Première partie : Argumentaire
Troisième partie : Suite de l'enquête
Les principales formations se font sur le "tas" et dans le cadre de la formation continue.
Critère général Critère particulier
Critère général Critère particulier
Critère général Critère particulier
Systématisée et analysée cette grille permettrait de mieux décrire les activités (psychothérapique, psychosociothérapique, ergothérapique, occupationnelles, art-thérapiques ou autre) et la nature de la participation infirmière.
Dominique Friard
- Cinquième partie : L'hôpital de jour, un modèle de référence
M - Quelle formation ?
Intra
HDJ
CATEB
CATTP+CMP
Total Esquirol
Total (France)
formation initiale
1 (4,5%)
2 (28%)
3 (7%)
16%
cadre-infirmier
0
0
0
7%
formation continue
3 (14%)
4 (56%)
3 (30%)
1 (17%)
11 (24%)
52%
sur le "tas"
4 (18%)
5 (70%)
6 (60%)
5 (84%)
20 (44%)
61%
formation non prise en charge
2 (9%)
2 (28%)
3 (30%)
7 (16%)
24%
autre :
0
4%
La comparaison des deux enquêtes montre que les infirmiers du secteur sont beaucoup moins formés aux activités que ceux de l'enquête nationale.
Si l'animation d'activités fait partie intégrante du rôle propre infirmier, les infirmiers devraient être formés dès leurs études à cette pratique. Que ce soit au niveau local ou national, il n'en est rien. Il est probable que cela ne s'arrangera pas avec la nouvelle formation. Il faut là s’interroger sur la capacité des IFSI à anticiper les besoins en santé d’aujourd’hui. Les notions de réinsertion, de réhabilitation, de resocialisation occupent le devant de la scène théorique mais les étudiants en soins infirmiers continuent à manger du diagnostic infirmier.
Au sein du secteur, seul un infirmier sur quatre a bénéficié d'actions de formation continue centré sur la pratique des activités (contre 52 % pour l'enquête nationale). Les infirmiers les mieux formés sont ceux de l'hôpital de jour (56%). Deux explications peuvent être proposées : soit les infirmiers n'ont pas fait de demandes malgré les formations proposées, soit le nombre de formations proposées est insuffisant. Ces deux explications sont certainement valides.
Si nous nous intéressons aux thèmes de formation proposées par les différents secteurs, nous trouvons pour le 14 ème secteur : "les techniques psychodramatiques de groupe et individuelles, Formation Balint et psychodrame Balint, thérapies corporelles, ergothérapie et créativité, activités ergothérapiques médiatisées (sculpture, escalade, musique ...), création et animation d'atelier socio-thérapique.  ”
Au sein des autres secteurs, nous trouvons :
        - Secteur 1 : faciliter l'ouverture et la communication des patients par les activités (théâtre, photos, esthétique,etc.) afin de favoriser leur réinsertion; Relation soignant-soigné (connaissance de soi et des autres, l'agressivité dans le travail, la communication par une activité médiatrice : théâtre, musique, modelage, esthétique ...).
        -Secteur 13 : Création d'ateliers ou d'activités thérapeutiques pour préserver l'autonomie des personnes et exploiter leur capacité d'insertion; Formation à la conduite d'entretien et à l'animation de groupe de parole ou de soutien.
Si nous ajoutons à ces demandes, celles émises par les équipes de psychiatrie infanto-juvénile, nous trouverons largement un nombre de soignants suffisants pour justifier d'une action de formation continue.
La lecture du Guide 1996 de Formation professionnelle continue montre qu'une seule action est proposée : "animer des groupes de parole  ”, d'une durée de trois jours contre quatre actions centrées sur la Démarche Qualité et quatre centrées sur l'Accueil et la Crise.
Autrement dit, les demandes existent, elles sont formalisées par les secteurs mais le service de Formation Continue n’en tient pas compte. Autrement dit, les syndicats qui discutent de la politique de Formation Continue ne se font pas entendre sur ces points, ou n’en font pas un cheval de bataille. La formation aux activités de Groupe vient après les contenus à la mode valorisés par les équipes de direction.
Sans formation, l'infirmier qui se risque à animer des activités est un apprenti sorcier.
Les infirmiers se forment sur le "tas", mais moins il y a d'infirmiers animant des activités, moins il est possible de se former sur le "tas". L'écart entre les deux enquêtes (44 % contre 61 %) est à cet égard éloquent. En intra-hospitalier, moins d’un infirmier sur cinq a pu se former sur le tas. Dans le quotidien, aucun infirmier ne fait d’activité, les voies de la transmission entre "pairs" sont donc inexistantes. L’équipe d’activité spécifique vient encore complexifier le problème. Quelle formation aux activités pourraient faire des ergothérapeutes ou des animatrices  Leurs objectifs sont différents. Leur éloignement du quotidien fait qu’ils ne rencontrent les patients que lorsqu’ils sont sortis de l’état aigu. Or, s’il s’agit d’éviter une désocialisation, c’est bien en aigu qu’il faut intervenir. Les portes fermées, les chambres d’isolement rendent aléatoires la participation spontanée des patients aux activités qui tendent à être fréquentées par les patients qui restent le plus longtemps hospitalisés. Autrement dit, ainsi utilisées les activités sont proposées aux candidats à la chronicité.
