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L'Electroconvulsivothérapie


Eléments de réflexions autour des Electroconvulsivothérapies

Voir également la présentation de l'ouvrage de Dominique Friard:
"Electroconvulsivothérapie et accompagnement infirmier."

Vous trouverez à côté de chaque titre de paragraphe le signe pour vous permettre de revenir au sommaire.



Historique de la recherche


Par Dominique Friard

Au commencement était la clinique.

Au commencement le corps tordu de Catherine, des attitudes quasi catatoniques, l'image d'une régression profonde. Au commencement une souffrance à soulager coûte que coûte. Et puis le doute. Mélancolie? Hystérie ? Tumeur ? Chorée?

C'est terrible le doute. On hésite, on échange des arguments. Mais pendant ce temps là, Catherine souffre. On décide de pratiquer des chocs.

Les séances se succèdent, Catherine ne semble pas vraiment en profiter, au contraire. Elle semble de plus en plus confuse. Dans les couloirs, comme souvent dans notre secteur, çà discute, çà s'interroge, çà critique.

Et puis les électrochocs n'est-ce pas ? çà évoque la torture, la gégène.

Au commencement, Annick, Annie, Florence : assistante sociale, psychologue, infirmière du secteur XIV. Leur révolte, leur incompréhension face à un soin vécu à ce moment là comme le sommet de la barbarie sont directement à l'origine de notre réflexion.

Et si nous nous servions de ces nouveaux groupes Qualité comme prétexte à une réflexion plus féconde sur les ECT ?

Pas très loin de ce commencement, il y avait le projet un peu vague d'écrire un livre en collaboration avec une équipe de réanimation. Pourquoi ne pas s'intéresser aux comas thérapeutiques et donc aux électrochocs ? Autour de ces deux pistes va se nouer le projet du groupe.

Annick, Florence, Annie nous ferons savoir très rapidement qu'elles ne participeront pas à l'aventure : trop dur, trop soignant. Et puis centrer un groupe Qualité sur les ECT, n'est-ce pas les légitimer? N'est-ce pas une façon de pervertir le sentiment de révolte primitif, la question toujours béante et qui devra d'une certaine façon toujours le rester ?

Retour sur un passé pas si lointain

Les premières recherches bibliographiques nous montrent que tout ce qui a été écrit sur les chocs a été vrai. De 1938 à 1960, aux Etats-Unis des dizaines de milliers de patients vont être traités de cette façon entraînant la publication de milliers d'articles scientifiques. Les grands hôpitaux publics vont pratiquer l'électrochoc sans se soucier outre-mesure des indications. L'essentiel sera parfois comme dans " Vol au dessus d'un nid de coucous " de maîtriser des malades indisciplinés ou peu coopératifs. Les excès vont être tels que les électrochocs seront interdits dans de nombreux états. Les accidents observés, les critiques soulevées par l'aspect systématique du recours aux chocs et surtout l'apparition et le développement des traitements chimiothérapiques entraînèrent le déclin de cette méthode.

Les progrès de l'anesthésie ont, aujourd'hui, considérablement réduit les risques d'accident, risques qui ne sont cependant pas nuls. Plus nous lisons, plus nous nous rendons compte de la force des fantasmes, plus il nous apparaît qu'à notre échelle il est impossible de trancher sur l'aspect thérapeutique ou non des chocs. Aussi décidons nous de ne pas nous poser la question du bien fondé de cette mesure thérapeutique mais de nous intéresser aux représentations qu'elle suscite.

Nous nous apercevons que se déroule sous nos yeux un véritable changement de paradigme. Cette modification des représentations, essentiellement perceptible dans le discours médical, scientifique change radicalement les perspectives, la façon d'appréhender le soin, et donc la pratique infirmière. L'arrêté du 5 Décembre 1994, assimilant l'électrochoc à un acte anesthésique modifie par ailleurs profondément les données de ce soin. Enfin, la charte du patient hospitalisé institutionnalisant l'information du patient nous oblige à un devoir de clarté et d'information.

