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Les méthodes de travail

Une seule règle : avoir une méthode.
Avoir des hypothèses de départ : pas de travail sans hypothèses. Il n'y a pas de recherche autrement. Choisir celles qui correspondent à sa philosophie de la vie, ses choix politiques, sa philosophie du soin.

Démarche d'analyse de problème

Elle comprend trois phases : Phase descriptive, phase explicative, propositions de solutions.

A - Phase descriptive

Le problème n'est visible que par les signes ou les symptômes qu'il provoque. Cette première étape a pour but de faire l'inventaire des phénomènes qui vont permettre l'identification du problème.

Décrire c'est dépeindre dans le but de transmettre une information complète et exacte. Cela exige une rigueur absolue, que ce soit dans une thèse, dans un travail de recherche, dans un TFE ou dans une observation infirmière. L'observation infirmière peut être utilisée comme outil de recherche dans une étude rétrospective sur dossier. Moins c'est précis, moins c'est utilisable pour la recherche. Moins c'est précis moins c'est utilisable dans la pratique.

De la rigueur et de la précision avant tout. Chercher le mot juste. Entraînez-vous pendant que vous êtes en cours, après, sur le terrain vous en aurez rarement le temps.

Décrire c'est important, çà renvoie à quelle sorte d'infirmiers ou de cadres vous voulez être. Un exécutant banalisé de taches banales prescrites par le médecin ? Un professionnel compétent qui assume son rôle propre qui reçoit et transmet des informations significatives ? Un soignant attentif, vigilant qui s'astreint à transmettre au mieux ce que le patient du fin fond de sa nuit psychotique essaie de dire ? Un cadre à l'écriture châtrée qui manie la langue de bois à la mode mais est incapable de montrer ce qui se passe réellement dans son unité ?
Après tout, infirmier on s'en fiche, çà renvoie à quelle sorte de vie vous voulez vivre. Vivre passif dans un monde qui vous domine ou vivre acteur de ce monde ? C'est à dire tenter de le dominer, d'y imprimer votre marque ?

Décrire donc.
Pas de description sans concept. Un concept c'est une représentation abstraite manipulable par la pensée, d'un phénomène quelconque qui s'impose à nous dans le réel. C'est l'image mentale d'un événement caractérisé par des éléments spécifiques.
La satisfaction, l'accueil, la douleur, la vieillesse peuvent être des concepts. Pour cela il doivent être définis.
Qu'entend-on par douleur ? Comment le langage courant la définit-il ? Qu'en disent les différents dictionnaires (étymologique, analogique, le Littré qui nous renseigne sur les différents sens historiques d'un mot et ses utilisations, de psychologie, de sociologie, de philosophie) ? Comment différencier douleur et souffrance ? Comment la médecine définit-elle ce terme ? Peut-on faire une histoire de la douleur ? Etc.
Il s'agit de définir le plus précisément le concept de " douleur " de telle sorte que face à un mal être quelconque vous puissiez le ranger ou non dans cette catégorie. Vous pourrez peut-être même repérer ensuite plusieurs types de douleurs selon leur effet sur la personne par exemple, leur intensité, leur effet sur celui qui ne la ressent pas et qui reçoit la plainte douloureuse. La façon de procéder est la même pour la satisfaction. Il vous faut avant délimiter soigneusement de quelle satisfaction vous voulez parler : satisfaction au travail, satisfaction des usagers, etc. Mieux votre concept est défini, plus votre travail sera précis, ramassé. Souvenez-vous : " Qui trop embrasse mal étreint ".
Pour la vieillesse vous ferez de même. Vous verrez qu'il existe une approche sociologique de la vieillesse, une approche psychologique, une approche économique, une approche psychanalytique, une approche anthropologique, une approche philosophique. Chaque approche donne " sa " définition du phénomène étudié. Il vous appartient de vous situer par rapport à ces approches diverses et de définir, ce que, vous, vous nommerez vieillesse tout au long de votre réflexion et pourquoi. Vous choisirez par exemple d'insister sur la notion de dépendance liée au grand âge, donc vous ne vous intéresserez qu'aux personnes âgées de 90 ans et plus qui vivent en institution. Ce choix s'explique par votre volonté de travailler sur les représentations des enfants de ces personnes qui entrent eux-mêmes dans la vieillesse.

