"ECRITURE INFIRMIERE ET QUALITE DES SOINS "
AFREPSHA
(Association de Formation et de Recherche des Personnels de Santé des Hautes-Alpes)SOMMAIRE
L’ENQUÊTE PAR QUESTIONNAIRE-UN BILAN DE l’EXISTANT
1. Méthode
1.1 Population concernée
1.2 Déroulement de l’enquête
1.2.1 Conception des documents
1.2.2. Organisation pratique du recueil d’information
1.3 L’analyse des données
LES FORMATIONS ECRITURE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE
ANNEXE 2 : GRILLE RELEVES INFIRMIERE
ANNEXE 3 : DIFFERENTS SUPPORTS D’ÉCRITURE
ANNEXE 4 : CONTEXTE D’ÉCRITURE
ANNEXE 6 : SYNTHESE D’HOSPITALISATION
ANNEXE 7 : RECUEIL DE DONNEES « »
ANNEXE 8 : EXEMPLE DE NOTES D’ENTRETIEN D’ACCUEIL ET DE DEMARCHE DE SOIN
ANNEXE 9 : DU RECIT A L’OBSERVATION
ANNEXE 10 : QU’ÉCRIRE ?
ANNEXE 11 : LISTE DES PARTICIPANTS
Résumé
Toutes les enquêtes réalisées sur les écrits des infirmiers, sur les feuilles d’observation du dossier de soin en montrent l’aspect fragmentaire. Les transmissions inter-équipes sont essentiellement orales avec les approximations, les déformations, les risques d’erreurs, les oublis que cela implique. Les transmissions infirmières écrites sont quantitatives ou rapportent des éléments pathologiques sommairement décrits. Les aspects qualitatifs du soin (réactions du patients, amélioration, etc.), son évaluation en sont la plupart du temps absents. Toute évaluation de la qualité des soins offerts aux patients en est impossible. La recherche action initiée sur ce thème permet de nuancer ce constat.
L’analyse des 294 questionnaires remplis par les soignants de 6 Centres Hospitaliers fait apparaître cinq types d’écriveurs infirmiers, à partir du temps consacré à l’écriture. De ceux qui écrivent moins de 10 minutes par jour à ceux qui mobilisent près de deux heures à rédiger leurs observations et leur plan de soins, nous avons pu décrire des pratiques, des manières d’appréhender, de penser l’écriture très différentes. Nous avons vu qu’il existait un type spécifique d’écriture infirmière en soins généraux et un autre en psychiatrie.
Les moins écriveurs des infirmiers se positionnent davantage comme des «éçus de l’écriture » que comme des opposants à toute forme de transmissions écrites. Les écrits infirmiers consistent en transmissions d’informations et en observations quotidiennes rédigés soit en fin de poste en préparation de la relève, soit tout au long de la journée chaque fois qu’un événement vient perturber le quotidien, soit à l’issue d’un soin. Les écrits infirmiers représenteraient un volume de 5 à 10 lignes par sujet traité. Les infirmiers signent des écrits rédigés soit individuellement, soit collectivement par l’intermédiaire d’un infirmier scribe qui synthétise les échanges entre soignants d’un même poste.
Si le principal support des écrits infirmiers est le dossier de soin, il existe une double écriture pour un infirmier sur quatre. Le dossier de soin apparaît davantage comme un lieu morcelé, composé de feuilles plus ou moins remplies que comme un tout.
Les infirmiers pratiquent une forme de réticence scripturaire. Ils sont vigilants pour tout ce qui concerne les aspects médico-légaux du soin. Ils préfèrent alors transmettre oralement plutôt que par écrit. Tout ce qui renvoie à des conflits inter-équipes ou institutionnels est tu. Les infirmiers éprouvent des difficultés à décrire l’aspect banal, répétitif d’un quotidien soumis à la chronicité de patients dont l’évolution se perçoit à moyen ou à long terme. Ils tendent à une écriture objective qui ne prend en compte ni leur subjectivité, ni leur ressenti. Enfin, ils taisent les confidences des patients. Tout ce qui est du registre de l’intimité (vie affective et sexuelle mais également trajectoire de vie) sera éventuellement travaillé en réunion mais ne donnera lieu à aucune note. Les écrits infirmiers sont destinés à l’équipe et ensuite aux médecins qui ne les liraient pas suffisamment au gré des soignants.. L’écrit n’apparaît pas pour les infirmiers comme une fin en soi, il est un outil de transmission et de réflexion qui modifie ou légitime la décision, nourrit ou provoque la discussion orale.. C’est en réunion et non pas sur le dossier que les uns et les autres se rencontrent, dans le cadre de réunions collectives où se détermine la prise en charge du patient. C’est dans ces réunions que les infirmiers apprécient s’ils sont lus ou non, si leurs écrits sont reconnus ou non. Un tiers des infirmiers énonce que leurs écrits ne sont supports d’aucune élaboration..