Approche historique

L'histoire de l'électrochoc fait partie de l'histoire des thérapies de choc qui avaient pour caractéristiques d'amener le patient très près de la mort pour le soigner. Ce paradigme est à l'œuvre dans la malariathérapie, l'insulinothérapie et donc dans l'électrochoc. Il s'agissait pour soigner d'injecter une maladie grave (malaria, coma insulinique, épilepsie) dont l'effet devait permettre une reconstruction et un réaménagement psychique.

Voir Soins Psychiatrie n°192, Octobre 1997.

-Des thérapies de chocs au rôle "psychothérapique" de l'infirmier
-Le déclin des thérapies de choc
-Mort symbolique, gestation, renaissance
-Un changement de paradigme
-L'électroconvulsivothérapie ou le retour
-Un regain d'intérêt
-Des substitutions sémantiques
-Contre-indications et effets secondaires
D. Friard ,M.C. Lehène ,F. Masseix

Projet

E.C.T. technique de soin ou séance de torture ? La question ne saurait se poser en ces termes. Chacun de nous a en mémoire les images de "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Ces images ne décrivent plus les pratiques d'aujourd'hui. L'I.R.M., la cobaltothérapie ne choquent pas bien que leur principe soit proche des ECT. Aussi décidons nous de ne pas nous poser la question du bien fondé de cette mesure thérapeutique mais de nous intéresser aux représentations qu'elle suscite, notamment chez les infirmiers.

En abandonnant toute référence à la notion de "choc", nous avons laissé de côté l'accompagnement infirmier, notamment au cours de la phase de réveil. Que ce soit le choc électrique, la convulsion épileptoïde qu'il provoque, la reconstruction qui soigne, il n'empêche que l'accompagnement infirmier est un élément important de ce soin, tant pour la réussite de l'ECT, que pour la récupération mnésique et la prise en charge globale du patient. C'est ce que nous voulons démontrer.

Aspects législatifs

Qu'il s'agisse d'évaluer la qualité d'un soin ou d'une série de soins, de développer une recherche sur tel ou tel aspect du soin, nous devons bien, aujourd'hui, nous interroger sur la façon dont nous respectons les textes. Nous n'en sommes pas à pouvoir faire jouer la clause de conscience mais un certain nombre de textes récents garantissent une relative sécurité à un patient qui doit chaque fois que c'est possible être informé.

Le premier de ces textes est le décret n°93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières. Ce décret est divisé en deux chapitres : les devoirs généraux et les devoirs envers les patients.

Le principe général qui est aussi un devoir envers les patients est que l'infirmier applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur ainsi que les protocoles thérapeutiques et de soins d'urgence que celui-ci a déterminé.

L'infirmier exerçant sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine (art.2), l'infirmier agissant en toutes circonstances dans l'intérêt du patient (art.26) il peut arriver que la prescription médicale apparaisse à l'infirmier, à tort ou à raison, comme contraire au respect de cette vie. L'infirmier doit donc demander au médecin prescripteur un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile ou s'il s'estime insuffisamment éclairé (art. 29). Il est préférable que ce complément d'information soit écrit. Une fois éclairé, l'infirmier doit exécuter la prescription. Il ne lui est pas interdit de formuler ses questions par écrit et de les transmettre à la direction du service de soins infirmiers.

Pour garantir la qualité des soins qu'il dispense et la sécurité du patient (notamment au niveau somatique), l'infirmier a le devoir d'actualiser et de perfectionner ses connaissances professionnelles. (art.10).

Voir la formation proposée par la faculté de Bordeaux 2 : Diplôme d'université Pratique et théorie de l'électroconvulsivothérapie.

L'infirmier doit également informer le patient ou son représentant légal, à leur demande, et de façon adaptée, intelligible et loyale, des moyens et techniques mises en œuvre. Il en est de même des soins à propos desquels il donne tous les conseils utiles à leur bon déroulement. (art.32).

Le décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier énonce les actes que l'infirmier peut accomplir dans le cadre de sa profession.