Cette dernière question nous conduit à remettre en cause les réponses aux autres questions : comment pourrait-on se sentir responsable d'une activité ou en prendre l'initiative si on n'a jamais été formé pour cela ? Comment pourrait-on sérieusement chercher à insérer les patients si aucun dispositif institutionnel ne permet de former les infirmiers aux activités psychosociothérapiques ? Existe-t-il une réelle volonté institutionnelle ? Comment pourrait-on se sentir infirmier et remplir cette fonction si un aspect essentiel de cette fonction est escamoté ? Comment pourrait-on tout simplement en percevoir les bénéfices si notre regard n’a jamais été sensibilisé à cette pratique 
Il nous semble que les infirmiers du secteur sont confrontés au même genre de dilemme que leurs collègues des soins généraux. Ceux-ci sont pour la plupart largement convaincus de la nécessité d’assurer également des soins relationnels, ils n’ont la plupart du temps ni la possibilité matérielle, ni la formation leur permettant de le faire. Si les uns sont des techniciens, les autres sont des surveillants, des gardiens.
5 - Analyse et commentaire
A- Enquête nationale
Devant la densité des chiffres et des informations, les auteurs de l'enquête de Rouffach ont limité leur analyse aux résultats globaux.
Les personnes ayant répondu ont pour la plupart entre 31 et 50 ans ce qui constitue un biais important et confirment ce que nous disions à propos de réponses médianes.
Les réponses confirment l'existence massive des activités à plus de 82%. Le personnel enquêté se sent concerné par les activités dans les mêmes proportions. Il convient néanmoins de nuancer ces résultats par les non ou mauvaises réponses à la question et par les non-répondeurs à la totalité de l'enquête. Nous rajouterons à ces réserves celles déjà formulées qui touchent aux conditions de déroulement de l'enquête (sous-représentation de l'extra-hospitalier, mélange de structures hétérogènes quant à la pratique d'activités, questionnaires non individualisés). Quoi qu'il en soit les activités existent.
L'analyse proposée tourne autour de six questions : qui propose les activités ? sur quoi sont-elles basées, comment sont-elles réalisées, quelle est leur insertion, quelles sont les difficultés rencontrées pour les réaliser, qui les encourage ?
Les activités sont proposées par les divers partenaires du soin avec une prédominance pour l'équipe infirmière.
La prescription médicale et les propositions émises par l'équipe pluridisciplinaire représentent un taux de réponse important mais ce sont les indications de l'équipe infirmière qui obtiennent le pourcentage le plus élevé.
Ces propositions semblent répondre à une décision prise à partir du projet thérapeutique et d'une démarche de soins, mais aussi à des décisions ponctuelles dans 65 % des cas. Les taux de réponses supérieurs à 100 % mettent en évidence les différentes possibilités qui existent dans un même service de soins.
Cependant les 65 % d'activités réalisées ponctuellement viennent en opposition avec le souci de lier les activités à un projet thérapeutique et remettent en question les notions de programmation, d'évaluation et de suivi.
Les activités sont essentiellement basées sur des prises en charge à visée socioculturelle, corporelle, d'expression et ergothérapique.
Ces points méritent réflexion. Pour quelles raisons les activités socioculturelles sont-elles les plus investies ? Parce qu'elles répondent à un besoin plus important ? Parce qu'elles satisfont davantage aux désirs des soignants ? Parce qu'elles sont plus faciles à réaliser en partant de l'idée qu'elles ne nécessitent pas forcément une réflexion et un investissement personnel important ? Par manque de connaissance ? Parce qu’elles satisfont le besoin des soignants de sortir dehors  à "l'air pur", hors de l’institution  Cette idée est par ailleurs confortée par la présence d'un nombre important d'activités décidées ponctuellement. Qu'entend-on par "ergothérapique ? Y-a-t-il une similitude avec les anciens ateliers d'ergothérapie ? S'agit-il d'activités considérées uniquement comme occupationnelles ?
Ces interrogations en appellent d'autres qui sont directement liées à la conception même des activités. A partir de quel moment parle-t-on d'activités ? Qu'est-ce qui motive et légitime le choix de l'activité ? Est-ce l'inscription dans une démarche de soins, sa programmation, son évaluation, le lien avec un besoin à satisfaire ? Est-ce le souhait intuitif du soignant de répondre le mieux possible aux préoccupations des patients ?
Tout pouvant devenir la base d'une activité, caractériser une prise en charge "d'activités", semble pour le soignant davantage lié à sa perception intuitive et à son souhait qu'au besoin réel du patient.
Cette interrogation est encore renforcée par la distinction thérapeutique/occupationnel. Qu'entendent les soignants par "occupationnel" ? Pourquoi cette distinction entre "thérapeutique" et "occupationnel" ?
Y-a-t-il un lien entre les 50 % d'activités décrites comme ergothérapiques et les réponses les caractérisant d'occupationnelles ? L'importance accordée aux activités est manifeste et les qualificatifs pour les décrire ne manquent pas (enrichissantes, valorisantes ...).