Quand nous décrivons un coucher de soleil, le faciès d'un blessé, l'angoisse d'un patient notre description résulte toujours d'un choix conscient ou non, guidé par deux facteurs essentiels : nos objectifs, notre perception. Nos objectifs guident la description. Décrire est un concept vide si on ne sait pas pourquoi on décrit. Il est essentiel de savoir qu'une description n'englobe jamais qu'une infime partie d'un objet, d'une réalité. A titre d'exemple, entraînez-vous à décrire un plateau-repas à l'hôpital sous l'angle nutritif, puis sous l'angle esthétique et gustatif, puis sous l'angle économique, puis sous l'angle culturel, puis en adoptant le point de vue de Paul Bocuse, puis en adoptant celui de Pierre P. SDF qui n'a pas eu un repas chaud depuis trois mois, puis celui de Marina, anorexique qui ne pèse plus que 35 kg, puis celui de Maurice, délirant persuadé qu'on veut l'empoisonner, etc. Toutes ces descriptions peuvent s'entendre, certaines peuvent être transmises par l'infirmier, sans objectif, elles ne prennent pas de sens.
Que s'agit-il de montrer : que la ration alimentaire est insuffisante ? Quelle est suffisamment bonne pour une population qui ne mange pas tous les jours ? Qu'elle est calquée sur le modèle de l'alimentation de caserne ? Qu'elle coûte beaucoup trop cher ? Que l'essentiel n'est pas ce qui se mange mais la nourriture intellectuelle ?

Nous avons commencé à le montrer avec notre plateau-repas, deux personnes qui n'ont pas le même objectif ne feront pas la même description d'un phénomène. Elles ne verront même pas le même objet. Elles ne seront en tout cas pas sensibles aux mêmes facettes de l'objet. D'où l'intérêt de définir soigneusement l'objet étudié et les aspects de cet objet auxquels on s'intéresse.

Deux personnes ayant le même objectif n'obtiendront pas tout à fait le même résultat descriptif surtout si l'objet n'est pas directement observable. Les représentations personnelles de chacun des observateurs induisent ces différences. La frontière est souvent étroite entre description et interprétation, nous interprétons plus souvent ce que nous voyons que nous ne le décrivons.
Exemple : une infirmière parlant d'un patient dit " il est fatigué ". Elle donne une interprétation que nous nommerons information et qui recouvre en fait le concept de fatigue.
Si parlant du même patient, elle dit " il est pâle, a les yeux cernés, un battement des ailes du nez, il ne bouge pas, ne parle pas, etc. " Cette infirmière décrit le patient, elle énumère un certain nombre de données, fruit d'une observation, elles traduisent une partie de l'état du patient. Une donnée est un élément mesurable, objectivable qui appelle une réflexion voire une analyse pour prendre un sens, une interprétation faisant appel à un concept.
Pour décrire il est possible d'utiliser plusieurs outils, il faut dans tous les cas sélectionner ce que l'on veut décrire en fonction de l'objectif poursuivi; choisir la personne qui observe (peut-il être ou non inclus dans la séquence de réalité observée), interviewe ou questionne; définir le temps, le lieu, les conditions matérielles de l'observation (doit-on se limiter à une seule observation ou les multiplier, dans quel lieu, avec quel grille de recueil); mobiliser les moyens conceptuels et méthodologiques pour recueillir les données, retranscrire les données, les codes, procéder à une analyse de contenu, etc.

Revenons donc aux trois temps de la démarche d'analyse de problème

1er temps :
Observer
L'observation, toujours soumise à l'influence de l'enquêteur est toujours relative. Elle porte sur les personnes, les documents, les éléments matériels (lieux, temps, organisation ...), les contraintes qui pèsent sur la situation (loi, structure, autorité...). L'observation revêt deux aspects.
Enumérer, c'est à dire répondre à quoi et qui. Elle consiste à dénombrer, inventorier les éléments de la situation (objets, idées, personnes, comportements, phénomènes, etc.) dans l'ordre où ils apparaissent à l'observateur.
Décrire c'est répondre à Quand, où, comment, combien, Avec qui, avec quoi, combien de fois. Décrire c'est " faire " voir avec le maximum de précisions et de détails. Il faut imaginer que le lecteur ignore tout quant à la réalité décrite. Il faut se méfier de ce que l'on ne décrit pas parce que cela irait de soi. C'est là qu'il y a quelque chose à voir que l'on ne voit plus, tellement c'est évident.
On peut toujours faire appel à un lecteur extérieur.

