Carnet de mission
Naplouse, Palestine

février - août 2004

Donc, que vient faire une mission humanitaire dans les territoires palestiniens. Pour comprendre ce qui suit, je renvoie le lecteur à ses livres d'histoire, et l'histoire la plus récente. Pour ma part je me contenterai de vous parler de la situation actuelle, telle que je la vois et la vit. Au cours des semaines je tenterai de donner la parole à d'autres qui la vivent au quotidien que ce soit à Naplouse, à Jérusalem ou à Tel-Aviv. Retenons que les choses sont loin d'être simple jamais objectives lorsque l'on parle de la situation ici. Pour preuve ce récent article de France Soir sur un jeune de 16 ans qui s'est fait arrêter au check-point de Naplouse avec des explosifs. Le journaliste parlait du "poste frontière" avec Israël !!! Ignorance ou désir inconscient ? Le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'un poste frontière ... avancé

Voyons cela sur une carte.
   
 Israël, (couleur sable), a des frontières avec: au Nord avec le Liban et la Syrie (violet), à l'Est et Sud-Est avec la Jordanie (vert), au Sud-Ouest et au Sud avec l'Egypte. Les deux parties en gris, à l'Est entre Israël et la Jordanie et au Sud Ouest entre Israël et l'Egypte, ce sont les territoires Palestiniens. Cisjordanie et Bande de Gaza. Je vous renvoie aux différentes résolutions de l'ONU, moments de l'histoire ou à vos a priori pour les définir. Il ne s'agit pas d'un état, mais ils sont distincts d'Israël, ce sont des territoires administrés en théorie selon trois degrés d'autonomie. Des zones sous autorité et administration palestinienne (on parle de l'autorité palestinienne pour définir son président et ses ministres), des zones sous autorité palestinienne et administration israélienne et des zones sous administration et autorité israélienne
 En regardant de plus prêt la Cisjordanie (encore appelée West Bank ou Judée Samarie suivant qui vous en parle) vous verrez Naplouse au Nord (carré blanc sur la carte). Il s'agit là de la frontière arrêtée en 1967, servant de référence lors des accords d'Oslo pour un futur état palestinien. C'était en 1993. C'était sans compter sur les extrémistes religieux des deux parties. Ces extrémistes Juifs et Musulmans partagent la même vision, il n'existe d'autre alternative que la disparition de l'autre. Bien que minoritaires de chaque côté, ils arrivent à influer sur le cours des événements. De l'assassinat d'Isaac Rabbin par un extrémiste juif aux attentats aveugles contre les civils israéliens par les extrémistes musulmans, chacun travail dans le même sens pour faire échec à tout règlement pacifique. Ajoutez à cela une politique ambiguë de colonisation des territoires palestiniens, l'arrivée au pouvoir de Sharon, la valse hésitation de Arafat à condamner les extrémistes et l'effondrement de l'autorité palestinienne dans une guerre de clans. Nous voici devant une situation qui paraît sans issue où le déséquilibre entre les protagonistes risque d'obérer toute chance de réconciliation pour des années.. En 2000, la seconde Intifada met fin aux avancées des années précédentes. Aujourd'hui, la totalité des territoires palestiniens est "de fait" sous contrôle israélien. Il est impossible de circuler librement d'une ville à l'autre en Cisjordanie, les routes et les accès aux villes et villages sont contrôlés par l'armée qui les ferme ou les ouvre au gré des événements.

C'est dans ce contexte que Médecins du Monde travaille. Si la première mission était à Jérusalem auprès des populations à risque, ses interventions se concentrent dans les territoires palestiniens où les populations n'ont plus de libre accès aux soins.

Liberté de circulation, accès aux soins: l'exemple de Naplouse

Lorsque vous quittez Jérusalem (ville elle même en proie aux tensions, capitale déclarée d'Israël non reconnue par l'ONU, capitale revendiquée par les palestiniens pour un futur Etat) vous empruntez une route bordée de collines verdoyantes quand j'arrive.

Vous êtes en territoire palestinien, mais tout au long du trajet vous identifiez rapidement deux types d'habitations. Les villages palestiniens, maisons aux toits en terrasse, villages plus ou moins organisés et les colonies, maisons aux toits en pente le plus souvent villages construit en cercles. Vous avez sous les yeux toute l'impasse du règlement du conflit. Car si de temps en temps l'armée israélienne évacue les embryons de colonies illégales (les implantations commencent toutes par l'installation de mobiles homes, lieux des futures maisons) toute la Cisjordanie est parsemée de colonies parfois implantées depuis de nombreuses années.

La route est très jolie, surtout lorsque je suis arrivé, malgré quelques constructions qui pèseront sur l'avenir

En regardant bien, sur la crête de la colline de devant, vous apercevez des bungalows. C'est la future implantation d'une colonie...

... qui dans quelques temps donnera cela !

Ces implantations constituent à elles seule la justification à la présence de l'armée.
Le résultat de cette cohabitation impossible est le contrôle de tout les déplacements dans la Cisjordanie. Soit les villages sont "fermés" par un barrage sur les routes d'accès (blocs de ciment ou montagnes de terre et de pierres), soit ils sont contrôlés par des check-point

ici celui de Naplouse vu dans le sens de la sortie.

ou celui de Bethlehem un jour de blocage complet de la Cisjordanie


Malheureusement, ces postes de contrôle ne parviennent même pas à empêcher les attentats contre les civils israéliens.
Cette présence permanente pénalise toute la population palestinienne sans assurer la sécurité d'Israël. De plus elle coûte très cher à L'Etat d'Israël. L'idée à donc germée depuis pas mal de temps de construire une séparation physique entre les deux communautés afin de diminuer la présence militaire dans les territoires palestiniens tout en protégeant les israéliens des infiltrations de terroristes. Barrière de sécurité ou mur, encore une fois selon qui en parle. Grillage bardé d'électronique sur une grande partie du trajet, la barrière devient mur de 8 mètres de haut lorsqu'elle coupe ou longe des villages palestiniens.

Le problème majeur de ce projet est qu'il part du fait accompli de la présence de colonies à l'intérieur de la Cisjordanie. Colonie parfois très anciennes dont la plus importante, Ariel est très proche de Naplouse. Cette ligne de séparation faisant fi de la ligne d'armistice de 1967 va faire des détours au gré des zones à inclure.


Les tâches violettes sont des colonies, d’où les circonvolutions du mur qui grignote la Cisjordanie. En rouge et blanc, le tracé du mur en construction ! les "sens interdits" sont les check-point, les triangles noirs des barrages de terre sur les routes et les cubes jaunes des road blocks (blocs de béton) Salfit-Naplouse passe de une demi heure à une heures et demi de route.

Cette situation est quasiment ignorée de l'opinion publique, y compris en Israël, elle n'a rien à voir au quotidien avec les images spectaculaires (qui constituent bien une menace) mais marginales que l'on montre de la vie en Palestine où des hommes en vert défilent arme à la main. La réalité de l'immense majorité, ce sont des files d'hommes et de femmes qui font la queue à des points de passage fortifiés, qui pour aller travailler, qui pour rendre visite à sa famille dans le village voisin, qui pour aller à l'hôpital se faire soigner. Pour vous faire une idée, je vous conseille le film "check-point" que j'ai vu à Tel-Aviv dans le cadre d'une réunion de PHR (Physician for Human Rigth, organisation regroupant médecins israéliens et palestiniens pour dénoncer cette situation sans issue et la violation quotidienne des droits de l'homme)

C'est dans cette zone que se développe le programme de santé mentale de Médecins du Monde !

      Justement, une fois esquissé le contexte, si nous parlions santé mentale.

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