Cette dichotomie observée entre "thérapeutique" et "occupationnel" relève-t-elle d'une qualité d'activité ? D'une reconnaissance des compétences infirmières ? Le décret du 15 mars 93, dans le cadre du rôle propre infirmier, ajoute encore à la confusion quand il fait mention dans son article 3 "d'organisation et animation d'activités à visée sociothérapeutique  ” Pourquoi parle-t-on d'activités à visée sociothérapeutique et non pas d'activités thérapeutiques ? Les activités sociothérapeutiques seraient-elles réservées aux infirmiers et les activités thérapeutiques à d’autres professionnels ?
Cela nous amène à envisager la manière dont sont réalisées les activités.
Les activités ne sont considérées comme soin prioritaire que dans 50% des cas. Ce pourcentage laisse supposer que le personnel ne réalise les activités avec les patients qu'une fois sur deux, malgré une planification prévue sur la semaine.
En effet, en dépit de la programmation, leur réalisation reste aléatoire, l'activité ne paraissant pas s'intégrer dans un suivi thérapeutique à effectuer au même titre que les autres soins. Cette question est centrale et met bien l'accent sur l'importance accordée par les soignants aux activités Un autre soin est jugé plus important.
D'autant plus que les activités sont aussi bien réalisées par des infirmiers responsables de l'activité que par des infirmiers présents le jour de l'activité.
L'insertion des activités dans le soin
A travers la question “considérez-vous les activités ?  ” 91 % des enquêtés affirment que les activités font partie intégrante des soins en psychiatrie et 69 % qu'elles font partie du rôle propre infirmier.
Ces réponses mettent l'accent sur les notions de responsabilité infirmière et sont en corrélation avec la participation importante des infirmiers aux différentes étapes de la mise en place des activités. En dépit de ces affirmations, les activités ne sont réalisées que dans 50 % des cas tout en étant majoritairement prescrites et massivement proposées par l'équipe infirmière.
La réalisation des activités se fait essentiellement par un infirmier responsable de l'activité. Ce pourcentage est cependant nuancé par la réponse à l'item "réalisation par les infirmiers selon leur présence  ”. Ces réponses amènent à nouveau plusieurs interrogations. Les infirmiers sont-ils les mêmes et dans ce cas, quoique responsables d'une activité, leur présence détermine-t-elle la réalisation de l'activité ? S'agit-il d'infirmiers intervenant en plus du responsable de l'activité, ce dernier étant présent de manière plus continue, ses horaires de travail étant liés à l'activité ? S'agit-il d'infirmiers qui n'interviennent que ponctuellement dans le cadre de leur présence dans le service ?
Une autre interrogation concerne les réponses à l'item “activités sont réalisées par une équipe spécifique  ”. N'y a-t-il pas également une contradiction avec les réponses concernant “réalisation des activités par un infirmier responsable de l'activité  ”. Cet infirmier responsable pourrait relever d'une équipe d'activité ou intervenir dans cette équipe dans le cadre d'une compétence spécifique.
Cette explication est contredite par les réponses à la question déjà citée quant aux infirmiers réalisant les activités selon leur présence.
Le support écrit le plus fréquemment utilisé est le dossier de soins mais uniquement dans 53 % des cas. Une nouvelle fois, des contradictions importantes apparaissent. Les infirmiers considèrent que les activités font partie du rôle propre mais n'utilisent pas le dossier de soins comme support dans 47 % des cas en dépit de la réglementation professionnelle.
De même l'évaluation de l'activité est principalement faite en réunion pluridisciplinaire mais uniquement dans 60 % des cas. Le fait que l'évaluation soit réalisée en équipe pluridisciplinaire est important parce qu'elle permet de considérer l'activité comme un soin à part entière. Cependant, un doute subsiste dans la mesure où l'évaluation en équipe pluridisciplinaire n'est pas systématique et que l'on ne connaît pas les conditions dans lesquelles elles sont réalisées. Evaluer est-ce énoncer que M. X. a participé à une activité, est-ce décrire son parcours dans cette activité, est-ce faire le lien entre ce qu’il vit au quotidien et ce qu’il travaille et exprime dans l’activité  Dans quelle mesure la qualité de cette évaluation n’est elle pas le fruit d’une attente institutionnelle bien tiède parfois, nous l’avons vu.
Ces chiffres demandent à être nuancés, une constatation s'impose : la réalisation des activités ne donne pas l'impression de répondre à une règle précise, l'aspect aléatoire de leur réalisation paraissant bien réel. Cet aspect est confirmé par les réponses à la question sur les formations suivies, où seuls 16% des enquêtés estiment avoir bénéficié d'une formation spécifique aux activités lors de la formation initiale; 50 % d'entre eux ayant bénéficié de formation continue et surtout 61 % de réponses mettent en évidence des auto-formations et acquisitions sur “tas  ”.
Une telle formation est-elle suffisante si l'activité doit s'inscrire dans un projet de soins et avoir une valeur thérapeutique? D'autant plus que nous avons mis en évidence le peu de place consacré aux activités dans les programmes de formation initiale.
Ce manque évident de formation ne pourrait-il pas expliquer les difficultés qu'ont les soignants à donner un sens à la pratique des activités, à l'inscrire dans un projet, à leur accorder la priorité dans la prise en charge du patient, à réaliser une évaluation en équipe ?
