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" Dans une démocratie, la logique du soin
ne peut pas être opposée à la logique
des droits de l'homme, tant il est évident que,
notamment en psychiatrie, on ne saurait soigner
quiconque au mépris de la personne et, par conséquent,
au mépris des droits de l'homme les plus élémentaires."
P. Bernardet


La liberté de circulation : portes ouvertes, portes fermées ?

Anne Marie LEYRELOUP Emmanuel DIGONNET

2005

"Renoncer à sa liberté
c'est renoncer à sa qualité d'homme,
aux droits de l'humanité,
même à ses devoirs."
Du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau




Cet article est paru dans le livre coordonné par Aude Caria : La démarche qualité en santé mentale Une politique au service des patients


Pourquoi se préoccuper aujourd'hui de l'ouverture ou non des portes d'entrée des services d'un hôpital psychiatrique ?
Beaucoup s'accordent à dire que pour qu'un service de psychiatrie reste ouvert, il faut du personnel en nombre. Cette affirmation fait l'impasse sur la réflexion des soignants sur leur philosophie du soin. Cette réflexion ne va pas de soi. C'est pourquoi notre groupe de recherche a choisi de mener une enquête sur ce thème dans les services d'hospitalisation de l'hôpital Esquirol.

Il y a une dizaine d'années, la plupart des services de psychiatrie se sont inscrits dans une dynamique d'ouverture des portes. Ce mouvement naissait d'un souci d'ouverture de l'hôpital vers l'extérieur, de désinstitutionnalisation mais aussi de respect des droits des patients. Cette question a amené des réponses très variables d'un lieu à l'autre. Par exemple, certains ont choisi de créer un service fermé pour tout l'hôpital, d'autres ont donné une priorité à l'ouverture de tous les services. Mais pour l'imaginaire populaire, et donc aussi de bien des soignants, l'équation asile/fou rime toujours avec enfermement.

1. Petit historique de l'enfermement

Pour comprendre l'enjeu soulevé par cette question, les réticences rencontrées, il nous faut faire un rapide retour aux origines des hôpitaux psychiatriques et de l'hospitalisation en psychiatrie. C'est depuis le milieu du XVIIème siècle que la folie a été liée à l'internement. Cette période de l'âge classique que Foucault a appelé le grand renfermement a nettoyé par la même occasion le pays de tous les vagabonds, indigents et autres "traînes-chemins". Dans le même ordre d'idées, ceux qui sont aujourd'hui devenus infirmiers ont pour ancêtres "les gardiens de fous". Si ces images datent maintenant, nous ne pouvons nous empêcher de penser que les difficultés que nous rencontrons à réaliser une enquête sur ce thème au sein d'un hôpital tiennent sans doute à tous ces héritages.

Plus près de nous, rappelons que l'une des missions de l'hôpital psychiatrique aujourd'hui encore, consiste à isoler des personnes qui, en raison de troubles mentaux, perturbent l'ordre public. C'est souvent cet aspect qui est exprimé comme mission principale de l'hôpital psychiatrique pour le grand public. D'ailleurs, l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique parle avant tout dans le cadre d'une Hospitalisation obligatoire d'une mesure de police privative de la liberté.

Pourtant nous ne devons pas perdre de vue que la majorité des personnes hospitalisées le sont librement ; l'organisation de l'hôpital psychiatrique ne semble pas prendre en compte ce fait. L'hospitalisation serait-elle un temps hors la loi, une coupure, un isolement ? L'organisation de l'hôpital psychiatrique lui-même est tendue entre deux pôles. Le dedans et le dehors. Comme le souligne Robert Castel dans le livre de Goffman : "…cela apparaît commandé par un certains nombres de coupures… La première coupure se définit par rapport au monde extérieur. L'isolement écologique et humain de l'hôpital le constitue en microcosme social au sein duquel l'existence est vécue en négatif par rapport à la vie normale, dans une durée de vide encadrée par la rupture de l'avant, et de l'après, de l'admission et de la sortie ". La seconde coupure dont parle Castel serait celle "qui porterait entre les soignants et les soignés qui reprendrait le pôle dedans/dehors, avec le personnel qui porterait les normes et pouvoirs de la vie normale et surtout l'existence libre (le rapport de l'homme libre au prisonnier), alors que le malade serait dans un temps figé sans initiative personnelle".

