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Une approche thérapeutique de la psychose : LE GROUPE DE LECTURE

Dominique Friard.


Chapitre II :

Quelles modalités de prise en charge ?


La psychiatrie se trouve à la rencontre de trois modèles de pensée : le modèle médical et biologique, le modèle psychanalytique et le modèle social. Si nous n'avons présenté que deux modèles en première partie, c'est à la fois par manque de place et parce que nous avons présenté ailleurs (78) ces différentes tentatives d'explications de la schizophrénie et les différents modes de traitement qui en découlent.
Nous suivons en cela la plupart des institutions soignantes qui plutôt que se référer à un modèle exclusif admettent un modèle bio-psycho-social.
Il n'existe en fait pas de traitement unique valable pour l'ensemble des patients et reconnu par tous comme durablement efficace. La diversité des facteurs susceptibles d'intervenir dans la maladie inspire des abords thérapeutiques pluriels. Trois dimensions doivent être envisagées dans l'élaboration d'un projet de traitement : l'intervention sur le milieu, les psychothérapies et les traitements chimiothérapiques.
Nous ne décrirons pas ici l'ensemble de ces traitements. Notre souci est essentiellement de permettre au lecteur de situer les groupes utilisant des médiations au sein des différentes interventions possibles.
Le but du traitement est d'éviter l'évolution vers un état démentiel ou une hospitalisation continue. Si en 1940 60 % des patients étaient encore hospitalisés après leur première admission, ce chiffre est tombé à 10-15 % aujourd'hui. Les trois quarts des patients se stabilisent en quelques années; un quart présente encore, 20 ans après le début des troubles, des poussées aiguës entrecoupées de rémissions instables. Le destin du schizophrène n'apparaît aujourd'hui plus aussi inéluctable : ainsi l'OMS précise dans une enquête concernant des patients suivis au long cours dans les pays industrialisés :
37 % de complète rémission,
43 % de rémission incomplète
20 % de persistance continue des symptômes.
Cette enquête précise que 61 % des patients suivis ont pris un traitement chimiothérapique pendant plus des trois quarts de la durée du suivi.(79)
Un pointage effectué dans notre secteur montre que 53 % des patients sortis en 1992, et 55 % de ceux sortis en 1993 n'avaient pas été réhospitalisés depuis.
Les traitements sont donc loin d'être inefficaces.
Pourquoi, trouve-t'on alors tant de patients chroniques ? Est-ce lié à une évolution inéluctable ? Est-ce dû à un dysfonctionnement des institutions soignantes ?
Toute réflexion sur l'efficacité du traitement nous interroge tôt ou tard sur la chronicité. Que faut-il entendre par chronicité ? Est-ce une fixation, une modalité évolutive ou un échec thérapeutique ?
Nous envisagerons ces différentes possibilités. Nous présenterons ensuite sommairement les différentes structures de soins, avant d'examiner quelques approches thérapeutiques parmi lesquelles la psychothérapie institutionnelle, les psychothérapies, l'art-thérapie et la réadaptation sociale du patient schizophrène. Nous réfléchirons ensuite autour de la prise en charge infirmière dans une quatrième partie.

1 : De la chronicité

Un patient chronique est autant le porteur d'une maladie chronique qu'un patient englué dans l'institution psychiatrique. Ainsi que l'indique Michel Reynaud, la chronicité sous-entend une double aliénation qui met en cause non seulement la folie dans son évolution chronique, dans son vécu et ses bénéfices, dans ses représentations socio-culturelles mais encore l'institution de soins dans ce que son organisation a d'asilaire dans sa gestion, dans sa conception de la continuité des soins.
La chronicité apparaît aujourd'hui comme un échec thérapeutique, "la réflexion psychiatrique ayant été dominée ces dix dernières années par le souci de lutter contre cette chronicité en faisant prévaloir la discontinuité, la différence, en instaurant une circulation à la place de la sédimentation."(80)
Il faut ainsi bien différencier la dimension chronique de la schizophrénie et le processus de chronicisation que constitue le fait pour un patient schizophrène de s'engager dans une situation de dépendance étroite à une institution. Ce processus doit être défini à partir de la rencontre entre des mécanismes psychotiques (particulièrement ceux qui ont trait au temps et à l'espace) et un cadre (souvent responsable du développement du processus).
"L'asile, contenant des projections morcelées du psychotique, s'est en quelque sorte adapté, moulé sur le fonctionnement psychotique. Ainsi en niant la réalité extérieure et en laissant vide de sens le contenu de sa réalité intérieure par perte de l'étalonnage du temps et de l'espace, l'institution a validé les mécanismes de la psychose et facilité leur répétition."(81)
Ces processus passent par l'absence de référence à l'extérieur, à l'histoire du sujet, par l'absence de projet thérapeutique témoignant d'un désir de changement, et aboutissent à la construction d'un système clos et figé, tout entier orienté à recevoir et à contenir des projections éparses, mais incapable de les remodeler dans une cohérence individuelle et sociale.
L'asile n'a pas le monopole de la chronicisation, le secteur, ainsi que nous l'avons vu au chapitre précédent, est bien souvent une nouvelle réserve à psychotiques. Il ne suffit pas de multiplier les changements pour produire du dynamisme, il faut aussi produire du sens. "Cette continuité peut être déstructurante, correspondant au morcellement psychotique :
- lorsqu'elle produit en fait la répétition du même en différents lieux,
- lorsqu'elle multiplie les activités pour les activités sans leur donner un sens par rapport au malade,
- lorsque l'aliénation au désir du soignant prend la place de l'asile en tant que nouveau contenant,
- lorsqu'elle suscite une errance entre les différents lieux qui n'est pas sans rappeler la dérive de la "nef des fous", privant ainsi le patient d'un véritable contact avec la réalité sociale,
- lorsque la confusion règne entre lieux de vie et lieux de soins." (82)
Nous pouvons, toujours en suivant Reynaud, évoquer une nouvelle chronicité plus subtile et plus diffuse.
Chronique la consultation mensuelle et l'entretien au contenu stéréotypé. Chronique le traitement prescrit une fois pour toutes et renouvelé mois après mois. Chronique la visite à domicile, prescrite ad vitam aeternam, jamais évaluée. Le patient devenu totalement passif démissionne de son rôle d'hôte, et n'apporte plus rien au contenu de l'entretien. Cà ne fait rien, continuons. Chronique, la vie en appartement thérapeutique, parfois copie conforme de celle de l'asile. Le temps et l'espace y sont investis de la même façon. Chronique l'hôpital de jour auquel années après années les mêmes patients continuent de pointer, chroniques ces groupes de poterie et de tissage qui existent, inchangés, inaltérables, inoxydables, depuis vingt ans et plus.
Il serait long et vain de répertorier toutes les formes de chronicité extra-hospitalière, toute institution sécrétant des formes de chronicisation.
"La vie sociale finit par se réduire aux seules relations avec les opérateurs de la prise en charge et de l'aide thérapeutique" (83)
Ces facteurs de chronicisation peuvent être individuels, institutionnels, familiaux et sociaux.
Racamier a décrit comment "pathologie psychiatrique et vie asilaire se renforcent dans une interaction dynamique" (84) pour aboutir à des processus de chronicisation.
L'indifférence schizophrénique, défense contre l'angoisse de la proximité affective, risque de devenir réelle indifférence à la faveur de celle que l'institution manifeste. Les symptômes psychotiques à situer du côté de la compulsion de répétition, manifestation de l'instinct de mort, trouvent en écho la tendance à l'immobilité et à la routine de l'institution asilaire. L'hôpital, en instaurant la symbiose comme seul monde possible, en se présentant comme un milieu idéalement bon, en fantasmant enfin pour le patient un dehors dangereux et inaccessible, renforce les mécanismes psychotiques de clivage, l'angoisse du monde extérieur et de la relation à autrui. Le désir de quitter l'hôpital diminue peu à peu. L'évolution des schizophrénies vers la "régression" est aggravée par les "carences afférentielles" présentées par l'asile lorsqu'il prive le patient de toutes responsabilités, qu'il dévalue ses activités créatives, ou le considère comme objet et non comme sujet d'un discours.
Racamier conclut : "Les premiers mouvements de la psychose lui ont fait perdre le sentiment ferme et évident de son existence et de son individualité, le rendant incapable de conceptualiser les formes modératrices du temps, d'assurer même l'intégration de ses sensations, empêchant de quêter l'amour ou la sympathie dans ces formes où le veut la culture. Il devient alors évident que les conditions asilaires vont dans le sens même où va la psychose" (85)
Tout traitement doit prendre en compte ce risque de chronicisation. Et si le but du traitement n'est pas de guérir la schizophrénie, il doit être de permettre au patient de vivre avec sa psychose.
Il s'agit certainement d'un objectif peu glorieux mais ainsi nous pourrons permettre à certains patients de connaître des guérisons psychopathologiques avec névrotisation des défenses ou des guérisons sociales avec normalisation d'un comportement social compatible avec une certaine qualité de vie.

2 : Les institutions:

2-A : Aspects historiques

Reconnu comme malade par la loi du 27 mars 1790, le fou devait bénéficier de soins. C'est l'acte de Pinel otant les chaînes des aliénés à Bicêtre et à la Salpêtrière. Malgré cette médicalisation de principe, il était admis que la place d'un malade mental était à l'asile et non pas dans la rue à divaguer. L'ordre familial, la bonne gestion des biens et l'ordre public devaient être défendus, la science d'Esquirol devait transformer la mise à l'écart du fauteur de troubles en mesure thérapeutique.
L'hospitalisation souvent nécessaire, soit en raison des risques que court le patient, soit à cause des perturbations et des conflits apparus dans le milieu professionnel et social, conduisit à l'édification de l'asile, établissement public spécifiquement destiné à soigner les "aliénés", à protéger le sujet contre lui-même, à protéger la société envers la dangerosité réelle ou supposée du dit-malade. La mission soignante passa très vite au second plan.
La grande guerre et ses massacres, le surréalisme, l'écho lointain et assourdi de la psychanalyse, l'introduction des théories évolutionnistes en psychiatrie amenèrent une génération de psychiatres français à rénover la psychiatrie.
La montée du nazisme, la guerre d'Espagne et finalement la seconde guerre mondiale, l'occupation et les camps d'extermination, la mort de dizaine de milliers de malades chroniques internés provoquèrent un choc salutaire. L'hôpital psychiatrique de Saint-Alban, autour de Tosquelles et L. Bonnafé fut un des lieux où se préparèrent les bouleversements à venir. A La Charité-Sur-Loire, Le Guillant avait remarqué qu'un petit nombre seulement des patients qui s'étaient joints aux colonnes de réfugiés avaient eu besoin d'être réhospitalisés ensuite.
Petit à petit s'imposa l'idée qu'on ne ferait aucun progrès en psychiatrie tant qu'on ne s'occuperait pas des patients là où la vie pouvait avoir un sens pour eux, sans poser que le rejet social était irréversible, sans l'entériner sous le poids d'une institution ségrégative dans son principe.
L'apparition des neuroleptiques a contribué à favoriser cette transformation. La circulaire de 1960 va favoriser l'éclosion de nouveaux dispositifs d'accueil et de traitement des malades mentaux. Les psychiatres pensèrent que la condition indispensable à tout progrès était de sortir les patients de l'hôpital psychiatrique. L'hospitalisation devait être réservée aux moments où elle était thérapeutique. Les décisions d'entrées furent prises dans cette perspective. Les réhospitalisations ne furent plus considérées comme signes d'échecs ou d'erreurs.
En même temps était créé un dispositif extra-hospitalier pour les patients externes, ce qui impliqua une sectorisation, c'est-à-dire une implantation géographique de ces nouveaux moyens de traitement. Les consultations développèrent leurs fonctions thérapeutiques, tandis que des lieux d'accueil à temps partiel étaient destinés à remplacer l'hôpital, dans les fonctions qui paraissaient utiles.
L'hôpital de jour fut une des premières formules mise en place. Les premiers hôpitaux de jour proposèrent aux patients ce que l'hôpital offrait de mieux (ergo et socio-thérapies, contacts individuels et de groupe), tout en permettant à tous ceux pour lesquels c'était possible de rentrer chez eux et d'y passer la nuit. En même temps, il y eut des foyers ou hôpitaux de nuit, pour les patients qui avaient besoin d'un cadre rassurant, mais qui pouvait garder ou reprendre une activité sociale habituelle pendant la journée. Certaines de ces institutions à temps partiel se spécialisèrent, ateliers thérapeutiques, ateliers de réentraînement à l'effort, etc. Les institutions à temps partiel étaient souvent considérées comme permettant une transition entre une "prise en charge totale" et "l'autonomisation plus ou moins complète" du patient.
Le XIVème secteur de psychiatrie adulte de Paris, rattaché au Centre Hospitalier Esquirol de Saint-Maurice le 20 décembre 1972, dessert une moitié du XII ème arrondissement. Il a suivi, voire parfois précédé, cette évolution. Il comprend aujourd'hui trois unités d'hospitalisations au C.H. Esquirol (capacité 55 lits), un dispensaire proposant consultations médicales, activités et visites à domicile. La file active des visites à domicile compte 96 patients. Le CATEB (Centre d'Accueil et de Thérapies Brèves) fonctionne depuis décembre 1985. C'est un lieu d'Accueil, ouvert 24 heures sur 24. Plus de 200 patients sont inscris sur la file active du CATEB. L'Hôpital de Jour (35 places), le CATTP (Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel) (27 places) et les studios relais (7 places) font partie des alternatives à l'hospitalisation proposées par le XIVème secteur.

2-B: Les structures de soins

B-1 : L'unité d'hospitalisation à temps complet

Les unités d'hospitalisation à temps complet sont des lieux de soins, de prévention et de diagnostic sous surveillance médicale, fonctionnant 24 heures sur 24 répondant aux besoins de santé mentale d'une population d'adulte.
A la différence des unités d'hospitalisation classiques, elles seules sont habilitées à admettre des personnes atteintes de maladies mentales et hospitalisées selon les modalités de la loi du 27 juin 1990.
Elles doivent de plus permettre d'effectuer des soins individualisés aux patients en état d'agitation ou devant être protégés et surveillés.
De très nombreux auteurs ont signalé les inconvénients et les risques de l'hospitalisation à temps complet. Tous notent qu'il importe d'éviter une rupture trop importante avec le milieu extérieur, de prévenir les attitudes excessivement régressives et de maintenir un niveau de stimulation suffisant.
Nous avons vu qu'il existe un risque important d'ajouter au déficit propre au patient une série de déficits liés à l'hospitalisation (appauvrissement culturel, suppression de toute initiative, déprivation sociale, etc.) lorsque pour des raisons sociales ou psychologiques, l'hospitalisation du patient schizophrène doit être prolongée.
La pression est donc grande sur les soignants.
La circulaire du 14 mars 1990 énonce qu'il faut non seulement mettre en place des structures de réadaptation et de soins ambulatoires mais également "donner aux unités d'hospitalisation à temps complet restantes les moyens d'une activité thérapeutique intensive".

B-2 : Le Centre Médico-Psychologique (C.M.P.)

Il s'agit "d'unités de coordination et d'accueil en milieu ouvert qui organisent des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile" (86). Ils sont également un lieu d'orientation.
Le C.M.P. est "le premier lieu de référence et d'implantation de l'équipe polyvalente de secteur dans l'arrondissement, la ville, le village, le canton "(87). Premier interlocuteur pour la population, il doit être connu de tous. Il est le lieu où sont exprimées les demandes de soins, émanant soit de la personne elle-même, soit de son entourage familier, socio-professionnel.
C'est à partir de ce pivot que s'organisent toutes les actions extra-hospitalières en articulation avec l'hospitalisation, que s'élaborent tous les projets de structures alternatives pour éviter l'hospitalisation, réduire sa durée et réinsérer le patient.
L'infirmier assure une permanence, un accueil de la personne, de sa famille et/ou de son entourage. En collaboration avec l'équipe pluridisciplinaire, la demande est analysée et la réponse modulée selon la situation.
En fonction du projet défini, l'infirmier participe à des thérapies individuelles ou de groupe et à des activités d'animation et de loisirs.
Sa participation peut également se situer au niveau d'entretiens individuels ou familiaux. Il aide la personne dans ses différentes démarches administratives, professionnelles. Il assure des relations avec les institutions, des soins ambulatoires ainsi que des visites à domicile.(88)

B-3 : Le Centre d'Accueil et de Thérapies Brèves

Le CATEB, ouvert en décembre 1985 est régi par l'arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales comportant ou non des possibilités d'hébergement.
Le CATEB est un centre d'accueil et de crise, c'est-à-dire un centre d'accueil permanent qui dispose de 7 lits permettant des prises en charge intensives et de courte durée pour répondre à des situations d'urgence et de détresse aiguë. Il est doté d'un fonctionnement souple qui vise à éviter une décompensation sévère. Situé au plus près de la population concernée, le CATEB répond aux urgences de première intention. Il permet de traiter des décompensations transitoires chez des adultes jeunes. Des évaluations cliniques nécessitant quelques jours d'observation avant une orientation peuvent y être pratiquées.
Cette prise en charge évite notamment une hospitalisation dans des structures plus lourdes qui pourrait être de plus longue durée et permet d'orienter rapidement sur les lieux de soins ou d'aide adéquate.
Dans ces centres l'infirmier :
- assure un accueil et établit un premier contact visant essentiellement à dédramatiser la situation,
- réalise un recueil de données utilisables dans l'instant pour la mise en place des premiers soins,
- analyse avec le médecin et met en place les soins d'urgence et le projet dans les heures et les jours suivants,
- se met en relation avec le lieu d'accueil ou l'organisme prévu pour le suivi,
- prépare le patient à sa nouvelle orientation.(89)

B-4 : L'hôpital de Jour

Ouvert en Juin 1977, l'hôpital de Jour Saint-Eloi assure des soins polyvalents individualisés et intensifs prodigués dans la journée.
Il se veut un lieu de vie transitoire. Les durées de séjour y sont fixées en tenant compte de l'histoire de chaque patient et de son aptitude à se situer dans le temps.
En dehors de cet aspect psychothérapique, l'hôpital de jour a pour but d'optimiser l'insertion des personnes dans leur milieu familial et professionnel.
L'infirmier intervient à travers des actions psycho-socio-thérapeutiques, éducatives et d'accompagnement dans des démarches d'insertion et de conduite de traitements médicamenteux.
Nous décrirons plus précisément le fonctionnement de l'hôpital de jour dans la partie consacrée au cadre de soins.

B-5 : Le Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (C.A.T.T.P.)

Ouvert en 1992, le C.A.T.T.P. vise à maintenir ou favoriser une existence autonome par des actions de soutien et de thérapie de groupe.
Cette formule de soins s'adresse à une population ayant des difficultés à s'insérer dans le tissu social (par détresses psychologiques et sociales) ou à des patients nécessitant une hospitalisation ou non.
Cet accueil et l'utilisation d'activités adaptées ont pour but d'éviter l'isolement et la perte des capacités relationnelles affectives ou cognitives.
Le C.A.T.T.P. constitue le prolongement de l'activité du C.M.P., du CATEB et de l'Hôpital de Jour.
Le travail effectué au C.A.T.T.P. est essentiellement orienté vers les relations du patient à autrui et vers la reconstruction de son autonomie entre autres par des gestes usuels et divers modes d'expression.
L'infirmier s'inscrit dans un fonctionnement exclusivement influencé par l'état de l'usager et la rigueur du protocole de soins. Dans cette structure comme à l'hôpital de jour, il est particulièrement important que le soignant soit garant du contenu (activités de soins prescrites), du cadre (lieu, espace, jour, heure) et du contrat thérapeutique passé avec la personne soignée.

B-6 : Les studios relais

Ouverts en 1993, les studios relais, loués par l'association du secteur (A.C.R.L. "Association Créativité Réinsertion Loisirs") comprennent sept studios, situés dans le XII ème arrondissement. Ces studios mis à la disposition des patients pour une durée limitée diffèrent des appartements thérapeutiques dans le sens où la présence soignante y est plus légère.
Chaque patient vit dans son studio une vie quotidienne normale en poursuivant ses soins au C.M.P. ou au CATEB, en payant son loyer, en assumant la préparation de ses repas, l'entretien de son appartement.
L'infirmier travaille au maintien du lien avec l'extérieur en aidant les patients dans leur gestion du quotidien à l'intérieur et à l'extérieur de l'appartement.

Ainsi, selon l'état clinique du patient, selon le moment de son histoire, selon sa demande de soins, différentes formules de prises en charge peuvent être proposées. La sectorisation permet ainsi une grande souplesse. Elle freine voire évite la désocialisation du patient. Afin d'éviter d'être facteur d'une néochronicité, cette grande diversité suppose un travail de synthèse important et des rencontres intersectorielles régulières.

3 : Les traitements

J.D. Guelfi (90) considère que le traitement d'une affection aussi hétérogène que la schizophrénie ne saurait être codifié. Il repose sur l'utilisation thérapeutique du milieu, sur les traitements biologiques et la thérapie individuelle. L'hospitalisation est souvent nécessaire, mais on s'efforcera qu'elle soit brève, qu'elle ne favorise pas l'appauvrissement de la vie psychique et ne consacre pas une rupture avec le milieu : l'utilisation des structures intermédiaires, le souci de la réadaptation et les interventions dans le milieu familial et social visent à limiter et à aménager le déficit résiduel.
Les psychothérapies individuelles, souvent fort difficiles et nécessitant des aménagements, peuvent permettre au patient d'élaborer, sans trop d'angoisse, ses représentations et ses mouvements affectifs, dans des conditions moins angoissantes que celles qu'il a expérimentées.
Les traitements biologiques sont dominés par les neuroleptiques qui sont efficaces sur la symptomatologie floride, réduisant le délire, l'excitation et les troubles de la pensée. Ils sont beaucoup moins efficaces, y compris les produits dits désinhibiteurs, sur les symptômes négatifs.
Nous examinerons successivement la psychothérapie institutionnelle, les psychothérapies, qu'elles soient de groupe ou individuelle et l'art-thérapie.

