Je tiens à préciser que je ne suis pas la mémoire de l'AERLIP. Il serait souhaitable que d'autres personnes apportent leur témoignage sur cette période, même si elles n'étaient directement engagées dans l'AERLIP.
JP Catonné, est médecin psychiatre au CHS de Clermont de l'oise.
Ph. Mangano est infirmier à l'EPS Maison Blanche, Avenue J. Jaurés, 93330, Neuilly sur marne.
J.P. Bakouche, psychologue, est à la retraite (JP Catonné pourra peut-être transmettre ses cordonnées)
Eliane Fontanille (E. Debove), cadre infirmière, pavillon Nivose, EPS Perray Vaucluse, 91000, Epinay sur orge.
Stéphane Duffaux est aux dernières nouvelles, infirmier à Moisselles.
M. Monroy est à la retraite, si j'obtiens des nouvelles, je vous en informe.
J. Gérardin : idem
Tous deux étaient chargés du rapport au congrès d'Auxerre.
J Ayme peut également être contacté, ses coordonnées figurent dans l'annuaire téléphonique de Paris.
Reportez-vous aux documents qui ont été publiés pour obtenir davantage de références.
Café noir et ordinarire jaune
Un matin, j'avais RDV chez Jean Philippe Catonné, je lui ai parlé du discours de John Kennedy qui s'indignait dans les années 62-63 du surencombrement des hôpitaux psychiatriques aux USA. Jean Philippe en avait entendu parler mais il n'avait aucun document là dessus. Il disait qu'il fallait être réservé sur les bonnes intentions des dirigeants, éventuellement disposés à donner davantage de moyens aux psychiatres, pour que le rejet des malades disparaisse. Le rejet s'exprimerait d'une autre façon selon Catonné.
La prévention permettrait de réduire certaines conséquences du versant déficitaire de certaines psychoses, " les chro…chro…niques " disait-il en riant, mais il craignait que celle-ci (la prévention) soit l'équivalent d'une attitude de fuite ou une illusion devant la réalité des problèmes posés par les psychotiques, un mécanisme de défense quoi !
C'qui faudrait, c'est une alternative à la police en assumant une présence soignante dans la communauté, au moment de la crise, avant que le mécanisme de l'internement ne se déclenche.
Internement c'est comme dément dans le langage des non professionnels, ça peut durer très longtemps même en dehors de l'hôpital ! Les représentations de l'imaginaire social ne se modifient pas au même rythme que les représentations des professionnels de la psychiatrie.
Café… ? Oui vas-y…café.
Dehors, il faisait beau. J'avais déjà beaucoup d'attention pour Jean Philippe et je n'oublierai jamais ses dispositions à écouter, proposer, aller, venir, défendre, polémiquer.
Nous reprîmes la discussion sur la psy en prenant le café.
Je crois que c'est plutôt la non disponibilité matérielle et psychique des soignants, qui contraint les intervenants à repousser les appels vers les services sociaux ou la police (JP Catonné)
Ensuite on a parlé des articles en préparation, c'était la première fois que j'écrivais, enfin que je témoignais, j'avais davantage le sentiment de parler que d'écrire, j'écrivais ce que je ne pouvais pas dire, dès fois ça courait sur la feuille, à d'autres moments je me disais que je risquais d'avoir des ennuis, j'avais les chocottes. Je revoyais les malades sur fond gris avec écran de fumée, masses, crânes rasés, pseudonymes, sobriquets, stéréotypies, décès, clés, froid, fureurs, promenades, camp, cris, ils mangeaient ce qu'on leur donnait de la gamelle, je passais entre les tables, j'avais un ailleurs, d'autres avaient la hiérarchie comme projet.
Moi…ma carrière, mes échelons, ma place de surveillant et si je peux, surveillant chef et…pour ça, il fallait calculer : quel service, que dire et à quel moment, devant quel chef de service, soutenir quelle position, prendre une carte à quel syndicat ?
Mes malades, mon pavillon, mon ambulance ? elle est arrivée, mon ambulance ? et mes haricots, ils sont bons à midi ?
Il était fier, il avait quelque chose à lui, rien ne lui échappait et tenez-vous bien, c'était un surveillant bien vu par l'administration, il veillait sur le bien, tout est à moi, rien est à eux.
Il y avait d'autres profils, davantage clinique, psychanalyse et ce qui va avec, ça causait, causait, et d'autres faisaient le boulot ; c'est à dire les bains, les chambres, les repas, les médocs, le linge, courir après ceux qui s'échappaient, et ça causait…ailleurs…
Et puis certains causeurs devenaient surveillants et on les entendait moins causer, le médecin chef avait changé, c'était plus la psychanalyse mais, de la rigueur pharmaco, la réunion hebdo était devenue quinzo avec l'ordo du causeur d'autrefois, de telle à telle heure et la raison allait au dernier qui avait parlé, le mot de la fin, c'était le moment de se barrer. Rien ne changeait. On guettait les " conneries ", RDV manqués, dossiers égarés, informations imprécises ou erronées, le manque de respect entre collègues, les disparitions diverses, des clés ah ! sacrilège ! nourriture, linge, TV, des meubles, vaisselle etc, le planning c'est la Bible, c'est sacré, on le scrute comme un manuscrit de Kumram, du blanc, des ratures, encore du blanc, encore des ratures, des rajouts, mais c'est par là, semble t-il que passe la paix.