2. Ce que dit la Loi


La question de la liberté et des droits des personnes hospitalisées contre leur gré évolue au fil du temps dans la Loi. La notion de service libre a fait son apparition pour la première fois à Fleury-les-Aubrais en 1909, puis en 1922 à Ste Anne sous l'impulsion d'Edouard Toulouse et sera la référence pour toute la France. Puis des circulaires vont définir et préciser l'organisation de ces services au sein des établissements relevant de la loi de 1838.
Au début des années 70 l'hospitalisation libre représente un quart des hospitalisation ; en 77 presque la moitié ; en 1987 les trois quarts. Le taux des hospitalisations sans consentement représentait en 1997 13% du total des hospitalisations en psychiatrie, contre 11% en 1988.

La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et son application au regard des libertés publiques. Elle porte réforme de la loi du 30 juin 1838 et constitue le cadre légal de l'hospitalisation du malade mental. Cette Loi pose le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation et énonce l'exception de l'hospitalisation sans consentement. Toute personne hospitalisée avec son consentement pour des troubles mentaux est dite en hospitalisation libre. Cette loi a préféré le terme d'hospitalisation libre plutôt que service libre pour les hospitalisations en psychiatrie. L'hospitalisation libre qui s'effectue dans le respect du droit au libre choix du médecin et de l'établissement de soins par le patient est la règle, cela constitue le mode le plus fréquent d'hospitalisation des patients en hôpital psychiatrique.

L'hospitalisation sans consentement des personnes atteintes de troubles mentaux dans les établissements psychiatriques publics et ceux liés par convention peut se faire selon deux modalités : à la demande d'un tiers (HDT) ou d'office (HO).

Deux critères peuvent justifier une HDT :
- Les troubles rendent impossible le consentement
- L'état de la personne impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.
Des explications sur ces notions d'immédiateté sont reprises dans les fiches d'information du 13 mai 1991 .
L'hospitalisation d'office est indiquée pour les personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes ; elle est prononcée par le Préfet.

Quel sont les droits de la personne en hospitalisation libre ?
Les mêmes droits liés à l'exercice des libertés individuelles que ceux reconnus au malade hospitalisé à l'hôpital général, énoncés dans le décret du 14 janvier 1974 :
? les droits fondamentaux :
§ liberté de penser et
§ liberté d'aller et venir
? les droits politiques
? les droits civils
? les droits relatifs à leurs situations particulières
§ droit à l'information
§ droit à la communication
§ droit à la dignité

Quel sont les droits de la personne en hospitalisation sous contrainte ?
La loi de 1990 précise que "les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son traitement". En ceci la France s'est mise en conformité avec la recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires .

On peut considérer que sept droits sont garantis au malade hospitalisé en psychiatrie, sans qu'aucune considération hospitalière d'aucune sorte ne vienne en limiter l'exercice :
- le droit de communiquer avec toute autorité appropriée (en particulier la commission départementale des hospitalisations psychiatriques - CDHP)
- le droit de prendre conseil auprès d'un avocat ou d'un médecin de son choix
- le droit et le secret de la correspondance
- Le droit d'être informé de sa situation juridique et de ses droits
- Le droit de consulter le règlement intérieur
- Le droit de vote
- La liberté de pensée et la liberté religieuse

Comme nous pouvons le voir à l'analyse de ces textes, nulle part dans la Loi n'est mentionnée l'équivalence pourtant grandement répandue dans la pratique : hospitalisation sous contrainte = service fermé. En fait, un seul texte aborde de manière directe la question de l'ouverture/fermeture des services, en insistant fortement sur le caractère exceptionnel que devraient avoir les mesures de privation de libertés. En effet, Simone Veil a pris soin en 1993, de rappeler par circulaire quelques principes relatifs à l'accueil et aux modalités de séjours des malades hospitalisés pour troubles mentaux. Elle précise que "les patients en hospitalisation libre ne peuvent en aucun cas être installés dans les services fermés à clefs ni a fortiori dans des chambres verrouillées" et que "l'atteinte à la liberté d'aller et venir librement ne peut se réaliser que pour des raisons tenant à la sécurité du malade et sur indications médicales".
"Si le placement d'un patient au sein d'une unité fermée peut se révéler indispensable dans certaines circonstances, ces circonstances doivent être exactement appréciées et la durée d'un placement limitée à ce qu'il est médicalement justifié. Ainsi l'hébergement d'un malade dans une unité fermée doit-il répondre à une indication posée par un médecin et non pas relever d'une simple commodité du service ; il doit pouvoir être remis en cause à tout moment en fonction de l'évolution de l'état de santé du patient"

