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Panique à bord ... Le vécu d’une crise de panique


Elle n’avait auparavant, jamais connu de moments pareils et aucun signe avant coureur n’avait fait son apparition, qui aurait pu laisser supposer d’un terrible moment à passer.  

Marie avait ce jour là, dans le cadre de la formation qu’elle suivait, un entretien à passer et y est allée avec un peu de trac, mais sans anxiété majeure. Elle avait bien préparé son sujet, qu’elle avait sérieusement potassé, ce qui lui a donné une certaine assurance au moment de s’installer face aux évaluateurs. 

C’est très brutalement et réellement sans prévenir, que sont apparus de manière intense, les 1ers signes d’une crise d’angoisse : les mains tremblantes, le cœur qui s’emballe, la bouche sèche, des sueurs et les pensées qui tout à coup s’embrouillent, au point d’avoir du mal à en suivre le fil, qui tend à s’émietter. Elle se raidit dans son corps, pour tenter de garder un certain aplomb et donner l’impression de faire face : Marie ne veut pas que son angoisse se voit.

Elle se raidit au point de se faire mal en certains endroits de son corps, pour tenter d’y ancrer sa panique. Elle tente au mieux de se raisonner et de maîtriser le monstre, en n’y parvenant que très partiellement, car le cœur a ses raisons que la raison ignore et c’est bien là, le drame.

L’effort est particulièrement intense car parallèlement et dans le même temps, il faut continuer de parler et d’exposer si possible, avec une certaine logique. Un, deux, trois, quatre : l’espoir d’une magie possible de la pensée qui pourrait en comptant, arrêter l’angoisse, est vain. Un, deux, trois, quatre et si ça marchait quand même. Un, deux, trois, quatre : ça ne marche pas !

Il faut presque être deux ou en tout cas pouvoir se dédoubler, alors que la situation demande une pleine et entière disponibilité. Il faut même être trois, car une autre partie de son esprit dans l’hyper vigilance épie et analyse les réactions des interlocuteurs. Il faut être quatre, car il faut aussi lutter contre l’envie prégnante de fuir.

Elle a perdu ce faisant, l’harmonie d’une certaine unité dans laquelle habituellement, les différentes parties de soi s’épousent et se complètent.

Elle n’est plus elle-même mais est une autre, qui tente désespérément de gérer autant que faire ce peut, la profusion des informations fulgurantes qui arrivent de tous côtés, tout en cherchant à restituer quelque chose de cohérent. La pensée selon laquelle le temps est étirable n’est pas, dans ce genre de situation, un simple mythe. Chaque seconde et chaque minute inscrites dans l’infini, sont un chemin de croix qui d’étapes en étapes, est ponctué de violentes douleurs et d’efforts surhumains. Comme si tout cela ne suffisait pas, des pensées sombres traversent son esprit, disant qu’il serait préférable à cet instant, de mourir. Comme si ça ne suffisait pas encore, il faut lutter contre la tentation de l’évanouissement.

Elle ne sait plus de quoi elle a parlé et comment elle a pu restituer ses pensées, lorsque l’entretien s’achève. Elle a l’impression d’avoir tourné en rond et d’avoir répéter à l’infini toujours les mêmes choses, au lieu de développer son sujet. Elle a été à la fois brûlante de fièvre et à la fois froide comme un glaçon. Les genoux tremblants et hésitante, elle se lève en prenant soin de sauver jusqu’au dernier moment les apparences, qui sont déjà et pourtant, sérieusement ébréchées.

Elle va pouvoir enfin, épuisée, aller dans un coin se cacher, pour pleurer, pour demeurer de longues minutes dans une volonté d’oublier l’inoubliable, pour retrouver une respiration perdue, pour laisser son cœur reprendre un rythme plus régulier. Elle pleure sur elle-même qu’elle n’a pas reconnue dans la situation vécue et pourtant, c’est bien d’elle dont il s’agit. Le constat est cruel mais il convient vite, de se reconditionner à nouveau, pour aller vers. Il convient vite de se rassurer en se disant qu’il ne s’agit après tout et sans doute, que d’un incident de parcours. Il faut ne pas trop y penser pour que cela ne se reproduise pas, car au fond et peut-être, l’oubli a possiblement des pouvoirs magiques. Trop y penser, c’est aussi risquer de s’effondrer, se déprimer et pour le coup, de rester définitivement au fond du lit. Tout cela est inconcevable et fait peur, alors il vaut mieux raison gardée : l’échec de cet entretien n’est qu’un bémol dans un parcours, où il faut tenir la distance et il y a aura des situations de rattrapage. Il y a pourtant que ce nouvel aspect de soi apparu soudainement, interroge et a été sur l’instant, déstabilisant.

