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La psychiatrie : Quelle histoire !!!
D'abord TAN !TAN !
Ces pages sont écrites à partir de notes prises ici et là, au cours de certaines réunions, dans les bars après, quelques fois au Toutankamon (Odéon).
Il y a eu un avant Auxerre comme je l'ai dit sur le forum de SERPSY le 7 avril dernier. Bon, lorsque je dis que J. Ayme nous a beaucoup aidé, je veux dire qu'il a su, à chaque fois, intervenir dans les réunions, sur notre demande qui était : Une meilleure, voire une autre formation pour les infirmiers en psychiatrie.
Je ne me souviens pas l'avoir entendu tenir quelque propos que ce soit sur la politique et encore moins sur son appartenance.
Tout le monde savait qu'il était très engagé (il le reste encore), mais il se référait essentiellement à la psychanalyse pour nous aider.
Alors, il y avait par ailleurs, des psychologues, des infirmiers, des sociologues qui eux, tenaient un discours politisé sur notre action. Ils étaient pour la plupart trotskytes ou dans cette mouvance.
Nous, les Jean Philippe Catonné, Philippe Mangano, Jean Pierre Vérot, Eliane Debove, Stéphane Duffaux (t'as pas du feu Duffaux… ?), Jean Pierre Bakouche, j'en oublie, qu'ils me le disent et ils seront ajoutés, à vrai dire, ce qui nous mobilisait, c'était la question des soins. Oh…le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on était pas de droite, nous étions marqués à gauche, mais nous tenions à ne pas faire d'amalgame, il nous fallait une réflexion et d'autres pratiques soignantes. Tan Tan !!
Lorsque nous le faisions remarquer en terminant cette mise au point par Tan Tan !!, nous voulions signifier que, par rapport à la complexité des " troubles " et aux réponses thérapeutiques à leurs proposer, nous nous sentions un peu comme Tan, vous savez, ce patient qui s'appelait en réalité Mr Leborgne, du moins à en croire les textes, privé non pas d'intelligence mais de la coordination des mouvements propres au langage articulé : l'aphémie. Il répétait, sans cesse Tan ! Tan ! c'est tout ce qu'il savait dire.
Autrement dit :
- Y avait-il un espoir, pour qu'un jour, euh…ou une nuit d'ailleurs, nous puissions avoir accès à une possibilité de nous exprimer sur les soins infirmiers en psychiatrie ?
- Si oui, dans quelle conditions ?
C'est à dire que nous devions progresser au niveau de la réflexion et de l'expression pour être, d'une certaine manière moins aveugles.
Vaste programme ! Il nous fallait du temps et une organisation. Du côte de l'orga, pas trop de souci à se faire, y avait des postulants, les membres du PCF c'est à dire des staliniens, et des trotskystes, certes moins rébarbatifs à première vue, plus chevelus, à la présentation plus esthétique, moins standardisés et je le reconnais, plus persuasifs, mais tout aussi tenaces dans la récupe.
Le PCF avait l'avantage de pouvoir s'appuyer sur les CEMEA dans lesquels ils étaient les plus nombreux.
Nous là d'dans on allait faire ce qu'on pouvait dans la mesure de nos moyens, nous voulions dénoncer la violence qui était faite aux gens, violence toute à la fois institutionnelle, inutile, perverse, la violence de ce qui était appelé à tort les Asiles, qui n'avait rien d'un refuge thérapeutique, si ce n'est pour des carriéristes, gens mal dans leur peau cherchant à trouver un quelconque équilibre psychologique dans le dédale institutionnel, parasites, punaises, cafards, méchants, pauvres, déchus, ils ne manquaient que les vérolés (de ce côté là, il semble que le réseau Internet soit bien servi).
Nous voulions une autre éthique, une autre déontologie et d'autres références thérapeutiques.
Poètes, vos papiers ! Léo Ferré.
Les réunions avaient lieu à Moisselles (en principe), c'était le siège social de l'association, j'avais la facilité de la proximité Gonesse-Moisselles, les nuits étaient courtes, car on devaient, par dessus le marché, se coltiner comme dans tous les groupes, les enjeux de pouvoir et notre objectif c'était de prendre la parole à travers des écrits dénonçant les conditions inacceptables de certains traitements pour demander une autre formation. Michel Monroy était l'un des plus présents avec Jean Philippe Catonné qui est devenu, notre permanent après le congrès d'Auxerre car l'association avait totalisé environ 300 inscriptions payantes. Les locaux que nous avions " loués " à St Bris le Vineux, était selon l'expression humoristique d'H. Bieser, un " camp d'entraînement des commandos du PCF ", une colonie de vacances ou l'annexe d'une C.O.P. quelconque quoi !
Rapidement, dans les réunions, nous nous sommes trouvés en difficultés car même, en ayant lu Goffman et Foucault, il nous manquait des billes au niveau des connaissances sociologiques sur l'histoire des institutions dites " thérapeutiques " en France et ailleurs, surtout en GB, Italie et Allemagne.
Alors, nous sommes partis à la recherche de documents et nous allions assister sur nos jours de repos, à des conférences, colloques, journées qui pouvaient nous apporter des infos.
C'était débordant, car on nous servait de la psychanalyse, du Lacan, du Bateson, du Kraeplin, A. Mayer, les pétards à Moreau de Tours et puis Foucault Foucault Foucault, qui écrit le surveillant Piersin au lieu de Pussin, etc. On était en formation quoi ! Klein-deuil, Ornicar, l'Evolution Psychiatrique…
Nous avons fait des choix, les aliénistes français et leurs positions respectives sur l'architecture et la façon de concevoir les soins, on parlait du couple " infernal " Pussin-Pinel et une polémique s'était engagée sur lequel des deux avait réellement fait tomber les chaînes ?