Lin Daubech insiste particulièrement sur ce point : "Juridiquement, hors le cas du détenu en hospitalisation d'office, l'aliéné [sic !] placé dans un hôpital psychiatrique ne peut pas être assimilé à un condamné de droit commun, enfermé pour purger une peine. Le placement volontaire ou d'office ne constituent pas une mesure de répression mais de protection".

Allant encore plus loin, le rapport Piel-Roelandt préconise l'abrogation de la Loi de 1990 sur les soins sous contrainte. "Il ne s'agit pas de confondre traitement obligatoire et obligation de soins (…) L'obligation de soigner s'applique d'abord aux médecins, aux équipes de soins, à l'Etat dans le cadre du droit constitutionnel à la santé." L'intervention thérapeutique auprès d'une personne hors d'état de donner son consentement "n'est obligatoire qu'en référence à l'"assistance à personne en danger". Elle est éthiquement nécessaire et légalement obligatoire.". Ce rapport propose donc une "loi déspécifiée pour l'obligation de soins". Elle "s'appliquerait à toute personne dont les troubles nécessitent des soins immédiats et constituent un danger sanitaire pour elle-même et/ou pour autrui et qui refuse ou est empêchée de consentir à ces soins. La distinction entre danger pour soi et autrui permettrait de ne plus confondre l'obligation de soin et l'ordre public. Cette modification de la loi s'inscrit dans une évolution qui paraît inéluctable et qui aurait l'avantage de resituer le système français dans le droit européen".

Comme on le voit, les dispositions prises au fil des ans par le législateur pour réguler les mouvements des patients, le contrôle de leur hospitalisation ou le respect de leurs droits et libertés, témoignent de l'évolution de l'institution psychiatrique, d'un îlot asilaire d'exclusion à un fonctionnement en réseau. "Déjà la Loi de Juin 1838 ne faisait qu'adapter le droit à la conception révolutionnaire de la maladie mentale."

3. La liberté de circulation dans les établissements de santé

3.1 Le règlement intérieur de l'établissement de santé.
Tout établissement doit disposer d'un règlement intérieur. Il n'existe pas partout et pourtant il permettrait de préciser un certain nombre de règles quant aux conditions d'hospitalisation et notamment à la liberté d'aller et venir. Si pour l'hôpital Esquirol ce règlement est en cours d'élaboration, nous pouvons supposer qu'il se référera au règlement intérieur type définit par le décret 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux. Or ce dernier dans son article 22-25 stipule: "Les hospitalisés ne peuvent se déplacer dans la journée hors du service sans autorisation d'un membre du personnel (… A partir du début de la nuit, les hospitalisés doivent s'abstenir de tout déplacement hors du service)." Ceci peut tout à fait être entendu dans le cadre d'un contrat de soins. En effet, cet article ne dit pas que pour limiter les déplacement il faille fermer les services, mais que pour en sortir il faut une autorisation.

