Lettre numéro 2
TÉMOIGNAGE 1
Hier au soir je rendais visite à ma mère âgée de 72 ans comme je le fais régulièrement en revenant de mon travail. Quelle ne fut pas ma détresse en la découvrant en pleurs devant l'article paru dans la revue Politis à laquelle elle est abonnée.
Ma mère est une femme active, militante politique (les verts), humaniste (droit de l'homme, etc...) et la voir en pleurs est un fait exceptionnel et très douloureux pour moi.
Je prends donc immédiatement connaissance de cet article qui l'a bouleversée et quelle ne fut pas ma stupeur d'apprendre de sa part qu'elle a été témoin et victime innocente de ces crimes. Je ne vois pas d'autre terme que celui de crime pour désigner ces atrocités.
Ma mère alors âgée d'une douzaine d'année à l'époque a vécu ce drame. Son père d'origine italienne et communiste, venu en France en 1922, s'est trouvé hospitalisé à MONTFERMEIL souffrant d'une tumeur au cerveau due à un traumatisme crânien mal ou pas soigné, suite à une chute.
Éprouvant d'horribles douleurs à la tête et également perturbé par la guerre (il avait combattu le fascisme dans son pays et en avait certainement beaucoup souffert) cela l'avait malheureusement conduit à être hospitalisé. Pour des raisons que je pense personnellement d'ordre politique (son appartenance au parti communiste) et de santé (grand malade incurable) il a été transféré sur CLERMONT dans l'Oise (alors qu'il aurait peut-être pu rester à Montfermeil, mais je crois qu'à l'époque les Allemands occupaient l'hôpital (à vérifier)).
Ma mère se rappelle avoir été 2 fois à CLERMONT (1) avec ma grand-mère, son frère aîné a dû y aller également d'autres fois (il est à noter que ma grand-mère était sans ressource pour élever 4 enfants). Ils se privaient de pain pour en amener à mon grand-père et ma mère se rappelle qu'il se jetait dessus affamé. Elle se rappelle également l'état de maigreur de son père et ses conditions de détention. J'emploie ce terme également, me semble-t-il, a bon escient et en fait 3 jours après leur dernière visite, à laquelle les enfants n'avaient pu assister, mon grand-père est décédé le 16 juin 1942. IL ÉTAIT MORT DE FAIM
Quand je pense que ma mère garde cette douleur en elle depuis 60 ans, c'est-à-dire toute une vie, je me révolte. Quand je pense que ma mère a gardé pour elle cette douleur sans en parler et que, peut être, elle se sent coupable de n'avoir été qu'une enfant à l'époque, JE REFUSE qu'elle continue à souffrir les années qui lui restent à vivre. Ce sont des années que je VEUX pour elle sereines et heureuses.
Il faut que ce silence cesse, que les coupables soient désignés clairement,
que nous sachions que dans l'histoire de notre pays il y a eu des faits que
nous, Français, devons reconnaître et assumer totalement pour que cela ne se
renouvelle pas, et que nous ayons tous conscience de ces atrocités si
lointaines pour certains mais si cruellement ineffaçables pour d'autres.
Mon nom est Monique P.
Celui de ma mère Madeleine B. née C.
Celui de mon grand-père Joseph C.
(1) Il se trouve que "Le train des fous" de Pierre Durand (présentation d'Armand Ajzenberg et préfaces de Lucien Bonnafé et Patrick Tort), raconte justement l'histoire de l'hôpital psychiatrique de Clermont-de-l'Oise pendant la seconde Guerre mondiale et qu'il vient d'être réédité par les Editions Syllepse (90 F.). Il est en librairie, mais on peut également le commander directement à cette maison d'édition (69, rue des Rigoles - 75020 Paris. Prix : 90F. port inclus). à voir également dans la rubrique "des livres"
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TEMOIGNAGE 2
Je m'associe à ce mouvement qui tente de sortir de l'oubli l'épisode horrible de la condition faite aux malades mentaux dans les H.P. par le régime de Vichy au nom de l'idéologie nazie. J'espère et souhaite qu'ily ait un écho important dans la population mais aussi dans les milieux professionnels. Malheureusement, si la psychanalyse est devenue une thérapie acceptée et même "dans le vent", l'institution psychiatrique retse marquée péjorativement. La folie fait peur et est toujours porteuse de honte et de culpabilité.