Les difficultés rencontrées dans la participation des infirmiers aux activités sont indéniables
Elles concernent principalement le manque de personnel et l'importance de la charge de travail. L'intérêt pour les activités est là, manifeste, quand on voit le grand nombre de réponses positives à la question sur l'importance attribuée aux activités. Les difficultés mises en évidence par les soignants concernant le manque de personnel méritent que l'on s'y attarde quelque peu Dans le questionnaire consacré aux infirmiers généraux, il apparaît qu'il y a quasiment autant d'infirmiers que de patients. La question que l'on peut se poser se rapporte au nombre d'infirmiers nécessaires pour réaliser les activités dans le cadre de la charge de travail ? Ne font-elles pas partie des soins au même titre qu'un autre ? N'est-ce pas une nouvelle fois la preuve que les activités sont “"en marge" des autres soins ?
L'encouragement réservé aux activités apparaît de manière très importante
L'encouragement du corps médical et du service infirmier est largement favorable aux activités et ne paraît pas justifier d'un quelconque désintérêt des soignants pour celles-ci. Cela est confirmé par les réponses aux questionnaires des infirmiers généraux et des soignants.
Il est néanmoins notable que l'encouragement est globalement ressenti plus positivement par les cadres. Ceci démontre une perception différente de la situation. Pourquoi les cadres ressent-ils l'encouragement comme plus important que les infirmiers ? Est-ce lié à l'information, aux contacts établis par les uns et les autres sachant que le cadre est en prise directe avec les différentes hiérarchies ? Si cet encouragement est bien réel pourquoi est-il vécu différemment par le soignant ?
Le cadre assure-t-il son rôle de courroie de transmission, d'élément moteur de l'équipe soignante ? D'autre part l'encouragement des établissements apparaît comme étant moins bien perçu dans les deux enquêtes. Est-ce lié à la définition donnée à l'établissement ? Est-ce lié à une perception différente de leur position de l'hôpital ? Est-ce lié à des freins mis en place par les Directions?
Reprenons les termes de l'hypothèse : “qu'accordent les infirmiers aux activités est liée à la considération qu'ils ont de cette activité comme un soin à part entière et à son inscription dans un projet thérapeutique.  ”
Face à cette hypothèse, nous nous rendons compte que les réponses sont mitigées, et qu'elle n'est que partiellement validée. En effet, si les infirmiers accordent très massivement de l'importance aux activités et qu'ils les inscrivent de manière importante dans un processus thérapeutique, ils ne les considèrent qu'une fois sur deux comme un soin à part entière. (3)
Nous avons repris presque mot pour mot l'analyse et les commentaires de nos collègues de Rouffach. Nous avons vu que localement la situation était différente, nous allons maintenant décrire en quoi en avançant nos propres commentaires.
B- Enquête locale
Définir la notion d’activité
Le mot "actif" apparaît au 12ème siècle. Il vient du latin activus (dér. de agere : agir) et désigne celui qui agit par opposition à passivus (de pati : supporter, souffrir) celui qui est passif, ce qui donnera"patient". De ce mot découleront selon le Dictionnaire étymologique (Mathieu-Rosay) activateur, activer, activation, activisme, activité, réactif, réactiver, réactivation.
Le mot "activité" apparaît en 1425 à partir du bas latin activitas. Le Petit Robert lui reconnaît quatre sens :
* Chez un agent. Faculté d’agir, de produire un effet;
* La qualité d’une personne active (16ème ; var. activeté);
* Ensemble des actes coordonnés et des travaux de l’être humain; fraction spéciale de cet ensemble (19ème).
* Situation d’une personne qui exerce son emploi.
"Le dictionnaire de Notre temps  ” Hachette définit l'activité comme un ensemble d'actions et d'opérations humaines visant un but déterminé.
Nous retiendrons de cette brève exploration étymologique que la notion d’activité s’oppose à celle de passivité qui renvoie quasi directement à celle de patient (qui supporte, qui souffre, qui subit, qui pâtit). La passivité est, c’est bien connu la mère de tous les vices.
Ce n’est donc pas rien de proposer une activité à celui qui est passif.
En psychologie et en biologie, on entend par activité l’ensemble des phénomènes psychiques et physiologiques correspondant aux actes de l’être vivant, relevant de la volonté, des tendances, de l’habitude, de l’instinct, etc.; et toute série de phénomènes de cet ordre.
La définition proposée apparaît à la fois vague et précise. On comprend bien que tout acte accomplit par un individu : faire son lit, sa toilette, frapper un soignant, parler à un médecin, façonner un objet pourra être qualifié d’activité. On comprend bien également que le terme activité risque en psychiatrie de s'opposer à celui de passivité, d’inactivité qui caractériserait un patient décrit comme clinophile, inactif, apragmatique.
Qu'en est-il en fait ?
Selon le Manuel Alphabétique de Psychiatrie (Porot A.) on comprend sous le terme d'activité générale l'ensemble des manifestations psychomotrices d'un sujet considérées surtout dans leur puissance, dans leur cadence, dans leur efficience. (5)
Le potentiel dynamique varie non seulement avec les individus mais également chez le même individu allant de la passivité à la stupeur, de l'exubérance à l'agitation.