3.2 La responsabilité
La question se pose quant aux responsabilités liées à une sortie non autorisée. Dans la "chronique du centre de droit jurisanté" , Miguel-Ange Mateo défend la thèse qu'une sortie non autorisée suppose un dysfonctionnement de l'établissement de santé ou un défaut de surveillance constituant une faute susceptible d'engager la responsabilité administrative. Il distingue les préjudices selon qu'ils procèdent d'actes auto ou hétéro agressifs.
Dans le cadre d'un acte auto-agressif, le suicide notamment, si la faute relève de la juridiction administrative, une jurisprudence judiciaire tend à se développer. S'agissant de l'obligation de surveillance, la systématisation de la jurisprudence judiciaire est difficile car, si certaines décisions imposent une obligation de sécurité très stricte, d'autres au contraire mettent l'accent sur la nécessité d'appliquer "des méthodes de soins libérales favorables au traitement des patients", ce qui suppose une surveillance moins rigoureuse. En ce sens, le juge peut ne pas retenir la responsabilité de l'établissement bien que le défaut de surveillance soit avancé, dans la mesure ou il existe une contradiction entre cette surveillance et les méthodes thérapeutiques modernes où prévaut une plus grande liberté du malade.
Dans le cadre d'un acte commit hors de l'établissement, le défaut de surveillance est une nouvelle fois retenu, de même que la non-signalisation de la fugue du malade en cas d'actes hétéroagressifs, lors d'une sortie sans autorisation.

3.3 L'accréditation
Au-delà de l'aspect purement législatif et réglementaire, la liberté de circulation des personnes hospitalisées en psychiatrie relève également des bonnes pratiques cliniques. Ainsi cette dimension est-elle présente dans la procédure d'accréditation. Dans le manuel d'accréditation des établissements de santé le référentiel "Droits et information du patient (DIP) " précise "le respect de l'intimité et de la dignité du patient ainsi que sa liberté sont préservés tout au long de son séjour ou de sa consultation". Cet item est détaillé de la manière suivante "la liberté de circulation du patient est préservée sauf si des raisons de sécurité ou des raisons réglementaires s'y opposent".
Ceci n'a pas manqué d'être noté par les experts-visiteurs dans le compte rendu d'accréditation de l'hôpital Esquirol au mois de mai 2001 . On trouve à la page 10 "les services sont fermés à clef. Cela oblige les patients à demander aux soignants l'autorisation de sortir". Cette remarque se retrouve également dans le compte-rendu d'accréditation d'autres établissements psychiatriques. La démarche qualité devra donc se pencher sur cette question, afin de proposer des réponses adaptées à ces recommandations.

4. Vos portes sont-elles ouvertes ou fermées ?

4.1 Travail préparatoire
Parler de l'ouverture des portes ne consiste pas à réfléchir à un sujet où le bon sens et une dose d'humanisme suffiraient pour dicter la marche à suivre. Il nous a fallu plus d'un an pour que ce questionnaire se mette en place sur Esquirol, car le sujet de notre travail nécessitant que deux infirmiers "mettent le nez" dans le fonctionnement d'autres services n'allait pas de soi sur un tel thème. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous écrivons cela à partir de résultats partiels de notre travail commencé fin 1999 (deux ans et demi !).

Nous travaillons dans un service qui a décidé en 1994 que la règle serait l'ouverture des trois unités, et l'exception leur fermeture momentanée (pour des raisons tenant à des prises en charge particulières). Nous constatons depuis deux ans que les périodes de fermeture sont de plus en plus fréquentes et de moins en moins argumentées C'est pourquoi nous avons souhaité entreprendre ce travail de réflexion.

Lors de la phase exploratoire, nous avons rencontré divers acteurs de l'hôpital; collègues infirmiers, médecins, autres paramédicaux, mais aussi usagers des services. L'intérêt de ces rencontres informelles était de recueillir des impressions, et des a priori autour de cette question de l'ouverture des portes. Nous avons été surpris de rencontrer aussi peu d'arguments et des positions aussi tranchées de la part des tenants et des opposants à l'ouverture.

4.2 Hypothèses
Pour les uns :
· Il n'y a pas plus de sorties sans autorisation dans les services ouverts que dans les services fermés
· L'ouverture des pavillons oblige les équipes à une "contractualisation" des prises en charge, et donc modifie la relation avec le patient.
· L'ambiance des pavillons fermés engendre plus de violence.
· L'hospitalisation en service fermé de patients en hospitalisation libre ne respecte pas la loi.

Pour les autres :
· L'ouverture pose des questions sur la responsabilité, la surveillance, la sécurité et les relations entre soignants et soignés.
· Les services ouverts ont plus recours à la chambre d'isolement pour rester ouverts, notamment lors de l'arrivée de nouveaux patients.
· La plupart des patients ne sont pas accessibles à la contractualisation du soin.
· Dans les pavillons ouverts, les patients sont toujours dehors, les soignants ne les rencontrent plus que lors des repas, et des prises de médicaments.
· Les patients en placement doivent être pris en charge dans des unités fermées.

