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LA PSYCHIATRIE DE LIAISON
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS

Dire qu'un cancer, une transplantation rénale, un infarctus du myocarde ou les séquelles d'un grave accident sont susceptibles d'induire une importante souffrance psychique ne surprendra personne. Pour faire face à cette détresse, des psychiatres et des psychologues sont présents dans la plupart des sites hospitaliers. Cette approche, baptisée psychiatrie de liaison, souligne les retrouvailles entre l'exercice médical et la prise en charge psychiatrique, après une période de cheminement parallèle. Au delà du soutien psychologique des personnes atteintes par une maladie grave, les psys sont également présents à l'hôpital pour rappeler l'importance de la prévention par exemple en matière d'alcool, de tabac ou d'habitudes alimentaires.

Les psys de liaison ont pour mission d'intervenir dans l'ensemble des services de l'hôpital, plus souvent à la demande du personnel hospitalier que des malades eux-mêmes.
Dans les services de médecine, ils vont soutenir psychologiquement les personnes atteintes de maladie grave.
Dans les services de chirurgie, il peuvent être appelés pour préparer une intervention chirurgicale majeure comme une greffe d'organe et réaliser un bilan psychologique préopératoire. Aux urgences de l'hôpital, ils auront à prendre en charge les tentatives de suicide et toutes les crises psychiatriques aiguës.
Mais ils doivent aussi faciliter l'hospitalisation de malades présentant des troubles psychiatriques antérieurs ou des comportements de dépendance, s'occuper de l'entourage familial des patients, accompagner les deuils, gérer le stress des équipes soignantes.

Les psychiatres de liaison sont par ailleurs confrontés à de difficiles questions diagnostiques : face à des troubles psychologiques chez un patient atteint de cancer, de sida ou d'hépatite, il faut savoir faire la part des choses entre une atteinte cérébrale organique, des troubles dépressifs réactionnels au vécu de la maladie, des effets secondaires des médicaments utilisés ou des troubles psychiatriques antérieurs.

La place des psys de liaison peut s'illustrer à partir de l'exemple de Pierre, âgé de 30 ans, hospitalisé dans un service de maladies infectieuses, qui présente un sida et une hépatite C responsable d'une grave cirrhose de son foie.
Il est prostré sur lui-même, ne bouge plus de son lit, refuse de prendre son traitement, tient des propos bizarres et incohérents.
Pierre est un ancien toxicomane sous méthadone, mais les infirmières pensent que des amis continuent de lui apporter de la drogue à l'hôpital. Sa mère, qui lui rend visite tous les jours, est inquiète et de plus en plus déprimée par l'état de son fils.
Face à cette situation, le psychiatre de liaison, le Dr B., appelé par l'équipe soignante, va intervenir à différents niveaux :
· Il va tenter d'établir un diagnostic : Pierre peut être atteint d'une affection cérébrale liée au virus du sida, il peut avoir pris des drogues qui modifient son comportement, il peut souffrir d'effets secondaires de son traitement médical ou être déprimé par l'évolution de sa maladie. Selon le diagnostic, le Dr B. décidera d'un traitement, d'une psychothérapie de soutien, voire d'un transfert dans un établissement spécialisé.
· Il essaiera dans la mesure du possible de convaincre le malade de reprendre son traitement
· Le Dr B. va recevoir la mère de Pierre pour lui apporter un soutien psychologique et lui proposer éventuellement une prise en charge
· Il va exercer un rôle pédagogique auprès des infirmiers et des médecins du service en expliquant les complications psychiques liés à la maladie de Pierre
· Il pourra éventuellement organiser des groupes de parole pour les infirmières, épuisées par la difficulté de leur travail ou animer un groupe de parole de patients avec l'aide d'une association La consultation psychiatrique n'est pas un examen complémentaire parmi d'autres : en intervenant auprès des soignants comme des soignés, la psychiatrie de liaison a avant tout pour objectif de permettre aux équipes médicales de réaliser une prise en charge globale de leurs patients

Les psys à l'hôpital général exercent de différentes manières :
· Des psychiatres et des psychologues peuvent être rattachés à certains services de médecine ; ils n'interviennent alors qu'auprès des malades hospitalisés ou venant en consultation dans ce service
· Certains hôpitaux généraux bénéficient d'une unité ou d'un service de psychiatrie : ce sont les psys du service qui sont alors chargés du travail de liaison au sein de l'ensemble de l'hôpital
· Enfin dans certains cas, c'est l'équipe du secteur psychiatrique le plus proche regroupée dans un Centre médico-psychologique qui sera chargée d'effectuer les interventions

On sait à présent à quel point des facteurs comme les traits de personnalité, les troubles dépressifs, les modalités d'ajustement au stress, la qualité du support social vont intervenir sur le pronostic de la plupart des maladies.
À l'ère d'une médecine de plus en plus performante mais dont la technicité s'avère souvent déshumanisante, des professionnels de la santé mentale sont là pour faire reconnaître l'importance d'une approche tout à la fois médicale, psychologique et sociale.
Car l'interaction permanente entre la santé physique et la santé psychique, entre la personnalité et l'équilibre biologique, bref la relation entre le corps et l'esprit, sont définitivement entrées dans l'ère scientifique.



Document écrit tiré de l'émission de télévision PSYCHE