J'étais infirmière, et pendant 5 ans j'ai eu la responsabilité du centre de formation des élèves infirmiers. A chaque promotion, l'équipe d'enseignants et moi-même avons essayé de faire passer des informations que nous ne trouvions pas dans les manuels classiques conseillés aux élèves.
"L'Information Psychiatrique", "Vie Sociale et traitements" publié par les C.E.M.E.A. mais aussi des articles des BONNAFÉ, TOSQUELLES, DAUMEZON et quelques plaquettes éditées par la "NOUVELLE CRITIQUE" nous ont permis d'aborder des sujets comme celui qui nous péoccupe aujourd'hui.
Paulette L., 64110 Mazeres-Lezons
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TEMOIGNAGE No 3
Cette pétition permet de rappeler qu'il y a toujours une partie de la population particulièrement menacée par l'intolérance et la tendance à la "négation" : ceux que la maladie mentale désigne comme fauteurs de troubles, sources de violences, des disfonctionnements de la bonne conscience.
Ce qu'à réalisé Vichy est trop souvent ce que n'ose pas réitérer les technocrates obnibulés par les objectifs de moindres couts de la santé : ces malades couteront toujours trop cher!!!
Serge D. et marie-Alice B., psychiatres au CHU de Tours
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TEMOIGNAGE No 4
Je souhaite me joindre à la pétition sur le "traitement" que Vichy a imposé aux hôpitaux psychiatriques. Aujourd'hui nous assistons à une version plus "soft" de l'abandon de ce secteur.
Marise T., Professeur de sociologie à l'Université de Paris7
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TEMOIGNAGE No 5
Fils de Déporté juif massacré à Auschwitz, je viens de voir enfin reconnue par indemnisation de l'Etat français sa responsabilité dans le génocide.
Solidaire de toutes les victimes, je m'associe de tout coeur à votre appel lu dans "POLITIS" pour que leur mémoire s'inscrive dans l'histoire. Et donc à votre pétition.
A ce titre, je m'insurge également contre la campagne pour la libération de Papon qui n'a jamais été jugé pour ce type de crimes, pas plus que pour les noyades massives d'Algériens dans la Seine.
Maurice R., 92240 Malakoff
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TEMOIGNAGE No 6
Oui, il faut lutter contre l'oubli des ravages de la conscience morale qu'a opérés la soumission à l'idéologie nazie. Il est bon de la souligner en cette Europe trop "tranquille".
Mais en moi-même je ne puis que souhaiter que les jeunes, lorsqu'ils en prennent conscience, situent cette aliénation extrême dans la longue chaîne des méconnaissances du lien humain qui se poursuit sans désemparer. Philippe M., Professeur émérite de psychologie, Toulouse
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TEMOIGNAGE No 7
Nous venons de prendre connaissance du texte concernant l'élimination lente, par la faim, de milliers de malades mentaux, "êtres inutiles et nuisibles" selon Alexis Carrel.
Nous estimons que s'il y a quelqu'un de nuisible, c'est bien ce soi-disant médecin et ceux qui ont propagé de telles idées criminelles et les ont mises en oeuvre,
Alexis Carrel est mort, mais de telles idéologies horribles sont-elles éteintes avec lui et son fürher ? (Carrel n'était pas allemand, qu'importe!).
Avec Primo Lévi, nous disons : "Qui n'a pas de mémoire n'a pas d'avenir". Denise et Claude T., Docteurs en chirurgie dentaire, 93150 Le Blanc-Mesnil
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TEMOIGNAGE No 8
Suite à l'article paru dans la "Tribune minière", je vous informe que je suis en accord complet avec votre cause et qu'il ne faut pas que de tels drames soient oubliés.
Leurs inscriptions dans les programmes et manuels scolaires évitera l'oubli.
Maurice V., 13103 St-Etienne-du-Gres
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TEMOIGNAGE No 9
J'ai lu il y a plusieurs années le livre de M. Durand où j'ai découvert ce terrible drame. Je considère que le sujet des malades mentaux est en France un tabou qu'il faudrait faire tomber pour améliorer les conditions de soins et d'intégration de ces personnes dans la société. Je pense que cette question a aussi un lien direct avec la volonté de construire une société à visage humain.
Béatrice G.
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TEMOIGNAGE No 10
Je suis psychiatre des hôpitaux, chef de service à l'hôpital du Vinatier (Lyon-Bron) et Directeur Scientifique de l'ORSPERE (Observatoire Régional Rhône-Alpes sur la Souffrance Psychique en Rapport avec l'Exclusion).