Pour moi, le Livre Blanc, c'était ça, toutes les conneries du quotidien, le Livre Blanc de la violence qui est faite aux gens, je le répète, premièrement la violence de mettre des gens (soignants-soignés) sans formation adéquate, effectifs insuffisants, violence individuelle tenant au caractère ou la personnalité de certains professionnels, infirmiers, médecins, et autres…
Violence des silences comme réponses ou mépris adressés à l'autre, ignorance feinte, ah…ce sont des gens fragiles, tu peux pas les secouer comme çà…et pourtant, il existe des soignants silencieux qui, tous les jours affrontent, sans rien dire, la réalité des soins avec son lot licencieux de décisions personnelles, les sans compte à rendre…je l'ai bouclé !! et qu'on vienne me dire quelque chose… ? Demain je n'viens pas… !! Démerdez-vous !! J'en ai marre, moi aussi… !!
Ca y est, la violence est installée, elle agit, les patients perçoivent très bien ce mode de fonctionnement, ça leur fiche la trouille, surtout à ceux qui ont besoin d'être rassurés, de savoir, que selon tel ou tel, il y aura ou pas, ses cigarettes, un pyjama, à manger, entretien, accueil, pansements, activités….
Violence à l'origine des sans papiers, sans domicile, combien de patients arrivent après la politique de la terre brûlée, ils n'ont plus rien et on nous demande en 4 ou 5 semaines (DMS oblige) de reconstituer, de suivre en CMP, d'évaluer, d'accompagner…accompagner qui et quoi?
A cri dit té !! Accréditez le cri de la psychiatrie !! Le prix de son autopsie !!
RDV en stomato au centre hospitalier général :
Ah…c'est d'la psy… ?
Aux urgences : encore un psy… ?!
R'garde le lui, sur c'est un psy !! Aussi dingue que les malades !
Voilà la violence ordinaire, celle qui finit un jour ou l'autre par un événement ex-traordinaire, soignants agressés ou tués, la liste commence a être longue, exemple, St jean de Bonnefonds, Vinatier et tant d'autres comme ce patient qui a menacé, dans un hôpital de l'Essonne, un infirmier avec un revolver posé sur la tempe, et tant d'autres agressions qui se font par exemple au cutter…
Voilà la violence ordinaire comme ces patients qui dorment par terre dans certains pavillons parce…les médicaments…la maladie…l'aspect peu attirant…le manque de personnel…la lassitude de ceux qui restent…2 malades devant la TV, une autre à la vaisselle, trois au salon fumeur, cinq dans leur chambre, le téléphone sonne, un malade veut son argent, un autre a mal à la tête, le médecin cherche un dossier, vite il faut aller au dispensaire, la psycho qui arrivera en retard, un malade qui cogne à la porte de " sa chambre d'isolement ", les médocs à préparer, le téléphone qui sonne, un questionnaire à remplir sur l'appel des renforts pour la période du temps au temps, un malade qui veut le jeu d'échec, une admission, on ne retrouve plus les papiers de madame untel, une autre demande sa sortie, une infirmière lui explique qu'elle est en HDT…insultes, menaces, crachats, bousculade, les patients s'écartent, c'est la peur………c'est la chronique ordinaire de la vie quotidienne de certains services, certainement plus nombreux qu'on ne le pense, le téléphone sonne, c'est le frère d'une patiente qui menace de venir tuer tout le monde si on ne laisse pas sortir sa sœur, c'est l'ordinarire jaune du quotidien des soignants en psychiatrie.
Qui c'est le chef de service ici ?
C'est untel…on le voit pratiquement jamais, il vient rarement, c'est le dr untel qui s'occupe du pavillon.
Les réunions… ?
Pff…y en a beaucoup moins, une fois sur deux elles sont supprimées parce qu'on est de moins en moins, la dernière on était quatre, moi…, la stagiaire…, l'aide soignante…et la psychomotricienne qui vient tous les mercredis après-midi pour faire un groupe, on a attendu le médecin pendant ½ heure, il a parlé d'un patient suivi à l'extérieur pour que la psychomotricienne essaye de le prendre en charge, et il s'est barré.
Je tiens à préciser que tous les éléments que je rapporte, sont construits à partir de notes et je tiens compte de la réalité d'aujourd'hui, parce que l'histoire serait un mensonge, si elle ne permettait pas d'expliquer d'une certaine manière le présent.
Elle serait un simple plaisir narratif sans intérêt réel pour les pratiques, si elle avait un rapport éloigné avec les faits d'aujourd'hui.
Chronique d'Auxerre 2 :
Où l'histoire commence
Chronique d'Auxerre 3 :
Bédé Rouge et chu tanné d’moé
Chronique d'Auxerre 4 :
Folie, maladies mentales, animation des lieux de soins.
Chronique d'Auxerre 5 :
A mes copains et amis de l'AERLIP