Présentation de l'organisation psychiatrique publique française
MISSION PSYCHIATRIQUE MOSCOU I2-16 MAI 1999
Docteur Patrick Bantman
INTRODUCTION
Il est toujours difficile de présenter d'une manière le plus synthétique possible notre dispositif de psychiatrie publique. Pour résumer un peu notre point de vue, nous évoquerons sous le terme de "sectorisation "le développement d'une politique de santé mentale dont l'esprit "est d'abord le refus de la ségrégation du malade, le refus de son exclusion : " I'objectif c'est d'aider le malade à garder sa place dans la communauté des hommes et lui permettre, dans toute la mesure du possible, d'y instaurer son autonomie (1)
Par "Politique de secteur", on appelle la mise en place de structures intra et extra-hospitalières, rattachées à un secteur géographique particulier. Depuis les années 1960-1970, la "sectorisation" a modifié le visage de la psychiatrie française. Ainsi à la prise en charge hospitalière s'est associé un dispositif de structures diverses (Centre medico-psychologique, hôpital de jour, Centre d'accueil...). La sectorisation a mis en place un dispositif afin de faciliter l'accès aux soins pour une population donnée. Les équipements se sont diversifiés et multipliés pendant que les capacités hospitalières diminuaient progressivement. Le mode de placement ou d'hospitalisation des patients s'est transformé. Actuellement, 2/3 des patients sont en service libre (contre 1/4 en 1970).
La durée moyenne de séjour en hospitalisation a beaucoup diminué : le nombre d'admissions s'est considérablement accru, alors que le nombre de journées a décru. Ce que nous appelons travail extra-hospitalier s'est beaucoup développé au point de devenir l'activité majeure des secteurs, si l'on se réfère au nombre de patients suivis. En outre, les équipes ont développé des actions dans la communauté auprès des services sociaux, municipaux, des écoles...
La politique de sectorisation s'est mise en place à partir de trois types d'établissements : les services de psychiatrie de l'hôpital général, les services de psychiatrie au sein de l'hôpital psychiatrique qui gèrent 60 % des secteurs, la place des établissements psychiatriques privés est non négligeable.
Ces structures de prises en charge sont extrêmement variables selon les secteurs : cela va du modèle, encore très hospitalier, qui fonctionne avec quelques consultations externes, au modèle ou le secteur extra-hospitalier comprend : équipe d'accueil, consultations, hôpital de jour, foyers, appartements thérapeutiques, centre d'accueil thérapeutique à temps partiel, équipe d'urgence à l'hôpital général.
Ainsi, dans la pratique psychiatrique actuelle en France, l'hospitalisation ne constitue plus désormais qu'une étape du traitement qui a été éventuellement commencée dans le cadre de consultations au C.M.P. Une des fonctions essentielle de la politique de secteur est la prévention de l'hospitalisation par la préservation des réseaux et du support social, ainsi que l'établissement d'une continuité thérapeutique dans l'organisation de prise en charge à long terme.
Depuis quelques années, l'implantation des secteurs dans les hôpitaux généraux devient plus importante et a soulevé en France un débat. La psychiatrie publique à l'hôpital général, par sa meilleure implantation au sein de la population, son image de marque, est présentée par certains comme une alternative à la psychiatrie, est partir de l'hôpital psychiatrique.
BILAN APRES TRENTE ANS DE SECTORISATION
Les effets de la sectorisation n'ont pu se faire sentir véritablement que vers le début des années 1970. Aujourd'hui existent 800 secteurs de Psychiatrie générale et 300 secteurs de Psychiatrie infant juvénile. Ceux-ci suivent 60% de la file active totale, les autres étant ont la fois en hospitalisation et en extra-hospitalier. Chaque secteur assure la prise en charge de 1000 patients soit 17 malades pour 1000 habitants d'au moins 20 ans. Jusqu'en les années 1970 l'hospitalisation constituait en France la seule réponse aux problèmes de santé mentale. Le décret du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre la maladie mentale et à l'organisation de la sectorisation psychiatrique a fixé le cadre d'intervention des structures extra-hospitalières charges de la prévention du diagnostic et des soins.
Au total la structure de la prise en charge s'est largement modifiée au profit des suivis ambulatoires et à temps partiel. L'équipement est cependant disparate en fonction des secteurs. Les missions dévolues ont la Psychiatrie de secteur sont extrêmement variées : prises en charges des psychotiques, des personnes âgées présentant des troubles psychiatriques, prises en charges des adolescents, gestion des urgences spy., complications spy. de certaines affections somatiques, SIDA, interventions vis-à-vis de populations socialement défavorisées, alcoolisme, toxicomanie. Ce qui posent actuellement de plus en plus de problèmes dans l'articulation de toutes ces missions. II existe à ce jour dix grands types de structures extra-hospitalières liées aux secteurs qui se distinguent selon qu'ils comportent ou non des possibilités d'hébergement.
Le CMP est l'élément central du dispositif de prévention des soins psychiatriques et d'intervention de l'équipe médico-sociale.
a) La part de l'hospitalisation ne cesse de diminuer L'évolution s'accélère encore dans les années 1990 puisqu'il n'existait plus que 70000 lits dans les hôpitaux publics ou faisant fonction en France en 1996. Avec la mise en place de la réforme hospitalièrel'évolution ne saurai que se poursuivre voire s'amplifier dans les année prochaines.