Je suis pleinement en accord avec les objectifs que vous assignez à cette pétition.
Nous avons en cours, à l'hôpital du Vinatier une recherche d'historiens universitaires sur le thème de la "surmortalité"excessive des patients de notre établissement pendant la période qui correspond à votre texte (...) Pour mémoire, le Docteur Max Lafont a été un de mes internes.
Dr Jean F.,
Lettre numéro 3
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Les signatures continuent d'arriver.
Du philosophe Lucien Sève, qui se "félicite de la relance de la campagne
pour ramener à la mémoire publique l'abominable "traitement final" de ces
quarante mille "fous" durant le régime de Vichy ", de Jacques Bidet et
Annie
Bidet Mordrel...
D'économistes : Yves Dimicoli, Antoine Bouet, Didier Gelot.
De sociologues : Danièle Kergoat, Blaise Galland, Michel Burnier, Xavier
Rolland, Fernando Matamoros Ponce, Richard, Dethyre, Francis Jauréguiberry,
Stephen Bouquin, Véronique De Rudeer...
De beaucoup d'universitaires, chercheurs et artistes. Au hasard : Ahmed
Silem
(Université Jean-Moulin Lyon 3), Albano Cordeiro (CNRS), Elisabeth Gauthier
(Espaces Marx), Dejan Dimitrijevic (Ethnologue, Université de Nice-Sophia
Antipolis), Pascal Diard (membre du secrétariat national du GFEN), Anne
Querrien (sociologue-urbaniste), Roland Pfefferkorn (Université Marc-Bloch
de
Strasbourg), Marie Cottrell (Université Paris 1), Sophie Rouchon
(Historienne
d'Art), Eleni Pattakou (peintre-graveur, Oullins), Jo Tachon (peintre,
Villeurbanne)... De l'étranger aussi : Christophe Maris (Los Angeles),
Patricia Lorcin (Texas), David McCallam (Sheffield,GB), Yvette Rocheron
(Université de Leicester), Catherine Lerat (Indiana University), Philippe
Marlière (Londres)...
Beaucoup de signatures arrivées après la publication de la pétition sur
l'intranet du Ministère de la Culture : par exemple, Martine Willaume,
archéologue, qui écrit "Jamais en effet je n'oublierai un homme qui, vingt
ans après, pleurait en faisant jurer ses proches qu'on l'enterrerait nu dans
la terre comme tous les malades de l'hôpital psychiatrique qu'il dirigeait
pendant l'occupation pour lesquels il n'avait même pas de linceul ",
d'Olivier Kayser (archéologue), de Laurent Olivier (Conservateur au Musée
des
Antiquités nationales de Saint-Gerain-en-Laye), de Nadine Lehni
(conservateur
à l'IGM/DMF), de Didier Bouillon (Professeur à l'Ecole Nationale Supérieure
du Paysage de Versailles), de personnes travaillant dans les DRAC
(Jean-Philippe Sevilla - Rhône Alpes, Joelle Metzger - PACA, Christine Fosse
- Picardie, Katell Briatte - Nord-Pas-de-Calais, Frédérique Cancino - Pays
de
la Loire), de responsables au Ministère de la Culture (Bruno Mannoni, Alain
Bonhomme, Florence Geslin, Anne Brunswic, qui est aussi écrivain et
journaliste)...
De journalistes justement : Bernard Ginisty (Directeur de "Témoignage"
Chrétien), Jean-Claude Oliva, Simon Tripnaux, Gérard Follin, Marie-Laure
Raynaud (Rédactrice en chef de "Mémoire de Trame")...
De Maurice Cling et Robert Créange (Président et Secrétaire général de la
FNDIRP), qui écrivent : "Après avoir pris connaissance de votre appel
demandant que "soit reconnu par les plus hautes autorités françaises
l'abandon à la mort, par l'Etat français de Vichy, des êtres humains
enfermés
dans les hôpitaux psychiatriques pendant la seconde Guerre Mondiale en
France", le Bureau exécutif de la Fédération Nationale des Déportés et
Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) a décidé de s'y associer , de
A.-M. Le Guével, administrateur civil et rapporteur à la Cour des Comptes.