3-A : La psychothérapie institutionnelle

La psychothérapie institutionnelle, terme introduit en 1952, par Daumezon et Koechlin, est une "méthode thérapeutique cherchant à traiter et à réadapter les malades mentaux en agissant sur la structure sociale de l'institution psychiatrique où ils sont soignés" (91).
Pour Daumezon et Koechlin la psychothérapie institutionnelle désigne "l'ensemble des conduites réglées à visée psychothérapique empruntant la médiation du milieu dans lequel vit le patient" (92).
La première expérience de psychothérapie institutionnelle eut lieu à Saint-Alban, en pleine occupation allemande. Tosquelles prouva qu'en laissant sortir les malades, et en ouvrant l'hôpital à la population rurale, toute une série d'échanges culturels, commerciaux et politiques (Saint-Alban était également un lieu d'asile pour les résistants), mettaient en échec la sous-alimentation et la passivité chronicisante des patients. Non seulement, ils ne mouraient plus, mais en prenant collectivement des responsabilités institutionnelles, ils se transformaient profondément.
Ainsi naquit le "club thérapeutique Paul-Balvert" : association de patients, garantissant leur autonomie politique et idéologique, au sein d'un dispositif de soins. Plus tard, lors de la révolution psychiatrique des années cinquante, Bonnafé, Gentis, Torrubia, Oury, Sivadon, Le Guillant continuèrent ce travail de déségrégation, indispensable à une psychothérapie de la dissociation schizophrénique.
A partir de 1953, la clinique de La Borde, dirigée par Oury et Guattari devint le creuset théorique et pratique du mouvement. L'oeuvre de Lacan y fut très tôt dominante, en particulier dans sa distinction opératoire entre réel, imaginaire et symbolique.
Toutes les structures du lieu de soins et de son ouverture sur l'extérieur y étaient constamment repensées, en termes d'institutionnalisations successives et mobiles, permettant que le champ thérapeutique s'adapte aux patients et non l'inverse.
Soigner l'institution, casser les hiérarchies soignantes en rendant interchangeables leurs rôles, devait permettre aux patients et aux non-patients d'entrer en relation quels que soient leurs statuts d'origine. Le Club des patients, association autonome loi de 1901, gère les ateliers d'expression, le standard, le parc de voitures,etc. Son local, sa commission financière, ses assemblées générales lui assurent une autonomie de décision face à l'administration de la clinique. L'analyse permanente et collective des opérateurs institutionnels (commissions, réunions, groupes de contrôle,etc.) permet de savoir où chacun, soignant ou soigné en est de sa folie. La préoccupation essentielle est celle d'assurer aux psychotiques un espace imaginaire de référence, ce territoire minimum sans la consistance duquel aucune psychothérapie n'est possible, une aire de jeu, proche de l'espace potentiel cher à Winnicott.(93)
Le succès de ces idées a été tel qu'aujourd'hui, nombreuses sont les institutions qui s'en réclament même si elles s'avèrent extrêmement éloignées de la pratique de La Borde.
Ces institutions (dont la notre) ont mis au point des méthodes visant à améliorer la valeur soignante de l'institution psychiatrique. Les pratiques sont évidemment très variées. Elles se regroupent autour de trois dimensions principales : l'importance donnée à la communication, le rôle des activités et l'orientation sociothérapique.
L'établissement d'une communication aussi large que possible à l'intérieur de l'institution cherche à prévenir les morcellements et les scissions au sein de la collectivité soignante dans laquelle le patient risquerait de retrouver l'image de ses propres clivages.
L'élaboration de programmes et d'objectifs thérapeutiques doit être faite en commun pour pouvoir être appliquée sans divergence ni incohérence par tous les soignants ainsi que par les différents intervenants non soignants de l'institution.
La communication entre les soignants et les patients doit être institutionnalisée, elle vise à améliorer la tolérance générale aux expressions pathologiques, à faire participer les patients à la fonction de soin et à promouvoir leur implication individuelle et collective dans la vie de l'institution.
Les réunions, où une grande liberté de parole doit régner, sont le support de cette communication. Elles peuvent concerner les seuls soignants, et ont alors pour objet le seul travail clinique et le traitement des conflits interpersonnels, ou les soignants et les soignés : réunions libres d'unité de soin, réunion organisée vers un projet d'activité et assemblées générales où sont discutées, voire parfois décidées, la politique de l'institution ou les modalités de son fonctionnement. Paul Claude Racamier, dans "Le psychanalyste sans divan" (94) a tenté d'appliquer le savoir psychanalytique au champ de la psychiatrie institutionnelle. Il s'est intéressé aux malades, à leurs soins quotidiens et aux institutions destinées à les traiter. Il a suggéré que les soignants soient des "ambassadeurs" de la réalité. Nous préférerons à ce terme d'ambassadeur, un peu pompeux, le concept de réalité partagée développé par Jacques Hochmann.
Ainsi que l'écrit Jacques Hochmann la réalité offerte dans le traitement cherche à prendre à revers les défenses édifiées contre l'ordre symbolique. L'offre d'une réalité partagée est une "prime de séduction" destinée à mettre en jeu "les tendances les plus profondes" à l'auto- réparation symbolique c'est-à-dire à la satisfaction fantasmatique du désir (et non plus hallucinatoire) du désir. Mais cette réalité doit être partielle, lacunaire.
On l'invite à construire mentalement ce qui manque dans ce qui lui est offert. Hochmann note que l'important est d'aider le patient à retrouver le lieu tranquille d'une élaboration mentale où puisse se poursuivre un jeu auto-érotique contenu avec les objets internes.
Cela passe en partie par l'identification aux soignants et au plaisir auto-érotique qu'ils prennent à réfléchir sur ce qu'ils vivent avec leurs patients et à l'articuler avec des concepts et une théorie.
Hochmann énonce que plus que de conflits inconscients le psychotique souffre d'un fonctionnement préconscient inversé. Il attaque les liens au lieu de lier, il projette au lieu d'introjecter, utilise les organes des sens comme des émonctoires et non comme des sources d'information.
Le but du traitement doit être alors de retourner ce fonctionnement, en d'autres termes de réconcilier le patient avec son activité mentale, afin que ses pensées cessent de lui apparaître comme des "anti-pensées" persécutrices à l'aspect de choses cristallisées et dure dont il faut se débarrasser (les éléments bêta de Bion), pour devenir grâce aux liaisons qui s'établissent entre elles, constitutives d'un espace intermédiaire.
L'identification à la rêverie contenue et contenante des soignants est l'élément moteur de cette transformation. Quand l'interprétation est proposée, elle compte moins par sa valeur de vérité que par sa fonction de liaison entre des moments clivés de l'expérience, ce qui est donné avec l'interprétation dans le cadre du soin aux psychotiques, c'est moins la révélation d'un sens que celle de la possibilité d'un sens. (95)

3-B : Les psychothérapies

Jacques Postel définit la psychothérapie comme "toute utilisation de moyens psychologiques pour traiter une maladie mentale, une inadaptation ou un trouble psychosomatique " (96).
Cette définition très large prend en compte l'infinie diversité des techniques et des indications. Postel précise, en citant Guattari, que toutes les formes de psychothérapies peuvent être ramenées à une "gestion savante et, si possible, améliorée de la relation interhumaine" (97).
Elles vont donc impliquer trois termes essentiels :
"- le patient porteur de symptôme ou inadapté;
- l'opérateur thérapeutique à la fois dépositaire de connaissances et d'un savoir-faire spécialisé;
- un moyen privilégié de communication" (98).

Ainsi que le rappelle le guide du service infirmier n°11, le mot psychothérapie est aujourd'hui tellement galvaudé que nous devons être strict dans le champ de la santé mentale sur sa définition, ses limites, ses caractéristiques communes, ses modalités techniques et son contrôle.
Leurs indications doivent être posées à partir d'une évaluation sémiologique et doivent s'inscrire dans le projet thérapeutique.
Si on a dénombré plus de 400 méthodes psychothérapiques en 1982, on peut dégager quelques caractéristiques communes. (99)
Elles doivent respecter un cadre qui se définit par une unité de lieu, une unité de temps et une unité d'action.
Une psychothérapie ne se fait pas n'importe où, mais dans un espace "neutre" réservée à cette fin pendant toute la durée de son déroulement. Comme pour le lieu, il y a un temps spécifiquement réservé à l'action psychothérapique.
Les objectifs de la cure sont définis en accord entre le (ou les) soignés et le (ou les ) thérapeutes en fonction de la demande plus ou moins explicite du ou des soigné(s).
L'analyse de celle-ci est faite d'une part entre le soigné et le soignant, mais aussi avec l'ensemble de l'équipe concernée.
Ces différentes thérapies sont tellement nombreuses qu'il paraît difficile d'en proposer une classification. Nathalie Sinelnikoff cite différents critères servant à décrire les psychothérapies sélectionnées.
On les différenciera selon :
"- les médiateurs utilisés (corporel, langage, mixte, interactionnel, autres...);
- la position du thérapeute, allant du simple technicien, réparateur du trouble, à l'animateur, thérapeute actif et intervenant, au sujet-supposé-savoir, au gourou, mage, maître, avec dans cette échelle un rapport décroissant au livre, au manuel, à la technicité;
- l'objet de la psychothérapie : réparation, réinsertion-réintégration, recherche de la vérité de la personne, fusion dans le grand tout, cette échelle s'avérant très parallèle à la précédente;
- les bénéficiaires envisagés (individus, groupes, familles);
- les méthodologies utilisées;
- les modèles de développement pris en compte." (100)

Nous les classerons en techniques individuelles et techniques collectives.
Parmi les psychothérapies individuelles, on distinguera celles qui sont fondées sur l'utilisation d'échanges verbaux et de la relation analyste-analysant (psychanalyse type, psychothérapies d'inspiration analytique, psychothérapie de soutien) celles qui s'adressent en premier lieu au vécu corporel (psychothérapies de relaxation), celles qui se fondent sur les interrelations entre le sujet et le milieu.
Les psychothérapies collectives comportent essentiellement les psychothérapies de groupe, le psychodrame, les psychothérapies familiales, les thérapies institutionnelles et les sociothérapies.
On peut dire d'une façon générale que quelles que soient les modalités de psychothérapie proposées aux psychotiques (cure analytique, psychothérapie de groupe, psychodrame individuel ou de groupe, analyse "directe") les thérapies utilisant l'insight et le transfert se différencient des cures de névrosés par la qualité de la relation thérapeutique et par l'angoisse qu'elle véhicule.
"La perte du caractère intérieur des représentations, l'absence de différenciations entre le moi et le monde objectal, la projection des émotions et des représentations du patient sur le thérapeute rendent la relation difficile à établir et à contrôler. L'angoisse liée aux fantasmes de destruction ou de fusion impose au thérapeute un maniement prudent et flexible de sa distance avec le patient, pour que celui-ci puisse reconnaître les limites de chacun"(101). Nous reviendrons sur le développement de thérapies comportementales appliquées aux schizophrènes.
Les thérapies familiales, de plus en plus pratiquées ont pour objectif de modifier certaines des interactions existant dans le groupe familial.
Quel que soit l'intérêt de ces psychothérapies, on peut noter en faisant référence à P.Gerin et A. Dazord que moins les patients sont malades plus ils bénéficient des psychothérapies. Plus les symptômes sont négatifs, moins la psychothérapie avance. "Les patients les plus perturbés doivent souvent passer des années de psychothérapie à construire progressivement ce lien relationnel avec leur psychothérapeute et à l'éprouver, jusqu'à ce qu'il soit ressenti comme suffisamment solide pour leur permettre d'améliorer leur rapport à eux-mêmes au point de pouvoir accepter les interventions du psychothérapeute" (102).

3-C : L'art-thérapie

Très souvent utilisée, l'art-thérapie peut être considérée comme une psychothérapie ou comme un moyen d'amener les patients psychotiques à une psychothérapie. L'art-thérapie peut être définie comme " toute entreprise à visée thérapeutique utilisant la médiation d'une conduite ainsi que de son objet et se référant explicitement aux catégories de l'art" (103).
On appelle art-thérapie l'utilisation à des fins thérapeutiques de techniques relevant des arts plastiques (peinture, dessin, modelage, sculpture), des thérapies musicales, de la danse, du mime ou du théâtre.
Le concept d'art-thérapie est né dans sa forme actuelle, de l'observation clinique. Il repose sur la constatation de l'expression spontanée des malades asilaires, qui évoque des conduites dites "normales", habituellement considérées comme présentant une visée d'ordre artistique. Le véritable précurseur en est Marcel Reja qui publie en 1907 "L'art chez les fous". A sa suite Prinzhorn remarque le véritable niveau artistique que peuvent atteindre certaines oeuvres de patients psychiatriques.
Il constitue à partir de nombreux documents les bases d'une théorie de l'expression plastique des schizophrènes (leur attitude ludique, le désinvestissement de la réalité externe au profit de la réalité interne, l'existence d'une pensée magique remplaçant le raisonnement logique). "L'image des malades mentaux" paru en 1922, restera longtemps le seul ouvrage de référence, car il faudra attendre la fin des années quarante et le premier congrès mondial de psychiatrie en 1950, où eut lieu une importante exposition d'art psychopathologique pour que fut fondée à Vérone la Société internationale de psychopathologie de l'expression (S.I.P.E.). Volmat ("L'art psychopathologique") crée ensuite, à l'hôpital Ste-Anne, un atelier d'expression plastique pour le traitement des maladies mentales.
Pour Freud les oeuvres d'art étaient construites comme les rêves, les mythes et les contes et étaient donc un moyen d'accès à l'inconscient.
L'art-thérapie pose comme première exigence technique la réalisation ou l'apport en séance d'un objet de nature artistique élaboré, créé par le patient et montré au thérapeute ou à l'animateur. Elle intègre donc un geste et un objet concret, produit de cet acte qui prend sens à la fois par lui-même et par le processus qui l'a fait naître.
L'art-thérapie peut être investie de différentes manières. On peut, par exemple, proposer au patient une activité sans autre but qu'occupationnel, une expression artistique différente, l'occasion d'expérimenter un espace d'expression, une possible mutation, un plaisir même, étant entendu que si l'expression non verbale est a priori le lieu de la mise en forme de l'indicible, il n'y a pas nécessairement mutation, effet thérapeutique.
Les bénéfices escomptés d'une art-thérapie se situent aux différents niveaux d'une évolution qui part des activités occupationnelles et ergothérapiques, passe par le contact avec une matière docile ou au contraire résistante, par l'apprentissage de techniques susceptibles de faire naître une production à la fois personnelle et admissible par les autres, issue d'un véritable dialogue avec soi-même pour aller vers la verbalisation d'impressions nouvelles.
L'expression, dans ce dernier cas, est alors liée à un contenu dont la valeur prend un sens plus symbolique et qui se révèle dans la prise de conscience de nouvelles lois, non pas issues du contexte socio-culturel ou des apprentissages anciens, mais des résistances propres au support, au média utilisé. Le point ultime est alors la mise en forme d'un contenu expressif dans un projet de communication de soi au travers d'un codage impliquant l'autre mais ne découlant pas de l'autorité de celui-ci.
L'élargissement des possibilités d'expression au-delà du langage verbal ne peut enfin exclure un retour ultime à celui-ci, considéré alors comme le nec plus ultra de tout projet thérapeutique. L'art-thérapie se rapprocherait alors du concept d'analyse transitionnelle élaborée par Didier Anzieu et René Kaës.
Exprimer, c'est aussi montrer à quelqu'un, ce qui introduit la question du transfert. Si le patient est mis dans une situation où il est censé s'éprouver dans une dynamique créatrice personnelle, et y trouver une restauration narcissique, cela se fait en présence d'un art-thérapeute, d'un "animateur" susceptible de se placer dans les conditions personnelles habituelles d'une thérapie, mais aussi porteur d'une expérience technique de l'art et d'une expérience personnelle de la création. Cette dernière caractéristique lui permet de créer une relation identificatoire avec le patient, telle que celui-ci puisse vivre de façon créative l'intense travail psychique développé lors de la réalisation artistique et dont l'oeuvre se fait le miroir. Cette oeuvre est ainsi appelée à la fois à témoigner d'une dynamique psychique et à rassurer le sujet sur la stabilité d'une identité pourtant ébranlée par ce travail, mais qu'elle signe et désigne de façon permanente.
Le bénéfice attendu n'est pas la réalisation d'un objet plaisant mais celle d'un objet signifiant pour le sujet par rapport à lui-même et à sa dynamique interne. L'art-thérapie qui recouvre un ensemble assez hétérogène de pratiques, est un cadre assez souple pour permettre des usages adaptés à chaque cas. Offrant un complément à d'autres pratiques thérapeutiques, elle est une technique intéressante dans le cadre de la prise en charge des schizophrènes.(104)
Achaintre note que ces groupes thérapeutiques peuvent s'avérer banals et sans lendemain, si ce qui s'y vit et s'y crée n'est pas relié à l'histoire du sujet, si "l'espace potentiel" (évoqué par Winnicott, référence obligée des arts-thérapeutes) n'est pas un champ pour la mentalisation, pour l'élaboration.
Achaintre précise qu'il est nécessaire de ne pas se laisser fasciner par la productivité elle-même et singulièrement par le produit. "Il est nécessaire de toujours remonter avant les représentations à leur racine: les affects" (105).

3-D : La réadaptation sociale du patient schizophrêne

Nous avons vu lors du précédent chapitre que la réadaptation sociale du patient schizophrène est actuellement une des préoccupations majeures de la psychiatrie des pays développés.
"Elle consiste en l'ensemble des mesures de prise en charge du patient ayant pour objectif son retour dans la société (la réinsertion) avec des possibilités d'adaptation et d'autonomie." (106)
O.Chambon et M.Marie-Cardine précisent que leur focalisation sur les méthodes cognitivo-comportementales signifie que ces méthodes ont selon eux un rôle spécifique à jouer parmi l'ensemble des théories et pratiques de soin mais qu'elles ne constituent pas et ne doivent en aucun cas constituer le seul modèle de soins proposés à un patient.
"Les psychotiques chroniques constituent en effet une population de patients affectés de besoins, manques, et désirs multiples qu'aucune approche thérapeutique, prise isolément, ne satisfait globalement. Il faut donc organiser et mettre au service de ces patients, d'emblée, d'une manière complémentaire et harmonieuse, toutes les techniques et moyens disponibles."(107)
La réadaptation sociale du patient psychotique nécessite, dans la conception cognitivo-comportementale, l'utilisation de plusieurs moyens utilisés en synergie. Le premier de ces moyens est un traitement neuroleptique que le patient accepte et sache gérer, afin de diminuer la fréquance des rechutes et de limiter l'expression des symptômes positifs les plus bruyants, qui altèrent ses habiletés sociales et provoquent son rejet.
Le second moyen est un Entraînement aux Habiletés Sociales (EHS) afin de permettre au patient d'utiliser les ressources communautaires humaines et matérielles, et de faire face aux stress de la vie quotidienne sans avoir recours nécessairement à une aide extérieure et sans connaître une aggravation symptômatique.
Le troisième moyen est la création ou le renforcement d'un réseau de soutien social formé au niveau matériel, par l'ensemble des services proposés par la communauté et, au niveau relationnel, par l'ensemble des personnes fournissant un soutien émotionnel, un sentiment d'appartenance, l'expérience d'être aimé, accepté, utile. Le soutien social diminue l'expression de la psychopathologie, à la fois par son action directe et par l'intermédiaire de son rôle protecteur et modérateur des facteurs de stress.
L'élément central du plan de réadaptation consiste en l'acquisition par le patient d'habiletés sociales, habiletés qu'il pourra utiliser aussi bien pour gérer son traitement psychotrope que pour améliorer ses relations familiales et, enfin, établir et maintenir des relations interpersonnelles gratifiantes et satisfaire ses besoins matériels essentiels.
O.Chambon et M.Marie-Cardine définissent, d'une façon assez large, les habiletés sociales comme l'ensemble des comportements et activités cognitives qui permettent à un sujet de communiquer ses émotions et besoins de façon adéquate selon le contexte et d'atteindre les objectifs matériels et relationnels qu'il s'est fixé.
Les habiletés sociales peuvent être de deux types : instrumentales et relationnelles.
L'EHS se pratique le plus souvent dans des groupes de 3 à 8 patients psychotiques, à raison d'un minimum de 2 séances d'1heure à 1 heure et demi par semaine, pour une durée de 3 mois à 1 an.
Les patients psychotiques susceptibles de bénéficier de ces techniques sont plutôt ceux qui présentent une symptomatologie productive et des troubles cognitifs (troubles de l'attention essentiellement) suffisamment bien contrôlés pour pouvoir être compatibles avec la participation à un petit groupe sans se parler à soi-même, sans être obligé de se lever pour faire les cent pas, sans crier ou présenter d'autres comportements perturbateurs du fonctionnement du groupe. Les EHS combinent des techniques comportementales d'entraînement à la communication et des techniques cognitives diverses dont la principale est l'entraînement à la résolution de problèmes.
Les séances d'entraînement à la communication consistent à construire, pour chaque patient du groupe, une scêne qui simule une situation sociale problématique afin d'améliorer progressivement, par des jeux de rôle, les actions et réactions du patient dans cette situation. Ainsi au lieu de réagir de façon stéréotypée et inadaptée, le patient va apprendre d'autres manières de faire face à la situation dont les conéquences lui seront plus bénéfiques. Face à chaque situation problématique, le thérapeute et le patient, en collaboration, vont décider d'un objectif à atteindre qui soit :
- fonctionnel, utile pour l'adaptation à la vie quotidienne,
- spécifique et clairement précisé,
- conformes aux droits et responsabilités du patient,
- réalisable et réaliste selon le contexte.
Le format général d'une séance, s'appliquant successivement à chaque patient est le suivant :
- revue des tâches prescrites lors de la séance précédentes,
- formulation d'un problème en termes de difficultés interpersonnelles dans une situation sociale précise,
- premier jeu de rôle mettant en scêne le comportement habituel du patient dans la situation difficile,
- analyse du jeu de rôle et propositions de modifications du comportement,
- jeux de rôles successifs pour atteindre les modifications suggérées,
- prescription en fin de groupe, d'une tâche à faire en dehors du groupe, consistant en l'application des habiletés acquises dans le groupe à d'autres situations du même type.

Pour modifier le comportement, le thérapeute comportemental a recours à plusieurs techniques : le renforcement positif, l'utilisation de modèles, le jeu de rôle comportemental, le façonnement (shaping), l'utilisation d'un souffleur et des directives verbales ou non verbales de mise en scêne (prompting, coaching), et des techniques favorisant la généralisation de l'apprentissage.


Les techniques d'intervention cognitives sont très diverses, la plus utilisée étant la technique de résolution de problèmes. Les thérapeutes utilisent également des techniques cognitivo-comportementales d'auto-contrôle des symptômes psychotiques, ils interviennent pour traiter les troubles neuropsychologiques du traitement de l'information, et pour modifier les schémas cognitifs.
Les programmes d'Entraînement aux Habiletés Sociales proposent un module d' "Education au traitement neuroleptique", un module "contrôle des symptômes", un module d' "Habiletés conversationnelles de base", un module "entraînement à la résolution de problèmes interpersonnels", un module "activités de loisirs", un module "hygiène et apparence personnelle". (108)

Psychothérapie institutionnelle, psychothérapies individuelles ou collectives, art-thérapie, modules de réadaptation sociale le traitement d'une affection telle que la schizophrénie ne saurait se limiter à cet unique aspect du soin. La chimiothérapie revêt une importance toute particulière, ne serait-ce qu'en permettant au patient de participer à ces thérapies. Les thérapies familiales, la relaxation, les thérapies comportementales constituent d'autres façons de prendre en charge le patient. Nous avons précisé que nous ne saurions être exhaustifs à propos d'un traitement biopsychosocial.