L'article 6 précise que l'infirmier participe en présence d'un médecin à l'application d'un certain nombre de techniques dont la sismothérapie. De quelle nature devrait donc être cette participation infirmière à l'ECT ? Nous savons ce qu'elle ne peut pas être. L'article 7 énonce que l'infirmier anesthésiste diplômé d'état et l'infirmier en cours de formation préparant à ce diplôme sont seuls habilités, à condition qu'un médecin puisse intervenir à tout moment, à participer à l'application des techniques suivantes, après que le médecin a examiné le patient et posé l'indication anesthésique :

- anesthésie générale;

- anesthésie loco-régionale et réinjection dans le cas où un dispositif a été mis en place par le médecin;

- réanimation post-opératoire.

Le décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994, relatifs aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l'anesthésie et modifiant le code de la santé publique a entraîné une modification complète du déroulement des séances d'ECT. Cette modification qui implique des mesures de surveillance accrue dans le but d'améliorer la sécurité du patient peut sécréter un certain nombre d'effets pervers, à même de diminuer la qualité de l'accompagnement psychologique du patient.

Ce décret ne concerne la pratique des ECT que dans la mesure où, afin de prévenir les accidents traumatiques secondaires aux convulsions, des curarisants furent employés comme myorelaxants. L'utilisation de ces curarisants impliqua, afin que le sujet ne soit pas impressionné par la paralysie des muscles respiratoires, le recours à l'anesthésie générale. L'extrême brièveté d'action des barbituriques utilisés, leur rapidité d'élimination ne changent rien au fait qu'il s'agit bien d'une anesthésie générale. La pratique des ECT est donc bien soumise au décret n° 94-1050.

Le décret du 5 décembre prévoit donc pour tout patient dont l'état nécessite une anesthésie générale ou loco-régionale :

" 1°- Une consultation pré-anesthésique lorsqu'il s'agit d'une intervention programmée,

2°- Les moyens nécessaires à la réalisation de cette anesthésie;

3° Une surveillance continue après l'intervention

4°- Une organisation permettant de faire face à tout moment à une complication liée à l'intervention ou à l'anesthésie effectuées. "

La consultation pré-anesthésique doit avoir lieu plusieurs jours avant l'intervention. " Cette consultation est faite par un médecin anesthésiste-réanimateur. Ses résultats sont consignés dans un document écrit, incluant les résultats des examens complémentaires et des éventuelles consultations spécialisées. Ce document est inséré dans le dossier médical du patient. " La consultation pré-anesthésique ne se substitue pas à la visite pré-anesthésique qui doit être effectuée par un médecin anesthésiste-réanimateur dans les heures précédant le moment prévu pour l'intervention. " Il est évident qu'il n'est pas toujours possible de prévoir des séances programmées dans l'urgence, que le patient parfois agité rend tout examen impossible. Il n'empêche que ces consultations pré-anesthésiques devraient tendre à être systématiques.

" Le tableau fixant la programmation des interventions est établi conjointement par les médecins réalisant ces interventions, les médecins anesthésistes-réanimateurs concernés et le responsable de l'organisation du secteur opératoire, en tenant compte des impératifs d'hygiène, de sécurité et d'organisation du fonctionnement du secteur opératoire ainsi que des possibilités d'accueil en surveillance post-interventionnelle. " Ainsi devrait-on voir progressivement disparaître ces ECT effectués à la chaîne, tant décriés par étudiants et infirmiers. Ainsi, nul patient ne croiserait plus dans le couloir menant à la salle d'ECT un ou deux autres patients confus récupérant péniblement de leur séance. Il est évident que l'urgence se joue de toutes les programmations. La raréfaction des lieux où sont pratiqués les ECT pourrait également favoriser ces ECT à la chaîne. Mais, il nous semble qu'on ne peut pas chercher à rassurer des patients souvent anxieux par l'aura de l'ECT et leur donner à voir la matérialisation de leur inquiétude.