De Pinto Victor, qui écrit : "Faire en sorte qu'ils ne meurent pas une
seconde fois, cette fois ci de nos mémoires ", de Charlotte Phelizon, qui
signe "afin que soit reconnu l'abandon par Vichy des malades mentaux et
que
leur drame soit évoqué dans les manuels scolaires", du Dr Vladan Radoman
(médecin-écrivain).
De militants, syndicaux ou non : Jacques Ricouard et Jarry Frédéric
(Renault-Sandouville), Patrick Vassallo (CGT), Jean-Pierre Neveux, Thierry
Cadart (responsable régional du SGEN-CFDT), Louis Weber (Président de
l'Institut de recherches de la FSU), Christine Birnbaum (SNES), Marie-Renée
Gérard (SNU-IPP)... Mais aussi dans les professions de santé mentale :
Pierre
Crombez (cadre infirmier à Villejuif), Jean Vignes (membre de la Commission
Exécutive fédérale du Syndicat SUD Santé Sociaux), Gilbert Priol (militant
CFDT)... Mais également Annie Dufrene (cadre infirmière à Marseille), Marie
Laurène
Menini (cadre infirmière au Centre Hospitalier de St-Anne à Paris),
Marie-Hélene Texier, Jérome Pedroletti, Laure Haudicourt (cadre infirmière),
qui écrit : " Pétition signée en mémoire de ma Grand-mère décédée au CHS de
Lorquin à la fin de la 2ème guerre mondiale dans des circonstances que
personne n'a jamais pu déterminer".
De militants et personnalités politiques : Gilles Lemaire (militant des
Verts
à Paris), Gilbert Rémond (PCF) qui fait un travail de signatures important
et
prépare une réunion à Lyon, Bernabia Fauzi (élu municipal à Villeurbanne),
Jean-Pierre Brunel et Patrice Voir (Conseillers Régionaux Rhone-Alpes),
Roger
Dubien (Conseiller municipal à Saint-Etienne), Danielle Sanchez (membre du
Conseil National du PCF), Fabienne Pourre (Vice-présidente du Conseil
national du PCF), Nicole Borvo (Sénatrice), qui écrit " On ne peut oublier
cette hécatombe. L'action aujourd'hui contre l'oubli et pour les droits de
l'homme est partie prenante du combat des communistes et des gens de coeur
pour l'émancipation humaine. Dans cet esprit en tant que dirigeante du PCF
ayant en charge la coordination des activités pour le développement des
libertés et des droits de l'homme je souscris complètement à votre appel".
De Maxime Gremetz, député communiste, qui écrit : " En m'associant à votre
pétition, vous trouverez ci-jointe la question écrite que je pose à Lionel
Jospin ".
Question écrite : " Monsieur Maxime Gremetz interroge Monsieur le Premier
Ministre.
Au cours de la deuxième Guerre mondiale, l'Etat français de Vichy a
délibérément laissé à l'abandon des dizaines de milliers de malades mentaux,
alors enfermés dans les hôpitaux psychiatriques. On estime à 40.000 le
nombre
de malades mentaux morts de faim ou par absence de soin.
A l'heure actuelle, cet acte ignoble n'est toujours pas reconnu par les
autorités françaises.
Monsieur Maxime Gremetz estime que le temps est désormais venu pour la
France
de reconnaître les responsabilités de l'Etat français de Vichy dans cette
tragédie, comme elle l'a justement fait pour d'autres désastres ayant frappé
d'autres victimes.
Monsieur Maxime Gremetz demande à Monsieur le Premier Ministre s'il envisage
de s'orienter dans cette voie ? "
C'est là un acte important et nous attendons la réponse du Premier ministre
avec impatience. Pour aider ce dernier dans sa prise de décision nous
allons,
pour ce qui nous concerne (Armand Ajzenberg), lui adresser et la pétition et
"Le train des fous" de Pierre Durand que les Edition Syllepse (69, rue des
Rigoles - 75020 Paris) viennent de rééditer (90 F., port inclus).
Signature encore de Claudine Desmaisons, qui témoigne : " Je me joins à
votre pétition pour deux raisons.
La première : je pense qu'il faut sans relâche dénoncer les crimes commis au
nom de cette idéologie nazie fondée sur la notion de "race", impliquant
forcément l'idée d'une division des êtres humains en "supérieurs" et
"inférieurs" et justifiant tous les mauvais traitements.