Pour nous, elles n'étaient pas tombées, le silence qui régnait autour des conditions de soins et le consensus médico-social, même dénoncés autour des mauvais traitements, les chaînes de l'impunité me donnaient la nausée, le " Vas j'te les abandonne " de Couthon adressé à Pinel, tracerait paraît-il, une ligne de démarcation politique, sorte de pacte mesquin de non ingérence.
Lorsque je prenais mon service, à peine avais-je franchi la porte, il y avait un malade qui disait souvent " Abat les bicots ! ", une autre le reprenais : " tu peux pas te taire, t'as pas honte ", " Elle a raison, pourquoi vous dites cela ? " lui dis-je, mais il se courbait comme un serviteur " Oui, abat les bicots " rajoutait-il avec la condescendance d'un serviteur.
Le chef de service, Pierre Mondoloni avait reçu le patient et lui avait expliqué qu'il refusait que de tels propos soient prononcés dans son service et qu'au demeurant, si cela devait se reproduire, le patient se verrait contraint de quitter le service.
On a plus jamais entendu " Abat les bicots !"
Je me disais que " certains malades " étaient des gens comme tout le monde et qu'ils n'avaient pas leur place à l'hôpital.
Au début, on parlait des mailles du silence, l'émail des faux sourires, y avait des mordus, y avait des chiens, ça clopait, fréquemment quelqu'un se levait pour dire qu'il n'était pas d'accord. Y avait des gens sympas qui reprenaient avec nous ailleurs, au bistrot, dans l'après-coup, de ce qui avait été dit pour l'expliquer, je prenais des notes. On découvrait les culs de basses fosses des sous entendus. Y avait quelqu'un qui s'appelait Jospin, mais c'était pas lui, c'était une femme, psychologue qui parlait beaucoup, finalement tout le monde avait l'air d'en chier, c'était facile pour personne. L'axe de la formation des infirmiers nous paraissait une priorité avec le non recrutement de certains profils psychologiques : impulsifs, psychopathes, névrose invalidante, psychorigidité, personne ne bronchait.
D'autres pensaient qu'il fallait revoir l'ensemble du dispositif, des pour des contres, des silencieux, des antipsychiatres, des psychanalystes, des philosophes, poooouuuu………
On parlait de ceux qui écrivaient le résultat des parties de tarot sur le cahier de rapport, d'autres qui écrivaient au crayon de papier, et rentrés chez eux, ils téléphonaient aux veilleurs : " Non ça tu l'effaces et laisses, demain je verrais… "
Je lisais à temps perdu…tout ce qui me tombait sous la main concernant notre sujet, et d'abord l'article sur la formation des infirmiers lors du colloque du groupe de Sèvres
Il fallait faire gaffe parce que dans certaines réunions, il y avait des costauds d'la socio et psycho qui nous reprenaient facile.
Mais on s'aimaient. Quand y avait pas réunion, direction Paris et un soir, on est allé voir au Pavillon Baltard L. Ferré : " Poète vos papiers ! ", il hurlait " PAPIR !! " comme un mec de la gestapo, " DOCUMENTI ! ! " comme un carabinier mussolinien, " Vos papiers… " comme un couard collabo du terroir français, couvrez-moi du béret de la haine pour aller jusqu'au bout !
On lisait par exemple les recommandations de Parchappe sur les principes à suivre dans la fondation et la construction des asiles d'aliénés, la thèse de Paumelle sur l'agitation, et puis on avait du St Alban à domicile, tous les jours, en entrée, plat de résistance, au téléphone, dans les poches, les casses croûte au St Alban, le café au St Alban, radio Fleury les Aubrais, Gentis, les murs de l'asile, la psychiatrie doit être faites et défaite par tous, il rêvait à l'époque du jour où il n'y aurait plus de psychiatres, c'était sur cette question, un visionnaire.
Nous avions pour la plupart d'entre nous, un projet d'article pour le Livre Blanc et, c'était libérateur, écrire et lire avec les yeux, j'ai commencé à lire autre chose que de la psy. Et oh, surprise, j'apprenais mon métier, je n'en revenais pas, je découvrais la souffrance psychique des gens, enfin, des types ou des nanas comme les autres, c'est à dire que des autres me permettaient de rêver réellement, de mieux me représenter ce que pouvait être une souffrance psychique, l'espace de la rêverie, la fonction alpha disent les techniciens, moi je dis la fonction du bien, j'étais transporté par le thé au jasmin, j'avais l'impression que quelque chose venait de commencer pour de bon, qui ne s'arrêterait jamais, j'étais simplement libéré, j'avais écrit, j'avais dit, j'avais lu que des gens écrivaient qu'ils souffraient, Maupassant, Kafka, T. Mann, Hemingway, Malraux et le reste… R. Gary…, un jour, l'étranger, je me suis assis, j'ai saisi quelque chose de la psychopathologie, du tueur froid, glacial, celui qui reste imperturbable, ça ne vous rappelle pas un événement récent ?
J'ai compris un peu mieux à mon niveau ce que pouvait être la désafférentation, l'indifférence affective. Peu importe ce qui lui arrive, il a décidé de se séparer de ce qui le hante depuis des années.
Je comprenais qu'il fallait du temps pour avoir conscience d'une certaine façon, de la souffrance de l'autre, je pigeais un peu ce que voulait dire s'identifier, projeter, déprimer, délirer.
Poètes, vos papiers !
Jean Pierre Vérot
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