Nous pensons que si dans le même établissement, des services prennent en charge un type de population identique présentant des pathologies semblables, pour les uns dans des services ouverts, pour les autres dans des services fermés, chacun doit avoir des a priori théoriques justifiant ces différences de pratiques. Est-ce une conception différente du soin, une interprétation divergente des textes, ou encore une autre opinion de la mission de l'hôpital ?

4.3 Objectif

Le principal intérêt de ce type de réflexion, outre le fait de permettre à l'ensemble des acteurs de l'hôpital d'interroger leur pratique, est de faire le point à un moment donné sur ces pratiques et de les confronter à d'autres afin de pouvoir les modifier.
Nous n'avons d'autre prétention que de faire naître dans chacun des secteurs le besoin de remettre en cause des pratiques qui ne sont plus interrogées. A chacun d'apporter la réponse qui lui semble la plus pertinente, pour peu qu'elle soit argumentée et avant tout dans l'intérêt du patient. Comme tout travail de recherche, nous pensons que la participation des soignants à ce type de travail élève le niveau de la qualité des soins. S'il accroît la motivation des personnels et les valorise, il permet aussi de re-créer du lien et du sens entre les actes et les objectifs. Sur le plan institutionnel, la recherche améliore la communication, grâce aux différents réseaux d'échanges.

4.4 Méthode

Nous avons en premier lieu fait modifier légèrement les feuilles de garde, permettant de recueillir un certain nombre d'éléments objectifs sans augmenter la charge de travail des services. Notre enquête et cette feuille ont été présentées et validées par la Direction du Service de soin Infirmier et les cadres supérieurs des services de psychiatrie. Nous avons demandé à chaque service de l'hôpital de l'utiliser pendant huit mois.
Le questionnaire soumis reprenait la feuille de garde en usage sur l'hôpital, nous avons ajouté au verso un tableau pour savoir si l'unité était ouverte ou non, le nombre de périodes d'ouverture et leur durée, les raisons invoquées pour la fermeture, le nombre de sorties sans autorisation ainsi que les retours. Nous relevions également l'utilisation des chambres de soins intensifs ainsi que la durée du séjour dans ces chambres. Ces feuilles ne reprennent pas nécessairement l'ensemble des informations concernant le mouvement des patients, certains mouvements ayant lieu dans la journée, et étant réputés connus de tous.

Comme toute recherche, le fait même d'annoncer notre travail a modifié l'objet de la recherche. Ainsi, l'un des services dont l'unité était fermée a décidé de poser la question de cette fermeture chaque matin en réunion. Le service a alors été ouvert 19 jours sur 30 le premier mois. Un certain nombre de raisons dont nous parlerons ont fait que le service a de nouveau été fermé en permanence. (Depuis la fin de notre enquête, le service à été réorganisé. D'une seule unité de 35 lits, il a été créé deux unités dont une ouverte.)
Sur 6 services, quatre ont toutes leurs unités fermées, deux "essayent" de les garder ouvertes. De fait, seuls ces deux services ont participé à l'enquête, les autres n'ont pas répondu nous informant dès le début de l'enquête que leurs unités étaient fermées en permanence.

Le recueil d'information s'étend sur 8 mois de novembre 2000 à juin 2001, mais nous n'utiliserons que les 6 mois de décembre à mai, car nous ne disposions pas des questionnaires de novembre et juin pour tous les services. D'autre part, les feuilles ont été remplies de façon très aléatoire d'un service à l'autre. Nous ne pouvons donc tirer que des "enseignements", voire des pistes de sans prétendre à une valeur scientifique de l'ensemble.