L'anesthésie est réalisée sur la base d'un protocole établi et mis en œuvre sous la responsabilité d'un médecin anesthésiste-réanimateur. Le patient doit bénéficier d'une surveillance clinique continue et d'un matériel d'anesthésie et de suppléance adapté au protocole anesthésique retenu. Le texte précise ensuite les moyens à mettre en œuvre pour assurer une surveillance continue. " La surveillance post-interventionnelle a pour objet de cointrôler les effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et de faire face, en tenant compte de l'état de santé du patient, aux complications éventuelles liées à l'intervention ou à l'anesthésie. " Cette surveillance commence en salle, dès la fin de l'intervention et de l'anesthésie. Elle ne s'interrompt pas pendant le transfert du patient. Elle se poursuit jusqu'au retour et au maintien de l'autonomie respiratoire du patient, de son équilibre circulatoire et de sa récupération neurologique.

La surveillance qui suit le transfert du patient est mise en œuvre dans une salle de surveillance post-interventionnelle. Sous réserve que les patients puissent bénéficier des conditions de surveillance précédemment décrite la salle où sont pratiquées des activités de sismothérapie peut tenir lieu de salle de surveillance post-interventionnelle. La salle de surveillance post-interventionnelle est dotée de dispositifs médicaux permettant pour chaque poste installé : l'arrivée de fluides médicaux et l'aspiration par le vide; le contrôle continu du rythme cardiaque et l'affichage du tracé électrocardiographique, par des appareils munis d'alarme, et le contrôle de la saturation du sang en oxygène; la surveillance périodique de la tension artérielle; les moyens nécessaires au retour à un équilibre thermique normal pour le patient.

" Les personnels exerçant dans cette salle doivent pouvoir accéder sans délai au matériel approprié permettant la défibrillation cardiaque des patients ainsi que l'appréciation du degré de leur éventuelle curarisation. "

"Pendant sa durée d'utilisation, toute salle de surveillance post-interventionnelle doit comporter en permanence au moins un infirmier diplômé d'état formé à ce type de surveillance, si possible infirmier anesthésiste diplômé d'état."

Le personnel paramédical est placé sous la responsabilité médicale d'un médecin anesthésiste-réanimateur qui doit pouvoir intervenir sans délai. Ce médecin :

- a) décide du transfert du patient dans le secteur d'hospitalisation et des modalités du dit transfert

- b) autorise en accord avec le médecin ayant pratiqué l'intervention, la sortie du patient de l'établissement. "

" Le protocole d'anesthésie ainsi que l'intégralité des informations recueillies lors de l'intervention et lors de la surveillance continue post-interventionnelle sont transcrits dans un dossier classé au dossier médical du patient. Il en est de même des consignes données au personnel qui accueille le patient dans le secteur d'hospitalisation. Elles font également l'objet d'une transmission écrite. "

Nous sommes donc face à un texte extraordinairement précis, peut-être un peu trop. Assimilant l'ECT à une opération impliquant une anesthésie, il ne prend en compte en aucune manière l'ultra-brièveté de l'anesthésie.

Comment trouvera-t-on en psychiatrie un infirmier diplômé d'état formé à la surveillance post-interventionnelle censé être présent en permanence ? Faudra-t-il le recruter ? Nous doutons que cela soit possible dans le contexte économique actuel.

Toutes ces questions ont été posées à la Sous-Direction du Système de santé et de la Qualité des soins qui dépend de la Direction Générale de la santé. Celle-ci à répondu le 9 septembre 1996 par une " Instruction relative aux modalités d'application du décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l'anesthésie à la sismothérapie ou électroconvulsivothérapie (ECT). Ce texte a le mérite d'être spécifiquement consacré à l'ECT.

" La sismothérapie étant réalisée sous anesthésie générale, elle doit être pratiquée de manière à offrir aux patients toute la sécurité nécessaire. Elle ne peut être réalisée au lit du malade mais doit l'être dans une salle spécifique, uniquement réservée à cette activité.

