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LES PSYS EN PRISON

Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS

Un décret du 14 mars 1986 relatif à l'organisation des soins psychiatriques en France, a créé les SMPR : les secteurs médico-psychologiques régionaux pénitentiaires. Ces SMPR, rattachés à un hôpital public, sont implantés dans les maisons d'arrêt ou dans les centres de détention. Il s'y associe parfois des Antennes toxicomanie pour les soins spécialisés aux usagers de drogues.

L'équipe médico-psychologique du SMPR est confrontée à de délicats problèmes éthiques et déontologiques : la difficile gestion de la population carcérale peut, au quotidien, amener les pénitentiaires à ne réclamer des soignants que la réduction des troubles du comportement.

La pathologie psychiatrique rencontrée en prison s'est grandement modifiée depuis une dizaine d'années :
· D'un côté, les pratiques d'expertise ont évolué et l'irresponsabilité au sens de l'article 122 du code pénal est beaucoup plus rarement prononcée. Des détenus présentant de lourdes pathologies psychiatriques sont donc plus fréquemment incarcérés.

· D'un autre côté, les usagers de drogues sont sur-représentés puisque usage et trafic tombent sous le coup de la loi : ils nécessitent souvent un prise en charge spécifique.

Mais surtout, de nombreux détenus présentent des personnalités particulières, fragiles, impulsives, angoissées, qui se contrôlent difficilement et qui ont fréquemment subi des traumatismes dans leur enfance. Appelés " états limites ". À la frontière de la normalité, leur place n'est hélas ni en prison, ni à l'hôpital psychiatrique.

Les conditions mêmes de l'incarcération vont provoquer une souffrance psychique chez la plupart des détenus. Les automutilations, les ingestions de corps étrangers, les tentatives de suicide, surtout par pendaison ou par strangulation, sont extrêmement nombreuses. Il existe notamment ce que l'on appelle la " psychose carcérale ", un état de délire réactionnel à l'emprisonnement.
Au total, on considère que 20 à 30% des détenus relèvent, à un moment donné de leur incarcération, d'une prise en charge psychologique.

Le plus souvent, il s'agit d'assurer la prise en charge d'adultes jeunes, très demandeurs d'une relation de soutien mais qui, du fait de leur histoire personnelle, reproduisent souvent des ruptures brutales ou des provocations dans leur relation à leur psychothérapeute. Il faut pouvoir mettre des mots sur des passages à l'acte, revisiter l'histoire de chacun afin qu'il puisse mieux en comprendre la complexité.
Les toxicomanes incarcérés nécessitent quant à eux des soins spécifiques : continuité des traitements de substitution, instauration de traitements de sevrage.

L'action des équipes médico-psychologiques en prison présente de très nombreux niveaux d'intervention :
· Les psychothérapies individuelles sont tout à fait réalisables.
· Cependant, les psychothérapies de groupe sont beaucoup plus répandues, car d'accès plus facile pour la plupart des personnes incarcérées : il peut s'agir par exemple d'art-thérapie ou de musicothérapie.
· La relaxation a de bonnes indications en prison, pratiquée individuellement ou en groupe.
· Mais c'est la distribution de médicaments psychotropes qui occupe une grande partie de l'activité des professionnels. Dans les maisons d'arrêt, 30 à 70% des détenus prennent ce qu'on appelle la " fiole ", soupe de psychotropes écrasés pour éviter l'accumulation et contrôler la prise. De nombreux détenus ont une importante demande médicamenteuse soit parce qu'ils sont toxicomanes soit parce qu'ils ont du mal à supporter les conditions d'incarcération.Les psychotropes font ainsi l'objet d'un troc, ce qui fait courir le risque de défonces, de troubles du comportement, voire de gestes suicidaires.

Rappelons que les maisons d'arrêt accueillent les prévenus et les condamnés à de courtes peines et que les centres de détention et les maisons centrales sont destinées aux condamnés à de longues peines
Les SMPR ne peuvent prendre en charge que des détenus consentant aux soins.
Le travail en équipe est essentiel pour assurer ces prises en charge et garantir le partage, l'évaluation et la continuité des soins.
L'équipe pluridisciplinaire comprend des psychiatres, des psychologues, des infirmiers, des éducateurs, des travailleurs sociaux et parfois des intervenants spécialisés en toxicomanie.
C'est le service public hospitalier qui assure depuis 1994 les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus incarcérés, ainsi que les actions de prévention et d'information.

Comme on l'a vu, pour beaucoup de détenus, la principale difficulté psychologique est de lutter contre la difficulté de s'adapter aux conditions de la détention : proximité et sur-encombrement, perte de l'intimité, inactivité, rupture des relations familiales, ruminations obsédantes sur les faits, attentes interminables du défenseur…
La dimension essentielle du travail de l'équipe médico-psychologique va consister à mettre en place des actions pour restaurer la communication : actions socio-éducatives, sportives ou culturelles, groupe de parole ou d'expression, actions de scolarisation et de formation.
C'est à travers ce partenariat avec des professionnels de l'éducation, de la formation ou de la culture que les psys en prison vont pouvoir contribuer à atténuer peu à peu la souffrance psychique des prisonniers et à préparer leur réinsertion.





Document écrit tiré de l'émission de télévision PSYCHE