La deuxième : l'une de mes soeurs a passé plusieurs mois à Clermont de
l'Oise. C'était dans les années 80. Rien à voir, donc, avec la période
décrite dans la pétition. Pourtant, à l'issue de ma première visite, j'ai
passé 20 minutes à pleurer dans la voiture avant de pouvoir repartir.
Clermont n'a rien d'un hôpital. C'est une véritable prison. Barreaux aux
fenêtres, règlement interdisant aux familles de monter dans les chambres. Et
pour cause ! J'y suis montée, dans la "chambre" de ma soeur, elle m'y a
emmenée en cachette, en vérifiant bien que personne ne nous voyait. 30 lits,
des malades en tous genres. Ma soeur était jugée schizophrène, elle faisait
des crises d'angoisse, des tentatives de suicide. Elle était dans une
chambre
comportant des grabataires, des malades très agités attachés dans leurs
lits,
faisant sous eux. Malgré le nettoyage sans doute fréquent et bien fait, une
odeur persistante d'urine régnait dans cette "chambre". Une infirmière nous
a
surprise. Elle a été très gentille avec ma soeur, et nous a gentiment
raccompagné dehors, dans le parc. Je ne veux pas mettre en cause le
personnel
mais un manque de moyens évident et surtout une persistance de l'idée
"d'asile". J'ai connu, malheureusement car ma soeur a du être hospitalisée
fréquemment pendant vingt-cinq ans, d'autres institutions psychiatriques
beaucoup plus ouvertes, déconcentrées, de petites structures où les malades
sont pris en charge en fonction de leur état et pour les aider à progresser,
ce qui ne fut pas le cas de ma soeur à Clermont. Dans un tel environnement,
ses crises d'angoisses ne risquaient pas de diminuer, au contraire...
Bref, je pense qu'il serait temps de considérer les malades mentaux comme
des
malades, qu'il convient de soigner en s'en donnant les moyens, et pas comme
des boulets que la société doit traîner, en prenant soin de les cacher et
sans considérations ni pour eux, ni pour leurs familles .
Beaucoup de signatures en provenance des professionnels de la santé mentale.
D'Agnès Bertomeu (psychologue à l'EPS de Ville-Evrard), d'Elisabeth Ortuno
(ISP, Venissieux), de Jean-Pierre Gueffe (éducateur spécialisé,
Villeurbanne),
de Annie-France Le Pape (Chargée de Mission Santé Psychiatrie aux CEMEA),de
Gilbert Léon (secrétaire général de la Société d'Etudes et de Recherches
Historiques en Psychiatrie - SERHEP), de Bernard Granjon (Président
d'honneur
de Médecins du Monde), d'Evelyn Granjon (psychiatre), de Roger Ferreri
(psychiatre du service public, chef de service), de Jean-Paul Godet
(psychiatre, chef de service à l'hôpital de Vienne), de Boris Cyrulnik, de
Philippe Fontanaud (Toulouse) qui écrit :
"L'avenir à un long passé"
Hôpital Psychiatrique MARCHANT - Asile de BRAQUEVILLE
1940 - 1943 : plus de 1500 morts
1936 _ 1939 : près de 500 morts
Une mortalité surnuméraire dans les oubliettes de l'histoire.
Sans sépulture.
La psychiatrie en crise,... d'identité ?
Et de citoyenneté.
Soutien sans réserve. "
Et encore, de Stanislaw Tomkiewicz, qui écrit : "Lecteur du "patriote
Résistant" (No avril 2001), ancien déporté à Bergen-Belzen, médecin
neuropsychiatre, j'apporte par la présente ma signature et mon soutien à
"Pour que douleur s'achève" et en particulier au grand texte publié dans ce
journal .
De Joel Martinez, Directeur de l'hôpital du Havre, qui écrit : " Hier doit
servir aujourd'hui; il en a, hélas, toujours bien besoin pour mieux soutenir
la cause de la santé mentale ".
De Jean-Luc Vurpas (Psychiatre des hôpitaux, Arles) qui écrit : Je m'associe
à la pétition "Pour que douleur s'achève" car elle est travail de mémoire en
un temps où l'oubli et les difficultés de transmission intergénérationnelle
sont la règle. Je la transmettrai aux équipes soignantes de mon service ".
De T. Andrianomanana (Médecin-Chef de Secteur au Centre Hospitalier Charcot
de Caudan, Morbihan), qui écrit : " J'ai pris connaissance du texte
concernant le sort réservé aux Malades mentaux durant la dernière guerre.