Notons que nous appelons dans le cadre de cette enquête "Sortie sans autorisation" (SSA) uniquement la sortie sans autorisation de patients en HDT ou HO à partir de l'unité. Ceci exclue donc les SSA par non retour de permission, que ce soient des sorties en ville ou des sorties simplement dans le parc. Ce qui explique la grande différence que nous obtenons avec les chiffres officiels de l'hôpital. Ainsi, pour un même service le nombre de SSA communiqué par le service de la clientèle est de 44 pour la période considérée, il n'est que de 6 pour la même période dans notre enquête. Cette différence est importante à noter pour bien délimiter ce dont nous parlons. Cependant, cette définition des SSA à partir du service n'est pas non plus satisfaisante. En effet, dans le service le plus ouvert de l'hôpital, la plupart des sorties sans autorisation sont notées comme étant "à partir" du service, il semble qu'il ne soit pas fait de distinction entre les "non retours" de sorties autorisées et les sorties non autorisées de l'unité.

Nous trouvons donc un chiffre de 31 SSA relevées par le service de la clientèle contre 25 pour notre enquête. Par contre, il est intéressant par rapport au retour dans l'unité de ces patients de noter le temps passé en sortie non autorisée. En ce qui concerne ce dernier service, sur 25 SSA, 12 sont rentrées le jour même et 3 le lendemain, (soit 60%) alors que dans un des services fermés, 17 SSA sont notées par le service de la clientèle contre 11 pour notre enquête et un seul retour le jour même est noté (9%). Ceci est un résultat inattendu bien que très partiel qui demanderait à être analysé sur une période plus longue. Partir d'une unité ouverte serait une rupture de contrat, le retour en serait-il moins difficile que lors du départ non autorisé d'une unité fermée où la transgression serait plus radicale ?

4.3 Résultats:

4.3.1 Service ouvert ?
Les deux services "ouverts" ont une politique volontariste d'ouverture de leurs pavillons. Cette position est clairement énoncée, c'est un a priori clinique qui préside à ce choix. Nous parlons donc de service ouvert lorsqu'il n'est pas nécessaire pour entrer ou sortir de demander à un membre du personnel l'ouverture de la porte. Cependant, notre propos sur ces deux services est tout de suite nuancé par la constatation suivante : nous notons qu'ils sont fermés durant 22 jours sur 182 soit 12,1 % du temps de l'enquête pour l'un et 143 jours soit 78,6% du temps pour l'autre. Nous le voyons, il existe parfois un fossé entre les déclarations d'intention et la réalité. ( Nous notons "service fermé" lorsque les unités sont fermées de une à vingt quatre heures un jour donné, sachant que la nuit tous les services sont fermés.)

Nous demandions aux services de nous indiquer les raisons de la fermeture des unités. Si les "services ouverts" nous ont fait part le plus souvent de ces raisons, un seul service fermé nous a fait des commentaires sur sa fermeture. Si ce service ne nous a pas livré de chiffres exploitables, la surveillante de l'unité s'est astreinte chaque jour à commenter l'état de son unité et les raisons de la fermeture de cette dernière. La principale raison invoquée pour la fermeture est le risque de sortie sans autorisation de patients hospitalisés sans leur consentement. Dans l'un des services, le recours à la fermeture de l'unité pour cette raison ne dépasse pas la plupart du temps un jour voire deux. Dans l'autre service, il n'en est pas de même, une fois l'unité fermée, il faudra plusieurs jours avant qu'elle ne se rouvre. Il est sans doute là aussi question comme nous le verrons pour l'utilisation de la chambre d'isolement d'un problème de réévaluation régulière d'une mesure prise à un moment donné. Notons que nous avons retrouvé une unité fermée pour un risque de SSA d'un patient en hospitalisation libre ! La seconde raison invoquée est le risque d'intrusion. Nous en savons plus sur ces intrusions grâce aux commentaires sur les feuilles de l'enquête de l'un des services. Il s'agit d'empêcher un ou plusieurs ex patients, (voire de personne totalement étrangère au service) de s'introduire dans l'unité et s'y adonner au vol ou au trafic de stupéfiants ou d'alcool. Là, la question de la police et de la loi, à l'intérieur de l'hôpital, parc compris peut légitimement être posée.