L’incident est rangé dans un casier aux souvenirs fermé à double tour et la vie continue. Oui, la vie continue, mais une situation différente mais similaire sous certains aspects se présente bientôt à elle, dans une discussion de groupe où elle n’est pas forcément tenue de prendre la parole. Alors elle se tait, s’étonne des émotions qui se soulèvent en elle et reconnaît dramatiquement la crise de panique et ses symptômes qui pointent. Sa logique lui dit que l’angoisse n’a aucune raison d’être en cette situation, mais elle est là, bien présente, trop présente. Installée dans l’angle mort des regards et silencieuse, elle parvient à passer inaperçue et tant bien que mal à gérer, avant de discrètement filer à l’anglaise. Mais cette seconde expérience est plus déstabilisante que la première, car elle vient confirmer qu’un sérieux problème se pose à elle. Marie ne parvient plus à gérer ses émotions qui en certaines situations, prennent à sa place le commandement de son destin.

L’heure est grave et elle essaie de comprendre l’incompréhensible dans des ruminations répétitives, qui l’empêchent de se reposer. Elle se refuse à admettre ce qui lui arrive, mais se retrouve pourtant face à une évidence, qu’il faut bien prendre en compte.  L’angoisse, cantonnée au départ à une situation particulière gagne de l’espace pour devenir, une peur du lendemain. Marie a peur d’avoir peur. Marie songe à se terrer chez elle et à abandonner la formation, dont l’accès a pourtant nécessité mille et uns efforts. Mais une autre crainte prend le dessus, salutaire peut-être, celle de ne plus savoir comment subvenir à ses besoins.

De ruminations en ruminations qui usent les énergies, Marie ne peut en dernier recours, se résoudre à baisser les bras et commence à envisager une stratégie de lutte, contre ce qui paraît être une fatalité.

Elle comprend, qu’elle place trop d’enjeu dans la réussite de cette formation et se fait une montagne du diplôme professionnel à passer. Marie tente bien de se raisonner à ce sujet, mais il n’empêche que l’échéance du diplôme est essentielle en tous points, pour son avenir. La volonté et la raison ne suffiront visiblement pas à dépasser l’embûche majeure qui se présente à elle.

Marie, qui n’est pas tombée de la dernière pluie, cogite à propos de son enfance et de l’influence de son éducation, en lien avec ce qui lui arrive. Elle constate qu’elle a évidemment connu des moments où elle était intimidée et qu’elle a pu parfois, manquer de confiance en elle. Mais ceci n’explique pas, dans une relation directe de cause à effet, cela. Marie songe à rencontrer un psychothérapeute, mais juge qu’il lui faudra du temps, avant de parvenir à mieux se comprendre elle-même. Le temps, justement, est ce qu’elle n’a pas, car sa formation est exigeante et cadenassée dans un tempo prédéfini.  Il y a de plus, que la compréhension de ce qui se passe en soi, n’apporte pas forcément des changements en termes d’applications pratiques. Le combat entre le rationnel, les exigences de la vie et l’incompréhensible en elle, est violent et l’issue incertaine. Difficile de dire si Marie a vraiment le choix, car c’est pour elle une question de survie. Il lui faut trouver une stratégie pour contenir ses angoisses, comme on construit des digues pour prévenir un raz de marée, qui va assurément se reproduire.

Marie ose dépasser sa honte, elle ose en parler autour d’elle et dire son désappointement. Elle rencontre son médecin de famille qui prend le temps de l’écouter et sait prendre en compte l’urgence, face à sa détresse. Marie dit comment elle se sent bien et en accord avec elle-même, en dehors du problème particulier qui se pose. Il faut contenir l’angoisse pour permettre à Marie de poursuivre le parcours auquel, elle tient tant. Il n’est pas venu à l’esprit du médecin de lui demander éventuellement de changer d’orientation, car c’est visiblement après de longues réflexions, que Marie a choisi sa voie.

Il lui prescrit des bétabloquants à utiliser avec parcimonie dans des doses bien définies, pour apaiser l’affolement de son cœur, auquel il ajoute un traitement léger à visée anxiolytique. 

Observation

Marie met d’autant plus d’enjeu dans la réussite de sa formation, qu’elle a le sentiment d’avoir auparavant raté ses études et quelque part peut-être, déçue les espérances parentales à ce sujet. Malgré le temps passant, ses parents  et à travers eux l’autorité, sont demeurés au moins inconsciemment, des censeurs tous puissants, qui ont presque droit de vie ou de mort sur le petit être qu’elle est, dans ce type de situation. Elle se sent comme transpercée de leurs regards imprécateurs qui soupèsent les âmes, les fantasmes et les faiblesses, et portent des jugements sans retour. Les mises en situation sont devenues pour Marie, comme une montée à l’échafaud et la guillotine de la panique va lui tomber sur la nuque. Marie est consciente qu’un travail psychothérapeutique serait souhaitable mais il y a ce satané quotidien qui demande des réponses à effet immédiat.