Les infirmiers qui exercent en soins généraux, qui se décrivent comme moins dépendants des médecins en ce qui concerne leur rôle propre ne semblent pas éprouver de difficultés de ce type.
Le mode de réflexion collective le plus cité par les soignants est le temps de relève ou de transmission infirmière, posé comme un véritable temps d’élaboration et de mise en commun des démarches de soin. Il s’agit d’un temps de réflexion entre pairs auquel ne participe pas l’équipe pluridisciplinaire, particulièrement présente en psychiatrie. Si les réunions de synthèse longitudinale consacrées à un patient et à un seul semblent porter, susciter l’écriture infirmière, le désir d’échange il n’en va pas de même des réunions catalogues pluridisciplinaires où sont abordés les parcours de plusieurs patients. D’une façon assez curieuse, les réunions de régulation ou d’analyse des pratiques où il n’est fait aucune allusion aux écrits infirmiers semblent également susciter de l’écriture. Les écrits infirmiers semblent ne pouvoir se développer que s’ils sont lus, que s’ils sont supports d’une réflexion collective.. Sans feed back pas d’écrits infirmiers.
Les écrits infirmiers renverraient ainsi à la qualité de l’animation clinique institutionnelle, à l’ambiance du lieu de soin ce qui expliquerait les écarts entre secteurs d’un même établissement, voire même entre unités d’un même secteur.
Les infirmiers lisent systématiquement les écrits de leurs collègues. Ces écrits sont perçus comme un outil au service de la continuité des prises en charge et comme un facteur de cohérence et de cohésion dans l’équipe. Les infirmiers sont cependant critiques vis à vis de ces écrits auxquels ils reprochent d’être insuffisamment précis, de ne pas laisser assez de place à la réflexion clinique, d’être trop axés sur les troubles du comportement, de manquer d’engagement.
L’analyse des dossiers réels effectués par les groupes de travail mis en place dans les trois établissements pilote fait apparaître un mouvement : les infirmiers écrivent davantage qu’ils ne l’ont jamais fait, sur un nombre plus important de patients.
A travers le contenu des écrits infirmier, le rôle du dossier, tel qu’il apparaît dans un premier temps, en partant du terrain n'est pas d'enregistrer scrupuleusement les preuves données par le malade de son aptitude à se tirer honorablement des situations difficiles, ni de donner un échantillonnage moyen de la conduite passée de l'intéressé. Son rôle essentiel est de décrire les différentes manifestations de la maladie, de montrer qu'on a bien fait de l'hospitaliser et que l'on a raison de le garder encore hospitalisé. Ainsi utilisé, le cahier de rapport ou le dossier de soin est impropre à simplement reconnaître l'autre comme sujet. A trop chercher le symptôme, les soignants passent à côté des ressources des patients. Les éléments essentiels du soin en terme qualitatif apparaissent également impossible à appréhender puisque le soin lui-même n’est pas décrit. Ce constat vaut pour partie également pour l’extra hospitalier même si la fonction de surveillance est moins au premier plan.. L’analyse des différents dossiers montre une certaine forme de “ôle social ”. Tout ce qui est de l’ordre d’une déviation de la norme tend à être rapporté et à entraîner une éventuelle hospitalisation.
Les notations infirmières relèvent ainsi quasi exclusivement du rôle délégué. En dehors de l’exception laragnaise et de quelques écrits d’un CMP toulousain, les écrits relatifs au rôle propre n’apparaissent pas dans les documents analysés. Il apparaît ainsi impossible d’évaluer la qualité des soins infirmiers à partir des seuls écrits.
Les formations à l’écriture, qu’elles initient à la transmission ciblée ou à une écriture clinique infirmière permettent d’améliorer la qualité de ces écrits. Les soignants dans ce contexte décrivent le soin beaucoup plus finement.
L’objectif de l’étude était d’abord d’amener les équipes soignantes à regarder leurs écrits d’un peu plus près, de les critiquer, il était ensuite de définir avec elles des critères permettant de mesurer la qualité de leurs écrits (transmission des informations, outils d’organisation du soin, traçabilité) de telle sorte que chaque équipe puisse dans un quatrième temps les auto-évaluer et au delà, auto-évaluer la qualité des soins dispensés aux patients..