2ème temps :
Comparer, classer, distinguer, définir : ces opérations ne sont pas successives mais se déroulent sur le même plan.

Comparer
C'est répondre à la question comme quoi ? Qu'est-ce que cela évoque ? Comme qui ? Comparer c'est rapprocher deux ou plusieurs faits, situations, objets, pour faire ressortir les traits communs.
A propos de l'accueil, comparer la façon qu'ont les infirmières d'un service de neurologie d'accueillir une entrée avec celle des patients hospitalisés eux-mêmes, des enseignants dans un lycée, des fonctionnaires pénitentiaires dans une prison, de l'hôtesse d'accueil dans un hôtel de luxe, etc.
Distinguer
C'est l'inverse, répondre à la question en quoi cela diffère-t-il ? A quoi peut-on le comparer ? Où se trouvent les oppositions ?
Distinguer c'est faire ressortir les différences.

Classer
C'est répondre à : Peut-on classer ? Faire des catégories ? Comment peut-on ordonner ? Classer c'est regrouper par sources, c'est ranger dans un certain ordre qui semble logique. Il peut être défini au préalable par des critères de classement (hiérarchique, numérique).

Pour prendre un exemple : Certains enfants âgés de personnes âgées agressent verbalement systématiquement les soignants, d'autres se désintéressent de leur mère, d'autres envoient les petits enfants, d'autres sont systématiquement présents. Classer c'est définir ces enfants en trois types : les " agressifs ", les " abandonneurs ", les " délégants ", les " piliers ". Il n'est pas sûr que les catégories tiennent. Il faut donc les définir soigneusement. Classer permet ensuite de chercher d'éventuelles caractéristiques communes à chacune des sous-groupes, caractéristiques qui seront absentes des autres sous-groupes. On se rendra compte que les agressifs sont plus âgés, ont moins d'enfants, ont des revenus supérieur à ceux des autres groupes et ne supportent pas leur mise à la retraite, ils ont par ailleurs une plus grande peur de la mort. Il s'agit évidemment d'un exemple.

Définir
c'est répondre à Qu'est-ce que c'est ? A quoi cela sert-il ? Définir, c'est déterminer, par une formule précise, l'ensemble des caractères qui appartiennent à un concept, un objet... Cela permet de cerner, d'expliquer une chose, un fait, par les attributs qui les distinguent.
On définira ainsi que déléguer, c'est cesser de venir voir ses parents, d'envoyer ses propres enfants, et de prendre régulièrement de leurs nouvelles. Le but est d'éviter la confrontation à sa propre vieillesse, d'entraîner ses enfants en les préparant à ces visites. Il s'agit dans tous les cas d'apprivoiser la vieillesse et ce à quoi elle renvoie l'échantillon repéré.

Sur cette première étape descriptive repose toute l'analyse de problèmes. Les informations recueillies doivent être crédibles (vérifications d'informations contradictoires), fiables et complètes.

3ème temps Phase explicative

Elle débute quand le chercheur est en possession de toutes les informations qu'il juge nécessaires et quand il les a sélectionnées et classées. Cette phase a pour but d'établir le diagnostic de la situation, de la localiser dans le temps et dans l'espace.
C'est la phase d'analyse qui consiste à discerner les points de vue, dégager les aspects, mettre en évidence les contradictions et faire les liens entre les éléments.

Situer dans le temps et dans l'espace

C'est préciser l'environnement de la situation (physique, économique, sociale). c'est aussi tenir compte des lieux et du temps, et déterminer leur influence sur la situation.
Nous centrerons notre travail sur la première année de séjour en Maison de retraite. Nous verrons apparaître des attitudes au cours des trois premiers mois, certaines s'installeront et deviendrons des modèles de fonctionnement et d'autres disparaîtrons progressivement. Nous verrons qu'au cours des trois premiers mois, le point de rencontre est la chambre, puis l'accueil et enfin le parc de la Maison de retraite.