C'est ce scandale qui a fait réagir, à cette époque, quelques internes d'un
grand hôpital psychiatrique de la région parisienne... Réaction aboutissant
à
la politique de soins institutionnels et de secteur qui nous anime toujours
aujourd'hui. Je suis totalement signataire de "Pour que douleur s'achève"
".
De Marie Le Guillant (Centre Médico-Psychologique de Saint-Quentin), qui
écrit : " Je me joins à votre pétition. En fait tout continue ! La
psychiatrie publique est mise à mal, notamment dans mon hôpital : Premontre.
Jean Oury a parlé de cette misère de la psychiatrie avec la plus grande
force, mettant en évidence les nouveaux mécanismes de l'oppression et de
l'exclusion de nos patients. C'était lors d'une émission sur France-Culture,
dimanche 1er avril à 16 heures. Selon moi, il faudrait se procurer ce texte
et obtenir de Jean Oury sa publication, tout ou partie. J'aurais tant de
choses à vous dire et mon sentiment de solitude; ce sera pour plus tard ".
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Voilà donc pour ce troisième courrier.
Que ceux que je n'ai pas citer (oubli ou parfois lisibilité difficile)
veuillent bien me pardonner.
Il n'est pas interdit, puisque cette pétition devient un peu interactive, de
réagir ou de donner son point de vue.
L'arrivée des signatures se ralentit. Est-ce l'effet des fêtes de Paques?
Peut-être conviendrait-il, des grands journaux nationaux restant décidément
silencieux, que le mouvement se démultiplie à partir de ceux qui ont déjà
signés la pétition?
Armand Ajzenberg, 23 avril 2001
LETTRE No 6
QUELQUES TEMOIGNAGES REçUS :
De Frédérique Derollez, qui écrit " Je suis infirmière d'Etat. Je travaille
en psychiatrie depuis 9 mois, avant à AIDES Nord/Pas-de-Calais. J'ai
également une maîtrise de sociologie. Je suis particulièrement sensible à la
dignité humaine, que je défends parfois à mes dépends. Je ne peux rester
indifférente à l'histoire de mon pays, surtout celle que les intérêts
politiques (?) ou autres, simplement l'indifférence... que la vérité soit
une
nouvelle valeur de notre histoire présente, passée et future. Je suis
signataire de cette pétition ".
De Gaston Monot : " Je me joins à votre pétition "Pour que douleur
s'achève"
avec malheureusement beaucoup de retard et en espérant qu'il n'est pas trop
tard. J'ai connu le Docteur Le Guillant et toute l'équipe de psy qui
l'entourait. Il m'a aidé à ne pas retourné en Algérie en 1957, à mon retour,
lors d'une permission. Mon père était le secrétaire de la cellule du PCF
dont
ils étaient presque tous membres ".
De Marc Gonzalvez, Président de LA FORTERESSE PLEINE, membre du Comité
Scientifique de l'ARAPI (Association pour la Recherche sur l'Autisme et la
Prévention des Inadaptations), Conseiller technique pour l'autisme à PERCE
NEIGE, Chargé de Mission à Autisme France et à l'Organisation Mondiale de
l'Autisme, Vice-Président du C.D.H. (Collectif des Démocrates Handicapés),
chargé des relations avec le Parlement, qui écrit : " Parce que le devoir
des Hommes de ne pas oublier l'ignominie est une question de survie mentale
pour notre société, je signe en qualité de père d'un enfant handicapé
mentale
et accepte les termes de cette pétition.
Parce que je suis au Service des personnes handicapées, je me considère en
résistance dès lors que l'on cherche à les atteindre avec de mauvaises
intentions. La défense de leur mémoire est un combat quotidien contre
l'obscurantisme et la défense de leurs droits une lutte difficile mais
noble.
Au niveau politique, je n'aurais de repos - entre autres choses - tant que
notre Nation n'aura rendu un hommage solennel à toutes les personnes
handicapées, massacrées, assassinées par les armes ou la faim du
gouvernement
français de Vichy. Nous exigerons et obtiendrons que notre Pays élève un
monument en mémoire de nos frères et soeurs les plus humbles."
Marc Gonzalvez, père de Laëtitia, autiste de 6 ans.
ON EN A PARLÉ DANS LA PRESSE
Il s'agit bien sûr de la pétition .
