A mes copains et amis de l'AERLIP.
Pourquoi continuer à écrire mes souvenirs de l'AERLIP ? S'il ne s'agissait que de témoigner ou transmettre des anecdotes, je me serais abstenu et continuerai de le faire. Suis-je un des mieux placés pour compléter ce qui a été bien décrit, par le collectif de rédaction, sur le mouvement lui-même ?
J.P. Catonné, M. Monroy, M. Saulnier et d'autres, seraient à mon sens, de meilleurs interlocuteurs.
Les deux premiers m'ont fait savoir qu'ils étaient disponibles pour répondre à d'éventuelles questions à ce sujet.
Il s'agit, pour moi, de reconnaître ce que le collectif AERLIP m'a permis de réaliser non seulement par rapport à la psychiatrie, mais surtout à mon devenir personnel.
Cette expérience a été un tournant dans ma vie.
Retraite
Après quelque quarante années d'exercice, j'eus finalement davantage de passions que d'indifférences, là où il aurait fallu pourtant en avoir. Je n'ai pu continuer à exercer ce métier que par l'intérêt porté à la littérature et à la psychopathologie. Si j'ai apprécié certains (es) collègues et d'autres professionnels de cette discipline, la réalité du quotidien de certains lieux de soins me débecte, ça pue souvent la mauvaise foi et la bêtise à souhaits, j'en ai vu des bourrés d'inepties jusqu'à la gueule, autant et peut être davantage que d'autres pouvaient l'être d'alcool! Ils en étaient comme des mongols, fiers, gonflés au gaz de la jalousie, y z'ont d'la haine-radioactivité, ça vole bas mais ça ne fait rien, la haine attise leur quotidien, messieurs dames ! Comment les psychiatres pouvaient-ils accepter cela ? On eût dit que ça les arrangeait, leurs bêtises, leur il en tient une couche celui ou celle-là… ! dit en aparté.
Cependant, toute cette bêtise n'échappait pas à certains patients qui venaient confier leurs sentiments à cet égard, aux quelques soignants de confiance.
J'en entendis des projets de fortune et autres échappatoires quelconques, des atomisés du tiercé ou jeux de grattage, à la maison sur plan avec cloisons insonorisées de la chambre d'amis, en passant par le loto, la mangeaille au supermarché préféré, la jubilation sadique de certains " collègues " apprenant les difficultés d'un (e) des leurs, notamment la déprime, la durite pétée, et toute la peste déclinée en myriades anecdotes qui, pourtant, en psychiatrie touchent à l'essentiel. C'est bien fait pour sa gueule…. ! La bêtise mute en haine.
Ah, j'en ai goûté de la connerie obligatoire, du t'as pas vu Narcisse dans les réunions, aux copistes, mon Dieu, à la pelle ! fume toujours ! réjouis ton membre ! vive les commérages et autres rêves de gloire ! Des gens y voient un progrès, moi une perte dans toutes ces bouffonneries infinies, ces bouche-trous imbéciles, amateurs de voies toutes faites, monde à rires. Ah ! Si Serpsy publie ça, ça va gueueueulller !
Le métier d'infirmier en psy a été ravagé par les concessionnaires de la connerie, y compris celle des médecins qui ont laissé faire l'inacceptable.
Tant pis…pour eux, dommage pour les malades. Content de m'en être sorti et je suis pas près de la fermer, ce n'est qu'un début.
Aussi, suis-je redevable d'une dette affective, à mes collègues qui ont su faire vivre d'une toute autre manière le collectif AERLIP. Je la reconnais non seulement sans gêne mais avec un plaisir certain. Ils ont accepté que je circule à la périphérie de leurs idées, ce qui bien sûr les contraignait à bosser davantage, tandis que je lisais et posais mille questions. Je ne connaissais presque rien. J'ai gardé des vaches et des moutons dans ma jeunesse suite à une scolarité vite interrompue, à 14 ans il a fallu bosser pour nourrir les frangines. D'une autre manière, avant d'être infirmier en psychiatrie, j'avais déjà été gardien, deux années de suite berger dans le jura, puis j'ai travaillé comme ouvrier du textile à l'usine Vitoux avant de passer le concours d'entrer comme élève infirmier, à l'hôpital psychiatrique de Châlons sur marne, (Châlons en champagne aujourd'hui) en novembre 1963.