4 : Quelle prise en charge infirmière ?

Le rôle des infirmiers de secteur psychiatrique dans la prise en charge de la schizophrénie a souvent été sous-évalué même si c'est autour de la question de la place des infirmiers que les principaux tenants de la psychothérapie institutionnelle vont se séparer. En 1957, lorsque Daumezon prend l'initiative de créer le Groupe de Sèvres où se retrouvaient la plupart des psychiatres engagés dans ce combat qu'il allait transformer la psychiatrie, des divergences vont apparaître entre ceux qui considèrent que la psychanalyse ne doit pas être laissée entre les mains de n'importe qui et ceux, qui considèrent que l'activité psychothérapique n'est pas le seul apanage du médecin mais de tous les membres de l'équipe soignante, infirmiers compris.
Les infirmiers et leur répugnance à conceptualiser et à écrire sont certainement en partie responsables de cette dépréciation de leur rôle. Comment peut-on sérieusement imaginer que l'infirmier, présent au quotidien près du patient, ne saurait avoir qu'un rôle subalterne dans sa prise en charge ?
De nombreux auteurs ont dénoncé les dysfonctionnements institutionnels dans lesquels les infirmiers avaient leur part, rares sont ceux qui ont mis en évidence l'importance de tel ou tel infirmier dans la prise en charge de tel ou tel patient. Tous les infirmiers n'étaient pourtant pas des tortionnaires, des abrutis incapables de concevoir une démarche de soins.
Marcel Jaeger note que le problème du personnel auxiliaire n'a jamais été simple pour les médecins, plusieurs questions traversant l'histoire de la psychiatrie à son propos : " dans quelles conditions un relais peut-il être assuré entre le projet thérapeutique défini par les médecins et les patients hospitalisés ? Comment concilier la nécessaire présence d'un tiers sur le front de la folie, qui surveille, aide, accompagne les patients 24 h sur 24 et la relative dépossession par les médecins de leur objet, le gardien faisant écran entre eux et leur patient? "(109).
Soucieux de montrer que ce tiers a un rôle actif dans la prise en charge de la folie, nous commencerons par rappeler les concepts fondamentaux élaborés par l'équipe de recherche infirmière de notre secteur puis réfléchirons autour de la relation soignant-soigné. Nous définirons ensuite les notions de sociothérapie, de dynamique de groupe et achèverons cette partie en évoquant la démarche de soins.

4-A : Rappel des concepts fondamentaux

Le soin infirmier en psychiatrie s'articule sur un certain nombre de concepts fondamentaux : l'homme, sa place dans la société, l'économie, la santé, la santé mentale, la maladie et le soin infirmier.
Nous allons reprendre et faire évoluer quelques unes des définitions proposées ailleurs (110).
Nous pourrions énoncer d'une façon paradoxale que pour le soignant, l' Homme (celui des théories de soins) n'existe pas.
Nous savons bien pourtant que l' Homme existe. Nous avons appris en cours le fonctionnement de son appareil respiratoire, de son système nerveux, nous n'ignorons rien de son anatomie, ni de sa physiologie, ni des pathologies qui en découlent. Nous savons même, si nous avons bénéficié d'une formation initiale de qualité, comment fonctionne son appareil psychique. Chaque homme rencontré dans les unités de soins devrait ensuite s'étalonner face au modèle étudié. L'écart observé permettrait de décrire les pathologies. Le soin consisterait en la réduction de cet écart.
Le problème est que cet Homme n'existe pas, ou qu'il ne se rencontre que là où des soignants sont formés. C'est parce que cet Homme n'existe pas que le premier contact avec le malade, où que ce soit est un choc.
Ce choc ne se résume pas à une dichotomie entre théorie et pratique, il naît de l'idée qu'il serait possible à des hommes de posséder un Savoir global sur l'Homme. Quel que soit la quantité de savoir accumulée sur l'Homme au cours des siècles, il n'en demeure pas moins que ce que nous ignorons est toujours plus important que ce que nous savons. Il devrait découler de ce constat une attitude d'humilité, une volonté d'écoute de l'autre, qui n'empêchent pas les généralisations, les théories mais qui les remettent en perspective.
Le scandale du sang contaminé montre bien comment cet absolu de l'homme peut être pernicieux. L'individu disparaissant derrière l'Homme, il devient ainsi raisonnable, économique, de liquider les stocks de sang même si un pourcentage infime d'individus s'en retrouve contaminé. Confronté, au sein de son service, à des individus malades aucun expert n'aurait fait ce choix.
Ceci étant en quelque sorte mis en exergue, acceptons de généraliser.
"Les hommes meurent et ne sont pas heureux" proclame Caligula. Il y a là une première définition de l'homme et de sa condition qui ne peut que percuter le soignant. Notons d'abord que tout ce qui est vivant meurt, mais que l'homme se distingue des animaux par la mise en place de rites funéraires. C'est l'existence de ces rites qui permet à l'archéologue, à l'anthropologue d'affirmer que les restes découverts sont ceux d'un homme et non pas ceux d'un singe évolué.

Autrement dit, la mort d'un homme n'est jamais la mort d'un homme seul, mais renvoie au fonctionnement d'une société, aussi élémentaire soit-elle, même si chacun meurt seul. L'homme, c'est une évidence qu'il ne faut cesser de répéter est un être social. La maladie, la mort sont autant des faits sociaux que des péripéties individuelles.
C'est face et contre cette mort annoncée qu'existe tout système de soin. Mais qu'à la fin, la mort finisse toujours par l'emporter ne signe pas forcément l'échec de ce système, cela montre simplement que sa finalité est ailleurs, que sa rentabilité est ailleurs.
Et si cette finalité n'avait d'autre but que d'apprivoiser la mort, d'éviter qu'elle nous contamine, de marquer la délimitation entre les vivants et les morts.(111) On nous objectera qu'il ne s'agit pas de lutter contre la mort mais contre la maladie ou contre la souffrance qui en découle. Nous ne sommes pas sûrs que la différence soit toujours pertinente même si les individus malades apprécient, eux, la différence.
Revenons à l'homme, c'est un être marqué par la temporalité, par la culture dans laquelle il vit, par son milieu socio-culturel, par sa condition d'être mortel. L'homme nous apparaît comme un être unique et mortel qui a des attentes et des besoins biologiques, psychologiques et sociaux, culturels et spirituels : un être doté d'un vécu et en perpétuel devenir, en interaction avec son environnement (qu'il le veuille ou non). Selon les cultures, selon les systèmes politiques et économiques, selon son statut social, selon les moments historiques, selon les lois en vigueur dans sa société d'origine, c'est un être responsable qui tend à être libre et qui est capable de s'adapter aux changements internes et externes, y compris parfois par la maladie. C'est un tout indivisible dont nous ne percevons que des facettes, un être "autre", doté d'un conscient et d'un inconscient et qui par cela même tend à échapper constamment à son interlocuteur.
Il apparaît aussi difficile de définir la notion de santé que celle d'homme ou de maladie.
La santé, selon Virginia Henderson est un "état dynamique, susceptible de variations, qui nécessite un processus d'adaptation de l'homme à son environnement. Cet état le rend apte à assumer les étapes de la vie, à en affronter les agressions et à vivre en harmonie avec lui-même et les autres." (112).
La santé ainsi définie n'est ni un état statique, ni un idéal à poursuivre. Elle ne se résume pas à une simple absence de maladie mais pose en principe que l'homme doive s'adapter à son environnement et non pas contribuer à le changer lorsque celui-ci est néfaste. C'est une définition de nanti. Elle suppose un environnement protégé, expurgé où chacun mange à sa faim, où chacun soit reconnu, qu'il soit bosniaque, serbe ou croate. Faut-il considérer que ceux qui sont incapables de s'adapter à un environnement hostile sont "malades" ? Que serait-il advenu de l'Afrique du Sud si Mandela n'avait été motivé que par le soucis de s'adapter à son environnement, d'assumer les étapes de sa vie, de vivre en harmonie avec lui-même et les autres ? Cette recherche d'harmonie était-elle acceptable dans un environnement tel que la France de 1940-45 ? Cette question renvoie bien évidemment au sens de la vie.
Nous proposons de définir la santé comme un état dynamique, susceptible de variations, qui implique une recherche constante d'équilibre psychique. Cet état rend l'individu capable d'établir, lorsque cela est possible sans nier sa propre individualité, des relations harmonieuses avec le groupe familial, social et l'environnement auquel il appartient.

L'état de santé psychique se traduit par la capacité, en dépit d'un certain nombre de déficiences, propres à chaque être humain, voire à l'humanité, de donner un sens à son existence et de tenter de l'organiser en fonction de ce sens.
Cela suppose d'équilibrer son monde intérieur et les exigences de la réalité; de se développer et d'accroître les connaissances nécessaires pour parvenir à ce but; de percevoir le monde extérieur d'une façon compatible avec le maintien de ce sens; d'établir avec les autres des relations sinon harmonieuses du moins les moins conflictuelles possibles; de devenir et de rester indépendant, d'intégrer les différents incidents ou accidents survenus de telle sorte que l'expérience enrichisse l'homme.
La santé psychique se caractérise également par la capacité d'effectuer des choix et d'en assumer les conséquences.
La maladie est une rupture du fragile équilibre obtenu, un signal d'alarme pouvant se traduire par une souffrance physique, psychologique, une difficulté ou une inadaptation à une situation nouvelle, provisoire ou définitive. Cette maladie peut entraîner une incapacité à redonner un sens à l'existence perturbée, créant ainsi des difficultés nouvelles (voire une nouvelle maladie induite par la première). Elle peut conduire l'individu, malgré lui et malgré les mises en garde, à adopter des conduites contraires à son intérêt, voire à sa survie. C'est un événement qui peut conduire l'homme à dépendre plus ou moins totalement de son entourage, mais aussi des structures de soins. Il peut entraîner le rejet social du sujet et de son entourage.
D'une façon plus simple on peut définir la santé mentale comme un état d'équilibre précaire dans le rapport du sujet au monde, équilibre à construire et à réaménager constamment, équilibre entre ce que la psychanalyse nomme "principe de plaisir" et "principe de réalité", entre Soi et l'autre, entre dedans et dehors. La maladie est parfois la seule façon de trouver ou de retrouver cet équilibre.
Cette maladie peut avoir des conséquences telles au niveau somatique, psychologique ou social qu'elle entraîne à son tour une modification complète des rapports du sujet au monde. Elle provoque la souffrance de l'individu, quelle que soit la façon dont elle s'exprime. Cette souffrance renvoie aussi le soignant à lui même, à son éventuelle impuissance, elle peut lui être parfois aussi insupportable qu'au patient.
Ce concept de maladie s'avère tout aussi difficile à définir que celui d'homme ou de santé.
F.Laplantine remarque que nous ne disposons en français que du mot maladie, "là où la langue anglaise possède une triple terminologie : disease (la maladie telle qu'elle est appréhendée par le savoir médical), illness (la maladie telle qu'elle est éprouvée par le malade) et sickness (un état beaucoup moins grave et plus incertain que le précédent, comme le mal de mer, le mal de coeur et, plus généralement, le malaise)." (113)
Cette triple terminologie anglaise nous permet de mettre en évidence l'écart entre la maladie telle qu'elle est ressentie par le patient, la maladie telle qu'elle est appréhendée par le médecin (et par l'équipe soignante) et une représentation que nous qualifierons de sociale.
Le psychiatrie ou la santé mentale illustrent parfaitement cet écart entre la maladie telle qu'elle est ressentie par le patient (il est persécuté par un de ses voisins qui commande sa pensée, ses actes), par le médecin (il s'agit d'une schizophrénie paranoïde impliquant une hospitalisation d'urgence) et par la société (c'est un fou).

Il est évident que dans ce cas de figure le patient ne se perçoit pas comme malade. Il se perçoit comme étant en bonne santé, c'est l'environnement, l'extérieur qui est malade, pas lui.
Le second terme de la phrase prêtée à Caligula par Camus est "et ne sont pas heureux". Dans une société qui inscrit le bonheur, l'harmonie dans son cahier des charges, les soignants sont de plus en plus souvent confrontés à des dysharmonies, à des "malades imaginaires", à des "mal du siècle" qui s'objectivent mal mais qui n'en demandent pas moins une prise en charge. Le patient se perçoit comme souffrant alors que le médecin ne peut objectiver la maladie, sinon sous le terme vague de "dépression". L'homme de la rue évoquera une "prise de tête" de la "masturbation intellectuelle". La prescription de psychotrope vient souvent clore toute réflexion. Nous ne pensons pas qu'il faille ramener toutes ces perceptions à une seule; cet écart peut être utilisé comme la principale dynamique d'un soin biopsychosocial. La maladie s'énoncera comme un dérèglement biologique, psychique et social, comme un vécu biologique, psychique et social et impliquera un traitement biologique, psychique et social. Le soin infirmier devra être technique (biologique), relationnel et éducatif.
Le soin qu'il soit d'ordre technique et/ou relationnel doit permettre d'accepter cette souffrance, de l'entendre, de n'en être pas submergé. Le soin qui interroge toujours le rapport du soignant à l'autre peut ainsi favoriser, chez le patient, un réaménagement du rapport contradictoire entre "principe de réalité" et "principe de plaisir".
Le soin infirmier répond d'abord au besoin provoqué par la rupture d'équilibre. Nous avons vu que ce besoin pouvait être essentiellement une demande sociale et non pas émaner de l'individu.
Avant d'être un soin à un malade, le soin en psychiatrie est et doit être soin à un citoyen.
C'est en tant que citoyen malade que le patient arrive dans l'unité de soins, selon les lois d'un pays qui est le notre, selon un mode de placement qui prévoit la contrainte sous certaines conditions et pas dans d'autres, qui stipule que le patient a en tant que citoyen des devoirs mais aussi et surtout des droits. C'est au nom de ces lois que l'infirmier occupe la place qu'il occupe, et qu'il peut être conduit à rendre compte de ce qu'il a fait.
Etre malade c'est prendre place, être soumis à un certain mode de gestion de la santé, de la folie, à un moment particulier.
Se souvenir de cela, c'est éviter qu'au nom de la maladie on privilégie des constructions théoriques qui évitent de penser le patient en tant que client (qui finance le soin d'une façon ou d'une autre), que citoyen (qui vote), que plombier, chômeur, électricien, ou enseignant, que père ou mère de famille, etc. Se souvenir de cela c'est affirmer que l'homme et donc le patient est un être composite, sous l'emprise de plusieurs groupes d'affiliation dont aucun ne suffit à le définir de façon exclusive. Chaque fois que nous ne voyons dans cet autre souffrant qu'un malade objet de soins nous l'aliénons et nous contribuons à sa désocialisation.
Se souvenir de cela, c'est maintenir une distance, c'est faire que le patient ne nous appartienne pas, c'est rappeler que la relation soignant-soigné est inscrite socialement.

Soigner c'est dans un premier temps "aider l'individu, malade ou en santé, au maintien, au recouvrement de la santé ( ou à l'assister dans ses derniers moments) par l'accomplissement de tâches dont il s'acquitterait lui-même s'il en avait la force, la volonté ou possédait les connaissances voulues, et d'accomplir ces fonctions de façon à l'aider à reconquérir son indépendance le plus rapidement possible" (114).
L'article 1er du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier stipule que les soins infirmiers ont pour objet :

- de maintenir, restaurer et promouvoir la santé des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques, en tenant compte de la personnalité de chacune d'elles, dans ses composantes psychologique, sociale, économique et culturelle;
- de prévenir et d'évaluer la souffrance et la détresse des personnes et de participer à leur soulagement;
- de concourir au recueil des informations et aux méthodes qui seront utilisées par le médecin pour établir son diagnostic;
- de participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes;
- d'appliquer les prescriptions médicales et les protocoles établis par le médecin;
- de participer à la surveillance clinique des patients et à la mise en oeuvre des thérapeutiques;
- de favoriser le maintien, l'insertion ou la réinsertion des personnes dans leur cadre de vie familial et social;
- d'accompagner les patients en fin de vie et, en tant que de besoin, leur entourage.
Les soins infirmiers, qu'ils soient préventifs, curatifs ou palliatifs sont de nature technique, relationnelle et éducative. Leur réalisation tient compte de l'évolution des sciences et des techniques.
Nous considérons avec Mary Topalis (115) que les soins infirmiers en psychiatrie sont constitués d'échanges dynamiques entre l'infirmier et le patient. Ils requièrent la connaissance et l'application des concepts relatifs au comportement, à la personnalité, au psychisme, à la psychopathologie et enfin aux relations interpersonnelles. Les soins infirmiers en psychiatrie sont le "Domaine spécialisé des soins infirmiers ayant les théories du comportement pour science et l'usage du self dans un but défini pour art. Les soins en psychiatrie visent la prévention et la guérison des troubles mentaux et leurs séquelles, ainsi que la promotion de la santé mentale dans la société." (116) La science des soins infirmiers en psychiatrie ne se limite pas, selon nous, aux théories du comportement mais prend en compte les différents concepts énoncés au paragraphe précédent. A cette nuance près, la définition des soins infirmiers en psychiatrie, proposée en 1976 par Evans et ses collaborateurs, nous paraît tout à fait pertinente.
Les soins infirmiers ont des aspects techniques et relationnels spécifiques. Ils tendent à rétablir l'intégrité physique et mentale de l'individu, à l'aider à découvrir et comprendre ses difficultés et à lui donner les moyens de les résoudre. "Ils se caractérisent par des soins de base éducatifs et relationnels requérant disponibilité, observation, écoute, compréhension des problèmes, respect de la différence, accompagnement et relation d'aide, mais aussi permanence et continuité"(117).
La dispensation de ces soins de manière cohérente suppose que soient définis à chaque niveau : le projet de secteur, le projet du lieu de soin, le projet thérapeutique individualisé.

Ils supposent également une conception des soins infirmiers compatibles avec les théories médicales en vigueur dans le secteur et dans le lieu de soins considérés. Le soin infirmier suppose une relation entre deux autres (l'infirmier et le patient). Cette relation est inscrite socialement (il n'y a pas de soin sans institution de soins minimale). Elle s'articule autour d'une demande (le patient, sa famille, l'autorité publique) et d'une offre (l'institution soignante).
Avant chaque hospitalisation, préexiste l'institution psychiatrique. Il faut considérer chaque unité fonctionnelle comme un système avec son histoire, sa culture, sa hiérarchie, son système de communication, ses règles dites et non dites.
Lors de son entrée chaque patient est confronté à ce système qui inclut tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire (psychologues, ergothérapeutes, infirmiers, animateurs, A.S.H., médecins, psychomotriciens, etc.) et patients. Le patient devient partie prenante d'un système qui doit être conçu comme soignant. Dans ce système, l'infirmier peut être agent de socialisation, éducateur, modèle identificatoire, protecteur des intérêts du patient, conseiller de santé, animateur, garant des limites.
En plus du rôle reconnu dans les textes, l'équipe infirmière doit installer un champ d'interactions différentes, dans un contexte dont elle est le garant. Ce contexte ne peut pas être le contexte habituel du patient, il doit pouvoir être habitable par lui. Les infirmiers interviennent donc pour remplir ce rôle d'initiateurs et de gardiens d'un certain types d'échanges.
Cette formulation quasi-systémique ne doit pas faire illusion nous considérons qu'il ne peut y avoir de soin qu'institutionnel.
Si l'expérience réalisée à La Borde paraît être un idéal difficilement réalisable (en raison du prix élevé pour les soignants, du poids de la hiérarchie dans le secteur public, des problèmes d'articulation avec le monde extérieur), une forme de psychothérapie institutionnelle bien tempérée décrirait assez bien le modèle de soins auxquels nous nous référons.
Ce modèle s'avère difficilement compatible avec la démarche de soins telle qu'elle est théorisée. Si nous considérons, à l'instar des thérapeutes systémiques, que la causalité n'est pas linéaire mais circulaire, il n'y aura pas forcément de rapport entre l'objectif de soin posé, l'action entreprise et celle permettant de l'atteindre.
C'est ainsi pour prendre un exemple que Rolland, délirant mystique, hospitalisé à l'hôpital de Jour avait commencé un jeûne rituel qui l'avait conduit à cesser de s'alimenter. Rolland ne considérait pas qu'il y ait là un problème de santé : les grands yogis étaient capables de passer plusieurs mois sans manger, il lui fallait d'ailleurs cesser de manger pour pouvoir retrouver son énergie. L'équipe posa donc le diagnostic de déficit nutritionnel lié à une perception erronée de ses besoins vitaux. Elle mit en place un certain nombre d'actions infirmières qui s'avérèrent toutes inefficaces au point qu'il était question d'hospitaliser Rolland.
Rolland participait au groupe "Journal" dont le thème était l'histoire de France. Le groupe avait décidé de raconter un mariage gallo-romain. Pour mieux connaître cette période, des visites au musée du Louvre avaient été organisées, de nombreux livres avaient été lus. Ce matin là, nous nous intéressons au déroulement des repas à Rome. Nous nous rendons compte que la table romaine symbolise l'univers, que le sol représente le royaume des morts (on jette d'ailleurs des miettes, des os pour les morts), la table le royaume des vivants, et au delà le monde des dieux. L'infirmier présent commente la lecture en disant que chez les romains ne pas être à table c'est ne pas exister, ne pas être dans l'univers. Un quart d'heure plus tard, Rolland cessait son jeûne et mangeait avec les autres.
Qu'il s'agisse d'un miracle ou que les paroles de l'infirmier ait eu valeur d'interprétation comment la démarche de soins pourrait-elle prévoir ce type d'actions ? Doit-elle se borner à permettre que de telles interactions puissent se nouer ?

Quoi qu'il en soit, le soin, en psychiatrie comme ailleurs, suppose l'élaboration d'une démarche de soins établie lorsque cela est possible en concertation avec la personne soignée. Nous ne nous étendrons pas sur cette démarche de soins dont la limite est que le patient n'est pas toujours consentant aux soins, qu'il n'a pas forcément conscience d'être malade.