Les troubles d'exagération ou de ralentissement de la cadence peuvent être intermittents, périodiques comme dans la manie et la mélancolie; successifs comme dans les états circulaires ou cyclothymiques, ou intriqués comme dans certains états mixtes.
Il faut évidemment toujours prendre en compte le degré d'efficience de l'activité générale qui doit être ordonnée, adaptée à une fin ajustée à un but. Certaines activités perdent toute valeur pragmatique, sont désordonnées ou dispersées, parfois même incohérentes (agitation des enfants, excitation maniaque, turbulence sénile).
L'activité du schizophrène qui a perdu contact avec la réalité prend une allure manifestement discordante.
En résumé, pour la psychiatrie, il n'est guère d'affections mentales évolutives qui ne s'accompagnent de variations quantitatives et qualitatives de l'activité générale. (5)
Ainsi, le patient ne se caractérise pas essentiellement par son inactivité mais par une activité générale perturbée.
Cette activité perturbée peut être régulée de plusieurs façons, nous évoquerons les activités occupationnelles, les activités ergothérapiques, les activités sociothérapiques et l’art-thérapie.
Ainsi que le font remarquer nos collègues de Rouffach, il est intéressant à plus d'un titre d'opposer ergothérapie et thérapie occupationnelle deux termes dont les sens actuels et l'étymologie se croisent et s'entrecroisent curieusement. L'expression “  occupationnelles  ” vient de l'anglais “  ocupationnal  ” qui signifie qui “  a trait au métier ou à la profession  ”. Le mot “  ergothérapie  ” vient du grec “  ergon  ” travail ou activités et de therapenein “  soigner  ”. Notons que l'un est un substantif et l'autre un adjectif. L'un pourrait être un moyen de réinsertion, l'autre un moyen de soigner axé sur l'activité. Si nous nous référons aux définitions, cela est moins simple qu'il n'y paraît.
L'ergothérapie est définie dans le Petit Larousse comme “  le traitement de certaines affections mentales qui consiste à occuper le patient par des travaux manuels simples.  ” Les thérapeutiques occupationnelles désignent l'ensemble des activités proposées aux malades dans un but thérapeutique. Selon Garrabé (5) les thérapeutiques occupationnelles sont à la communauté thérapeutique anglaise ce que l'ergothérapie est à la psychothérapie institutionnelle française. La nature des activités proposées est la même mais leur finalité est différente. Le but recherché par l'ocupationnal therapy est l'apprentissage des comportements nécessaires à une bonne adaptation sociale.
Si nous précisons que les mots “  occupationnel  ” ou “  ocupationnal  ” viennent tous deux du latin occupare (prendre avant un autre, prendre possession d’avance) nous conviendrons que l'étymologie de l'un se retrouve dans le sens de l'autre et réciproquement. L’activité occupationnelle aurait pour but de faire en sorte que l’esprit d’un individu soit pris, capté avant qu’il ne devienne ou redevienne passif, souffrant, patient. Pour éviter d’alourdir notre propos, nous ne reprendrons pas les écrits de Michel Foucault de “  L’histoire de la folie à l’âge classique  ”. Cette notion d’occupation est loin d’être gratuite sur un plan historique, philosophique et politique.
Au sein des thérapeutiques occupationnelles, la valeur expressive des activités compte moins que leur intérêt quant au rétablissement des relations interpersonnelles permettant une meilleure adaptation sociale. Elles constituent davantage une sociothérapie qu'une psychothérapie.
Au sein de la communauté thérapeutique les activités sont organisées de telle sorte qu'elles permettent aux patients de tenir des rôles sociaux définis tout en exerçant une pression les incitant à les prendre pour se sentir de plus en plus intégrés au groupe. Elles renvoient à la notion anglo-saxonne de "réhabilitation". (Garrabé -5)
La définition du mot ergothérapique s'inscrit dans l'histoire des pratiques cliniques et remonte à Pinel. On peut, toujours selon Garrabé, envisager le travail comme un moyen d'occuper l'esprit du malade, le distrayant de ses pensées morbides (au sens d'occupare). A ce titre, l'ergothérapie peut s'intégrer dans l'ensemble des thérapies occupationnelles et ne présente aucune spécificité vis à vis d'autres occupations pouvant jouer ce rôle. Après un certain nombre de déviations (volonté de rentabiliser les activités pour réaliser des économies sur les denrées alimentaires), les ateliers vont proposer des activités artisanales (vannerie, poterie, céramique, tissage, etc.) dont la rentabilité est faible. L'aspect productif du travail devient ainsi secondaire par rapport à son aspect créatif.
L'ergothérapie, ainsi envisagée est proche de l'art-thérapie. L'animation par un moniteur des ateliers où ne travaillent simultanément qu'un petit nombre de malades déclenche une dynamique de groupe particulière qui permet ainsi de la considérer comme une psychothérapie collective non verbale, où la relation est médiatisée par un objet intermédiaire.
L'ergothérapie va être partagée entre deux tendances qui valorisent l'une l'aspect projectif des activités et l'autre leur aspect fonctionnel et réadaptatif (à différencier de la réadaptation par le travail qui doit le plus possible se rapprocher des conditions de travail normales).