Parallèlement la part des hospitalisations partielles a tendance à augmenter, un mouvement particulièrement sensible dans les services psychiatriques des hôpitaux généraux.
b) La contrainte devient un mode mineur d'hospitalisation Alors qu'en 1965, sur 110000 patients en hospitalisation seules moins de 15000 étaient en placement libre, en 1991 ils étaient près de 50000 sur un total de 60000 hospitalisés. Leurs durées de séjour ont-elles aussi tendance a diminuer pour s'aligner sur le cas général. Dans tous les pays européens on retrouve la même évolution. Pour ce qui concerne la protection du malade, I'ancienne procédure qui datait de 1838 a été remplacée par la loi du 27 juin 1990, dont l'évaluation à été faite ces dernières années. Cette loi prévoit que les droits des malades mentaux sont les mêmes que ceux reconnus aux autres malades hospitalisés quelque en soit la cause. Ces principes sont d'ailleurs inscrits dans la charte du patient hospitalisé. Les hospitalisations sans consentement n'ont cesse de régresser au point de ne plus représenter que 10% du total des hospitalisations en milieu psychiatrique.1l existe trois régimes d'hospitalisations:
1/ L'hospitalisation d'office (HO)
2/ L'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT)
3/ L'hospitalisation libre
En 1994 7242 hospitalisations d'office ont été prononcées. Afin de protéger le malade et d'éviter les internements arbitraires les autorités publiques exercent un contrôle sur les hospitalisations sans consentement. 11 s'agit du préfet, du juge du tribunal d'instance, du maire et du procureur de la république. Ces autorités sont astreintes à une périodicité des contrôles : une fois par trimestre pour le procureur, une fois par semestre pour les autres. Le groupe national d'évaluation a proposé en 1998 :
- La mise en place d'un seul régime d'hospitalisation sous contrainte. 1l est proposé l'abandon de la notion de "troubles de l'ordre public" au profit de la rédaction européenne qui s'attache "aux seuls troubles mentaux empêchant la personne de consentir à des soins et un état de santé qui en l'absence de traitement approprié risquerait de se détériorer gravement".
- La création d'une période d'observation de 72 heures maximum avant l'hospitalisation
- Une alternative a l'hospitalisation sans consentement sous la forme de SOINS AMBULATOIRES OBIGATOIRES
- L'exercice du libre choix y compris pour l'hospitalisation sans consentement
c) La commission départementale des hospitalisations psychiatriques Composée de deux psychiatres ,d'un magistrat et d'un représentant des familles des malades mentaux ,elle reçoit toutes les informations concernant les hospitalisations sans consentement. Tous les certificat médicaux lui sont transmis et elle est chargée de visiter les établissements. Elle a tout pouvoir pour examiner la situation des malades et peut saisir les autorités. Elle est tenue pour examiner systématiquement la situation de toute personne dont l'hospitalisation sur HDT se prolonge au-delà de trois mois.
d) Capacité civile et protection des biens du malade mental C'est la loi du 3 janvier 1968 qui institue les trois régimes de protection s'appliquant le cas échéant aux malades mentaux :la sauvegarde de justice, la tutelle et la curatelle .
LES STRUCTURES PARTICULIERES DE SOINS EN SANTE MENTALE
1/ Les UMD (Unités pour malades difficiles)
2/ Les SMPR
3/ Les urgences psychiatriques
L'INSERTION ET LA REINSERTION DU MALADE MENTAL
La majorité des patients fréquentant la Psychiatrie n'est pas désinserée même si leur souffrance mentale tend à les handicaper dans leur vie sociale et professionnelle. 11 existe un dispositif commun à l'ensemble des handicapés représentés par la loi du 30 juin 1975 qui reconnaît les droits fondamentaux des handicapés, aux soins et au travail. Elles ne sont pas spécifiques aux malades mentaux ce qui évite une stigmatisation. La loi de 1975 prévoit des dispositions en faveur de l'emploi, des ressources et de l'hébergement des handicapés.
Remarques et discussions critiques sur la Psychiatrie publique
- Malgré les nombreuses circulaires et la loi de 1985 sur la sectorisation, celle-ci n'a pas été achevée et il existe de nombreuses disparités entre régions et entre secteurs. Les patients qui souffrent de troubles mentaux dans les zones rurales, les zones urbaines difficiles ou encore à Paris ne bénéficient pas des mêmes prestations que les habitants d'autres régions.
- L'hôpital conserve un rôle extrêmement important, les structures extra-hospitalières ayant du mal à se développer. La collaboration entre le secteur social et le secteur sanitaire demeure dans un état trop embryonnaire. Le problème est également celui de la prévention et de la réinsertion sociale et professionnelle. De nombreuses personnes ne trouvent pas leur place dans le dispositif tel qu'il existe aujourd'hui.
- Dans certains domaines se sont mis en place des pratiques intersectorielles plus ou moins développées (urgences psy, toxicomanie, alcoolisme, adolescents, géronto-psychiatrique...).
- II est important de signaler également les difficultés actuelles en matière d'insertion et de réinsertion en particulier professionnelle dans un contexte économique qui n'est guère porteur. La France a l'instar d'autres pays est aussi confrontée au problème difficile des SDF.
En 1993 un rapport estimait à 30% la proportion de sans abri présentant un trouble psychiatrique. Et il est actuellement préconisé d'établir des relations de partenariat entre les secteurs psychiatriques et les services d'aide aux sans abri. Dans ce domaine l'hôpital Esquirol est actuellement un pionnier en établissant un partenariat actif dans le cadre de la précarité.
Pour terminer, il est un fait que la maladie mentale est souvent considérer comme une "maladie honteuse" que l'on doit cacher aux regards des autres. Quand donc considéra-t-on celle-ci comme une maladie dont on peut parler ouvertement, qui se prévient, se soigne et peut se guérir ?
(1) H.MIGNOT "Présentation de la Psychiatrie de secteur" en Psychiatrie 1972