4-B : La relation soignant-soigné

Dès qu'on est soignant dans une unité fonctionnelle, il n'est pas possible de ne pas être en relation avec les patients.
Avant d'être en relation avec des soignants, le patient est en relation avec une institution de soin dont le soignant est le garant. La place qu'occupe chaque soignant dans cette institution conditionne la nature de la relation qu'il établit avec un patient donné. Chaque soignant est mandaté pour entrer en relation avec les patients, chacun incarne un rôle, une réponse institutionnelle aux problèmes que pose ce patient. La plupart des patients sortent améliorés, d'autres deviennent des patients désignés, des malades de l'institution. C'est aussi et surtout ceux-là qu'il faut pouvoir soigner.
Etre en relation implique des interactions entre la personne soignée et le soignant. La qualité de cette relation varie selon les situations. L'infirmier doit comprendre ces interactions, leur impact sur la personne soignée et sur lui-même, il doit nécessairement pouvoir prendre du recul, par sa propre réflexion, par les réunions d'équipe quotidiennes, et lors des réunions de synthèse, voire par une supervision personnelle. S'il n'est de soin que relationnel, ce n'est pas la relation en tant que telle qui soigne mais la capacité du soignant à mettre en cause cette relation, à la réfléchir plutôt qu'à la subir.
La relation soignant-soigné fait partie intégrante des soins infirmiers. Elle peut s'établir selon le projet thérapeutique entre une personne soignée et un soignant, entre un groupe de soignés et un soignant, entre un groupe de soignés et un groupe de soignants.
La relation soignant-soigné est une relation médiatisée par le soin. Ses buts sont ceux posés par le projet thérapeutique, par le projet du lieu de soin, par le projet de secteur.
Elle s'inscrit à l'intérieur d'un fonctionnement institutionnel. Il est des lieux où chaque soignant et chaque soigné sont livrés à eux-mêmes, d'autres où la relation soignant-soigné est extrêmement réglementée, d'autres où toute relation de type fusionnel est interdite (il faut savoir que pour des infirmiers un tant soit peu rigides, toute attitude non-directive est considérée comme fusionnelle), d'autres où la relation soignant-soigné est prise en compte par l'équipe, réfléchie et analysée.

La notion de relation soignant-soigné tout comme celle de relation d'aide est parfois utilisée comme un fourre-tout qui repose sur une sorte de vide théorique. La relation d'aide (dans l'acception rogérienne) est un des modèles de relation soignant-soigné.
Il est également possible de se référer au modèle analytique, la relation établie avec le patient s'énoncera alors sous le terme de transfert. Il est évident que nous ne parlerions alors plus de relation d'aide.
Evoquer la notion de relation d'aide, c'est en partie s'interdire de penser ce que les psychanalystes appellent le contre-transfert dont la plupart des soignants ont pu ressentir l'effet marqué par un sentiment de ras-le-bol face à ce patient qui ne répond pas à nos attentes, par un sentiment qu'à son sujet rien ne sert à rien. Chacun sait également que la prise de conscience de ce contre-transfert entraîne une amélioration du ressenti du soignant en même temps qu'un mieux-être du patient.
Avant de définir la relation d'aide, nous allons nous intéresser au transfert et au contre-transfert. Nous réfléchirons ensuite autour des notions d'écoute, d'apprivoisement, de relation d'aide, de contenance, de suppléance et d'incitation.

B-1 : Transfert, contre-transfert ?

Le Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines propose trois sens au mot "transfert". En psychologie, il s'agit d'une "loi qui gouverne toute la vie affective et selon laquelle la tonalité affective d'une représentation se communique par associations à d'autres représentations, ou un sentiment éprouvé pour une personne ou pour un objet à une autre personne ou à un autre objet; ex: la haine exerçant sa rage sur des objets appartenant à celui qu'on hait ou la sympathie ressentie par une mère pour un jeune homme qui ressemble à son fils (Th.Ribot)."(118)
Nous n'évoquerons pas le second sens décrivant un processus d'apprentissage analogique.
En psychanalyse, le transfert est (sens général) : "un processus par lequel les sentiments formés par le sujet dans le passé à l'égard de ses parents ou de personnalités marquantes de son expérience enfantine, sympathiques ou hostiles, se déplacent sur une autre personne de son environnement actuel; ex. de l'élève sur le maître".(119)
Il est également, rapporté à la cure analytique "le transfert de l'analysé sur la personne de l'analyste de ses sentiments archaïques, positifs et négatifs (soumission, vénération, crainte, révolte), qui représente une réactivation des sentiments infantiles éprouvés à l'égard des parents; ce transfert ambivalent, qui s'actualise dans la cure analytique."(120)
Le grand dictionnaire de psychologie précise que "l'établissement de ce lien affectif intense est automatique, incontournable et indépendant de tout contexte de réalité."(121).
Faut-il réserver ce terme à la cure analytique ?
En dehors du cadre de l'analyse, le phénomène de transfert est constant, omniprésent dans les relations, que ce soient des relations professionnelles, hiérarchiques, amoureuses,etc.


Dans ce cas, la différence avec ce qui se passe dans le cadre d'une analyse consiste en ce que les deux partenaires sont en proie chacun à leur propre transfert, ce dont ils n'ont, le plus souvent pas conscience. Il n'y a de ce fait pas de place pour un interprète, tel que l'est l'analyste dans la cure analytique. Par son analyse personnelle, l'analyste est censé être à même de savoir de quoi sont tissées ses relations personnelles aux autres. Il évite ainsi d'interférer avec le transfert de l'analysant. C'est par ailleurs une condition sine qua non pour que l'analyste puisse être disponible et à l'écoute de l'analysant.
Si le transfert est un phénomène aussi universel, pourquoi devrions-nous le réserver au cadre analytique et nous priver ainsi d'un cadre de pensée extrêmement intéressant ?
Freud, parlant du transfert distingue le transfert positif et le transfert négatif. Cette distinction repose sur la constatation que le transfert pouvait devenir la plus forte résistance opposée au traitement.
Le transfert positif se compose de sentiments amicaux et tendres conscients, et d'autres dont les prolongements se trouvent dans l'inconscient et qui s'avèrent avoir constamment un fondement érotique.
Le transfert négatif concerne l'agressivité à l'égard de l'analyste, la méfiance,etc. Pour Freud le transfert sur la personne de l'analyste ne joue le rôle d'une résistance que dans la mesure où il s'agit d'un transfert négatif, ou bien d'un transfert positif composé d'éléments érotiques refoulés.
Le transfert est donc un processus à double tranchant : d'un côté il permet au patient de se sentir en confiance et d'avoir envie de parler, de chercher à découvrir et à comprendre ce qui se passe en lui, et, de l'autre il peut être le lieu des résistances les plus obstinées au progrès de l'analyse.
Le contre-transfert est l'ensemble des effets inconscients reçus par l'analyste à partir du transfert de l'analysant, notamment sur l'analyste lui-même. Il implique pour l'analyste de repérer quels affects son patient suscite chez lui et à savoir en tenir compte dans sa façon d'interpréter le transfert de son patient. Cela suppose que l'analyste soit à même d'analyser ce qui constitue son contre-transfert de telle façon que celui-ci ne vienne pas interférer dans le fonctionnement de l'analyse du patient.
Il ne s'agit pas pour l'infirmier de jouer à l'apprenti-sorcier, de faire de la psychanalyse sauvage, mais de repérer quand il incarne une de ces figures du passé et laquelle. Il doit par ailleurs savoir qu'il ne fait que se prêter à ce rôle. Cet écart doit permettre au patient de progresser.
Il s'agit également de lui permettre de se situer quant à ce que le patient suscite chez lui.
Si selon certains psychanalystes, le transfert du psychotique a des caractères spécifiques, cela signifie-t'il qu'il ne puisse investir un soignant de la même façon qu'un de ses parents ou qu'un personnage marquant de son passé ? En état de crise, cela paraît effectivement inconcevable. Lorsque le patient a dépassé cet état de crise, cet investissement est possible, mais pas à long terme. La question devient alors celle du maintien du lien chez un sujet qui tend à l'attaquer. Le soignant devient alors facilement un persécuteur avec tout ce que cela implique.

Pourquoi utiliser alors le concept de transfert ?
Le concept, dégagé de ses références analytiques permet d'articuler une question : qu'en est-il de la relation établie avec le patient ? Il permet de se détacher de la relation elle-même, de comprendre les réactions du patient, de savoir qu'à l'étape de ce que nous pourrions appeler l'aspect positif du transfert (et des progrès réalisés par le patient) peut succéder l'aspect négatif (synonyme de stagnation, de résistance au changement, voire d'agressivité vis-à-vis des soignants). Le transfert à travers l'interrogation provoquée par la notion de contre-transfert permet de s'interroger sur ce que le patient suscite en nous.
Cette question concerne autant l'infirmier que l'institution elle-même.

B-2 : Ecouter ?

"Quand je te demande de m'écouter et que tu commences à me donner des conseils, tu n'as pas fait ce que je te demandais;
Quand je te demande de m'écouter et que tu commences à me dire pourquoi je ne devrais pas ressentir cela, tu bafoues mes sentiments.
Quand je te demande de m'écouter et que tu sens que tu dois faire quelque chose pour résoudre mon problème, tu m'as fait défaut, aussi étrange que cela puisse paraître.
Ecoute ce que je te demande, c'est que tu m'écoutes. Non que tu parles ou que tu fasses quelque chose, je te demande uniquement de m'écouter.
Les conseils sont bon marché, pour 5 francs j'aurai dans le même journal le courrier du coeur et l'horoscope.
Je peux agir par moi-même, je ne suis pas impuissant, peut-être un peu découragé ou hésitant, mais non impotent.
Quand tu fais quelque chose pour moi, que je peux et ai besoin de faire moi-même, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation.
Mais quand tu acceptes comme un simple fait que je ressens ce que je ressens (peu importe la rationalité), je peux arrêter de te convaincre, et je peux essayer de commencer à comprendre ce qu'il y a derrière ces sentiments irrationnels. Lorsque c'est clair, les réponses deviennent évidentes et je n'ai pas besoin de conseils. Les sentiments irrationnels deviennent intelligibles quand nous comprenons ce qu'il y a derrière....
Alors, s'il te plait, écoute-moi et entends-moi.
Et si tu veux parler, attends juste un instant et je t'écouterai." (122)
Ecouter.
Ecouter pour faire place à l'autre.
Supporter ces images flamboyantes qui ne sont pas des métaphores mais un vécu de morcellement qui broie un sujet qui sent son corps se métamorphoser, devenir une charogne, être envahi par des puissances étranges et toutes puissantes. Ecouter quand ce qui constitue pour nous le réel devient un magma informe, quand les lois régissant l'espace-temps explosent, quand les corps sont poreux, quand l'esprit est colonisé par l'automatisme mental, quand ne survit plus qu'une sorte de magma psychique.
Ecouter quand ce qui s'exprime c'est la folie avec tout ce que cela implique de peur.

Ecouter avec la certitude au fond des tripes que le moindre faux pas dans ce sentier escarpé vous fera glisser et chuter, chuter pour tomber, fracassé comme un pantin désarticulé.
Ecouter, avec la constante tentation d'abdiquer, de renoncer, de rester là, haletant, de ne plus bouger, incapable de redescendre, incapable de poursuivre.
La folie c'est la haute montagne et j'en connais qui sont des Everest, des Annapurna. Je connais d'étranges alpinistes au regard halluciné qui ne savent dire les beautés terribles qui brûlèrent leurs yeux. Je connais des poètes de quatre sous, qui en vingt mots les seuls qui leur restent font vaciller l'âme de celui qui prend le temps de les écouter.
Ils sont là, clinophiles, sous une couverture, tremblant de fièvre et de délire attendant un guide, un soignant qui prendrait le temps de les écouter, de délivrer un message d'espoir.
Ecouter la belle affaire ! Et pourquoi prendrais-je la peine d'écouter ces sujets qui soit n'ont rien à dire, soit balbutient du vent ?
"Au Moyen-Age, trois ouvriers travaillaient sur un chantier. Le premier, auquel un passant avait demandé ce qu'il faisait, répondit : "je pose des pierres les unes sur les autres", le second répliqua à la même question : "je construis un mur", et le troisième : "je bâtis une cathédrale".
Infirmier de secteur psychiatrique depuis 15 ans, puis infirmier tout court avec la disparition des I.S.P., puis "clinicien" depuis Juin 1993, quelle sorte d'infirmier suis-je ? Qu'est ce que soigner pour moi? Cette question chaque soignant se la pose à un moment ou à un autre de sa carrière.
Qu'est-ce que soigner pour moi ?
Est-ce poser des pierres les unes sur les autres ? Est-ce construire un mur ou édifier une cathédrale ? De ces trois niveaux de conscience auquel va ma préférence : la valorisation du geste, celle de l'objectif immédiat, celle de la finalité ? (123)
Qu'est-ce que soigner ? La question est-elle de savoir s'il vaut mieux poser des pierres l'une sur l'autre, construire un mur ou édifier une cathédrale ? Ne s'agit-il pas d'abord de savoir ce que nous avons envie de faire, de découvrir la façon dont nous voulons le faire.
Que sais-je réellement ? Je sais, éventuellement, ce que je ferais moi avec un malade parce que cela correspondra à la relation que nous avons établi, à l'ici et maintenant de cette relation, parce que cela correspondra à ce que je suis, à mon histoire, à ce que le patient fait vibrer en moi, mais comment saurais-je ce que vous, lecteurs, pourriez faire ou devriez faire dans une situation donnée ?
Comment saurais-je le trajet qui conduit un sujet à entreprendre de soigner d'autres sujets? Comment connaîtrais-je les failles qu'il comble ainsi, ce que cela mobilise chez lui ?
Je suis né dans une petite ville bretonne dans laquelle les principaux gisements d'emploi étaient l'usine Kulhmann et l'hôpital/hospice.
Fils d'aide-soignante, la notion de soins ne m'a jamais été étrangère. Le soin se réfère pour moi, d'abord, à la proximité. Les malades n'ont jamais été dans l'esprit de l'enfant que j'étais, des êtres alités, diminués, qui pouvaient mourir mais des personnes âgées qui déambulaient sur la place du marché, près de la plage, ou autour des marronniers du boulevard Dumesnildot. Je rencontrais les malades de ma mère au hasard de mes pérégrinations d'enfant.


Ils m'invitaient à m'asseoir près d'eux, sur un banc. Ils me parlaient d'une personne que je ne connaissais pas, ils en vantaient le dévouement, ils exprimaient leur gratitude. Toujours disponibles, ils me racontaient des histoires, m'offraient des bandes dessinées, ou des petites voitures.
Je découvrais alors que cette mère souvent absente avait une vie, des investissements dont je n'étais pas. Et certainement que j'étais fier d'elle, et certainement que je lui en voulais un peu de préférer ses malades à ses enfants.
Proximité, oui, mais également ambivalence vis-à-vis de ce sacerdoce unanimement reconnu.
Et puis, arriva le temps où il nous fallut manger notre pain noir. Mes grands-mères, puis ma mère disparurent. L'hôpital devenait un lieu de mort dont on ne revenait pas...
Lorsque neuf ans plus tard, je passais l'examen d'entrée au C.H. Esquirol, avais-je en mémoire ce passé heureux ? Lors de l'oral, pourquoi ai-je eu besoin d'évoquer ma mère ? Je ne sais. Je ne sais pas non plus pourquoi mes pas me menèrent à Esquirol. Je n'ai pas réellement choisi d'être infirmier. Seul le hasard d'une date d'examen coïncidant avec mon unique jour de repos a présidé à mon entrée dans la carrière. Les études payées ont également été un facteur décisif dans ce choix.
Et pourtant.
Pourquoi ai-je eu la sensation, dès mon entrée au C.H. Esquirol comme auxiliaire, que là était ma place ? Avant d'avoir ouvert le moindre livre de psychiatrie, avant d'avoir commencé les cours, j'avais fait l'expérience que par ce travail toutes les virtualités de mon être pouvaient s'exprimer. Il me semblait que ce que j'étais à ce moment là et le travail d'infirmier tel que je le percevais s'emboîtaient quasi parfaitement.
Je ne parlerais certainement pas de vocation, derrière ce mot se cachent emprise sur l'autre et bénéfices secondaires. Toujours est-il que par ce travail quelque chose en moi trouvait un équilibre.
Ecouter la belle affaire !
L'écoute a toujours occupé une place importante dans ma vie (des "histoires" de mon père à celles des petits romanichels qui fréquentaient quelque temps notre école primaire, en passant, adolescent, par les peines de coeur des copains et des copines). Quelque chose en moi a "toujours" su se rendre disponible pour passer un moment à parler et à écouter "l'étranger" qui passe. J'en ai toujours tiré un certain plaisir.
Ecouter parce que l'essentiel est invisible pour les yeux, parce que sans écoute de l'autre, il n'est en psychiatrie aucune cathédrale qui tienne debout. Ecouter parce que c'est parfois ce que je fais de mieux.
Ecouter oui, mais ni comme un prêtre, ni comme un analyste. Ecouter sans mandat pour le faire ne sert à rien, il ne s'agit pas de permettre à l'autre de se répandre en nous mais de l'aider à tisser des liens.
Poser des pierres les unes sur les autres, construire un mur, bâtir une cathédrâle, faut-il choisir ? Bien évidemment non !
C'est la situation, c'est le patient qui commande.
Nous ne pourrons parfois que poser des pierres les unes sur les autres, et ce sera déjà énorme, car parfois rien ne tient. Quelques pierres posées les unes sur les autres c'est un point de repère pour qui n'en a plus, c'est un bout d'histoire pour qui les générations se confondent.

Certaines de ces pierres deviendront des murs. Ce sera une autre étape. On peut s'abriter derrière un mur, on peut s'y reposer et attendre que le tempète se calme avant de repartir vers d'autres aventures, vers d'autres murs.
Et puis quelques rares fois, nous bâtirons une cathédrâle.
Nous ne savons jamais, au premier accueil, si nous poserons des pierres, si nous construirons un mur ou si nous bâtirons une cathédrâle, et pourtant il nous faire comme si. Ce n'est jamais celui qui pose les pierres, ni celui qui construit les murs, ni celui qui bâtit un bout de cathédrâle qui y prie, c'est toute la communauté.
Prier, rassembler la communauté c'est au fond à çà que sert une cathédrâle. C'est à çà que sert un système de soin.
Même s'il est beaucoup de cathédrâles avortées.

B-3 : A cause de la couleur du blé

Comment nouer une relation thérapeutique avec un patient tellement délirant, tellement perdu dans son monde qu'il ne vit les autres que comme des persécuteurs ? Le but des soins en psychiatrie est de permettre à un sujet qui ne supporte plus les liens d'en tisser sans s'en sentir prisonnier. Comment crée-t'on ces liens ? Saint-Exupéry dans "Le petit Prince" nous fournit quelques éléments de réponse. Pour Saint-Exupéry, le verbe apprivoiser est une chose trop oubliée qui signifie "créer des liens".
"Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme çà, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
- Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le coeur... Il faut des rites." (124)
Respecter le sujet là où il en est tout en assumant/assurant les soins prescrits. Se rapprocher progressivement, diminuer la distance entre lui et nous, tout en étant prêt à reculer si nous allons trop vite. Ecouter parce que chaque parole chez ces sujets parfois avares de mots est indice. Ecouter, être à l'affût de ce qui semble être vivant. Ecouter les gestes. On ne soigne qu'en utilisant ce qui est vivant, vibrant comme levier de la relation.
Qu'est-ce qu'un rite ?
"C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est un jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances."(125)
Différencier les moments, offrir des pleins et des déliés, donner à la relation une place, qu'elle n'envahisse pas tout. C'est aussi dans le manque que se construit la relation.

Et quand l'heure du départ approche :
"-Ah ! dit le renard...Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais pas de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
-Bien sûr, dit le renard....
-Alors tu n'y gagnes rien !
-J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.." (
126)

"Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et çà c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé..." (127).

Cà n'est pas facile d'apprivoiser un patient psychotique. Comme dirait le renard au petit prince on est responsable de ce que l'on apprivoise.
Il ne s'agit pas de prendre et de jeter. Il s'agit d'un apprivoisement pas d'une séduction. On se rapproche petit à petit, un petit peu plus chaque jour, un petit peu plus longtemps à chaque fois pour ne pas envahir, pour ne pas être envahi, pour signifier qu'on n'est pas tout et que l'on ne veut pas être tout pour l'autre. Il faut être sensible aux mouvements de l'autre, deviner quand nous sommes de trop, quand nous ne sommes pas assez, savoir voleter un peu plus loin, se rapprocher. Apprivoiser un patient psychotique, çà implique d'avoir et de se donner du temps. La psychose, c'est trop grave pour justifier de thérapies minutes. Pour que les choses changent, pour que le patient accepte de penser que la pensée çà ne brûle pas, çà ne détruit pas il faut une vraie relation de confiance construite dans le temps, il faut des années. Le psychotique "ignore" le temps. Il faut donc lui donner un laps de temps suffisamment important.
Ainsi quand j'étais élève, quelque chose a pris avec un patient. J'ai lu dans son dossier qu'il avait passé une licence de chimie, qu'il avait été passionné par la littérature française classique. Je lui ai donc proposé de lui lire une pièce de Racine. Il m'a répondu qu'après 30 ans d'hospitalisation, c'était trop tard et puis à quoi bon ? Je lui ai un jour proposé de faire une partie d'échecs. Il n'a pas dit non. Cela faisait depuis 1958 qu'il n'avait pas joué, il annonçait les échecs à la dame. Quelque chose qui venait de très loin m'a ému. Cet échec à la dame me paraissait contenir toute la misère du monde, tout le tragique d'une vie passée à côté. Comme il était russe et que le russe m'intéressait, je lui ai proposé de m'aider à traduire du russe. C'était tout à fait passionnant. Autour de cette traduction il y avait toute la noblesse, toute l'âme russe, toute son âme à lui et je vous assure qu'elle était belle cette âme. J'ai beaucoup appris. Lui devenait beaucoup plus vivant.
Et puis mon stage a pris fin au bout de neuf mois. A l'issue de ces neuf mois qu'est-il resté ? Un peu de la passion réveillée ? S'est-il rendormi? Les autres élèves se sont intéressés à d'autres patients. N'ai-je pas rajouté de la souffrance à la souffrance ? J'ai bien tenté de préparer mon départ, mais n'ai-je pas rajouté de l'abandon à l'abandon ? A quoi cela a-t'il servi si je n'ai pu modifier la perception que les infirmiers avaient de ce patient ? Si je n'ai su créer une dynamique autour de lui ?