Il faut rappeler sa publication intégrale dans "Politis" et dans
"L'Humanité"
dès mars 2001, sans oublier les comptes-rendus réguliers que ce dernier
journal a fait des "Lettres de la pétition". Il faut encore souligner le
gros
effort d'information réalisé par l'association SERPSY, qui depuis des mois,
sur son site Web, reproduit l'intégralité de la pétition. Il faut dire
l'importance donnée à celle-ci par bien d'autres publications
associatiatives, notamment "Le Patriote Résistant".
En juin, la revue "Santé Mentale" a publié un article consacré à la
pétition.
En juin encore la revue "L'Ecole Emancipée" a publié un large extrait de la
pétition. En mai "Libération" a rendu compte de l'ouvrage de Pierre Durand :
"Le train des fous".
En mai, dans le bulletin de "La Ferme du Vinatier" (hôpital psychiatrique de
Lyon), une historienne, annonçant qu'une équipe d'historiens lyonnais allait
entreprendre un travail sur le " sort tragique des malades mentaux dans les
hôpitaux psychiatriques français sous l'Occupation " a, elle aussi parlé de
la pétition :
" La posture de l'historien, qui ne peut en aucun cas se confondre avec
celle du juge ou du "militant de la mémoire", n'est certes pas facile à
tenir
dans un pays où la dénonciation des crimes de Vichy est devenue un enjeu
majeur comme en témoigne la pétition "Pour que souffrance s'achève" qui
circule actuellement dans le milieu psychiatrique et bien au-delà ".
Ce qui
est précédé ainsi : " La quête du sensationnel n'est pas ce qui guide cette
recherche. Le travail historique - faut-il le rappeler? - est fondé sur une
exigence de rigueur, de distance et de nuance ".
Il faut remarquer que l'appréciation portée par cette historienne sur la
pétition et les pétitionnaires ne semble pas répondre à cette exigence de
rigueur,de distance et de nuance.
La question n'est pas "dénonciation" ou "non-dénonciation" de Vichy, ni de
prendre une position nuancée ou non en la matière, mais d'oeuvrer à ce que
l'abandon à la mort des malades mentaux, par les autorités en place pendant
la dernière guerre, soit connu (en particulier dans les établissements
scolaires) et reconnu par les institutions actuelles.
Les points essentiels posés dans la pétition sont les suivants :
1 - Vichy a-t-il refusé très longtemps ou non d'accorder aux malades mentaux
des hôpitaux psychiatriques les suppléments alimentaires et autres qu'il
attribuait aux malades des hôpitaux généraux? Affirmer qu'il a bien refusé
ces suppléments vitaux n'est pas "dénonciation" mais constat avéré d'un
fait.
2 - Ne pas prendre en compte l'idéologie qui gouvernait les actes des
autorités vichystes, idéologie où Alexis Carrel avait une part
prépondérante,
c'est s'interdire de comprendre pourquoi ces "suppléments" étaient refusés
aux seuls malades des hôpitaux psychiatriques. Mettre en évidence cette
dimension idéologique avérée de Vichy, est-ce lui faire un procès injustifié
(une fausse dénonciation en quelque sorte) ou est-ce contribuer à la
compréhension des causes qui ont conduit à l'abandon à la mort des malades
mentaux pendant la dernière guerre?
Bref, un droit de réponse de quelques signataires de la pétition va être
demandé, non dans une volonté de dispute mais afin de rétablir la vérité à
propos des objectifs de la pétition. Affaire à suivre donc.
ET MAINTENANT ?
Nous avons reçu de Christiane Guenneteau le courrier suivant : " C'est
comme
membre du MRAP, l'un des premiers signataires en la personne de Mouloud
Aounit, son Secrétaire Général, qu'il me serait agréable de savoir si, fort
des signatures reçues, vous avez fait une demande de reconnaissance de
pratiques d'eugénismes auprès du Gouvernement, à mon avis seul en mesure de
prendre cette décision.
Je suis interpelée lorsque je constate que certains signataires des listes
précédentes laissent entendre qu'aujourd'hui encore certaines pratiques sont
scandaleuses .
Bonnes questions. Effectivement, dans les semaines qui viennent, les
interrogations pertinentes de Christiane Guenneteau devront trouver
réponses.
Comment ? Peut-être en réunissant le maximum des signataires - notamment les
représentants des associations antiracistes et de défense des droits de
l'homme, ainsi que des syndicats enseignants, de toutes tendances - pour y
réfléchir. Qu'en pensez-vous ?
Armand Ajzenberg