Cette difficulté à gérer les entrées et sorties d'un pavillon est l'occasion d'aborder l'une des justifications données à la fermeture des unités. Il est souvent question de l'architecture des unités de soin. Dans certaines unités, la porte d'entrée donne au milieu du couloir qui dessert les chambres, parfois à une grande distance du bureau infirmier. Et lorsque la justice parle de défaut de surveillance, il est fait référence à cette fonction de surveillance que nombre d'entre nous voudraient voir disparaître au profit de celle de soin

Une autre difficulté qui nous est signalée concerne des affections particulières comme la démence avec déambulation ou encore les désorientations temporo-spatiales. Le service ayant essayé de maintenir ses portes ouvertes s'est trouvé à aller rechercher dans le parc des patients qui s'étaient perdus, avec parfois le risque d'accident sur la voie publique.

4.3.2 Utilisation des chambres de soins intensifs
Chacun de ces services est constitué de deux unités dotées chacune d'une chambre de soins intensifs (CSI: Chambre de soins intensifs, terme que nous préférerons à "chambre d'isolement" même si comme nous le verrons ce second terme reflète sans doute plus leur utilisation..). En ce qui concerne ces quatre CSI, l'une d'elle est utilisée pour le même patient durant la quasi totalité de l'enquête. Si l'on excepte cette particularité que nous ne discuterons pas ici, nous constatons une occupation des CSI durant 78,5 % du temps de l'enquête pour un service, ce qui est supérieur de 13,47 % par rapport à la moyenne d'occupation des services fermés (65,03%). Pour l'autre service ouvert, la moyenne est de 65,06 %, soit équivalent aux services fermés.

Avec de tels résultats, nous voilà bien bloqués pour vérifier ou non si les services ouverts ont plus ou moins recours à l'isolement que les services fermés.

Cependant nous pouvons noter pour tous les services des constantes qui nous interrogent sur l'utilisation de ces chambres. En effet, on se rend compte à travers cette enquête que lorsqu'un séjour se prolonge en isolement, la sortie du patient coïncide avec la nécessité d'isoler un nouveau patient. Il semble que l'évaluation de l'aspect thérapeutique qui doit présider à l'isolement se distende avec le temps.

Le second constat est le recours à la chambre d'isolement ouverte comme chambre "normale" lorsqu'il y a un manque de lits dans le service. Or chaque patient isolé devrait pouvoir bénéficier à tout moment d'un lit libre pour pouvoir sortir de l'isolement au moment même où son état clinique ne justifie plus l'isolement.

4.3.3 Les sorties sans autorisation
En ce qui concerne les sorties sans autorisation, nous en notons 25 pour le premier "service ouvert" (33 selon les chiffres du service des admissions) et 6 pour le second "service ouvert" (44 selon le service des admissions !). Pour l'un des services fermés nous en notons 11 (48 selon le service des admissions). Encore une fois, l'analyse de ces chiffres ne nous enseigne rien de précis sinon que l'un des services fermés et l'un des services ouverts ont des chiffres voisins.

5. Discussion
Etant donné la proportion de services qui a participé à l'enquête et le taux de remplissage de certains items, nous ne pouvons que rester très prudents dans l'interprétation des résultats, qui relèvent plus d'une enquête qualitative.

La pratique observée à Esquirol ne démontre pas que la fermeture des services garantis plus le maintien des hospitalisations sous contrainte que les services ouverts. Pas plus qu'il n'est démontré que les services ouverts aient plus recours à l'isolement que les service fermés pour "surveiller" les patients sous contrainte.

Comme le souligne Denis Leguay , "entre les impératifs de sécurité pour les soins sous contrainte, les potentialités de passage à l'acte contenues dans bon nombre de pathologies psychiatrique d'une part, invitant à prendre bon nombre de précautions, et d'autre part le respect de la Loi réglant l'hospitalisation libre et les mesures privative de liberté, l'esprit d'ouverture et de confiance qui préside aux projets de réinsertion, quel équilibre ? (…) Chaque équipe est amenée à choisir entre trois solutions également contrevenantes : le non-respect de la Loi, le non-respect de la politique de désinsitutionalisation et de réduction du nombre de lits, et le non-respect de la philosophie de la sectorisation, en créant des unités fermées intersectorielles, et intersectorielles parce que fermées." Face à ces trois mauvaises solutions, il propose donc une gestion "évolutive" de la fermeture des portes des pavillons d'hospitalisation, en fonction des personnes accueillies, "l'éventualité qu'elles soient fermées pour nécessité de service pouvant être précisée dans le contrat de soins des personnes en hospitalisation libre".

