compte en profondeur des troubles du patient. Face au patient réel, le psychiatre essaie de prescrire ou de suggérer l’utilisation des activités les plus adaptées. Il donne la parole aux référents des activités, s’enquiert de leur démarche, rebondit à partir de ce qu’ils amènent, prolonge leur réflexion, propose la création d’activités nouvelles. Autrement dit, l’attitude du médecin n’est pas une attitude d’encouragement mais de reconnaissance faite d’attentions, de prise en compte de la parole et des comptes-rendus des différents référents.

De la même façon, l’encouragement du service infirmier ne se limite pas aux paroles mais doit se concrétiser par des actes sur lesquels nous reviendrons. Favoriser la formation continue, la démarche de soins, l’utilisation des diagnostics infirmiers sont les pistes les plus évidentes, nous en proposerons d’autres.

Les directions ont également un rôle important à remplir : insister sur la formation initiale, s’assurer que le service de formation continue propose des actions centrées sur la pratique des activités, éviter que la création des structures extra-hospitalières ne s’effectue aux dépens du fonctionnement des structures déjà existantes, favoriser la création d’expositions ouvertes sur l’extérieur, ouvrir les colonnes des journaux d’établissement à des articles relatant ces expériences diverses, etc.

Il serait possible de nous objecter que ces quelques points constituent une sorte de clinique fiction. Nous rappellerons que ce chapitre se réfère directement à notre modèle de référence : l’hôpital de jour dont nous avons décrit le fonctionnement moyen (selon les aléas institutionnels).

Si nous revenons aux hypothèses de départ, nous voyons que ce n’est pas parce que les infirmiers considèrent les activités comme des soins à part entière inscrits dans un projet thérapeutique qu’ils se positionnent en référents d’activités. Les activités ne seront animées que si elles sont considérées comme des soins prioritaires. Ce n’est que dans les lieux organisés pour favoriser la réalisation de ces activités qu’ils ont la possibilité réelle de les assumer.

S’il apparaît évident que tous les lieux de soins (CAC, Foyers, Appartements relais ou thérapeutiques) ne sauraient favoriser l’utilisation des activités à des fins thérapeutiques, pourquoi les unités intra-hospitalières ne permettent-elles pas ces activités dont nous avons vu l’intérêt ?

L’insuffisance de la formation initiale apparaît clairement (si ces activités étaient réellement considérées comme des soins par les décideurs, les infirmiers seraient formés à leur pratique). Il en va de même concernant la Formation Continue qui devrait là pallier les insuffisances de la formation initiale.

Insuffisamment formé l’infirmier ne peut s’autoriser à prendre des initiatives dans un domaine qu’il connaît mal. Le cadre formé de la même façon que l’infirmier (les écoles de cadre ne sont pas davantage axées sur ces activités), ne peut favoriser une prise d’initiative infirmière.

Dominique Friard

 

 

- Sixième partie : Conclusion

 


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