Discerner les points de vue

Le point de vue est l'angle sous lequel une personne examine une situation, une chose ... Il est donc subjectif.
Si nous reprenons l'exemple des enfants âgés de parents âgés, l'âge de l'observateur, son rapport à ses propres parents, l'âge de ses parents ne sauraient être indifférents.
Il faudra également prendre en compte le point de vue des parents, les interactions parents/enfants, et celui des enfants des enfants, les interactions entre les trois générations.

Dégager les aspects

" Les aspects sont les différentes faces de la réalité observée. Donner un aspect d'un objet ou d'une situation, c'est tendre à l'objectivité à l'aide d'éléments d'analyse rigoureuse. "
Nous verrons que le personnel conduit systématiquement les personnes âgées à proximité du hall d'accueil lorsque les visites sont annoncées, que les personnes âgées s'installent systématiquement sur le même banc lorsque leurs enfants annoncent leur visite, qu'ils ne se lavent pas ou qu'au contraire ils sortent leurs plus beaux habits, leurs bijoux, qu'ils demandent à être maquillés, etc. Qu'à l'inverse, les enfants apparaissent mal rasés, etc. Le temps de préparation semble être différent pour chacun, le " look " traduit un moment de fête pour les parents, un temps de quotidien pour leurs enfants, etc.

Mettre en évidence les contradictions

La contradiction, c'est l'opposition, voire l'affrontement entre deux ou plusieurs aspects incompatibles de la réalité.
Les personnels disent qu'ils sont particulièrement attentifs à la présence des familles, mais le hall d'accueil est inhospitalier au possible, aucune intimité n'est offerte aux familles.
Les enfants se présentent comme présents auprès de leur famille, mais l'observation montre que les familles discutent entre elles et se soucient peu de ce que disent leurs parents.

Faire des liens

Les opérations précédentes servent de soutien à la dernière étape de la phase explicative qui vise à établir des liens, des relations entre les faits, les opinions... Elle met en évidence les incohérences, les contradictions ou au contraire les cohérences et les similitudes. Elle a pour but de " diagnostiquer " la situation, c'est-à-dire d'identifier les causes. La cause est le facteur déclenchant d'un fait qui produit un ou plusieurs effets. La cause est le phénomène qui produit l'apparition du phénomène étudié. Elle est l'antécédent constant. Un problème a rarement une seule cause.
Elles peuvent être apparentes ou occultées, importantes ou secondaires. Eviter le piège de prendre les conséquences du problème pour sa cause. C'est en éclaircissant les relations de cause à effet que le chercheur occulte cet écueil.
Les " agressifs " ont perdu leurs grands-parents très jeunes, ne les ont pas vu vieillir, ils ont tous quitté le berceau de la famille et se sont installés dans une grande ville où eux-mêmes ont fait souche. Les " piliers " ont vu leurs grands-parents finir leurs jours chez eux, ils ont joué avec eux, ont écouté leurs histoires, ils sont restés dans leur région, ils sont donc d'origine rurale. Nous mettrons en évidence l'importance de la qualité de la préparation précoce à la vieillesse, l'importance du lien avec les grands-parents aujourd'hui morts, l'importance de la notion de famille, etc.
Au terme de cette étape, et en fonction des résultats de l'analyse et des objectifs initiaux le chercheur est amené à prendre une décision. Conclure la recherche en lui apportant des solutions immédiates, recherche-action, recherche descriptive 1er niveau : (exemple de solution immédiate, un entretien d'accueil avec les familles lors de la préparation au placement. Cet entretien explicite les différentes étapes du " vieillir " et ses conséquences au niveau des familles).
Poursuivre en multipliant les exemples, en complétant et en affinant les données dans le cadre d'une nouvelle analyse descriptive. L'enquête réalisée a été faite dans les Hautes-Alpes (territoire rural et montagnard où la notion de famille est importante, on va aller vérifier nos hypothèses en Haute Garonne et en Région Parisienne).
Poser les hypothèses d'une recherche descriptive complexe quasi-expérimentale ou expérimentale.

Aymé Todot.

Fichier créé en 1998 - dernière modification 2008


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