Apprivoiser, çà implique également de croire, croire que rien n'est écrit, que tout est toujours à construire que ce n'est pas parce que nous constatons que l'on ne guérit pas d'une psychose que la guérison est impossible. Cà implique de croire que l'avenir est ouvert, que ce qui compte pour ce patient là peut se bricoler de telle sorte qu'un équilibre de vie satisfaisant qui laisse place pour le bonheur est possible. Cà implique de croire que le patient sait mieux que nous ce qui est mieux pour lui, même s'il se trompe, même si nous devons ne pas tenir compte de ce qu'il formule, se dire que nous ne pouvons pas ne pas intervenir, que c'est la fonction qui veut çà, mais que quelque chose de bien peut en sortir si nous savons trouver l'accès qui va lui permettre de dépasser le passage difficile.
Cà implique de partager. On ne soigne pas un psychotique avec de bons sentiments. Pas de pitié, ni de piété. On se soigne soi, à travers l'autre, parce que cet autre réveille quelque chose chez nous, parce que nous réveillons quelque chose chez lui. Dans la relation chacun doit prendre autant qu'il donne.
Lorsque l'on donne sans compter on vole quelque chose à l'autre, on lui vole la possibilité de nous donner quelque chose à nous. Sans ce quelque chose à partager on en est réduit aux bénéfices secondaires, on se sert de l'autre pour parvenir à nos propres fins qui n'ont rien à voir avec lui.
Pour éviter de ne soigner que nous à travers l'autre, pour faire la part des choses, pour ne pas projeter nos propres fantasmes sur l'autre, il est vital de s'aménager des temps de recul, des temps d'échange avec les autres soignants, de confronter nos perceptions du patient avec d'autres perceptions venant de lieux et de temps différents, de professions différentes.
Je ne pense pas que l'on écoute vraiment l'autre, je crois que sans grille de lecture, on n'entend rien, on n'entend que du bruit. L'autre parle, nous transmet quelque chose et nous donne à penser, on n'entend en fait que nous, sauf si nous utilisons une grille de lecture, de déchiffrage.
S'il faut se réunir, participer à des groupes de travail c'est pour mieux entendre l'autre, c'est pour se décentrer. C'est éventuellement pour remettre en cause notre grille de lecture.
Nul n'écoute qui que ce soit s'il n'est disponible pour cela. Cela suppose de mener une vie qui nous permette d'être disponible, de prendre du plaisir dans notre vie, d'avoir notre paysage de couleurs, d'odeurs. On ne pourrait abandonner son point de vue et perdre sa différence que si nous y perdions notre identité, que si nous devenions l'autre. Nous pouvons bien parler d'empathie, il s'agit d'un mythe. Ce que nous sommes n'est jamais mis en doute, nous ne recevons de l'autre que des bribes, parce que les mots n'ont pas le même sens pour chacun, parce que jusqu'à la preuve du contraire nous ne sommes pas psychotiques, nous ne sommes pas confronté au gouffre, au vide, au néant psychotique. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait rien d'angoissant dans cette écoute, ni que nous soyons capable de tout entendre, c'est même souvent pour cela que nous nous refermons.
Si nous pensions qu'en écoutant l'autre nous risquons de nous dissoudre en lui nous serions psychotiques, car c'est précisément ce que craint le psychotique, que l'autre le pénètre, de se dissoudre en l'autre, d'y perdre son identité.

B-4 : La relation d'aide

La relation d'aide se définit comme "l'aide psychologique par la relation", la relation étant elle-même le support de l'aide. Il ne faudrait utiliser l'expression "relation d'aide" qu'en référence aux théories de Rogers.
Qu'entend-on par relation d'aide ?
Selon C.Rogers "la relation d'aide psychologique est une relation dans laquelle la chaleur de l'acceptation et l'absence de toute contrainte ou de pression personnelle de la part de l'aidant permet à la personne aidée d'exprimer au maximum ses sentiments, ses attitudes et ses problèmes. La relation est une relation bien structurée, avec ses limites de temps, de dépendance, d'action agressive qui s'appliquent particulièrement au client et ses limites de responsabilité et d'affection que le conseiller s'impose à lui-même".(128)
Elle est une " relation permissive, structurée de manière précise, qui permet au client d'acquérir une compréhension de lui-même à un degré qui le rende capable de progresser à la lumière de sa nouvelle orientation...Toutes les techniques utilisées doivent avoir pour but de développer cette relation libre et permissive, cette compréhension de soi dans l'entretien d'aide et cette orientation vers la libre initiative de l'action" (129).
Pour J.Chalifour "la relation d'aide consiste en une interaction particulière entre deux personnes, l'infirmière et le client, chacune contribuant personnellement à la recherche et à la satisfaction d'un besoin d'aide présent chez ce dernier. Cela suppose que l'infirmière qui vit cette relation adapte une façon d'être et de la communiquer qui soit fonction des buts poursuivis. Ces buts sont à la fois liés à la demande du bénéficiaire et à la compréhension que la personne possède de son rôle."(130)
Cette relation n'est pas gratuite elle "doit parvenir à provoquer des changements chez l'aidé. Celui-ci devrait effectivement par la suite se sentir plus épanoui, plus capable d'affronter la réalité et de découvrir par lui-même des solutions avantageuses à ses problèmes"(131).
Il est évident qu'en psychiatrie, la permissivité, la non-directivité ont des limites qui sont vite atteintes lorsque "l'aidé" dénie ses troubles, refuse l'hospitalisation, se sent persécuté par "l'aidant".
Louis Malabeuf propose de prendre en compte quatre niveaux de relation soignant-soigné : la relation de civilité, la relation dite "de nature fonctionnelle", la relation de compréhension, de soutien, de réassurance et la relation d'aide thérapeutique.
La relation de civilité "ne différencie pas la relation soignant-soigné de la superficialité de bon nombre d'inter-relations habituelles. Elle s'inscrit dans un rituel social, dans la volonté individuelle, d'un "agréable" comportement, d'une convivialité dans l'échange. C'est le niveau du propos banal, de la communication informelle où l'on parle surtout de tout, sauf de l'essentiel."(132)
Nous pensons que ce degré un de la relation n'existe pas. De la même façon que la vue du gendarme amène tout automobiliste à ralentir, qu'il soit en infraction ou non, la présence de l'infirmier (du fait même de son appartenance à l'institution soignante) modifie la relation. Ce degré un, même s'il n'est qu'une illusion, permet de penser la relation. Le white coat syndrom ou syndrome de la blouse blanche en est une preuve manifeste.

Il s'agit d'un niveau reposant, un niveau où le patient peut se laisser aller à "une relation passe-temps", à une relation "bonjour-bonsoir". Il s'agit d'une illusion, écrivions nous, car l'infirmier participe aux réunions d'équipe, lit le dossier de soins, mesure donc où en est le patient. Que ce patient soit décrit comme déprimé, mutique ou délirant le "bonjour-bonsoir" sera rapporté en réunion d'équipe, il sera analysé comme un symptôme, comme le signe d'un mieux-être, comme celui d'une aggravation, etc.
Dans l'équipe pluridisciplinaire, tous les soignants ne sont pas référents, toutes les relations n'ont pas les mêmes répercussions, c'est même l'un des intérêts du jeu institutionnel. Le patient a donc besoin de vivre des relations plus calmes, plus à l'abri. Cela ne veut pas dire que cette relation "calme" ne va pas se transformer à l'occasion du départ en vacances du référent.
L'infirmier engagé dans une relation d'aide thérapeutique n'a pas toujours la lucidité pour percevoir les tenants et les aboutissants de cette relation, et se laisse parfois plus facilement "manipuler" par "l'aidé". Les infirmiers, moins mobilisés sur le plan relationnel, liront mieux les enjeux psychiques de la relation et permettront ainsi aux "aidants" plus engagés de prendre de la distance.
On pourrait soutenir que par relation de civilité, on entend la relation établie par le patient avec les ASH, voire avec les étudiants, les stagiaires. Cela ne serait pas davantage satisfaisant, certains patients ne se contentent pas de nouer des relations "bonjour-bonsoir" avec les ASH, ils leur livrent des informations qu'ils n'osent apporter aux infirmiers, se servant d'eux comme intermédiaires avec les soignants.
Il ne faut surtout pas confondre "relation de civilité" et "relation de copinage". Un patient, quel que soit ce que l'on peut ressentir vis à vis de lui ne saurait être un copain, un ami. Dans la relation soignant-soigné rien n'est gratuit, tout est susceptible de prendre sens. Rappelons nous que c'est l'usage du self dans un but défini qui soigne.

La relation dite de "nature fonctionnelle" est ainsi dénommée "parce qu'elle participe d'un but avoué et qu'elle a une fonction précise, celle de permettre une connaissance effective de "l'autre" dans un domaine spécifique. Lorsque "cet autre" est le malade, les centres d'intérêt du soignant sont la pathologie et ses signes, les habitudes de vie, les données familiales et socio-professionnelles,etc." (133)
Malabeuf définit cette relation comme une relation d'investigation où le soignant est en quête d'informations qui lui paraissent importantes pour définir les grandes lignes d'une prise en charge, ou pour en préciser tel ou tel aspect.
"La relation de nature fonctionnelle est d'autant mieux perçue par le malade qu'elle s'appuie aussi sur la technique de la reformulation et du reflet de sentiment. La reformulation qu'elle soit écho ou élucidation ou biaisée ou inversée, contribue à limiter l'aspect inquisiteur de l'échange. Le reflet de sentiment facilite la catharsis des émotions et place le malade dans une dynamique inter-relationnelle positive, propice à l'inscription dans un autre type de relation plus centrée encore sur l'individu-sujet.."(134)

La relation de compréhension, de soutien, de réassurance constitue le troisième niveau. "Cette relation de compréhension et de soutien s'exprime dans un début d'empathie. Elle passe généralement par une écoute attentive, par une tentative de dédramatisation des situations, par l'utilisation de la comparaison avec le "pire", par la propension à donner des conseils"(135).
Elle constitue le niveau minimum de la qualité relationnelle avec l'infirmier référent.

Le quatrième niveau est constitué par la relation d'aide thérapeutique. "Cette relation là ne se décrète pas, elle ne s'improvise pas. Elle se met en place progressivement par l'instauration d'un climat de confiance dans le respect d'au moins deux préalables que sont : le temps minimum à consacrer au malade et, pour soi-même, un minimum de "disponibilité psychologique"... C'est une relation de type empathique où le soignant est suffisamment proche du malade pour percevoir et sentir ce qu'il ressent, mais aussi suffisamment distant et non-fusionnel pour ne pas se projeter lui-même dans la situation, pour ne pas parler et agir à la place du malade"(136).
Cette relation là, précise Malabeuf ne résulte pas d'un fonctionnement miraculeux, elle s'apprend, se pratique et s'optimise autant par un travail sur soi que par un lent cheminement vers la maîtrise d'outils spécifiques.
Ces techniques sont d'autant plus difficiles à maîtriser qu'elles participent d'une relation interactive où l'autre nous émeut, nous désarçonne, nous gratifie, nous tend inconsciemment des pièges en nous sollicitant de nous substituer à lui.
Cette façon de théoriser la relation a un certain nombre de limites, elle ne prend en compte que l'aspect positif du transfert, elle ne laisse aucune place au transfert négatif, au contre-transfert. Rappelons ce qu'écrit Guelfi : "La perte du caractère intérieur des représentations, l'absence de différenciation entre le moi et le monde objectal, la projection des émotions et des représentations du patient sur le thérapeute rendent la relation difficile à établir et à contrôler. L'angoisse liée aux fantasmes de destruction ou de fusion impose au thérapeute un maniement prudent et flexible de sa distance avec le patient pour que celui-ci puisse reconnaître les limites de chacun." (137) et rappelons qu'il est parfois aussi important (quoique moins gratifiant) de supporter, jour après jour, d'être le mauvais objet d'un patient, de lui montrer que nous ne sommes pas détruits par son agressivité, que d'établir avec lui une relation d'aide thérapeutique, telle que nous l'avons décrite.
La relation quelle que soit l'importance qu'on lui accorde n'est pas une fin en soi, elle doit permettre de contenir, suppléer, inciter et produire des effets de sens.

B-5 : Contenir, suppléer, inciter

La contenance répond à la tendance projective et morcelante du psychotique, elle assure par l'extérieur la cohérence du moi.
La fonction de contenance implique :
"- la notion de limites spatiales et temporelles, de cadre, d'ordre, voire de contention ou de régulation,
- mais encore celle de protection et d'acceptation du psychotique, tel qu'il se présente au pire de son état,
- et enfin celle de mémoire, de soutien et de conservation.
Bion souligne que "la qualité essentielle d'un bon contenant, est de pouvoir conserver, rendre mentalisable, puis restituer au sujet le matériel que le malade y a déposé et dont il devra un jour ou l'autre reprendre possession pour colmater son identité amputée. Le contenant a un rôle transitoire, limité à la période où le sujet ne peut garder lui-même ses possessions parce que son appareil psychique faillit à la tâche. La métabolisation dans le contenant suppléera aux mécanismes psychiques défaillants du patient."(138)

La fonction de suppléance pallie aux manifestations déficitaires de la psychose, et répond à une carence du fonctionnement mental du patient. Elle peut être d'ordre médicamenteux, mais est le plus souvent d'ordre psychothérapique. Elle propose un soutien, un étayage, voire des modèles d'identification en réponse aux défaillances de la subjectivité.
Elle repose sur la fonction d'étayage qui est un équivalent thérapeutique de la "mère suffisamment bonne" de Winnicott. Ce type de relation est manifestée dans la psychothérapie de soutien, dans le rôle de l'infirmier référent dans un cadre institutionnel. Cette relation d'étayage doit être rassurante, fiable, impliquer une régularité et une constance dans le temps.

Le facteur de suppléance repose aussi sur l'identification. Cette relation de suppléance va faire du soignant le dépositaire des secteurs non autonomes du patient et constituer un véritable "Moi auxiliaire". Elle va associer le soignant à une histoire, il devient ainsi d'une certaine façon la mémoire et le chroniqueur du patient.

L'incitation recherche une production active de la part du patient. Elle fait appel à une stratégie de confrontation. C'est la confrontation du patient par l'intermédiaire d'une équipe, d'un soignant, avec la réalité extérieure et sociale qui l'amène à se considérer comme un être séparé du thérapeute et lui-même doué d'une vie psychique autonome. Il peut alors se ressentir comme doté de désir, susceptible de déception, de souffrance et de satisfaction.
Elle repose sur un processus : confrontation, prise de décisions, valorisation constante, qui détermine l'action ultérieure.
Cette confrontation peut s'effectuer sur un pôle relationnel en cherchant à favoriser les contacts sociaux et à en faire apprécier les bénéfices. La fonction soignante tend alors à s'estomper au profit d'une fonction sociale d'animation, de mise en contact. Réunions soignants-soignés, clubs, groupes de rencontres, de paroles, groupes d'activités occupationnelles ou de loisirs pourront être utilisés à cette fin.
Elle peut également s'effectuer autour d'un pôle éducatif. Ces interventions concerneront les actes de la vie quotidienne, fréquemment désinvestis.(139) Il est tout à fait possible de voir dans ces trois fonctions l'équivalent du holding, du handling et du presenting-object chers à Winnicott.

4-C : Les sociothérapies

Le mot sociothérapie apparaît bien difficile à définir. Certains en font un synonyme noble de thérapie occupationnelle, d'autres un cousin germain de l'ergothérapie. La plupart des auteurs le citent en fin d'ouvrage pour être complets.

Nous reprendrons la définition proposée par le Nouveau Larousse encyclopédique : "Ensemble des techniques visant à améliorer les communications entre un sujet et son entourage à partir de situations de groupe qui se rattachent à celles de la dynamique de groupe ou résultent d'activité sociales menées en commun." (140) Lempérière et Féline entendent par cela "toutes les formes d'activités de groupe organisées pour les malades dans un but thérapeutique d'occupation, de réadaptation au travail, d'amélioration ou de restauration des communications interpersonnelles. Il peut s'agir d'ergothérapie, d'activités culturelles, d'exercices physiques, ou encore de clubs thérapeutiques de discussion." (141)
Le guide infirmier n°11 évoque lui des activités psycho-socio-thérapeutiques.
" Dans le cadre d'une action médico-sociale articulée le plus possible sur l'extérieur, les activités sont contenues dans les projets thérapeutiques individuels et découlent ce ceux-ci. En ce sens tout est sujet/et ou cause d'activités." (142)
Bref, le flou le dispute au vague.
L'enjeu est d'importance car si l'infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale des entretiens à visée psychothérapique, et à participer au sein d'une équipe pluridisciplinaire aux techniques de médiations à visée psychothérapique, l'organisation et l'animation d'activités à visée sociothérapique relèvent du rôle propre infirmier.
Manger en présence des patients à une table de soignants n'est pas partager leur repas, il n'y a, a priori, rien de thérapeutique dans le premier cas. Affirmer qu'une activité est thérapeutique c'est poser des indications, des contre-indications, en préciser la posologie, l'effet thérapeutique escompté, les effets secondaires, la durée, et en évaluer l'efficacité.
Nous ne pensons pas que proposer une activité occupationnelle à un patient soit moins noble que co-animer une séance de musicothérapie ou qu'animer un groupe lecture. Il n'y a pas de soins sans vie, sans recherche du plaisir. La vie est trop courte pour soigner triste. Mais, de grâce n'affublons pas toutes nos activités de l'adjectif thérapique. Howard Buten se dit-il clownothérapeute ? Cela enlève t'il quelque chose à ce qui se noue/joue entre lui et les enfants autistes ? A bas la dictature du tout thérapeutique ! Il vaut mieux proposer un baby-foot à un patient que "remodeler" la poterie "horrible" qu'il vient d'achever, il vaut mieux regarder avec lui un match de tennis à la télévision que de lui expliquer qu'il sait bien qu'il doit venir à sa séance de musicothérapie.
C'est aussi à partir de ces moments calmes, de partage tout bête que quelque chose pourra se construire, que quelque chose pourra prendre sens, et là, mais seulement là, devenir thérapeutique. Et si çà ne devient jamais thérapeutique, tant pis, c'est la vie. C'est ce qui aide l'institution à ne pas devenir une machine à fabriquer des chroniques.
Il importe donc de bien définir ce que nous entendons par sociothérapie. Il s'agit d'un ensemble de techniques, donc de procédés et de méthodes dont le but est d'améliorer les communications entre un sujet et son entourage. Cette définition suppose donc que le soignant ait pu acquérir, au cours de sa formation, ces techniques. Quelles sont ces techniques ? Par quel moyen spécifique la sociothérapie améliorerait-elle la communication entre le sujet et son entourage ? Elle utilise des situations de groupe qui se rattachent à la dynamique de groupe ou qui résultent d'activités sociales menées en commun. L'infirmier, pour animer ces activités sociothérapiques doit donc être formé à la dynamique de groupe.

Par dynamique de groupe, nous entendons dans une première approche : l'ensemble des phénomènes psychosociaux qui se produisent dans les petits groupes, ainsi que les lois naturelles qui régissent ces phénomènes et l'ensemble des méthodes qui permettent d'agir sur la personnalité par le moyen des groupes ainsi que celles qui permettent aux petits groupes d'agir sur les grands groupes ou sur les organisations plus vastes.
L'activité sociothérapique doit donc avoir un cadre (temps, durée, espace, action accomplie, public concerné), des objectifs énoncés au sein du projet thérapeutique de l'U.F. ou du secteur, une grille de lecture destinée à en apprécier l'efficacité. Son efficacité, sa pertinence vis à vis du projet thérapeutique global doivent être évaluées sur un plan individuel et sur un plan collectif au sein même de l'institution.
Pour les techniques impliquant une médiation artistique, la formation doit être double, l'infirmier doit non seulement être capable de se repérer au niveau relationnel, identifier ce qui se vit au niveau du groupe, mais également maîtriser la technique utilisée. Si l'infirmier n'est pas parfaitement à l'aise dans la réalisation d'une pièce de poterie, s'il ne possède pas l'alphabet que la poterie suppose il ne pourra être vigilant quant à ce qui se passe au niveau relationnel.

Toutes ces activités supposent au moins quatre temps :
- un temps de préparation de l'activité, temps de rencontre des différents soignants mobilisés par l'activité (ce temps peut être plus ou moins long en fonction de l'activité : un groupe de lecture supposera la lecture du livre choisi par le groupe et un échange des soignants autour de ce livre, une activité de peinture sur soie ne réclamera que la préparation de la salle, un groupe de musicothérapie impliquera de sélectionner des oeuvres et la préparation d'une bande enregistrée);
- le temps de l'activité elle-même;
- un temps de post-groupe où les co-thérapeutes font ensemble le bilan de la séance, bilan individuel, bilan du groupe, prise en compte des inter-relations entre les co-thérapeutes, prise en compte du ressenti de chacun. Le post-groupe dont la durée peut être supérieure à celle de la séance elle-même est un temps d'évaluation;
- un temps de restitution après synthèse à l'équipe concernée (synthèse, supervision,etc.);
- il est souhaitable de s'interroger régulièrement sur la pertinence de l'activité proposée (qu'apporte-t'elle aux patients ? Peut-on considérer leur évolution comme satisfaisante ? Répond-elle toujours aux besoins des patients ? etc.)
- il nous paraît non seulement souhaitable d'animer des séminaires de réflexion sur ces activités, mais également de rédiger des articles et de les publier dans la presse professionnelle.
La notion de sociothérapie semble ainsi très proche de celle de psychothérapie montrant ainsi combien les définitions proposées en première intention étaient insuffisantes.
Le terme même de psychothérapie, écrit Bergeret, "fait apparaître le double sens qu'il est possible de donner à la définition de cette méthode thérapeutique; il s'agit en effet à la fois d'un traitement du psychisme et d'un traitement par le psychisme.


Les deux aspects spécifiques et inséparables de toute psychothérapie apparaissent donc clairement par cette affirmation de la capacité et de l'efficacité d'une technique particulière de cure qui, ne s'intéressant qu'aux aspects psychodynamiques d'une maladie comprise comme étant du domaine de l'affectivité, n'entend utiliser, comme seul moyen d'action, que l'appareil psychique lui-même; tout autant l'appareil psychique du patient, que l'appareil psychique du thérapeute."(143) Si nous considérons que toute méthode de traitement du psychisme ne s'intéressant pas prioritairement aux aspects psychodynamiques ne saurait être une psychothérapie, il devrait pouvoir être possible d'y voir plus clair.

4-D : De la dynamique des groupes

Les ouvrages consacrés à la sociothérapie s'avérant assez rares, il nous a semblé important de rappeler ici quelques évidences sur la dynamique des groupes. La première de ces évidences est que l'animation de groupe ne s'improvise pas; elle nécessite un temps de formation plus ou moins long selon l'objectif fixé au groupe.
Chacun sait, pour l'avoir vécu, que le groupe ravive des peurs archaïques, qu'on y craint le jugement d'autrui, les maladresses, le ridicule.
Réguler un groupe, c'est essayer d'être toujours en phase avec sa vie affective, sa "valence" (pour reprendre une expression chère à Bion) et l'aider à surmonter les obstacles psychologiques auxquels il est confronté. Parmi les tâches, sans cesse plus nombreuses, que doit assumer l'infirmier nous noterons les groupes d'entraînement aux habiletés sociales, les activités de réinsertion et de resocialisation. Toutes supposent de travailler en groupe. Nous n'évoquerons pas l'importance des réunions institutionnelles.
Sous peine de passer à côté d'une dimension importante des soins, l'infirmier doit posséder un minimum de connaissances sur la dynamique des groupes. La formation infirmière actuelle laissant souvent cet aspect du soin sous silence, ce chapître se veut une "initiation" à la dynamique des groupes. Il est évident qu'il est très insuffisant.
Utilisé au début du siècle pour améliorer la participation à leur traitement des malades atteints de tuberculose, le groupe thérapeutique a fait l'objet de nombreuses recherches et applications dans les champs de la psychologie sociale et de la psychanalyse à partir de la Seconde Guerre mondiale. Il existe actuellement de nombreuses formes de thérapies de groupe. Certaines, comme les groupes de discussion et les psychothérapies de groupe utilisent les échanges verbaux. D'autres sont médiatisées par la créativité artistique.
Les conceptions théoriques servant de référence aux thérapeutes oscillent de la "dynamique des groupes" à la psychanalyse. Le premier décrit les interactions dans un groupe à partir de modèles empruntés aux sciences physiques : ce qui se passe dans un groupe est la résultante de forces, s'exerçant dans l'aire de liberté laissée par les institutions sociales. Kurt Lewin considère que tout groupe fonctionne selon un équilibre quasi-stationnaire et résiste à tout changement plus important que de simples variations autour de cet équilibre. La dynamique de groupe centre son analyse sur l'interprétation du rôle de chacun dans le groupe et sur les interactions qui s'y déroulent, ainsi que sur les mouvements globaux qui animent le groupe.