Les thérapeutiques sociales ou sociothérapies constituent un vaste ensemble de méthodes nées de l'influence de la sociologie, de la psychosociologie et de l'anthropologie culturelle sur la conception des maladies mentales. Elles désignent :
       
·        l'organisation du milieu thérapeutique dans ses dimensions matérielles et fonctionnelles, la création d’un climat psychologique tels que représentés dans les communautés thérapeutiques;
       
·        l’approche globale des maladies mentales dans la collectivité et l’articulation dynamique des divers instruments de soin telles que réalisées dans la sectorisation;
       
·        des techniques thérapeutiques s’inspirant à la fois de la dynamique relationnelle interpersonnelle (H.S. Sullivan) et de l’apprentissage social (social learning de M Jones) telles que les psychothérapies de groupe, les psychothérapies familiales, les interventions de crises, la réhabilitation. (P. Chanoit)
Toute entreprise à visée thérapeutique utilisant la médiation d’une conduite ainsi que de son objet et se référant explicitement aux catégories de l’art est nommée art-thérapie.
Il n’est pas simple de se repérer entre ces quatre termes, thérapie occupationnelle et ergothérapie se recoupent parfois, ergothérapie et art-thérapie sont parfois très proches, thérapies occupationnelles et sociothérapies sont parfois synonymes.
Selon les individus, selon les professionnels (ergothérapeutes, infirmiers, animateurs, assistants sociaux, éducateurs, art-thérapeutes), selon le lieu de soin (hôpital de jour, CATTP, CMP, Intra-hospitalier), selon l’histoire institutionnelle (création précoce de CTRS, existence ou non d’infirmiers "thérapeutes  ”, a priori théoriques des premiers soignants, chronologie des créations de structures extra-hospitalières, etc.), selon l’idéologie de soin de ce lieu (psychothérapie institutionnelle, cognitivo-comportementalisme, psychanalyse freudienne ou lacanienne, etc.) les définitions et les techniques utilisées pourront être extrêmement diverses.
Il apparaît difficile, aujourd’hui, de se repérer d’autant plus que certaines techniques sont perçues d’une façon très négative :
·        occupationnel = passe-temps, ça ne fait pas très sérieux;
·        ergothérapie = thérapie par le travail (peinture en bâtiment, forge, etc.);
·        art-thérapie = centré sur l’objet, çà implique que l’objet soit esthétique, les soignants font à la place du patient;
·        sociothérapie = une sorte de soupe pas très sérieuse réservée aux infirmiers.
Nous n’avons pas défini la notion de psychothérapie, qui constitue pour certains soignants le nec plus ultra, la référence absolue même si cette notion, nous l’avons vu en introduction, n’est guère mieux précisée que les autres.
Ainsi le terme d’activité ne vaut que par l’adjectif ou la série d’adjectifs qui l’accompagnent : intellectuelle, mentale, psychique, psycho-socio-culturelle, psycho-socio-thérapique, etc.
Face à un tel flou, il apparaît essentiel de préciser davantage à quel type d’activité nous nous référons, ne serait ce que parce que l’animation d’activités psycho-socio-thérapiques fait partie du rôle propre infirmier, et l’animation d’activités à visée psychothérapique du rôle délégué.
Quelle différence opérer entre psycho-socio-thérapique et psychothérapique ? Le mot “    ” intercalé entre psycho et thérapique ajoute-t-il ou retranche-t-il quelque chose à l’activité proposée  ? Il semble bien, contre toute évidence mathématique, que cet ajout retranche quelque chose à l’activité.
L’utilisation d’un même matériau pourra s’inscrire dans cinq modes différents de soins.
·        Un groupe terre pourra être utilisé dans un registre occupationnel, l’accent sera mis sur la possibilité de réhabiliter les patients autour de la réalisation d’une exposition-vente au sein du secteur, dans le cadre d’une exposition centrée sur les artistes de la ville, etc.
·        Il pourra être utilisé comme support à la relation, le patient sera invité à projeter ses conflits psychiques sur un objet dont l’aspect final importera peu.
·        Il sera également possible d’exprimer toutes les virtualités artistiques du matériau utilisé, on exaltera la créativité présente chez chaque patient.
Dans ces deux derniers cas, les soignants se référeront à la notion d’espace transitionnel développé par Winnicott.
·        Les patients en petits groupes pourront être invités à représenter leur constellation familiale et à associer à partir des objets réalisés.
·        On pourra enfin, si l’on est psychanalyste utiliser la terre à la façon de Gisela Pankow.
Il serait possible de soutenir que seraient ergothérapiques les activités animées par un ergothérapeute, sociothérapiques celles animées par un éducateur spécialisé, etc. La réalité clinique montre qu’il est quasi impossible à un professionnel, seul, d’animer une activité de groupe tant la dynamique et la richesse de ce qui se joue dans un groupe est dense. La réalité économique interdit le recrutement de deux art-thérapeutes ou de deux ergothérapeutes par unité fonctionnelle.