Merci chers collègues et amis de l'AERLIP, lorsque je prends la parole en public, ce qui compte c'est la fin, le je vous remercie que j'adresse sans que personne en sache rien, presque un Je vous salue marie…métaphore d'un je pense à vous.
D'une certaine manière, merci à Serpsy aussi.
J.Ph. Catonné me disait tout récemment dans un courrier, que le souvenir le plus vivace qu'il avait gardé de cette période était la beauté, pour ma part je n'oublie pas votre générosité, et je vous dédie les lignes suivantes :
La peau du groupe.
On parlait autant de poésie que de psychopatho, Minkowski, Bleuler, Aragon, Baudelaire…Maïakovski, De Clérembault, Rilke, Apollinaire…
Ah, c'est plus fort que moi, qu'on m'attache, je ne me tiens pas, qu'on m'enchaîne, vite un caleçon de force !
Certains écrivaient des facéties, masses de dévergondage, d'emportements, un fouillis sans ordre mais que de style parfois dans ce maquis ! Va conversation, court, gambade, accourez verve et blagues pour saccader nos épaules. Je les revois passer au coin du feu, mais c'est surtout de l'avenir dont nous parlions, casse-lui le bec à ta plume en de belles promenades, on sentait quelque chose du bonheur entre nous, quand j'y pense j'en suis parfois accablé, pris par une sorte de mélancolie, un peu confuse et infinie.
Dire que les gens me disent, c'est bien, va z'y continue, c'est d'actualité.
Tous ces souvenirs mêlés aux nouveaux paradigmes d'aujourd'hui :
De la psychiatrie vers la santé mentale, De la démocratie en santé mentale ! Du partenariat au réseau !
Gonflés d'appeler ça un paradigme ces messieurs les rapporteurs.
Oh les beaux jours comme hier par exemple, 14 novembre 2002 au FIAP, où durant plus d'une heure et demie il n'en finissait pas le J.L. Roelandt avec son rapport déjà mille fois présenté avec son copain E. Piel, de Dé Spécifier ! C'est ça l'avenir. L'éternité ça dure longtemps, surtout vers la fin. T'as l'ombre du réactionnaire qui commence à pointer sur les discours des gros diseurs de bêtises.
Avant, on a eu droit au maquis et ses passeurs, dans les hautes broussailles, ici un petit bouquet de chênes, là des genêts, un p'tit coup de St Alban, c'est pas du serpent de mer mais le retour de la bête du Gévaudan et….réseau…réseau…répondait l'écho. Moi je pensais, roseau…roseau…trempe ta plume, dans l'maquis, il faut apprendre à faire avec des bandits de grands chemins.
La route allait le long de la mer, nous marchions sur le sable, un soleil que je ne connaissais pas, j'ai commencé Cap Columbia, dans le maquis Corse, et ce soleil que je ne connaissais pas qui blanchissait tout. Nous ne sommes pas des huîtres en bord de mer qui l'ouvrent juste pour la becquée, c'était tisonnant ce rôle de voltigeur et je suis bien emmerdé, des fois, de me trouver parmi ces airs de diamants au cul des pourceaux. Ca me donne une fièvre d'âne de salon.
Vite au roseau jean pierre! Mes beuglements sont à coups sûr plus rassurants pour moi, que vos bouleversements paradigmatiques, tricolores et stupides, de la Psy vers la SM, ou de la Démo en SM.
C'est quand même un peu plus compliqué que ça, la psy, il ne suffit pas de dire " on ferme…l'HP…vive le réseau, partenariat, démocratie ! ", faut mettre autre chose à la place comme disait leur papa Lucien Bonnafé, et ça coûtera beaucoup, mais beaucoup plus cher que l'HP. Vifs regrets, mais moi je tiens compte de la réalité, la société ne va pas être d'accord pour y mettre les sous. Tant que des pétitpneumocalomnies comme celles de Toulouse resteront impunies, tant que des propos aussi abjects seront tenus sur les malades, y compris le Salut l'autiste adressé par un journaliste à l'ex premier ministre, quelques jours après sa démission, vos histoires de réseau et tutti quanti resteront, pour moi, de la badine. Vous êtes des fatigués du pouvoir, de maximes définitions, de raccourcis, amateurs de fauteuils, et ça vous tourne le crâne. Si les disparités vous irritent autant, pourquoi les avoirs acceptées pendant des années ? Qui les a autorisées ? Sûrement pas les infirmiers et encore moins les malades !