Ce type de méthode facilite la prise de conscience des attitudes relationnelles de chacun et des sentiments qui les sous-tendent en s'appuyant sur l'image que renvoient au sujet les autres membres du groupe.

Le second courant se réfère à la psychanalyse. Pour Freud, la cohésion d'un groupe provient de l'identification de chacun de ses membres au même "idéal du Moi". Mélanie Klein met en évidence l'existence dans les groupes d'une double dimension symbolique et imaginaire. Il existe toujours dans un groupe un fantasme latent , sous-jacent, à l'origine du "climat" du groupe, mais aussi de ses productions. Dans l'optique psychanalytique, où la dynamique générale du groupe n'est pas totalement négligée, l'attention se porte bien évidemment sur l'analyse du Transfert de chacun des thérapeutes et sur les Transferts latéraux (horizontaux) sur les autres participants.
De ces deux conceptions vont naître des courants différents dans les psychothérapies elles-mêmes.
Nous aborderons le concept de groupe, puis l'autorité et les rôles dans les groupes restreints, les communications, la structure affective. Tout cela nous permettra de décrire les fonctions de l'animateur de réunions, les techniques qu'il utilise. Nous achèverons cette partie en faisant retour à la psychanalyse.

D-1 : Le concept de groupe

Un groupe restreint est "un ensemble d'individus dont l'effectif est tel qu'il permet à ceux-ci des communications explicites et des perceptions réciproques, dans la poursuite de buts communs." (144)
Le groupe primaire ou groupe restreint présente les 7 caractéristiques suivantes :
- Les interactions. Chaque membre du groupe agit et réagit par rapport à tel membre ou au groupe tout entier, et de façon directe, sans intermédiaire.
L'interaction postule que les conduites, les interventions, les opinions émises ne sont pas des expressions personnelles "en soi" mais sont déterminées (au moins partiellement) par ce que font ou ce que disent les autres, par une inter-influence et par une perception confuse de la situation dans la quelle le groupe comme tel se trouve.
- Emergence de normes. Les normes sont les règles de conduite qui se constituent progressivement, qui forment le code des valeurs du groupe. Ce code varie d'un groupe à l'autre.
- Existence de buts collectifs communs. La poursuite en commun et de façon active des mêmes buts, dotés d'une certaine permanence, assumés comme buts du groupe, répondant à divers intérêts des membres, et valorisés constitue le ciment du groupe.
- Existence d'émotions et de sentiments collectifs, correspondant aux situations dans lesquelles se trouve le groupe et engageant à des actions et réactions collectives. Ces deux dernières caractéristiques garantissent la cohésion du groupe.
- Emergence d'une structure informelle qui est de l'ordre de l'affectivité et qui est l'organisation et la répartition de la sympathie-antipathie, les voies par lesquelles circule l'influence, la position des membres "populaires" et des "rejetés", la naissance de "cliques" ou de sous-groupes dans le groupe, avec les pôles de conflit ou d'attraction.

Informelle parce que non-officielle, cette structure peut entrer en opposition avec une structure officielle imposée de l'extérieur.
-Existence d'un inconscient collectif. L'histoire commune vécue par le groupe, son existence collective, son passé, sont sources de problèmes latents ou de "points sensibles" qui, sans être présents à la mémoire actuelle, font partie de la vie du groupe et de ses réactions. Le groupe n'a, par ailleurs, pas conscience des phénomènes psychologiques déterminant les conduites de ses membres, et ceux-ci n'ont pas conscience des phénomènes psychologiques déterminant leurs conduites en groupe.
-Existence d'un équilibre interne et d'un système de relations stables avec l'environnement.

D-2 : L'autorité et les rôles dans les groupes restreints

La structure formelle du groupe est l'organisation hiérarchique et fonctionnelle du groupe, avec son caractère officiel et obligatoire. Tout groupe restreint qui veut durer tend à s'organiser spontanément et à engendrer une formalisation de sa structure.
Toute action groupale exige une certaine structuration, laquelle engendre immédiatement une autorité (une règle, des responsabilités groupales, des rôles et une coordination des rôles, des sanctions).
La structure formelle est relative aux objectifs du groupe, et définit des fonctions par rapport à ces objectifs. La fonction définit un des moyens stratégiques pour réaliser les buts du groupe. Elle se situe dans l'ensemble des éléments dynamiques de cette réalisation et implique un système global dans lequel elle s'insère, une place ou une position dans ce système, un rôle à tenir (remplir la fonction), des capacités (efficience, compétence).
En s'insérant dans la structure formelle, un individu se trouve investi nécessairement d'une position sociale, d'un statut officiel, d'un rôle. Mettre en question le rôle, c'est contester son utilité par rapport aux objectifs du groupe ou de l'organisme social, mettre en question la personne, c'est contester son aptitude à remplir le rôle défini par le groupe.

Par son rôle et son statut, l'individu est au centre d'un système d'attentes et d'exigences de lui à l'égard des autres, et des autres à son égard.
Cet "engloutissement" de la personnalité dans le statut et le rôle fait courir au "moi" un risque, malgré l'illusion d'affirmation de soi vis à vis des autres. L'individu est sauvé par son appartenance à plusieurs groupe impliquant qu'il a plusieurs rôles à jouer. Il peut par la réflexion se juger dans ses rôles et les mettre entre parenthèse par son sens critique ou par son sens de l'humour.
Le statut et le rôle formel servent cependant de système de défense, le "moi" s'abritant derrière son masque social. Il est ainsi très fréquent que des individus se servent de ce masque pour satisfaire leurs pulsions agressives envers autrui dès qu'ils ont une parcelle de pouvoir.
L'absence de statut et de rôle formel crée un sentiment de non-existence sociale et une vulnérabilité angoissante.

Le repérage des rôles et statuts, permet la reconnaissance des normes de comportement, facilite les rapports sociaux car on sait à quoi s'attendre et comment agir envers l'autre, dans le temps des premiers contacts. L'individu tend à opérer une redéfinition du rôle.
Tout groupe restreint existant comme groupe avec une cohésion suffisante et des buts communs se structure spontanément : certains individus prennent de l'influence, deviennent leaders, le groupe pouvant aussi devenir le théâtre et l'enjeu d'une lutte pour le leadership, entre plusieurs leaders potentiels. Cette influence spécifique détenue par un des membres du groupe est informative, normative, évaluative et asymétrique.
Quatre grandes variables sont à prendre en compte pour comprendre les phénomènes de groupe relatifs à l'autorité et au leader, variables qui impliquent chacune un "type" d'autorité.
-La structure formelle du groupe et la structure sociale hiérarchisée dans laquelle le groupe s'insère
-La situation actuelle du groupe
-La personnalité du leader
-Le groupe, sa composition, sa mentalité.

S'il est classique de reconnaître deux types de groupes, selon les objectifs privilégiés qui sont les leurs : groupes centrés sur la réalisation d'une tâche, groupes centrés sur la relation des divers membres entre eux; tous les groupes présentent à des degrés divers ces deux types de préoccupations. En conséquence, deux fonctions devront être remplies dans tous les groupes :

-fonction de facilitation quant à la tâche,
-fonction de facilitation quant aux relations interpersonnelles.
Pour faciliter la tâche à accomplir le leader doit être compétent dans la tâche que le groupe doit accomplir, capable d'initiatives et d'innovations, entêté mais réaliste et concret, capable d'entraîner l'accord des autres membres du groupe, capable de faire le point correctement quand il en est besoin, capable d'organiser le travail. On doit pouvoir compter sur lui.

Pour faciliter les relations interpersonnelles, le leader se montre amical et plein de chaleur humaine, est capable d'abaisser les tensions et aide à résoudre les conflits, encourage et conseille les autres membres du groupe, se montre tolérant vis à vis de points de vue différents, n'opère jamais de rejet, est loyal et impartial.
Ces deux fonctions sont le plus souvent assurées par deux personnes différentes.
Il est possible, en suivant Benne et Sheats de classer les rôles en trois catégories :
Les rôles centrés sur la tâche (favorisent l'activité du groupe par rapport à ses buts), les rôles centrés sur le maintien de la cohésion, et ceux qui font obstacle aux fonctions précédentes.

Les rôles centrés sur la tâche sont au nombre de 12 :

- stimuler le groupe : apporter des idées, des suggestions concernant le but, le problème actuel, la procédure, les obstacles à surmonter;
- rechercher des informations : clarifier les suggestions en fonction de leur pertinence, rechercher des faits en relation directe avec le problème discuté;
- rechercher des opinions : que pensent les autres ? de quoi s'agit-il en fait ?
- apporter des informations : d'après sa compétence ou son expérience personnelle;
- donner son opinion personnelle;
- reformuler les opinions, les propositions en améliorant leur formulation;
- clarifier et coordonner les idées, les propositions, les activités;
- orienter le groupe ou lui faire prendre conscience de son orientation, en résumant, en posant des questions sur ce qu'il fait, sur la direction qu'il prend;
- procéder à l'examen critique, évaluer ce que le groupe fait par rapport à des normes;
- rôle d'activiste : pousser le groupe à décider, à faire quelque chose ou telle chose précise;
- régler les questions matérielles pour le groupe : arrangement des chaises, aération, éclairage, enregistrement, repas, distribution de papier, etc.
- rôle de secrétaire du groupe : prendre des notes pour assurer la mémoire collective du groupe.

Les rôles de maintien de la cohésion sont au nombre de sept :
- celui qui encourage les autres, les complimente, les approuve, adhère à leurs déclarations, leur témoigne de la cordialité : dans de nombreux, il montre qu'il comprend et accepte les points de vue d'autrui;
- celui qui cherche à établir l'harmonie entre les membres du groupe, qui tente de réduire les divergences et les désaccords, de calmer les esprits, qui met de l'huile dans les rouages;
- celui qui favorise les compromis, qui cherche un terrain d'entente à l'occasion d'un conflit où ses idées ou sa position sont en cause; il transige en admettant ses erreurs, en abandonnant un argument, en tempérant sa position, en faisant le premier pas pour rétablir la position du groupe;
- celui qui sert de relais, qui maintient les canaux de communication ouverts, en facilitant la participation des silencieux ("Nous n'avons pas eu l'opinion de X...", en canalisant les bavards en proposant de régler la durée des communications, d'instaurer un tour de parole;
- celui qui formule les normes du groupe, qui indique les standards que le groupe doit tenter d'atteindre ou doit appliquer pour sa propre évaluation; - celui qui observe et commente la marche du groupe, qui regarde comment le groupe fonctionne et qui en fait part;
- celui qui opine du bonnet, qui, volontairement ou passivement accepte toujours les décisions du groupe.

Le leader ou l'animateur du groupe remplissent bien évidemment une bonne partie de ces fonctions.

Certains besoins ou rôles individuels constituent un obstacle (qu'il faut surmonter) à la cohésion ou à la progression du groupe.
L'agressif déprécie les autres, exprime son désaccord quant à leur valeur, à leurs actes ou à leurs sentiments, attaque le groupe ou ce que le groupe cherche à faire, est jaloux des propositions des autres et cherche à se les attribuer.
Le freineur est systématiquement "contre", s'oppose ou résiste sans raison, tente de revenir sur les décisions acquises ou sur les problèmes dépassés.
L'intéressant cherche à attirer l'attention sur lui en se vantant, en parlant de ses exploits personnels, en agissant de façon inhabituelle, en luttant pour ne pas être placé dans une position qu'il estime inférieure.
Celui qui prend le groupe pour un tribunal profite de l'occasion d'avoir un public pour exprimer ses "sentiments", ses "idées", ses opinions personnelles, sur des sujets sans rapport avec les objectifs du groupe.
Le négateur plaisante sans cesse et fait étalage de son manque d'intérêt pour le groupe. Cette absence d'implication peut prendre la forme du cynisme, de la nonchalance, du jeu autres comportements "hors du champ"; il ne manque aucune occasion de mettre en évidence qu' "on ne joue pas le jeu.
Le dominateur cherche à prendre le pouvoir ou à exercer une certaine ascendance en "manipulant" le groupe ou certains de ses membres. Cette manipulation peut prendre la forme de la flatterie, d'une tentative d'obtenir un statut supérieur, ou de retenir l'attention en donnant des ordres d'une façon autoritaire, en interrompant les autres.
Le battu d'avance tente d'acquérir l'aide et la "sympathie" d'autres participants ou de l'ensemble du groupe en confessant son insécurité, son état intérieur de confusion, en se dépréciant de façon irraisonnée.
L'avocat d'intérêts particuliers, étrangers au groupe se fait le défenseur de la "petite propriété", de la "mère de famille", des "travailleurs", etc.; il s'embourbe généralement dans ses préjugés et déforme à travers eux les opinions des autres.(145)

Apprendre ou réapprendre à assumer des rôles nécessaires, devenir capable de changer de rôle pour faire face à d'autres exigences de la situation devient pour Moreno synonyme d'ajustement de la personnalité sociale et d'épanouissement et d'affermissement de la personnalité. Le psychodrame et le jeu de rôles prennent ainsi une valeur thérapeutique de mobilisation de la spontanéité, de dissolution des rôles chroniques qui nous emprisonnent et nous désadaptent.

D-3 : Les communications dans les groupes restreints

Toute activité sociale suppose des échanges d'informations, soit entre les membres du groupe lui-même, soit entre les membres de groupes différents.
Ainsi que nous l'avons vu le groupe s'organise pour mener ses objectifs à bien, ce qui suppose que soient collectées des informations utiles et efficaces, et que ces informations soit distribuées convenablement entre tous ceux qui devront les utiliser, notamment ceux qui auront à les traiter de manière à préparer des décisions.
La façon dont s'effectuent ces échanges conditionne les relations entre les hommes. L'étude du mode de circulation des informations au sein d'un groupe est le moyen le plus sûr de connaître la façon dont ce groupe fonctionne et se structure.

Nous pouvons repérer deux types de message : ceux dont le contenu donne une information nécessaire à la réalisation de la tâche et ceux destinés à fournir une information quant au vécu émotionnel de l'émetteur.
Autrement dit en même temps que naît la structure formelle, naît un système de décisions, de transmissions des informations officielles descendantes et de l'information ascendante. Ces transmissions se font selon des voies organisées, dont l'ensemble forme le réseau des communications. La forme du réseau définit pour chaque poste le degré d'accessibilité des informations.
L'étude des réseaux de communication montre que le réseau en étoile (très centralisé) est le groupe le plus efficace : le temps pour trouver la solution d'un problème est plus faible, le nombre de messages est plus réduit, il y a donc moins d'erreurs, l'organisation est plus stable. Un rôle central se différencie des autres rôles.
Le cercle exige plus de messages entraîne plus d'erreurs. L'organisation du groupe est réduite, et aucun pôle particulier ne s'y dégage.
Il existe ainsi dans l'étoile une différence fonctionnelle entre les messages suivant la position des sujets qui les envoient. Le nombre de messages d'information est en corrélation avec la centralité : plus un individu occupe une position centrale, plus il reçoit d'informations et plus il en donne.
Le nombre de messages d'organisation est en corrélation inverse avec la centralité : plus un individu est en bout de chaîne, plus il demande que l'information soit organisée.
Le rôle d'un individu et la façon dont il va communiquer sont directement liés à sa place dans la structure de communication : plus sa position est centrale, plus son rôle deviendra important. Cette différenciation entraîne des conséquences au niveau des satisfactions des individus qui vivent cette situation :
-le cercle maintient plus facilement l'adhésion des participants;
-dans l'étoile, le désintérêt et le plus rapide et le niveau de satisfaction y est le plus faible.
Le poste le plus informé tendra à engendrer chez le sujet qui l'occupe plus d'indépendance, plus de sentiment de responsabilité, plus de satisfaction, inversement, l'individu en bout de chaîne se sent contraint, irresponsable, insatisfait.
Le groupe centré sur la tâche aura intérêt à adopter un réseau en étoile, le groupe centré sur les relations affectives aura intérêt à fonctionner en cercle, sur le mode réseau tout canaux (non centralisé).

D-4 : La structure affective des groupes

Réseaux et règles d'organisation ne sont pas les seuls facteurs caractérisant le groupe, les individus réagissent avec leur subjectivité. Ils peuvent par exemple, préférer leurs satisfactions personnelles à la recherche d'une efficacité. La rationalité dans le choix d'une forme d'organisation n'est pas suffisante pour expliquer le fonctionnement d'un groupe face à une tâche.

Il existe dans tous les groupes une organisation "affective" qui se crée en fonction de la nature des relations interpersonnelles. Cette organisation affective peut parfois rendre inefficace l'organisation formelle.
L'expérimentation a montré que le nombre optimum de participants à un groupe est compris entre 5 et 10.
Un certain nombre de conditions matérielles influent favorablement sur le climat affectif des groupes. Le local doit être accueillant, permettre un confort relatif et garantir l'absence de perturbations extérieures. Il faut éviter la présence de groupes de pression autour du groupe au travail. La perspective d'un temps de travail suffisant favorisera également de bonnes conditions de travail. Seules les tables rondes et ovales, ou mieux la table dite sociométrique (ovale à plan coupé pour la place de l'animateur), permettent le déploiement des interactions, aliments de la productivité du groupe, en facilitant les échanges de chacun avec tous en "face à face".
Une tension intra-groupe est un état émotionnel latent et collectif qui intervient sur le travail et l'harmonie du groupe.
Une tension négative est un état d'insatisfaction latent, éprouvé de manière pénible par les membres du groupe avant même d'être défini clairement, et qui dure en bloquant la progression du groupe vers ses buts, ou qui explose en "crise" ou "décharge de tension", secouant nerveusement le groupe.
Les types de tensions négatives les plus fréquents sont :
- les tensions par anxiété groupale, dues à un sentiment général d'insécurité, et se traduisent par l'inhibition, le silence lourd, les tentatives de diversion ou de fuite sur des activités de substitution.
- les tensions par conflit latent ou ouvert; les plus fréquents sont soit les conflits de "leadership", ou lutte entre deux ou plusieurs personnes pour dominer le groupe ou l'influencer, soit les oppositions entre sous-groupes.
- les tensions par opposition sourde du groupe à son leader, que celui-ci soit dominateur ou au contraire incapable de faire face à la situation.
- les tensions par insatisfaction ou frustration réprimée, qui s'accompagnent de mécontentement, irritation latente, et qui fusent par des exutoires (ou sur des boucs émissaires) lorsque l'explosion de la révolte est bloquée par l'impuissance, ou réprimée par le respect des règles formelles.

La décharge de tension permet un soulagement momentané du malaise groupal. Ce peut être un fou-rire général dans une discussion de groupe, le ralliement de tous à une solution de fuite, un brouhaha, une agitation générale, l'agression d'un bouc émissaire, une colère inopinée sur un point accessoire,etc.
La décharge de tension ne résout pas forcément la tension. La résolution véritable ne peut se faire que par le passage du latent au réfléchi, c'est à dire par la prise de conscience des causes déterminantes du malaise, afin de les traiter méthodiquement.

La cohésion du groupe est fondée sur la qualité du lien d'appartenance de ses membres. La qualité de l'adhésion personnelle est la résultante de l'interconnaissance, de la confiance dans les autres membres du groupe, de l'implication personnelle dans les objectifs du groupe et de l'assimilation des normes groupales.
La structure formelle est facteur de sécurité pour le groupe dans la mesure où elle est créatrice (et garante) de la paix entre les individus. Ce sentiment de sécurité disparaît lors des changements extrêmes de l'autorité (son remplacement par l'autoritarisme tyrannique ou sa disparition dans le laisser-faire. La structure formelle est facteur de confiance en l'avenir et facteur de coordination.
Parmi les facteurs généraux susceptibles de garantir un bon moral du groupe, nous pouvons repérer :
- le bon fonctionnement des relations affectives interpersonnelles correspondant à une satisfaction des membres sur les performances groupales, à une cohésion avec intercompréhension, entraide et confiance mutuelle,
- le bon fonctionnement des relations avec l'autorité formelle, correspondant à une confiance dans la structure du groupe, et à l'absence de conflits par rivalité d'influences,
- la confiance dans l'accessibilité des objectifs du groupe,
- la coopération et l'esprit de participation exprimant l'implication personnelle dans le groupe d'appartenance devenu groupe de référence simultanément. La participation aux décisions en est un aspect,
- la tolérabilité des contraintes et des pressions extérieures, - l'ambiance joyeuse,
- la maturité du groupe avec une bonne capacité de réflexion des membres.

D-5 : Les fonctions de l'animateur de réunion

L'animateur remplit essentiellement trois fonctions : une fonction de production, une fonction de facilitation et une fonction de régulation. Ces fonctions se répartissent selon trois axes : par rapport au contenu de la réunion, par rapport aux participants considérés individuellement, par rapport au groupe envisagé comme entité particulière.
Pour remplir son rôle, l'animateur doit pouvoir percevoir la dynamique des groupes, ce qui suppose décentration et objectivité.
L'animateur ne doit pas se laisser absorber ou fasciner par le sens immédiat du contenu. Si l'on ne s'intéresse qu'aux idées émises dans une discussion, sur une question précise, on perd de vue les significations des attitudes et ce qui se passe au niveau de la dynamique du groupe. Lorsqu'un participant demande à l'animateur de donner un avis personnel, celui-ci risque de ne pas se rendre compte que cet appel signifie quelque chose du point de vue de la dynamique du groupe (On veut l'impliquer ? On veut le prendre pour arbitre ? Un des sous-groupes veut en faire un allié?). Sa réponse, quelle qu'elle soit va avoir un effet au niveau de la dynamique du groupe.