Si l'établissement est spécialisé en psychiatrie, et n'a par conséquent aucun site anesthésique, une salle spécifique doit être réservée à cette activité. Cette salle sera utilisée à la fois pour la pratique de la sismothérapie et pour la surveillance post-interventionnelle. La surveillance du patient dans cette salle doit se prolonger tant que les effets résiduels de l'anesthésie et de la sismothérapie risquent d'entraîner pour lui un risque vital. "

L'équipement de la salle est abondamment décrit et reprend pour l'essentiel ce qui était décrit dans le décret. La sismothérapie n'entraînant pas d'hypothermie, il n'est pas utile de disposer sur place des moyens nécessaires au retour à un équilibre thermique normal.

"Les patients doivent être surveillés lors de la phase post-interventionnelle par un infirmier formé à cet effet. " Notre remarque concernant les conditions économiques prend ici tout son sens, disparaissent l'infirmier anesthésiste diplômé d'état, et même la mention diplômé d'état. Faut-il considérer qu'un infirmier de secteur psychiatrique est formé, de par sa formation initiale, à la surveillance post-interventionnelle ? Alors qu'il semblait que cette formation était nécessaire même pour l'infirmier diplômé d'état ? Espérons qu'en cas d'incident aucun patient n'aurait l'idée de porter plainte.

Ce texte rappelle également un point important. En application du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, article 36 " le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas ", de plus il doit être apporté au patient toute information nécessaire sur les bénéfices attendus, et les effets indésirables éventuels.

Mécanismes d'action des convulsivothérapies

De multiples théories tentent d'expliciter le mécanisme d'action des convulsivothérapies. On en dénombre plus de vingt. Il paraît établi que la crise généralisée est nécessaire pour obtenir un résultat thérapeutique.

Voir Soins Psychiatrie n°192, Octobre 1997.

-De nombreuses théories explicatives
-Une régulation de l'humeur
-Dissolution et reconstruction
-Le point de vue des psychanalystes
-Les progrès de l'anesthésie
-La phase de réveil et son sens
-La place de la relation
-Qui fait quoi ?
-Un rôle infirmier évacué
D. Friard ,M.C. Lehène ,F. Masseix

Un groupe qualité / L'accompagnement infirmier au cours de l'ECT

Voir Soins Psychiatrie n°192, Octobre 1997.

Histoire d'un groupe Qualité
-Les textes d'abord
-Réintroduire l'accompagnement infirmier
-La transmission des informations
-Le pourquoi et le sens
-Améliorer la qualité des soins
M. Apaya ,D.Friard, P. Lelabourier

Informer le patient sur l'ECT : que peut-on lui dire ?

Nous avons vu que le Code de déontologie médicale, que le décret du 16 février 1993 recommandait de rechercher le consentement du patient au traitement, de l'informer le patient sur les effets thérapeutiques recherchés, sur les effets secondaires. Un autre texte fait obligation aux soignants d'informer le patient : il s'agit de la Charte du patient hospitalisé. " Aucun acte médical ne peut être pratiqué sans le consentement du patient, hors le cas où son état rend nécessaire cet acte auquel il n'est pas à même de consentir. Ce consentement doit être libre et renouvelé pour tout acte médical ultérieur. Il doit être éclairé, c'est-à-dire que le patient doit avoir été préalablement informé des actes qu'il va subir, des risques normalement prévisibles en l'état des connaissances scientifiques et des conséquences que ceux-ci pourraient entraîner."

" Tout patient, informé par un praticien des risques encourus, peut refuser un acte, un diagnostic ou un traitement, l'interrompre à ses risques et périls. Il peut également estimer ne pas être suffisamment informé, souhaiter un délai de réflexion ou l'obtention d'un autre avis professionnel. "

Il est évident que certains patients sont tellement inabordables, tellement agités, qu'ils ne peuvent consentir au soin. Est-ce une raison pour renoncer ? S'agissant en psychiatrie de maladies chroniques, il nous faut rechercher la meilleure alliance thérapeutique possible. Un patient qui vit ses séances d'ECT comme une torture a peu de chances, en cas de rechute, à demander des soins. Au contraire. Si nous sommes impuissants devant les hospitalisations sous contrainte de patients que nous ne connaissons pas, en est-il de même pour ceux qui ont été hospitalisés dans nos unités ? Dans quelle mesure notre façon de leur imposer les soins, de ne pas prendre le temps de les leur expliquer ne contribue-t-elle pas à renforcer leurs résistances, leur refus de la pathologie ?