En fait, l'opposition qui nous apparaît derrière les arguments des uns et des autres nous semble être l'opposition de la loi à la clinique.

Si l'on se réfère à la loi, la réponse adaptée semble être l'hospitalisation des patients sous contrainte dans des services fermés, les hospitalisations libres étant réalisées dans des unités ouvertes. C'est l'orientation que préconise la cour des comptes dans son rapport publié en 2000 où l'on peut lire page 4428 que pour respecter le décret de 1993 qui stipule que "les malades ne peuvent en aucun cas être installés dans des services fermés à clef" (…) il conviendrait de créer des unités sectorielles ou intersectorielles fermées, au niveau régional ou départemental. Rappelons que quelques pages plus haut, la cour des compte réaffirme l'intérêt de la migration des services de psychiatrie vers les hôpitaux généraux pour parvenir à la fermeture à terme des CHS. Dire qu'il y aurait un lien entre les deux évolutions préconisées ne semble pas relever de l'interprétation.

Or, si l'on se réfère encore au décret de 1993, "si le placement d'un patient au sein d'une unité fermée peut se révéler indispensable dans certaines circonstances, ces circonstances doivent être exactement appréciées et la durée d'un placement limitée à ce qui est médicalement justifié". Il devrait être fait le même usage d'un service fermé que d'une chambre d'isolement, à savoir que le patient devrait pouvoir en sortir (et ce quelque soit son mode de placement) au moment même où un médecin estime que son maintien n'est plus médicalement justifié.

Pour notre part, nous ne pensons pas que cette orientation de création d'unités fermées intersectorielles soit une réponse adaptée. Il y a là un risque de recréer des lieux d'enfermement et de faire l'impasse sur une réflexion quant à l'aspect thérapeutique ou non de l'isolement de la communauté . Certes, la dangerosité liée à certaines pathologies ne peut être niée, mais est-elle si fréquente et permanente au point de multiplier les lieux où la prendre en charge ?

Ce qui nous amène à introduire une dimension clinique à la réflexion unité ouverte ou unité fermée, où apparaît l'intérêt d'apporter dans la contrainte une notion de négociation, d'espace de soin consenti.

Conclusion

On peut espérer dans les années à venir naîtront des débats semblables à celui du "no-restraint" qui agita les milieux européens des asiles à la fin du 19ème siècle quant à la suppression des chaînes des aliénés. De ces débats passionnés Paumelle nous rappelle que naquit une véritable réflexion clinique sur les causes et les traitements de l'agitation. Que la suppression des chaînes et des cachot obligea les soignants à s'occuper des patients, à déployer de véritables stratégies thérapeutiques là où n'existait que le strict maintient en vie d'individus que l'on pensait impossible à prendre en charge autrement. (Le no-restraint: utopie bien intentionnée ou formule globale de soins, Philippe Paumelle. L'information psychiatrique, février 1952)

Pour la suite de notre enquête, nous sélectionnerons un échantillon représentatif de la population soignante des différents services que nous interrogerons soit par questionnaire, soit par entretien sur l'image que ces soignants ont des portes ouvertes et leur impact sur leur quotidien, sur le soin.

Mais nous devrons aussi nous pencher sur un autre argument qui nous est opposé, celui de la justice, de la responsabilité des différents acteurs, de l'infirmier au Directeur en passant par le médecin chef en cas de problème à l'extérieur du pavillon avec un malade hospitalisé. Ceux qui s'inquiètent de l'intervention de la justice à ce niveau là, doivent également penser à d'éventuelles plaintes d'usagers dans les années à venir si les conditions d'hospitalisation ne respectent pas leurs droits.

Dans chaque établissement concerné, la démarche qualité peut s'emparer de ce problème, pour aider les équipes à réfléchir à une solution permettant à la fois de garantir le respect des droits des usagers, quel que soit leur mode d'hospitalisation, et d'être en conformité avec les textes réglementaires. Cette réflexion passera nécessairement par l'écriture d'une règle interne, qui devra être validée par les équipes soignantes et approuvée par les instances de l'établissement, en particulier celles comprenant des représentants des usagers.



BIBLIOGRAPHIE CONSEILLEE

Textes de loi :

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