Le contenu de ces pages n'exprime que le point de vue de leur auteur: Emmanuel Digonnet
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Je vous propose mon "carnet de mission". Entendez bien le terme de mission avec son qualificatif "humanitaire" car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Pas question de refaire les croisades ni de prendre position dans un conflit qui est loin d'être aussi simple qu'il est présenté par les uns et les autres en France. Il s'agit avant tout de parler d'une mission de santé mentale et de son environnement au sein d'une ONG Internationale. Sans jugement, sans concession non plus, Médecins du Monde c'est aussi "témoigner", même si parfois cela irrite.
Je veux avant tout vous parler de psy, de psy dans un environnement étranger, dans un lieu étranger, et pourquoi pas vous donner envie d'aller voir "au delà de vos frontières" à votre tour. Il y a des programmes psy dans de nombreux pays.
Bref, je vais essayer de vous faire partager mon quotidien, les projets, les peccadilles, les états d'âme, les choses importantes et les futilités de la vie d'une mission. Quelques photos pour illustrer tout cela (désolé pour ceux qui ne sont pas encore au haut débit !).
Qu'est ce que tu vas faire dans cette galère
Donc après avoir battu le record dans ma catégorie de mise à disposition par mon hôpital (merci à eux) me voilà parti le 23 février pour six mois à Naplouse, plus importante ville de Cisjordanie où Médecins du Monde intervient depuis 1999.
Les semaines avant le départ n'ont pas été évidentes. Je ne connais du Moyen Orient que la face média des choses. C'est à dire une zone de conflits interminables et inextricables. Une zone de conflits sur lequel tout le monde a un avis qui ne souffre pas la moindre discussion. Israël, territoires palestiniens, Cisjordanie, pour moi les contours sont flous je l'avoue.
Si je ne manque pas d'avis de toutes part avant de partir, cela n'est pas fait pour me rassurer ni ma famille et les amis qui se demandent quelle faute je veux expier, quels soucis je veux fuir, quelle peine je veux épancher.
Je crois qu'au contraire ce genre de décision est à prendre quand on va bien dans sa tête, il y en aura besoin sur le terrain.
Départ de Roissy où je me perds et me fait fouiller un peu plus que mes accompagnateurs (Marie qui vient "passer le relais" et Sébastien le coordo général des missions Palestine), arrivée à Ben Gourion, l'aéroport de Tel-Aviv sans encombres, me voilà quelques heures après avoir quitté Paris à Jérusalem.
Missionnaires modernes, babacool à la recherche d'un nouveau genre de tourisme ou professionnels engagés dans l'aide humanitaire ?
Tout d'abord, il faut distinguer les missions humanitaires. Ils y a les missions d'urgence, tremblement de terre en Iran, réfugiés en masse fuyant une guerre civile en Afrique, il faut réagir très vite, si possible en moins de quarante huit heure. Trouver les volontaires, préparer et acheminer le matériel, organiser la mission sur place. Tout cela ne s'improvise pas. Il y a une solide logistique derrière et du monde au siège à Paris pour coordonner le tout.
Et il y a les missions de long terme (bien qu'ici nous soyons parfois dans un contexte d'urgence), inscrites dans la durée. Là l'évaluation de départ doit être minutieuse. Pourquoi y aller, quels sont les besoins, quelles sont les ressources sur place, n'allons nous pas nous substituer aux compétences et aux savoir-faire locaux. Pour cela une première mission "exploratoire" dresse un état des lieux et des besoins. Le projet est présenté par le desk régional, discuté au sein du groupe régional et approuvé par le comité de Direction de Médecins du Monde.
Pour en savoir plus sur Médecins du Monde, je vous renvoie sur leur site http://www.medecinsdumonde.net
La particularité à Médecins du Monde, c'est le mélange et les échanges entre "terrain" (expatriés) et "experts" (bénévoles en France). C'est derniers sont responsables des orientations de la mission et des décisions "politiques". En ce qui concerne la Palestine, c'est un urgentiste de Lille, Régis, qui est responsable de mission et ... Marie référente technique pour tout ce qui touche à la psy (hé oui, ce n'est donc pas par hasard que je me retrouve ici, on ne change pas une équipe qui marche depuis plus de quinze ans !)
Tout ça, c'est tout là-bas, en France, bien loin (heureusement leurs visites sur le terrain sont régulières).
Sur place, pas question de débarquer la valise dans une main, dictionnaire de psy dans l'autre. Les choses sont tout aussi bien organisées. Il y a la "mission capitale", basée à Jérusalem qui coordonne les différentes missions en Palestine. Aujourd'hui il y en a deux. Une sur Gaza qui développe des projets d'urgence, de chirurgie, de formation au secourisme et de médecine de catastrophe, et celle de Naplouse, actuellement principalement orientée "santé mentale" (avec aussi le dispensaire de la vieille ville) dont je vous parlerai toutes ces semaines.
Présentation des lieux et des acteurs
La mission à Jérusalem est le lieu de passage de tous et de résidence de certains. Lieu de repos le week-end, de coordination, de replis si la situation devient un peu trop chaude sur les autres bases.
Sébastien, coordinateur général, gère tout cela avec humour. au courant en temps réel de la situation de Gaza à Tel-Aviv en passant par Naplouse ses décisions en matière de sécurité s'imposent à tous.
Philippe, administrateur, tient les cordons de la bourse. Quand il a fini de faire des propositions aux bailleurs de fond pour trouver l'argent nécessaire aux missions, de gérer le parc de voitures, les appartements, si vous cherchez un guide pour Jérusalem ou Israël, il vous racontera des histoires de vielles pierres et de lieux Saints à faire éclater de rire un pope orthodoxe.
Les autres photos sont à venir
Il est aidé par Intisar, assistante administrative, qui vous démêle les tracasseries administratives et les problèmes de rendez-vous en deux coups de téléphone.
Ibrahim, chauffeur - office assistant, veille à ce que les véhicules ne nous abandonnent pas en route. Il conduit les uns et les autres de Tel-Aviv à Jérusalem en passant par Ramallah ou Bethlehem.
L'équipe de Jérusalem a bien sur son coordinateur médical qui supervise tous les programmes médicaux sur la Palestine.
Il n'est pas venu seul, sa compagne Kimberley, infirmière spécialisée en santé publique fait une évaluation sur l'impact de la construction du mur de sécurité sur l'accès au soin. Elle ne manque pas d'en ramener des fleurs qu'elle glane au gré de ses visites.
Tout les deux me font regretter de ne pas aller voir plus souvent les films de Woody Allen en version originale. Mais je progresse, je comprends un mot sur cinq à la BBC World (surtout s'il y a les images derrière).
Vous le voyez, il en faut du monde pour que tourne une mission. On est loin de l'image du volontaire débarquant sac au dos et devant improviser tout seul une fois sur place. Et croyez moi, ils ne chôment pas.
Mais essayons de comprendre pourquoi une mission humanitaire dans les territoires palestiniens.