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LES URGENCES PSYCHIATRIQUES
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS

Crises de délire, agitations, suicides, violences conjugales, ivresse, adolescents désorientés, vieillards en pleine confusion, les situations d'urgence psychiatrique représentent au moins 10% de l'ensemble des admissions dans les services d'urgence générale des hôpitaux.

Ces urgences sont souvent trompeuses, et difficiles à évaluer : des problèmes médicaux aigus peuvent prendre l'allure d'une crise psychiatrique avec de l'angoisse, de l'agitation et parfois même un délire ; à l'inverse la souffrance psychique peut s'exprimer à travers le corps et prendre l'aspect d'une intense douleur abdominale ou d'une attaque de paralysie.

La prudence est de règle et la collaboration étroite entre psychiatres et médecins somaticiens toujours indispensable.

Dans la pratique, la psychiatrie d'urgence concerne trois grand types de situations :
· D'une part, les urgences psychiatriques pures : ce sont des manifestations aiguës d'une maladie psychiatrique ; il peut s'agir d'une bouffée délirante, d'une mélancolie ou d'une crise brutale dans le cadre d'une maladie mentale chronique

· D'autre part, les urgences qui sont mêlées à des problèmes médicaux : c'est le cas des tentatives de suicide ou des problèmes aigus liés à l'alcool ou aux drogues

· Enfin, au delà de toute maladie, chaque crise affective ou sociale, un deuil, une séparation, un licenciement peuvent entraîner une réaction émotionnelle intense nécessitant une intervention spécialisée.

Le plus difficile est d'établir un diagnostic et surtout d'évaluer les risques liés à cette situation, pour le patient comme pour son entourage. Évaluer un risque suicidaire, par exemple, n'est pas toujours aisé et la responsabilité des équipes médicales est grandement engagée.

De nombreux tableaux cliniques différents peuvent correspondre à une situation d'urgence psychiatrique : il peut s'agir d'une personne très agitée et agressive, ou au contraire repliée sur elle-même et refusant tout contact ; il peut s'agir de crises de larmes et d'évocations suicidaires. Les sujets peuvent être confus ou paniqués, parfois délirants ou incompréhensibles.

Prenons l'exemple de Patrick, âgé de 35 ans. Il présente un état d'agitation inquiétant : il crie, insulte sa compagne, puis se montre prostré et menace de se suicider ; à d'autres moments, il est confus, et semble ne pas reconnaître un voisin venu lui apporter de l'aide.
Patrick a tendance à boire trop ; en outre, il prend des tranquillisants et des antidépresseurs depuis le décès de son père trois semaines auparavant. Enfin, il a été victime dans la journée d'un accident de moto apparemment sans gravité. Il refuse énergiquement d'aller à l'hôpital.
Sa compagne appelle les pompiers qui arrivent à le convaincre de se rendre avec eux au centre psychiatrique d'orientation et d'accueil.
La première tâche des psychiatres va être d'établir un diagnostic : s'agit-il des effets d'un traumatisme crânien, d'un excès d'alcool ou de médicament ?
Ou bien Patrick présente-t-il un état dépressif aigu lié au deuil de son père ?
Une fois le diagnostic établi, il faudra sans doute calmer l'agitation de Patrick avec des médicaments injectables et proposer une hospitalisation d'observation de 24 ou 48 heures.
Si le malade n'est pas consentant et que les médecins pensent qu'il existe un risque de suicide ou d'agression de sa compagne, une mesure d'internement dans un hôpital psychiatrique spécialisé peut s'avérer nécessaire. Il peut alors s'agir d'une hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) signée par sa compagne et par deux médecins ou d'une hospitalisation d'office (HO) signé par un médecin et par le préfet de police.
En effet, face à une souffrance psychique aiguë, il existe différentes formes de réponses :
· le SAMU, très accessible téléphoniquement par le 15
- les services de police et les pompiers. Ce sont parfois les seuls intervenants de terrain pouvant maîtriser un malade agité, menaçant ou suicidaire.
· les services d'urgence des hôpitaux généraux
Mais il faut aussi savoir qu'il existe des réponses plus spécialisés
· les services du secteur psychiatrique organisent les accueils d'urgence et disposent parfois de centres d'accueil et de crise ouverts 24 h su 24
· à Paris, le CPOA (centre psychiatrique d'orientation et d'accueil) reçoit et hospitalise en permanence les personnes qui en ont besoin.
- enfin, des psychiatres libéraux peuvent être regroupés dans des structures du type SOS psychiatrie

Chaque année, 9 millions de personnes sont reçues aux urgences d'un hôpital ; si parmi celles-ci, une sur dix présente un tableau psychiatrique évident, une proportion beaucoup plus importante est en état de détresse psychique réclamant une aide et un réconfort.

De plus, avec l'augmentation de la précarité, des difficultés économiques et sociales, les urgences sont progressivement devenues le refuge de toute une population dont la prise en charge sanitaire est insuffisante.

Ces services ont ainsi à résoudre et à orienter des situations médico-psycho-sociales extrêmement complexes, ce qui réclame une coordination de qualité avec l'ensemble des partenaires de terrain. Et la nécessité pour la psychiatrie publique d'assurer en amont un travail de prévention.