Elle a d’abord cru à un fâcheux accident de parcours qui pouvait être vite réglé. Mais celui-ci a été d’une telle violence, qu’il a fait en son esprit traumatisme et a de ce fait, laissé une trace indélébile. Cette trace est devenue en son esprit une sorte de zone allergique, qui rencontrant ensuite des situations similaires, déclenche chaque fois un processus immaîtrisable. On peut imaginer que, si ce traumatisme initial avait  pu être accepté en tant que tel par l’intéressée et immédiatement pris en compte sur le plan psychologique, le phénomène aurait alors, possiblement pu, ne pas se reproduire. Les cellules d’aide psychologique interviennent en toute logique dans les situations de trauma extérieur aigu. Le trauma personnel émanant de l’intérieur de soi même, n’obtient pas quant à lui, les mêmes réponses, car il n’est initialement pas reconnu comme tel par la personne concernée. 

Contorsions stratégiques

La négation du phénomène ne supprime pas l’allergie à la situation, même s’il est humain de croire parfois à la magie de la pensée, dans une tentative désespérée de continuer à faire face : « chacun s’en raconte », comme on dit, mais ça ne marche que très partiellement. Dans le désespoir, l’être humain croit parfois au miracle, mais il est malheureusement rare qu’il se produise.

Entre espoir et désespoir, les intéressés sombrent souvent, parce l’angoisse de devoir vivre à nouveau le même traumatisme, sape le moral. C’est ainsi que trop souvent, s’associe dans un deuxième temps au traumatisme initial, la dépression.

L’évolution vers une phobie est toujours possible mais évitable.

Tenter, dans des conduites d’évitement, d’éluder les situations potentiellement angoissantes et/ou se conditionner en amont en usant d’artifices multiples, ne marchent la plupart du temps pas, mais surtout épuisent psychiquement.

Verrouillées en soi, associées à un jugement intérieur qui déforme le regard et isole, les ruminations qui prétendent à résoudre le problème, sont toujours une torture. 

Quelques repères

Le terrain

Ce trouble se développe plutôt sur des personnalités anxieuses :

Le contexte de vie du moment a aussi une influence certaine 

Réponses Thérapeutiques

Les psychothérapies sont bien évidemment une réponse appropriée, quant à la compréhension, notamment en lien avec des événements antérieurs, du phénomène qui se produit. Mais il s’agit en la matière d’un cheminement, que tout un chacun d’ailleurs, ne souhaite pas forcément parcourir. L’existence d’une angoisse de séparation remontant à l’enfance est peut être un facteur prédisposant.

Cette pratique ne peut répondre en 1ère intention, à l’urgence relative de la situation.  

Une béquille médicamenteuse sur laquelle immédiatement s’appuyer s’avère la plupart du temps nécessaire, au risque de voir le patient secondairement sombrer dans une dépression et parfois se marginaliser :

Nombreuses sont les personnes hésitantes ou carrément, pour des raisons diverses, opposées à la prise d’un traitement. Les raisons avancées peuvent correspondre à une philosophie de vie personnelle, mais aussi à des craintes autres et diverses. Une des craintes souvent mise en avant est d’avoir peur de n’être plus la même personne avec la prise de médicaments et/ou, d’être amener contre sa propre volonté, à se comporter différemment. Le patient a souvent besoin à ce sujet d’être rassuré. Il appartient cependant toujours au patient de savoir si les variations de comportement et d’humeur liées aux crises de panique, valent d’être traitées. 

Les thérapies comportementales peuvent aussi avoir leur intérêt. Il s’agit en la circonstance, d’établir avec le patient une liste des symptômes présents, dans l’objectif de mises en situation préparées à l’avance, avec le soutien du thérapeute. 

Ce type d’angoisse pourrait paraître à première vue anodin, parce que le sujet se porte plutôt bien par ailleurs. Mais il n’en n’est rien et la douleur intense demande au contraire à être rapidement pris en compte, car de la capacité à vite intervenir, dépend pour une part l’évolution du trouble. 

Conclusion

Il convient de dire et rappeler, que la survenue brutale est souvent sidérante et ne permet pas une compréhension logique du phénomène.

Il convient de dire et rappeler que l’incompréhension en question, pousse à vouloir ignorer la gravité de la situation, amène à se croire seul à vivre ce type de phénomène, induit trop souvent un sentiment de honte, qui barrent la route « au secours », qui a pourtant des réponses concrètes et secourantes à apporter. 

                                                                                                        J.Héno (I.S.P)

                                                                                                    Le 18/02/2010  
 
 
 
 








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