1 - Préliminaires
A- Intérêt pour la recherche
Ne vous laissez pas arrêter par la page blanche, par la qualité apparente de ce que vous écrivez, ce qui compte c'est le travail mental que vous faites, posez tranquillement les jalons de votre réflexion. Il sera toujours temps de couper, corriger ... après.
Ne travaillez jamais contre vous, contre votre personnalité.
Qu'il s'agisse d'un travail de fin d'études, d'un mémoire ou d'une recherche il ne faut qu'un travail se fasse contre une vie. Nul n'est obligé d'être infirmier ou d'être chercheur.
Appuyez-vous sur des bases saines, tranquilles, sur votre propre existence pour construire le travail.
La recherche, la réflexion c'est collectif. Même si vous rédigerez seul. N'hésitez pas à en parler autour de vous, à vos collègues de promotion, de travail, mais aussi à vos proches, quitte ... à leur casser les pieds. Votre travail est inévitablement discontinu, mais il faut s'efforcer de ne pas l'interrompre trop longtemps. Il vous faut vous imposer une régularité : chaque semaine, même si, il y aura inévitablement des trous noirs à accepter.
B- Le travail scientifique
Toute recherche est un point de vue. Il n'y a pas de vérité absolue en sciences sociales, en sciences humaines.
Il y a toujours une prise de parti ; tout recherche intéressante est sujette à controverse. Mais, il est raisonnable d'éviter une polémique souvent inutile. D'autant plus que vous aurez à soutenir oralement votre point de vue et que vous n'êtes pas forcément à l'aise oralement. Vos contradicteurs, eux, le sont a priori plus que vous.
Une recherche originale implique que celui qui la mène ait conscience de s'introduire dans une continuité, dans une chaîne de chercheurs, et, en même temps, de faire un saut qualitatif. Il est exceptionnel d'ouvrir un champ de réflexion nouveau. Et même dans ce cas, d'autres auteurs, d'autres cliniciens vous ont précédé. Il importe donc de chercher ces prédécesseurs et de leur rendre hommage en pensant à partir de ce qu'ils ont écrit.
Le plus difficile est de poser correctement sa problématique. C'est en fait là que l'essentiel se joue. Quelles sont vos hypothèses de travail ? Il est possible de se tromper d'hypothèse, il importe alors de l'énoncer. ce que vous faites est un travail de recherche, un mémoire de fin d'études. L'important, c'est le voyage que vous faites, la mise en route et la découverte du paysage. Le but n'est pas de démonter à toute force.
Trouver une problématique bien posée, c'est là que tout se joue; dans les hypothèses de travail.
Un travail de recherche, un mémoire de fin d'études, c'est une initiation, un rite de passage. Votre T.F.E., c'est pour vous, c'est la seule chose que vous choisirez lors de votre diplôme. Vous amenez le jury sur votre terrain. C'est une dimension importante.
En fait, la recherche c'est le pied. C'est comme un jeu de piste, comme un meccano, la prime de plaisir est importante.
C-Implication
Se situer. D'où je parle ? Qui je suis ?
Toute recherche est un travail d'implication. Les personnes âgées ? Qu'est-ce que çà me fait ? Est-ce que çà me fait peur ? Qu'en est-il de mes propres grands-parents ?
Sur la mort, en quoi çà me concerne. Ai-je été confronté précocement à la mort ? etc. Qu'est-ce que çà me fait à moi les changements physiques externes, autrement dit le vieillissement ? Pourquoi poser la question de la sexualité des personnes âgées ? Pourquoi, moi, je la pose.
Eclaircir la situation du chercheur est important, sans cela pas de possibilité d'effectuer une mise à distance.
Pourquoi choisir un tel sujet ? Retracer son itinéraire.
B- Le choix du sujet
Deux règles : choisir un sujet qui vous plaise, un sujet qui corresponde à votre tempérament.
Une difficulté rencontrée au cours d'un stage, une question posée à laquelle vous n'avez pas eu de réponses, une question qui part de la pratique, de la clinique, c'est excellent. Ca permet de délimiter plus facilement le sujet, çà fournit éventuellement un terrain d'investigation, çà permet de se situer sans trop s'impliquer.
D'abord poser un problème. Le mot problème dans son sens littéral signifie questionnement et non pas difficultés, conflits.
Poser un problème, c'est donc pour nous poser une question.
Le problème naît d'une insatisfaction, d'un manque, d'un doute, d'une difficulté, d'une fréquence, d'une idée originale.
Exemples de problèmes :
Insatisfaction
Dans un service de soins intensifs, les infirmières depuis quelques mois, constatent que les malades perfusés avec un certain type de cathéters, développent des lymphangites. Leur insatisfaction va les pousser à étudier le problème. Dans une unité de psychiatrie, un infirmier constate que tous les entrants sont systématiquement isolés, son insatisfaction va le conduire à chercher si tous ces isolements sont justifiés. Une infirmière clinicienne se rend compte que le syndicat majoritaire dans son établissement fait tout ce qui est en son pouvoir pour couler toute tentative de reconnaissance d'actions de recherche infirmière, elle va chercher ce qui motive cette résistance active des membres du syndicat.
Manque
Dans un centre de soins rural, les infirmières déplorent l'absence de liaison avec les centres hospitaliers pour les malades qu'elles prennent en charge à domicile. Un infirmier constate que les Assistantes Sociales de son secteur gardent systématiquement pour elles les renseignements relatifs aux démarches des patients, ce qui produit des dysfonctionnements. Le directeur des Ressources Humaines de l'établissement refuse systématiquement de considérer que lorsque des infirmiers participent à des conférences c'est dans le cadre de leur temps de travail, l'infirmier général va enquêter sur les pratiques d'autres établissements.