Ministère et psychiatres sont pour partie des rats autour d'un morceau de gigot. Oui ! vous êtes des rats en compagnies de certains infirmiers-ères voulant goûter à la cochonnerie des joujoux du pouvoir et du fric. La médiocrité dorée, ça rapporte.
En attendant, effectifs infirmiers bientôt en dessous de zéro, iceberg droit devant mon commandant ! Trente pour cent de la population souffriraient de troubles mentaux. Pourcentage effarant ! D'où tient-il cela Roelandt ? Et qu'appelle t-il un trouble mental, de quoi et de qui parle t-on dans ces trente pour cent?
Comment se fait-il que les collègues rattachent de plus en plus des patients ? Pourquoi beaucoup de médecins payés à temps plein sont présents une demie heure dans leur service, deux ou trois fois par semaine ? Que font-ils le reste du temps ? Qui contrôle ? Pourquoi certains collègues et les malades passent-ils des WE de trois jours sans voir un médecin. Trois jours au bas mot !
Eh ! Du calme jeune homme, calmez-vous, calmez-vous, faut pas demander autant de soleil à la France et de bonheur à la psychiatrie. Au lieu de faire tant l'artiste égaré du chemin, faites un peu de philo, lisez Rabelais…
- C'est fait, et même que la psy c'est une pétaudière.
Montaigne…
- Aussi.
Mais vous êtes parano… !
- Oui.
Apprenez à voir les jours plus tranquillement, ne demandez pas d'oranges au pommier. Allez dans les cafés, apprenez à pétrir sans payer, quoi ! La SNCF sillonne la campagne, l'avion s'est démocratisé, faites un régime sévère de raison, lisez Machiavel, vous voyez bien qu'il pleut du charbon de terre un peu partout. Risque de pollution, 90 km heure maximum. Il y a bien la Caisse d'Epargne pour mieux se placer, non !?
R'gardez là bien, cette boutique qu'on appelle psychiatrie, et dites m'en des nouvelles. Mais non d'un chien, j'vais m'en aller marcher sur le sable de Syrie, horizon rouge à l'heure des chameaux assis. De la gaze blanche, du bracelet d'or avec le roseau, ce n'est pas fini !!
J'ai de l'ambition, mais pas pour les dîners de quatre sous, bon ton, prêchi prêcha, élucubrations à tout noyer dans une espèce de sauce humanitaire : Non à l'exclusion, Oui aux soins ! L'OMS, rognonne au plus haut point avec ses vues macros, ses étendards à la con. Ca parlera un peu à ceux qui ont eu la patiente d'écouter J.L Roelandt une heure et demie.
Le terme d'exclusion ou d'exclus est très inflationniste, tu dis rien et tout à la fois quand t'as ça dans la bouche. C'est devenu massif et indéterminé, comme la Santé Mentale. Ce n'est pas une notion analytique à partir de la quelle on pourrait conduire des investigations précises. Ils regroupent des réalités très hétérogènes pour ne pas dire hétéroclites. Un jeune des banlieues, des bonbons pour l'extasie, une personne âgée dépendante, des chômeurs, des prostituées, les déprimés etc ? Pas la même trajectoire, le même vécu, ni le même destin.
Une des questions qui doit mobiliser les soignants en psychiatrie, c'est pourquoi telle personne en arrive à délirer par exemple. Quels mécanismes, quels processus ? Où cela les mène ?
On " soigne " les malades mentaux comme le chômage. Par du traitement social ! On leur retire une affiliation médicale et soignante. C'est de la désaffiliation et non de l'exclusion.
D'ailleurs, la loi Aubry a bien ré affilié le suivi social des patients dans la loi des pauvres, avec sa CMU et tout le bataclan, y compris l'article qui accorde le DEISP, un bout de papier d'aucune valeur. Foutaise ! de ces décideurs politiques qui jouissent de l'usufruit des emmerdements.
Manque de bol, dehors ! et pour un bout de temps ! Y z'ont le temps de se refaire le teint frais.
Du métier d'infirmier en psychiatrie, un cas !
Chronique d'Auxerre 1 :
Où l'histoire commence
Chronique d'Auxerre 2 :
Café noir et ordinaire jaune
Chronique d'Auxerre 3 :
Bédé Rouge et chu tanné d’moé
Chronique d'Auxerre 4 :
Folie, maladies mentales, animation des lieux de soins.