Il doit éviter de s'impliquer personnellement. S'impliquer personnellement reviendrait à être aspiré par le contenu et par la vie socio-affective du groupe. Cela reviendrait à prendre parti contre tel ou tel, à se laisser envahir par l'antipathie ressenti vis à vis de tel ou tel personnage, à être exaspéré par une manière d'agir du groupe,etc. Il ne pourrait plus ni percevoir ni comprendre la dynamique du groupe.
L'animateur ne doit pas interpréter ce qui se passe, ne pas se projeter sur le groupe. Croire que le groupe fait allusion à soi alors que les préoccupations sont ailleurs, c'est le signe que ses désirs distordent sa perception, et qu'il voit seulement ce qu'il met lui-même dans ce qu'il croit être l'existence du groupe. Se décentrer c'est comprendre les phénomènes par rapport au groupe, à sa vie, à son évolution, à ses vicissitudes et rester personnellement objectif, en n'étant pas impliqué dans le contenu et sans se croire a priori personnellement concerné.
L'animateur doit être vigilant et "présent" intégralement à ce qui se passe ici et maintenant, sans distraction et sans désintérêt. Il doit être attentif au silence, à un éclat de voix, à une position de chaises ou à une posture physique discrète, à une intervention agressive, à la fréquence des a parte,etc. Il doit faire preuve d'empathie, c'est à dire "comprendre" sans pour cela se laisser entraîner par les mouvements affectifs; accepter la manière dont les autres sentent et ce que les autres éprouvent, tout en conservant une capacité intellectuelle de formulation abstraite et une lucidité nécessaire.

Par rapport au contenu de l'activité proposée au groupe, l'animateur prépare et présente la réunion, ses objectifs, son déroulement. Il fait respecter le sujet, l'ordre du jour, le plan de travail, les objectifs. Il le fait imperturbablement, sans autoritarisme, d'un bout à l'autre de la séance. Il fait le point par rapport au plan; le fait de signaler au groupe la progression qu'il a effectuée est d'une extrême importance, à la fois logique et psychologique. Le groupe peut ainsi se rendre compte du chemin parcouru et en tirer satisfaction et encouragement à poursuivre. L'animateur formule les conclusions intermédiaires, en résumant les opinions émises, les positions acquises, les décisions prises, si possible de façon synthétique. Il fait le point par rapport à l'objectif général.
Par rapport aux participants, l'animateur fait respecter l'ordre et la discipline de parole. Il arrive que, dans une réunion, se dessine une véritable lutte pour la parole, reflet de la lutte pour le pouvoir. L'animateur endigue les bavards, stimule les silencieux afin d'obtenir une sorte d'équilibre dont le but est de permettre au groupe de progresser vers ses objectifs. L'animateur doit donc découvrir à chaque moment quel est le participant qui sera le plus à même de faire progresser le groupe. Il tient compte des particularités des uns et des autres. Certains pensent tout haut en parlant et expriment au fur et à mesure leur pensée à l'état brut, d'autres sont angoissés par le silence, et ont tendance à parler de tout et de n'importe quoi pour échapper à ce silence, déclenchant ainsi des digressions, d'autres, au contraire ont besoin de silence pour réfléchir. Ces comportements se rencontrent dans pratiquement toutes les réunions, ne pas en tenir compte risque de provoquer un certain nombre d'insatisfactions. L'animateur équilibre les moments de discussion et les moments de réflexion. Il fait l'inventaire des ressources de chacun.

Par rapport au groupe en tant que tel, l'animateur fonctionne comme la conscience du groupe, bonne ou mauvaise selon le cas. Outre les fonctions consistant à faire le point et à formuler les conclusions intermédiaires qui facilitent la production du groupe, l'animateur exerce une fonction de maintien du groupe dans les conditions psychologiques optimales quant à sa production et à son fonctionnement : c'est la fonction de régulation.
Les problèmes psychologiques des groupes, sont nous l'avons vu d'une grande complexité et difficiles à prévoir. A tel moment le groupe va fuir le problème, puis attaquer l'animateur, se tourner vers un déviant pour tenter de lui faire entendre raison,etc. Des tensions, de l'agressivité peuvent naître entre deux ou plusieurs membres du groupe. L'animateur doit s'interroger : cette tension est-elle de nature à aider le groupe à progresser ou non ? Si elle est susceptible de permettre une progression, elle doit pouvoir s'exprimer et être rattachée à la tâche à accomplir. L'animateur doit analyser ces tensions. Il doit pouvoir éclairer les protagonistes et le groupe dans son ensemble sur la significations de ces tensions. Il facilite la recherche des causes des difficultés par le groupe lui-même. Il est dans ce cas là un coordinateur des recherches, il mène l'enquête de façon démocratique dans le but de permettre au groupe de reprendre sa marche.
Il doit pouvoir identifier les mécanismes de défense propres au groupe. Un participant projette sur un autre les sentiments qui sont les siens (projection). Un participant ou le groupe cherche des justifications logiques à un processus affectif et refuse ainsi sa propre implication dans le problème (rationalisation). L'un ou l'autre refuse de voir la réalité en face, nie même l'existence de phénomènes qui se produisent réellement (dénégation ou fuite). Le groupe retourne à un comportement "adolescent" ou immature, plaisante, chahute, refuse de vivre et de résoudre le problème en toute connaissance de cause (régression).
Face à tout écart par rapport au fonctionnement "normal" d'un groupe l'animateur doit s'interroger. Les silences lourds fournissent un bon exemple de ce type d'écarts.
L'animateur doit éviter de se laisser piéger, en comblant le vide dans les plus brefs délais par une relance hasardeuse. Ils ne font en fait alors que répondre à leur propre anxiété. S'ils la contrôlaient, ils essaieraient de comprendre avec le groupe les causes d'un tel silence.
Lorsque la fonction de régulation est normalement assurée, le groupe progresse dans un climat de sécurité, de respect mutuel. La participation y est authentique (et non narcissique ou forcée), le fonctionnement de plus en plus autonome par rapport à l'animateur.
L'animateur pour parvenir à cet objectif peut utiliser un certain nombre de techniques.

D-6 : les techniques utilisées par l'animateur

La reformulation est une intervention qui consiste à redire en d'autres termes, d'une manière souvent plus concise et plus explicite, ce qui vient d'être exprimé à un triple niveau :
- le contenu manifeste : ce qui vient d'être dit explicitement;
- le contenu latent : ce qui vient d'être dit implicitement, ce qui est "sous-entendu";
- le comportement non-verbal : ce qui vient d'être dit par les postures, les mimiques, le ton.

Une reformulation est considérée comme correcte lorsque l'interlocuteur se reconnaît vraiment dans cette reformulation. Dans une reformulation, les éléments dynamiques doivent toujours être privilégiés par rapport aux éléments formels du discours.
Il est important dans toute situation regroupant deux ou plusieurs personnes centrées sur la résolution d'un problème, d'accepter les règles suivantes :
- Tout ce qui est exprimé doit être considéré a priori comme étant en relation avec le problème et de nature à l'éclairer : tout est chargé de sens.
- Tout message peut être compris de plusieurs façons, selon que l'on est sensible à l'un ou l'autre des trois niveaux : manifeste, latent, non verbal.
- Certaines informations sont plus significatives que d'autres et mieux à même d'éclairer le problème. - L'animateur ne peut être le seul à déterminer la pertinence des informations au regard du problème.
Cette technique, inspirée par Rogers, est à la fois une manifestation du respect de la personne et un processus de vérification.
L'animateur qui vérifie en reformulant éclaire en effet sa propre lanterne en même temps que celle du groupe. Il peut reformuler les propos d'un seul participant s'il estime qu'ils ne sont pas clairs pour lui et/ou pour le groupe. Il peut également reformuler les propos échangés par deux ou plusieurs participants. La reformulation permet à tous de prendre conscience des points d'accord ou de désaccord qui viennent d'être exprimés, de les reconnaître plutôt que de les laisser implicites.
Elle souligne la neutralité de l'animateur face au contenu et à la forme des échanges qui peuvent se trouver ainsi stimulés.
La reformulation obligeant les autres participants à écouter, les conduits à être plus prudents dans leurs interprétations des propos d'autrui, plus humbles, donc plus attentifs à la véritable signification de ce qui est dit. Elle revêt donc une vertu pédagogique.


Alors que la reformulation consiste essentiellement à redire en d'autres termes ce qui vient d'être énoncé, la synthèse constitue un résumé ou un "rassemblement" des données essentielles énoncées par le groupe. Sa fréquence, inférieure à celle des reformulations, doit néanmoins être assez élevée pour que le groupe puisse se repérer par rapport à son propre cheminement. Plus les reformulations ont été nombreuses, correctes et éclairantes, plus les synthèses sont aisées. Le danger existe bien sûr de négliger une donnée, de ne retenir que le contenu, de mal pondérer les éléments les uns par rapport aux autres. La précaution la plus simple consiste alors à vérifier auprès du groupe le bien-fondé de chacune des synthèses partielles.

L'animateur n'intervenant pas sur la production peut cependant être sollicité directement ("qu'en pensez-vous ?") ou indirectement ("je suis sûr que notre animateur a sa petite idée sur la question"), par un ou plusieurs participants. Sauf exception l'animateur n'a pas à répondre personnellement.

Il doit s'efforcer de comprendre le sens de cet appel (les avis sont tellement différents qu'on préférerait se fier à celui d'un leader reconnu par tous, le groupe se trouve alors en phase de dépendance,etc.) et le refléter au groupe (fonction de régulation). Parallèlement à cette élucidation, il renverra les questions selon les modalités suivantes :

- au participant qui la lui a posée, s'il sent que celui-ci a une réponse personnelle à donner, c'est la question écho;
- à un autre membre du groupe que l'animateur choisit selon son aptitude du moment à répondre à cette question : c'est la question-relais;
- à l'ensemble du groupe, s'il estime qu'une telle question doit être examinée par tous : c'est la question-miroir.

L'animateur peut également utiliser le reflet-élucidation. C'est une intervention qui consiste à refléter au groupe ce qu'il vit au niveau sous-jacent. Des craintes partagées par l'ensemble du groupe peuvent bloquer son travail, un climat trop bon enfant peut servir de fuite en face du problème. L'interprétation adéquate de tels phénomènes débloque des situations qui autrement s'enliseraient dans le malaise. Les mots et le moment de l'interprétation sont affaire de sensibilité et de vigilance. C'est la disponibilité du groupe qui prime. L'interprétation ne doit être fournie que lorsque le groupe sera prêt à la comprendre. dans le cas contraire, elle glissera sur le groupe.

Ces techniques qui sont difficiles à utiliser, peuvent parfois avoir des effets malheureux. L'animateur qui renvoie agressivement sa question au participant qui la lui a posée a de fortes chances de créer des problèmes et non d'en résoudre.
Si pour élucider un conflit, il utilise un jargon ou joue à l'apprenti-sorcier, même si son analyse est judicieuse et pertinente, elle ne "passera" pas ou au contraire fascinera. Les techniques doivent coller au problème et ne pas être ressenties comme des techniques par les participants.
Tout cela suppose que l'animateur soit en mesure de saisir assez clairement le sens de ses relations avec autrui, qu'il a pu, de par son expérience, participer à des groupes de nature différente qui l'ont éclairé sur sa façon d'intervenir et de vivre une situation de groupe. En ce sens, toute situation qui crée un écart par rapport aux propres habitudes d'un individu est formatrice pour la compréhension et l'analyse des phénomènes de groupe.

D-7 : apport de la psychanalyse

Les groupes de psychothérapie utilisent la psychanalyse appliquée au groupe.
Le groupe est un objet d'investissement pulsionnel. Sa vie fantasmatique est une voie privilégiée de l'appareil psychique groupal. Les règles de fonctionnement sont proches de celles de la cure analytique. Les participants sont invités à parler librement. Le ou les thérapeutes s'abstiennent de tout contact avec les participants à l'extérieur du groupe. L'heure des rencontres ainsi que le nombre des participants sont fixés.
Ces thérapies sont indiquées pour des patients capables de mentaliser, de respecter le cadre, et pour lesquels la situation duelle serait trop menaçante ou qui ont besoin d'être gratifiés et soutenus par le groupe.

Durant les séances les thérapeutes restent neutres et utilisent l'interprétation au niveau groupal. Leurs interprétations portent essentiellement sur les mouvements qui apparaissent dans le moment présent et concernent les tensions communes aux fantasmes individuels et le jeu des identifications et des projections qui s'installent entre les membres du groupe. Le transfert individuel sur les thérapeutes est également objet d'interprétation.
Le groupe connaît un processus décrit par D.Anzieu et R.Kaës. A l'illusion groupale du début succède "l"ouverture de l'univers imaginaire groupal sur le monde symbolique". Puis se fait l'ancrage des psychés dans les corps (enveloppe psychique) avec l'automatisation des psychés individuelles.
Les séances sont le lieu et le temps consacrés à un travail collectif de symbolisation. Ce travail s'effectue à deux niveaux : un premier niveau de sublimation par réparation des positions persécutives et dépressives envers l'image maternelle. Un deuxième niveau oedipien s'exprime dans les groupes par la thématique du meurtre du père et par les thématiques annexes de la chasse aux usurpateurs et du tabou de l'inceste.
Anzieu repère le Cà dans la diversité des pulsions libidinales et agressives, le Moi dans le sentiment d'appartenance au groupe, le Sur-moi dans la règle commune à laquelle tous consentent. A cela, il est possible d'ajouter le Soi qui est la création d'un état psychique imaginaire, transindividuel, le Soi de groupe.
Selon Bion : "Le comportement d'un groupe s'effectue à deux niveaux celui de la tâche commune et celui des émotions communes. La tâche commune met en oeuvre le processus psychique secondaire (perception, mémoire, jugement, raisonnement)... il y faut aussi le deuxième niveau caractérisé par la prédominance des processus primaires avec circulation émotionnelle et fantasmatique inconsciente".(146) Selon le deuxième énoncé fondamental de Bion un groupe ne peut fonctionner que lorsque les trois "hypothèses de base" propres à l'inconscient des groupes ont été élucidées : la dépendance vis-à-vis du leader, la formation d'un couple (couplage), l'attaque-fuite (fight-flight).
L'infirmier ou l'étudiant intéressé par la dynamique des groupes pourra utilement consulter différents ouvrages : "La dynamique des groupes" de Roger Mucchielli (147), "La dynamique des groupes restreints" de Didier Anzieux et Jacques-Yves Martin (148), "Dynamique des communications dans les groupes" de Gilles Amado et André Guittet (149) que nous avons abondamment utilisés pour construire ce chapître.

4-E : La Démarche de soins infirmiers

Ecoute, apprivoisement, accompagnement, relation d'aide, contenance, suppléance, incitation, sociothérapies tout cela ne sert à rien si ce n'est inscrit dans la démarche de soins. Aucun soignant n'est propriétaire de ce qui se noue entre le patient et lui. Toute relation établie avec le patient a l'institution soignante comme cadre et le plan de soin instauré comme référence.
La démarche de soin est une méthode qui devrait à terme modifier de fond en comble la prise en charge des patients psychotiques. Correctement comprise, grâce à la permanence induite par l'écrit, elle permet de prendre date, de poser des repères dans le temps, d'évaluer les actions entreprises. Elle permet d'organiser le soin infirmier et constitue en quelque sorte la mémoire des différents soins entrepris pour un patient donnné.

Chacun s'accorde à reconnaître que la démarche de soins -méthode organisée et systématique dont le but est de donner des soins infirmiers individualisés- se décompose en cinq étapes : le recueil ou cueillette des données, l'analyse des données (diagnostic), la planification, la réalisation et l'évaluation.
Parmi ces cinq étapes, la plus importante nous semble être celle de recueil des informations qui va orienter l'ensemble de la démarche. Elle débute à l'entrée du patient dans l'unité de soins et se poursuit tout au long de son séjour, constamment enrichie et constamment remise en cause. Elle ne saurait être exhaustive. Toutes les étapes de la relation soignant-soigné, toutes les activités proposées auront également pour but de recueillir des données qui permettront de réactualiser la démarche. Quelles que soient les informations recueillies, leur qualité, le domaine sur lequel elles portent, le patient ne saurait s' y résumer. Là encore, ce qui compte c'est ce que nous ignorons du patient, et ce que nous supportons d'ignorer. L'essentiel nous paraît être de considérer le patient comme un sujet.
Nous ferions même de ce "considérer le patient comme un sujet" le premier temps réel de la démarche de soins, un préalable indispensable sans lequel nous ne saurions parler de démarche de soins.
Le deuxième temps, ou temps d'analyse des données, n'est pas un temps moins important, ne serait-ce qu'en raison du fait que recueillir des données pour recueillir des données ne sert à rien. Il faut tenter de donner un sens à ces données, les interpréter. Ainsi que le notent Cook et Lee Fontaine : " A l'heure actuelle, le diagnostic infirmier est le maillon le plus fragile de la démarche de soins" (150). Nous allons voir pourquoi.
Rosalinda Alfaro, auteur de "Démarche de soins mode d'emploi" écrit : " Contrairement au modèle médical axé sur le traitement de la maladie, la démarche de soins est une approche globale qui considère autant les problèmes en présence que leurs effets sur le fonctionnement très personnel d'un être humain"(151).
Le médecin traiterait la maladie, l'infirmier s'occuperait, lui, de la personne globale. En pratique, tout ne paraît pas si simple, est-il si évident que le psychiatre ne traite que la maladie ?
Même si nous n'avons pas présenté les psychothérapies de soutien, ni le déroulement d'un entretien médical, chacun se doute bien que le psychiatre dans son approche du patient schizophrène considère d'abord l'individu malade, son vécu, les effets de ses problèmes sur son fonctionnement.
Qu'évoque le patient en entretien, sinon lui-même ? Qu'entend le psychiatre lorsqu'il l'écoute ? La maladie ou l'histoire de cet individu là et les liens qu'il peut faire ou ne pas faire à partir de cette maladie là ? Imaginer autre chose serait à coup sûr se méprendre sur le rôle du psychiatre.
Si à l'hôpital général, les champs d'action sont mieux séparés, il n'en va pas de même en psychiatrie. Confrontés à un patient délirant et/ou halluciné psychiatres et infirmiers, ont-ils réellement une approche différente?
Ainsi que nous nous n'avons cessé de le montrer, il paraît difficile de considérer qu'en psychiatrie la démarche de soins, qu'elle soit infirmière ou médicale, renvoie à autre chose qu'à une approche globale qui considère autant les problèmes en présence que leurs effets sur le fonctionnement très personnel d'un être humain.

Il est aujourd'hui impossible à un psychiatre d'oublier la dimension biopsychosociale du patient qu'il suit : les fermetures de lit, la nécessité de trouver des solutions aux problèmes sociaux constamment plus aigus de patients de plus en plus souvent chômeurs, SDF, ou dépourvus de cartes de séjour lui rappellent constamment la dimension sociale du soin.
Ainsi que l'écrit J.D.Guelfi : "A la différence de l'examen médical où le recueil des signes cherche la généralité de la maladie plus que les singularités du patient, l'examen psychiatrique tend à une connaissance et une compréhension aussi larges que possible de la globalité de la personne du malade et de son histoire personnelle et familiale, dont il privilégie les particularités".(152)
Si la démarche diagnostique est aussi nécessaire qu'en médecine, elle n'est certainement pas suffisante pour indiquer les orientations du traitement ou prévoir une évolution. "Les principales décisions thérapeutiques, précise Guelfi, auront à tenir largement compte d'informations concernant la personnalité du patient, son passé personnel ou son entourage familial et social. L'importance de ces facteurs circonstanciels, non directement liés aux manifestations pathologiques, implique une connaissance et une compréhension aussi larges que possible de la vie du patient, des données objectives qu'il peut apporter et de l'expérience subjective qu'il traverse."(153)
Le symptôme ne se résume pas à un simple dysfonctionnement, il renvoie comme toutes les réactions et comportements du patient à la totalité de la personne. Symptômes et conduites s'expriment en référence à l'histoire du développement de chacun. Ils sont un langage à déchiffrer.
Ainsi que l'énoncent P.Bernard et S.Trouvé "il ne s'agit pas en psychiatrie de retrouver des signes de telle ou telle maladie dans les symptômes exprimés par le malade. Les symptômes ou les conduites pathologiques sont porteurs de sens, le plus souvent celui d'un désir du malade. La conduite pathologique est un compromis imaginé laborieusement -mais inconsciemment- par le sujet. Par ce moyen précaire, il a trouvé ainsi à équilibrer la dynamique instable de son affectivité et à maintenir tant bien que mal le système économique propre de sa personnalité. Pour toutes ces raisons, notre démarche sémiologique ne nous conduira pas à rechercher les signes d'une "maladie mentale", et la nosographie (classement des maladies) n'aura qu'une place accessoire."(154)
Il suffirait, à ceux qui doutent de cet aspect biopsychosocial du soin de reprendre tout ce que nous écrivions à propos de la schizophrénie, notamment les références au DSM 3 et au CIM 10.
Il ne s'agit pas pour nous de critiquer l'ensemble des théories sous-jacentes aux diagnostics infirmiers.
Supposons un enfant hospitalisé pour une appendicite. Il pourra être angoissé par l'opération, par la rupture avec son milieu familial, par l'aspect déshumanisé du lieu de soin, etc. Cette angoisse pourra entraîner une insomnie. Nous serons alors fondés à poser le diagnostic infirmier de modification des habitudes de sommeil liée à la crainte de l'opération, à la rupture avec le milieu familial, à la perte des points de repère habituel se manifestant par une insomnie, des pleurs, etc. Nous en déduirons un accompagnement spécifique à base d'écoute, l'infirmière envisagera éventuellement de lui raconter une histoire pour l'endormir, etc. L'objectif sera de permettre à l'enfant de passer une nuit reposante. L'évaluation sera facile à effectuer.

Théorie et pratique coïncident parfaitement. Le diagnostic infirmier posé se différencie totalement du diagnostic médical. Nous percevons bien comment le diagnostic enrichit la pratique et la réflexion infirmières.