Doute
Une puéricultrice, qui arrive dans une maternité constate que l'utilisation de clamp à usage unique, pour les ombilics des nouveaux-nés, retarde la chute de l'ombilic; Elle doute que ce procédé soit le meilleur. Un cadre-infirmier supérieur constate un taux anormalement important d'incidents violents dans une des unités dont il a la charge, il se demande si cela n'est pas dû à des contre-violences infirmières. La recherche part de ce doute.
Difficulté
La directrice d'une école d'infirmière éprouve certaines difficultés à faire entrer l'audiovisuel comme outil pédagogique dans son institution. Un infirmier général constate des réticences infirmières quant à l'utilisation de la démarche de soins. Un infirmier constate que les cadres de son établissement n'encouragent pas la pratique des entretiens infirmiers. Ces difficultés sont la source de leur questionnement.
Fréquence
L'étude des questionnaires de sortie des malades hospitalisés met en évidence de nombreuses plaintes concernant le bruit. Cette répétition amène le service infirmier à poser le problème du bruit dans l'établissement et à entreprendre une recherche. En réunion institutionnelle, un nombre important de patients se plaint de ne pas être écouté par les soignants, énonce qu'ils n'ont pas à respecter le cadre de soins, puisque les soignants eux-mêmes ne le respectent pas. La fréquence de ces plaintes va amener le surveillant-chef à proposer une recherche sur le cadre de soins.
Idée originale
Une infirmière de Santé Publique est étonnée de constater combien les femmes vivent mal leur période ménopausique. Elle pense qu'une préparation à cette étape importante de la vie féminine serait nécessaire. Son problème réside dans la réalisation de cette idée.
Une fois le problème isolé, il faut l'analyser.
Cette analyse de problème permet d'une part de poser le problème en terme général, c'est-à-dire de ne pas le considérer comme propre aux personnes impliquées dans la situation., et d'autre part l'objectivité de la démarche introduit à une généralisation du problème et facilite la pose d'hypothèses de recherches.
Exemple : il y a eu un nombre anormal de suicides dans mon secteur, en analysant le problème, je me décentre de mon secteur, je me demande si cette augmentation du nombre de suicide est propre à ce secteur ou se rencontre dans tout l'hôpital, dans toute la région parisienne. En fonction de la réponse, je me décentre et/ou me recentre sur ma question : Pourquoi y a-t-il une augmentation des suicides au sein du secteur XIV ou Pourquoi y a-t-il plus de suicide a Esquirol? Aller au delà ne serait pas raisonnable, nous ne sommes pas des sociologues. Mais s'il était avéré que le nombre de suicides était plus important en Ile de France. Nous pourrions aborder une question de santé Publique à partir du terrain.
Le problème doit être limité, cerné avec précision. Il est préférable de faire éclater une situation problème en plusieurs petits problèmes, même si ceux-ci entrent en interaction, plutôt que d'étudier un problème trop vaste. Une première analyse de problème peut en soulever une série en cascade et engendrer d'autres analyses. Le chercheur doit bien définir son sujet pour ne traiter que celui qui le préoccupe.
" Quand on ne sait pas ce qu'on cherche, on ne sait pas ce qu'on trouve. " Vous devez penser à l'accessibilité du terrain de recherche, à l'accessibilité des documents, à l'appui des personnes compétentes ou influentes, à la faisabilité de la recherche. Il n'est peut-être pas si évident que cela d'interroger des personnes du quatrième âge sur leurs pratiques sexuelles, les soignants risquent d'être gênés, de dénier toute forme de sexualité à ces personnes. Il faut ensuite délimiter votre sujet. Le délimiter dans le temps, dans l'espace, le préciser. On ne peut arriver à une délimitation du premier coup. C'est une démarche progressive. D'abord, qu'est-ce qu'une personne âgée ? L'âge suffit-il à caractériser une catégorie qui s'étend de 55 ans à 120 ans, qui comprend la petite fille de 55 ans, la fille de 80 ans, la mère de 100 ans, et pourquoi pas la grand-mère de 120 ans. L'âge suffit-il à caractériser Jean D'Ormesson, écrivain, golfeur émérite, 75 ans; Emile Petibidon, 65 ans, ouvrier en attente d'un cancer de l'amiante, Jeanine Bleandonu femme au foyer 98 ans, qui vit avec le minimum vieillesse ? Des énoncés tels que " Le sentiment d'inutilité " sont un peu vagues, " La sexualité des personnes âgées " également, quelle sexualité, dans quel lieu, sous quel regard, un sujet plus précis serait " La sexualité des personnes âgées : le regard de leurs enfants " ou " La sexualité des personnes âgées : s'aimer sans procréer ", ou " quelles représentations ont les personnes âgées de leur sexualité ? " ou " La sexualité des personnes âgées, tabou ou libération ", etc.
Par contre " La vie d'un couple au quotidien en maison de retraite " est excellent à condition de ne pas se restreindre à un point de vue descriptif. Un intitulé n'est pas neutre. Le singulier, le pluriel signifient. Un singulier implique un sujet traité sous l'angle synthétique (typologie, catégorie). Les occupations de la personne âgée, ressenti de la personne âgée face au vieillissement physique. Le pluriel est plus analytique, plus descriptif : La sexualité des personnes âgées, Les accidents domestiques chez les personnes âgées.
Donc éviter les sujets trop larges.
Donc absolument éviter les sujets trop larges.
Aymé Todot.
Fichier créé en 1998 - dernière modification 2008