La réalité du terrain montre que les activités sont la plupart du temps réalisées par une équipe pluridisciplinaire : ergothérapeute, infirmier ou ergothérapeute, psychologue ou psychologue, art-thérapeute, infirmier ou musicothérapeute, infirmier, etc. Loin de le regretter notons que la diversité des regards, des écoutes, des références théoriques contribuent fortement à enrichir l’activité notamment au moment de l’évaluation. L’échange est souvent fécond et a pour conséquence de modifier le regard et la pratique de chacun. Tel ergothérapeute qui aura co-animé un groupe avec une assistante sociale sera plus ouvert aux problèmes sociaux, tel infirmier qui aura travaillé avec un psychomotricien aura une approche différente des problèmes corporels, etc.
Les soignants intéressés par l’animation des activités ont souvent, par ailleurs, des formations complémentaires qui viennent colorer, enrichir leur formation initiale.
Pour mieux se repérer, nous proposons de définir les activités selon sept critères se référant tous au cadre de cette activité :
·        Le temps (périodicité);
·        Le lieu;
·        La médiation utilisée;
·        L’impact recherché tant sur un plan relationnel qu’au niveau de la tache à réaliser;
·        Le public auquel elle s’adresse;
·        Les référents de cette activités (profession, formation suivie);
·        La procédure d’évaluation et de transmission.
Nous obtiendrons ainsi un portrait beaucoup plus ressemblant de ces techniques. Pour prendre quelques exemples :
ou :
Lieu
Hôpital de jour, salle de sport.
Temps
Tous les lundis de 10 h à 11 h
Médiation
Gymnastique
Impact
Reprise de contact avec la structure de soin, et les autres membres du groupe après le week-end, évacuer la fatigue du week-end, travail sur la coordination des différents segments du corps, sur la respiration. Verbalisation non recherchée.
Public
5/7 patients psychotiques avec troubles du schéma corporel, groupe ouvert sans prescription médicale
Référents
deux infirmiers dont un titulaire d’un Brevet Sportif d’Etat.
Evaluation
Après chaque séance, sur cahier spécifique, orale lors du flash du lendemain et lors des synthèses hebdomadaires consacré à un patient donné.
ou encore :
Lieu
Salon de l’unité
Temps
16 heures-16 heures dix.
Médiation
Jeu de dames
Impact
Entrer en relation avec un patient taciturne qui se livre peu, qui exprime un sentiment de persécution, recueillir des informations autour de sa façon de jouer, de supporter une relation brève autour d’un jeu de société, référencé au besoin de communiquer et de se divertir (Henderson).
Diagnostic infirmier : isolement social lié à la crainte d’une intrusion de l’autre dans son espace intérieur.
Public
Un patient spécifique persécuté, refermé sur lui-même.
Référents
L’infirmier référent du patient
Evaluation
Ecrite dans le dossier de soin, référencée à la Démarche de soins, orale aux transmissions inter-équipe et si pertinent au flash pluridisciplinaire du lendemain.
Lieu
Salle d’ergothérapie, intra-hospitalier.
Temps
Chaque mardi de 10 h 30 à 12 h
Médiation
Peinture
Impact
Déclencher une dynamique de groupe, proposer une médiation à la relation et offrir par la peinture un espace de plaisir, de projection permettant au patient de communiquer avec l’autre, puis avec lui-même.
Public
Sur prescription médicale, groupe semi-ouvert pour 5/7 patients sortis de l’état aigu et ayant un goût pour le dessin ou la peinture.
Référents
Une ergothérapeute, une psychologue dont une a une formation d’art-thérapeute.
Evaluation
Post-groupe systématique après chaque séance sur cahier spécifique, transmission orale lors des réunions cliniques, séminaire de réflexion annuel, supervision personnelle.
Il serait également intéressant d’interroger les infirmiers sur la régularité de leur participation à ces activités. Quelle est la dernière activité que vous ayez animé ? A quand remonte-t-elle (un jour, une semaine, un mois, trois mois, six mois, plus de six mois) ?
Utilisée au sein du secteur, cette grille mettrait en évidence que là où les activités ont lieu régulièrement (hôpital de jour, CATTP, CMP et activités animées en intra par les soignants détachés des unités) la règle des trois unités (temps, lieu, action) est respectée.
Il n’en va évidemment pas de même en intra-hospitalier où les activités animées ou co-animées par les infirmiers étant ponctuelles, cette règle ne peut être respectée.
Cette attention au cadre de l’activité implique également une responsabilisation des soignants liée à une régularité de présence, ils sont les garants de ce cadre.
Il ne nous est actuellement pas possible d’aller plus loin quant à l’impact recherché, au public auquel s’adresse l’activité, à ses référents et à la nature de l’évaluation.
Notons cependant que les infirmiers les plus mobilisés par les activités sont également ceux qui ont le plus d’années de diplôme, soit ceux qui ont bénéficié d’une formation réellement psychiatrique (1973-82 et 1983-92). Cette remarque ne prendrait toute sa force que confirmée au sein d’une population plus importante. Le secteur est organisé de telle sorte qu’il faut avoir travaillé au moins trois ans en intra-hospitalier avant d’aller travailler en extra-hospitalier, soit dans les lieux où les activités ont une vraie place.
Avec une image plus fidèle des activités réalisées au sein des différents lieux de soins, nous pourrions les catégoriser non plus à partir de la médiation ou du genre de médiation utilisée (corporelle, d’expression, ergothérapique, socioculturelle) mais à partir de l’impact recherché.