Supposons maintenant un patient psychotique, suivi par le secteur depuis dix ans, hospitalisé pour recrudescence délirante. Le recueil de données fait apparaître (entre autres) un laisser-aller au niveau de l'hygiène corporelle, un domicile envahi par les excréments accumulés depuis six mois. Nous pourrions estimer pertinent de poser le diagnostic infirmier d' "Incapacité partielle de se laver et d'effectuer ses soins d'hygiène" et celui d' "Incapacité partielle d'organiser et d'entretenir le domicile". Nous ne sommes pas sûrs que le terme incapacité soit celui qui corresponde le mieux. L'entretien infirmier montre que le patient sait parfaitement qu'il faut se laver, comment se laver, etc. Il s'énerve d'ailleurs très rapidement lorsque ce sujet est évoqué. L'infirmier, sous peine d'être perçu comme un agresseur, doit très vite passer à un autre sujet. Quant aux excréments, ils apparaissent comme au coeur du délire. Le problème n'est pas tant d'intervenir, cela a été fait en urgence, que de prévenir une récidive. L'assistante sociale, après synthèse au sein de l'équipe pluridisciplinaire, a prévu une aide à domicile que le patient refuse énergiquement. La seule solution acceptable pour ce patient est, dans un premier temps, l'organisation de visites à domicile effectuées avec son infirmier référent.
Nous percevons d'emblée la complexité de la situation. L'incapacité d'effectuer ses soins d'hygiène, d'entretenir le domicile ne sont pas des problèmes de santé au même titre que la modification des habitudes de sommeil chez l'enfant atteint d'une appendicite. Ils constituent quelques uns des symptômes de la schizophénie et devraient donc à ce titre donner lieu à des actions prescrites par le médecin qui se réfèrerait ainsi à une démarche globale. C'est bien pour cela qu'une visite à domicile est prescrite. Concernant l'incapacité d'effectuer ses soins d'hygiène, le médecin pourrait également prescrire la participation au module "hygiène et apparence personnelle" proposé par le secteur. Nous percevons dans ce cas de figure que l'ensemble des actions infirmières s'inscrit dans le cadre du rôle "dépendant" ou du rôle délégué. Il ne servirait donc à rien de poser des diagnostics infirmiers. Si un tel positionnement peut être cohérent sur un plan théorique, il a un coût économique : l'impossibilité d'informatiser le soin psychiatrique et partant l'impossibilité de chiffrer le coût social du soin psychiatrique, d'où un risque évident de diminution de moyens. Précisons que le rôle délégué, en ce qu'il reconnaît à l'infirmier la possibilité d'effectuer des actes à visée psychothérapique ne nous apparaît pas restreindre le rôle infirmier.
Il serait possible d'appliquer ce que nous apprennent les cadres-enseignants dans les IFSI sans réfléchir, sans nous interroger sur la validité clinique de ces diagnostics, nous poserions alors le diagnostic infirmier d'incapacité partielle de se laver et d'effectuer ses soins d'hygiène se manifestant par une odeur désagréable, des cheveux gras, un menton non rasé, etc. lié à ... Il devient difficile de proposer un facteur favorisant réellement satisfaisant. Le seul satisfaisant serait de se référer au diagnostic médical de schizophrénie puisque cette incapacité est précisément un des symptômes négatifs de la schizophrénie résiduelle. Mais cela est impossible, car nous sortirions du cadre des diagnostics infirmiers.
L'entretien avec le patient devrait nous permettre d'identifier un facteur favorisant satisfaisant. Nous avons vu que le patient dénie le trouble.

Faut-il abandonner ce diagnostic et poser celui de déni de la pathologie ? ou de stratégie d'adaptation individuelle inefficace (après tout ne pas se laver n'est pas, dans notre société, une stratégie efficace, puisqu'elle va impliquer un rejet social) ?
Le fait que le patient dénie la pathologie identifiée par l'équipe soignante signifie-t-il qu'il dénie toute pathologie, ne pourrions nous trouver un consensus entre ce qui lui pose problème et qui renvoie d'une façon ou d'une autre à son délire et le diagnostic médical ?
Cette difficulté à proposer des facteurs favorisants satisfaisants ne risque-t-elle pas à terme de nous conduire à sur-utiliser le diagnostic de stratégie d'adaptation individuelle inefficace ? Après tout, qu'en savons-nous ? L'équipe infirmière ou médicale est-elle la mesure de toute chose ?
Il serait possible de relier notre diagnostic d'incapacité à la perte de contact avec la réalité, à des facteurs multiples tels que les sentiments de dépersonnalisation et de déréalisation, l'auto-dévalorisation, l'adoption de rôles ambivalents et la confusion pour ce qui est de l'identité personnelle, cela pourrait être juste cliniquement. Notons que nous substituons au diagnostic médical de schizophrénie résiduelle, un certain nombre de symptômes qui décrivent précisément cette pathologie, de ce point de vue nous n'avançons pas d'un pas. Enfin supposons. Après tout ces facteurs favorisants sont tirés de "Soins Infirmiers-psychiatrie et Santé mentale" (155) et sont donc censés faire autorité.
Ces facteurs favorisant identifiés, nous allons procéder comme pour l'enfant momentanément insomniaque. Ayant émis l'hypothèse que l'enfant n'arrivait pas à s'endormir parce qu'il craignait d'être opéré, parce qu'il était séparé de sa famille, parce qu'il n'avait plus ses points de repères habituels, nous avons entrepris de lui expliquer l'opération, ou de lui conter une histoire dans laquelle le héros sortait grandi d'une aventure périlleuse, nous l'avons encouragé à appeler ses parents, nous lui avons montré où était la sonnette et qu'il pouvait nous appeler à tout moment. Bref, les actions proposées découlaient logiquement des facteurs favorisants identifiés. Les facteurs disparaissant, les manifestations d'insomnie cessaient.
Emettant l'hypothèse que l'incapacité d'effectuer ses soins d'hygiène est due à la perte de contact avec la réalité, à des facteurs multiples tels que les sentiments de dépersonnalisation et de déréalisation, l'auto-dévalorisation, l'adoption de rôles ambivalents et la confusion pour ce qui est de l'identité personnelle, nous allons devoir favoriser un meilleur contact avec la réalité, traiter les sentiments de dépersonnalisation, etc. ce que nul ne sait faire. Nous nous mettons nous-mêmes, et plus grave, le patient avec nous, en position d'échec.
Il serait possible, comme le propose J-L Gérard d'énoncer notre diagnostic de cette façon : "Incapacité partielle ou totale de se laver/d'effectuer ses soins d'hygiène, se manifestant par un manque d'hygiène corporelle, en lien avec une perte d'intérêt de l'image de soi." (156). Notons qu'il serait plus court, selon nous, d' énoncer un diagnostic infirmier de "Manque d'hygiène", notons encore que Gérard, après avoir effectué son recueil de données, s'est référé dans un premier temps à la sémiologie médicale, puis dans un second temps à la psychodynamique (dont il n'est nulle part question dans les traités de diagnostic infirmier), ce qui donne de la pertinence et de l'épaisseur aux divers diagnostics proposés.
Malgré cela, les liens proposés ne nous semblent pas tout à fait convaincants. Il y manque un soubassement théorique, une étude sémiologique sur l'hygiène qui reste à faire.

Pour quelles raisons un individu donné et notamment un patient psychotique manque-t-il d'hygiène, à quelle conception personnelle du corps et de ses soins cela fait-il référence, à quelle éprouvé corporel cela renvoie-t-il ? Comment se structure l'image du corps ?
Il ne nous semble pas évident que c'est en raison d'une perte d'intérêt de l'image de soi qu'un patient ne se lave pas. C'est peut-être parce qu'il a une perturbation de l'image du corps, peut-être parce que ce corps est trop investi, qu'il craint de se dissoudre dans l'eau, que la peau n'est pas perçu comme une frontière suffisamment fiable entre dedans et dehors ?
Si nous admettons avec Gérard que ce manque d'hygiène est favorisé par la perte d'intérêt de l'image de soi, il nous faudra intervenir non pas uniquement sur l'hygiène mais également sur l'image que le patient se fait de lui-même. La résolution du problème intervient lorsque disparaissent les facteurs favorisants. L'objectif n'est plus seulement que le patient parvienne à maintenir une bonne hygiène corporelle mais qu'il réinvestisse son image de lui-même, réinvestissant l'image de lui-même, il devrait, si nous avons bien identifié le facteur favorisant retrouver une hygiène corporelle de meilleure qualité.
Les interventions infirmières porteront sur l'hygiène, bien évidemment, c'est une question de réalité mais prendront en compte toute occasion de permettre au patient de retrouver une meilleure image de lui-même (réunion soignants-soignés, lever, repas, divers groupes proposés par l'équipe, soit l'ensemble des activités de la vie quotidienne proposées au patient).
Si nous reprenons l'exemple proposé par Gérard, nous pourrons dire que c'est parce que nous aurons permis à la patiente de retrouver une meilleure image d'elle-même qu'elle pourra améliorer son hygiène (c'était le but), être moins anxieuse et donc reprendre contact avec son employeur, s'intéresser à son traitement afin d'éviter une rechute, et supporter les stress de la vie courante sans se mettre à délirer à tout coup.
Pour en revenir à notre patient, ce qu'il faut repérer ce ne sont pas les problèmes qui sont la plupart du temps en psychiatrie des symptômes mais les facteurs favorisants, ce qui implique comme le fait Gérard de s'intéresser à la psychodynamique. Autrement dit, le manque d'hygiène n'est pas l'essentiel, ce qui est essentiel c'est la dynamique psychique sous-jacente. Nous pourrions probablement faire l'hypothèse que ce patient psychotique bien stabilisé a été confronté à une situation pour lui intolérable qui a fait basculer ses repères dedans/dehors, le mettant face à une sensation d'épanchement de sa matière vitale entraînant une efflorescence délirante et l'impossibilité de quitter ses matières fécales. Le soin infirmier devrait, dans un premier temps, avoir pour but de l'aider à retrouver ses repères dedans/dehors, à refermer la plaie béante. Toutes les activités de la vie quotidienne auront pour but de favoriser ce repérage. Dans un second temps, il sera nécessaire de l'aider à repérer ces éléments fragilisants.
Cet exemple, nécessairement simpliste, illustre ce que pourrait être selon nous un diagnostic infirmier en psychiatrie.
S'il est nécessaire d'analyser les données recueillies, faut-il pour cela se borner à utiliser la grille de lecture proposée par Gordon ?
L'American Nurses Association (ANA) a eu la bonté d'autoriser la mise sur pied d'un projet visant à formuler des diagnostics infirmiers propres au milieu de soins psychiatriques.

La première liste de diagnostics infirmiers en psychiatrie, Psychiatric Nursing Diagnoses, First Edition (PND-1) a été présenté aux infirmières lors du congrès de l'ANA en 1988.
Sans recul, la France a emboité le pas. Y-a-t-il eu création d'un groupe de travail, composé d'infirmiers de terrain, chargé d'examiner le bien-fondé clinique de cette liste ? Quelqu'un s'est-il intéressé aux pratiques de ces infirmiers de terrain ? Quelqu'un s'est-il soucié de repérer les théories de soins réellement utilisées en psychiatrie en France ? Non !
En France on utilise Virginia Henderson. A l'exception de Rosette Poletti, nul ne s'est donné la peine de traduire Hildegarde Peplau. Son ouvrage, "Relations interpersonnelles en soins infirmiers" publié en 1952 ne sera traduit en français qu'en 1995. De qui se moque-t-on ?
Si nous sommes bien d'accord sur la nécessité d'analyser les données recueillies, pourquoi faut-il utiliser une grille qui s'apparente fortement au comportementalisme, qui ignore l'inconscient et son fonctionnement, qui propose des définitions aberrantes du déni, et qui dénie tout le travail de théorisation effectué par les infirmiers et les psychiatres français ?
En France, le soin en psychiatrie (qu'il soit infirmier ou médical) n'a pas pour but d'annuler le trouble observé ou de modifier la structure de la personnalité d'un individu mais de permettre à l'individu de réagir aux difficultés de vie, aux épreuves intérieures sans exploser, de lui permettre d'intégrer ce qu'il peut de l'expérience difficile en essayant de respecter le mode d'organisation de sa personnalité.
Comment différencier diagnostic infirmier et diagnostic psychiatrique ?
"Toute réaction à un agent stressant, à un problème médical actuel ou potentiel ou à une étape du développement d'une personne, d'une famille ou d'une collectivité qui exige, pour y remédier, les compétences d'une infirmière" (157) est considéré comme un problème de soins infirmiers.
Cette façon de définir le problème de soins infirmiers nous semble assez suspecte dans le cadre d'une équipe pluridisciplinaire. Il y aurait des problèmes de soins infirmiers, de soins ergothérapiques, des problèmes socio-éducatifs, etc., chacun s'arrachant un morceau du patient au nom de sa spécificité professionnelle. Il est évident que dans les lieux où les contraintes économiques ont chassé les infirmiers (certaines maternités, par exemple), il n'y aurait pas de problèmes de soins infirmiers.
Les difficultés de sommeil du patient en état maniaque sont-elles une réaction à un agent stressant, à un problème médical ou un des symptômes de l'état maniaque ? Constituent-elles un problème de soins infirmiers ? Exigent-elles les compétences d'un infirmier ? L'incapacité du patient psychotique à effectuer ses soins d'hygiène est-elle une réaction à un agent stressant, à un problème médical ou un des symptômes de la schizophrénie résiduelle ? Constitue-t'elle un problème de soins infirmiers? Est-elle de la compétence de l'aide-soignant, de l'infirmier, de l'ergothérapeute, du psychologue ?
Référons-nous à Rosalinda Alfaro : qu'entend-on par fonctionnement personnel ? Est-ce autre chose que la personnalité du sujet ou sa structure ? Qu'entend-on par personnalité et par structure ?

Si nous définissons la personnalité comme l'organisation dynamique des aspects intellectuels, affectifs, volitionnels, physiologiques et morphologiques de l'individu, nous admettrons que celle-ci conditionne largement les réactions d'un individu à un problème donné qu'il soit d'ordre physique, psychique ou social. La prise en charge infirmière devra dans tous les cas de figure, quel que soit le problème (identifié ou non par le patient), prendre en compte la personnalité du patient.
Autrement dit, la façon qu'a un patient de réagir à un problème de santé découle de sa structure de personnalité (qu'elle soit organisé sur un mode pathologique ou non), ne pas prendre en compte cette structure s'avère être un non-sens.
Nous avons vu que la nature des problèmes rencontrés découlait même souvent de cette structure : qui dit schizophrénie dit par exemple : altération de la communication verbale, altération des opérations de la pensée, manque de loisirs, perturbation des interactions sociales, altération de la perception sensorielle, etc., etc.. A quoi sont dus ces problèmes, qui se confondent souvent avec les symptômes sinon à la maladie elle-même ?
C'est ainsi, nous l'avons vu, que le CIM 10 définit la schizophrénie résiduelle comme le stade chronique de l'évolution d'une maladie schizophrénique, avec une progression nette à partir du début jusqu'à un stade tardif caractérisé par des symptômes "négatifs" durables, mais pas obligatoirement irréversibles, par exemple ralentissement psychomoteur, hypoactivité, émoussement affectif, passivité et manque d'initiative, pauvreté de la quantité et du contenu du discours, peu de communication non-verbale (expression faciale, modulation de la voix et gestes), manque de soins apportés à sa personne et performances sociales médiocres. Ne retrouve-t'on pas là , sous une autre forme (plus psychiatrique) l'ensemble des diagnostics infirmiers identifiés dans ce type de schizophrénie ? Nos problèmes de santé ne sont en fait, la plupart du temps, que des symptômes d'un dysfonctionnement psychique. Assumons le.
Il est clair qu'en nous référant à la notion de personnalité ou de structure nous ne nous référons ni à un modèle médical, ni à un modèle infirmier mais à un modèle qui donne toute sa place à l'aspect psychodynamique de la personnalité.
Nous n'avons pas attendu les théoriciens anglo-saxons pour penser le soin. Face au néant conceptuel qui régnait en psychiatrie dans les années 70-80, il nous a bien fallu recueillir des informations auprès du patient, les mettre en forme, les analyser, identifier des problèmes, proposer des actions pour les résoudre, et, évaluer ces actions. Si la psychiatrie française est aujourd'hui, une des plus modernes, c'est bien aussi parce que des infirmiers conceptualisaient leur pratique et innovaient.
Où avons-nous trouvé les concepts qui nous permettaient de penser le soin ? Nous les avons trouvé chez les psychologues cliniciens, qui comme nous, ne se souciaient pas d'abord des symptômes mais cherchaient à comprendre le fonctionnement intime du patient et essayaient de discerner comment ces symptômes s'intégraient dans le fonctionnement très personnel d'un être humain. Et pourquoi n'aurions-nous pas emprunté des concepts à des professionnels qui incarnaient une certaine ouverture d'esprit ? Pourquoi ne serions-nous pas partis des concepts qui nous avaient nourris en nos années de formation ? Ces références n'ont-elles pas fait leurs preuves ?

Désireux d'aller au bout de leur démarche, certains d'entre nous ont même effectué un parcours psychanalytique.
La psychothérapie institutionnelle contribuait à légitimer ces concepts et cette pratique. Cette façon de penser s'est avérée féconde, citons parmi les grands théoriciens français : Sapir, Anzieu, Kaës, Lacan, Piera-Aulagnier, Pankow, Dolto, Oury, Tosquelles, Guattari, Mannoni, Olivenstein, Racamier, Hochmann, Lebovici, Diatkine, etc. Nous noterons qu'un certain nombre de théories portent sur le groupe et sur l'institution. Des théories de soin infirmiers traduisant cette grande richesse conceptuelle restent à élaborer. Il serait également nécessaire de prendre en compte les écrits de Laplantine, de Collières, de Loux, toute cette réflexion dont Gérard et Aït Abdelmalek se font les porte-parole dans leur ouvrage remarquable ("Sciences humaines et soins" op.cit.).
Nous avons ramené de notre quête les concepts de clivage du moi, de déni de la réalité, de contre-transfert, de rejet, de quête fusionnelle. Nous en avons acquis une attention toute particulière aux mécanismes de défense. Pourquoi faudrait-il renoncer à ces acquis ?
Il ne s'agit pas pour nous de remettre en question la démarche de soins en tant que méthode mais de montrer que les conceptions théoriques présidant à l'élaboration des diagnostics infirmiers sont une sorte de bouillie pour les chats dont aucun matou ne voudrait.
Prenons quelques diagnostics reconnus par l'ANADI : stratégies d'adaptation individuelle inefficaces, déni non-constructif, risque de violence envers soi ou envers les autres.
Existe-t'il un patient quelconque hospitalisé en psychiatrie pour lequel le diagnostic infirmier de stratégie d'adaptation individuelle inefficace ne pourrait être posé ? N'est-il pas hospitalisé justement parce que ses stratégies d'adaptation sont inefficaces ? Qu'entend-on pas déni non-constructif ? Existe-t'il des dénis constructifs ? A partir du moment où un patient est hospitalisé en H.O. parce qu'il peut être dangereux pour les autres ou pour lui-même, comment pourrions-nous éviter de poser ce diagnostic pour tout patient hospitalisé en H.O. ?
Nous savons bien qu'il est nécessaire d'élaborer la démarche de soins avec le patient, il nous semble cependant que le nombre de patients susceptibles d'énoncer qu'ils peuvent être dangereux est assez limité. Il en va de même pour le déni. Il est dommage que flou et lapalissades contribuent à donner une image caricaturale du soin. Cet à peu près éloigne certainement beaucoup d'infirmiers de la démarche de soins. Cet à peu près cause également l'échec de nombreux plans de soins, ce qui est beaucoup plus grave. Confondre réaction à une modification de santé et symptôme n'aide pas à considérer le patient comme une personne, bien au contraire. Cette confusion conduit l'infirmier à poser des objectifs de soins irréalistes (avec l'assentiment du patient), qui visent à supprimer le problème et non pas à permettre un réaménagement interne. Cet échec annoncé risque de précipiter en retour un phénomène de rejet du patient, rejet d'autant plus probable que rien ne vient permettre de penser le contre-transfert.
La pratique infirmière en psychiatrie consisterait à soutenir le patient dans sa tentative pour recoller les morceaux, ce qui suppose des façons spécifiques de l'accompagner dans son travail de réappropriation de lui-même.


Nous dirons que le diagnostic infirmier, s'il en faut un, prend spécifiquement appui sur le quotidien du patient (que ce patient soit hospitalisé ou suivi dans une structure du secteur), sur le sens que revêt chacun de ces actes quotidiens (ce qu'il en dit, ce qui s'élabore de concert, ce que l'équipe peut en percevoir), sur la relation établie avec l'infirmier ou l'équipe infirmière (apprivoisement, accompagnement) et que le diagnostic psychiatrique se réfère aux aspects psycho-économiques et psychodynamiques du soin.
Nous ne développerons pas plus avant la démarche de soins, qui ne constitue pas le but de ce livre. Nous nous contenterons de conseiller au lecteur l'excellent ouvrage réalisé par l'INFIPP sous la direction de Pierre Doussot et Yves Thiébaud "Du soin à la personne" (notamment le chapître IV).
" La démarche de soins est en son fond une attitude, un état d'esprit, une philosophie de soins. Chaque personne soignée bénéficie d'une attention particulière, d'un vigilant respect de ce qu'elle est, de ce qu'elle a été, de ce qu'elle va devenir.
La démarche de soins est un accompagnement relationnel mené par une personne soignante, à l'écoute de la personne soignée, et disponible pour cette personne qui bénéficie de ses prestations."(158)
La schizophrénie s'avère être, au total, une pathologie chronique extrêmement invalidante. Le schizophrène apparaît comme un sujet aboulique, apragmatique, délirant, au discours flou, incapable d'utiliser les connaissances acquises en raison de troubles du cours de la pensée.
Le traitement d'une affection aussi hétérogène dans ses manifestations, son évolution et ses facteurs pathogènes ne saurait être codifié. Nous avons vu qu'il reposait sur l'utilisation thérapeutique du milieu, sur les traitements biologiques et sur la psychothérapie, qu'elle soit individuelle lorsque cela est possible ou de groupe.

Nous nous sommes intéressés aux différentes modalités de traitement et avons perçu que si ces traitements pouvaient être efficaces contre les symptômes positifs, ils s'avéraient souvent impuissants à améliorer les symptômes négatifs, quand ils ne contribuaient pas à les majorer.

Nous avons montré que les pratiques psychothérapiques atteignaient vite leurs limites, et qu'elles impliquaient souvent un traitement long dont ne bénéficiaient que les patients les moins dissociés. Nous avons montré que l'art-thérapie, en ne privilégiant pas, dans un premier temps, la verbalisation pouvait s'avérer extrêmement utile, notamment pour l'abord des symptômes négatifs; le but des arts-thérapies pouvant être de permettre un réinvestissement de l'objet.
Les psychothérapies non psychanalytiques font entrer en jeu les principes généraux des expériences de groupes réalisés au niveau de l'étude psychosociale des relations humaines, et, en particulier celles réalisées, à la suite de K.Lewin, sur la dynamique des groupes. L'avantage de la psychothérapie de groupe sur la psychothérapie individuelle réside dans la facilité d'exploiter les dynamismes liés à un transfert latéral entre les membres du groupe.
La psychothérapie de groupe permet des changements évidents d'attitude relationnelle, une meilleure adaptation aux réalités, une diminution de l'angoisse persécutoire, une diminution du besoin compulsif d'autopunition.

"L'intérêt de toutes les approches groupales, quel qu'en soit le prolongement technique original, correspond au souci des différentes écoles, se référant à la psychosociologie appliquée, de mettre en évidence dans un champ communicationnel organisé, des attitudes affectives et des comportements qui traduisent l'origine et le sens des blocages et des régressions imaginaires, et rendent ces blocages et ces régressions abordables, en termes simples et assez directs, étant donné la multiplicité des identifications utilisables, chacune perdant du même coup, une partie de sa toxicité individuellement projetée, ce qui paraît fort important pour l'ensemble de la cure chez certains psychotiques." (159). Il y a bien évidemment là un terrain d'action pour des infirmiers, garants du champ communicationnel. Avant de montrer comment la bibliothérapie se situe dans un tel champ, nous allons nous intéresser à la lecture en tant que médiation.

Chapitre 3 : Du côté de la médiation, qu'est-ce que lire ?





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