Nous aurions ainsi des activités centrées sur l’apprentissage des comportements nécessaires à une bonne adaptation sociale (thérapies occupationnelles, sociothérapies, entraînement aux habiletés sociales, actions d’éducation -rôle propre infirmier), des activités centrées sur la valeur expressive de la médiation utilisée qui permettent d’utiliser leur aspect projectif (art-thérapie ou ergothérapie impliquant une formation spécifique, rôle délégué), des activités visant à soigner le psychisme par le psychisme impliquant une analyse du transfert (psychothérapies nécessitant une formation spécifique et le recours à une supervision, rôle délégué impliquant la présence d’un psychothérapeute). Cette catégorisation ne serait pas totalement satisfaisante, des effets “  ” pouvant être observés, c’est ainsi que la règle des trois unités a des effets thérapeutiques mais également sociaux, elle contribue à socialiser les patients.
Il en va de même pour les sociothérapies qui tout en favorisant la socialisation permettent l’expression des conflits psychologiques.
Il faudrait également poser l’existence d’activités passe-temps (baby-foot, ping-pong, jeux de dames, ou toute autre activité n’impliquant pas de référence à un projet thérapeutique, d’évaluation régulière et de transmission à une équipe (à entendre comme un hors-soi). Ces activités loisir sont l’occasion d’un apprivoisement relationnel et permettent le passage à d’autres activités plus spécifiques.
Une activité ne peut être thérapeutique que de se référer à un projet thérapeutique global, à un effet thérapeutique pensé comme tel, à une évaluation (aussi bien quant aux critères de l’activité proposée que vis à vis du projet thérapeutique) et à une transmission régulière. Sans cela, aucune activité ne se peut dire thérapeutique. Nous avons bien conscience en écrivant cela de dénier tout caractère soignant à nombres d’activités décrites comme occupationnelles, ergothérapiques, art-thérapiques ou psychothérapiques. On ne peut pas se prétendre soignant et refuser de se référer aux catégories du soin.
Posées de cette façon les activités permettraient de relever le principal défi adressé à la psychiatrie pour les vingt ans à venir, à savoir favoriser la réinsertion et le resocialisation de patients dont la maladie entraîne une rupture avec leur milieu.
La réinsertion et la resocialisation ne sauraient être le domaine réservé des seuls psychiatres et assistants sociaux comme les comptes-rendus de nombreuses commissions tentent de nous le faire croire. Elles ne sauraient non plus se limiter à la création de structures toujours plus extra-hospitalières mais rarement intégrées à la vie sociale qui finissent par se constituer en ghetto.
Les premières actions de resocialisation et de réinsertion sont d’abord infirmières. Elles débutent à la première seconde d’hospitalisation intra ou extra-hospitalière.
Elles favorisent l’intégration du patient à un collectif orienté explicitement sur le soin, ce qui suppose l’existence de réunions soignants-soignés, où les soignés aient réellement leur mot à dire quant au soin et à son organisation, ce qui signifie que la réunion soignant-soigné soit réellement un lieu de décision. Elles favorisent l’intégration du patient, la plus précoce possible à des activités ou à des groupes dans l’U.F d’abord, puis ensuite vers l’ergothérapie, le département de psychiatrie sociale, et les différentes structures extra-hospitalières. Elles favorisent sa rencontre avec le lieu de vie, la famille et l’environnement. Elles permettent son accompagnement dans la cité (transports, clubs, centres socioculturels, foyers, CAT, toute structure d’accueil intégrée dans la vie réelle existant au sein du secteur). Elles aident à se situer et à se responsabiliser dans la vie sociale. Cette responsabilisation ne peut être favorisée que par des infirmiers qui se considèrent et qui sont considérés comme responsables de ce qu’ils font.
Il n’est pas possible d’infantiliser les soignants et les soignés dans les unités de soins et de leur demander ensuite de se responsabiliser autour d’actions ponctuelles de réinsertion et de resocialisation. A ce moment, il est déjà trop tard.
Les infirmiers favorisent enfin un réapprentissage de la gestion du temps, de l’espace et de ses ressources.
Tout cela implique évidemment l’utilisation d’un recueil de données centrées sur les ressources du patient, qui s’intéresse à sa vie sociale et à sa façon de la gérer (gérer son budget, sa maladie, sa prise de traitement, ses courses, ses relations avec les autres, sa conscience de sa pathologie, sa capacité à s’opposer, à marquer son désaccord, son évolution dans l’unité, etc.) et pas simplement en terme de dépendance et d’indépendance.
Tout cela implique un fonctionnement institutionnel spécifiquement pensé pour atteindre ce but. Chaque acte de soins, chaque interaction soignant-soigné, ASH/soigné, médecin/soignant, etc. doit avoir cette perspective. Les règlements doivent être posés non pas pour le confort des soignants mais pour favoriser la réinsertion et la resocialisation des patients.
Enoncées et pensées de cette façon, les activités ne peuvent être que prioritaires. A chaque échelon de prise de décision (direction, direction du service de soins infirmiers, médecin-chef, cadre-infirmier supérieur, cadre-infirmier, infirmier, aide-soignant) de s’organiser pour favoriser leur planification.