Si chez certains patients, tout entretien s'avère impossible, est-ce le cas de tous les patients qui bénéficient d'ECT ? Non, loin s'en faut.

Informer, donc.

Rien de plus facile que de dire il faut informer le patient. En pratique, c'est plus compliqué. Il semble qu'infirmiers et médecins ne soient pas à l'aise avec cette notion. Il semble que cette nécessité d'informer le patient soit davantage vécue comme une corvée, comme une obligation légale que comme l'occasion d'élaborer avec lui sur sa maladie, sur sa façon de la comprendre, de la vivre. Dans notre façon de concevoir le soin, et surtout le malade, il n'y a pas vraiment place pour un patient partenaire du soin. Tout se passe comme si en informant le patient nous y perdions une part de notre pouvoir. Pour les infirmiers, c'est au médecin d'informer le patient. Si le médecin informe le patient, ils pourront à la rigueur expliciter ce qu'il a dit. Sinon ...

Ces généralités tendent à être de plus en plus à être des lieux communs. On ne compte plus les travaux de recherche en soins infirmiers axés sur l'information donnée au patient : entretiens pré-opératoires en cardiologie, éducation précoce des enfants diabétiques, etc., exception faite de la psychiatrie, toutes les disciplines sont touchées. Les infirmiers de secteur psychiatrique qui s'auto-définissent comme des techniciens de la relation ne pourraient envisager d'expliquer au patient ce qu'est un ECT, ses effets, etc. ?

Le monde anglo-saxon a développé très tôt cet aspect du soin. Ainsi, l'American Psychiatric Association, dans " La pratique de l'électroconvulsivothérapie " (1) propose en annexe des exemples de formulaires de consentement et d'information au patient pour une série d'ECT. Ils donnent également des référence de matériel pour les patients et leurs familles.

Ils citent des livres faciles à comprendre par les non-spécialistes, des articles et des pamphlets et des vidéos (exemple " Electroconvulsive Therapy : ECT. The Treatment, The Questions, The Answers ").

Il est évident que les cultures (l'une est protestante, l'autre catholique) que les façons de soigner, de considérer le malade (client ou patient), d'envisager la proximité relationnelle sont différentes. Il est évident que l'appropriation du modèle anglo-saxon soulève des difficultés énormes, tant du côté du soignant que du côté du soigné. Pour pouvoir valablement poser un diagnostic infirmier, il nous faut, en partie oublier notre culture, notre rapport au spirituel, notre façon de soigner, de considérer le malade, d'envisager la relation à l'autre. Il ne faut probablement pas chercher plus loin l'échec des diagnostics infirmiers en France.

Cela étant dit, ne pourrions nous pas nous inspirer de ce qui se passe aux Etats-Unis pour modifier notre façon d'informer le patient ?

Il serait possible de se servir d'une vidéo comme support à cette information. Le patient après avoir vu le film pourrait poser les questions qui le préoccupent, le soignant pourrait rebondir à partir de ces questions ou des différents points soulevés par le film. Plutôt qu'un hypothétique changement de nom, cela contribuerait à rassurer un patient facilement anxieux et justifierait la médicalisation de ce soin. Le soignant y gagnerait de n'être pas complètement en face à face, ce qui faciliterait son positionnement relationnel.

Las, à notre connaissance, il n'existe pas de film de cette sorte en France. Il ne reste plus qu'à attendre qu'une équipe ou un laboratoire traduise en français ou sous-titre les films américains existants.

C'est à ce genre de détails qu'on mesure la place des soins et de la culture françaises dans le monde. On ne peut pas refuser de reconnaître une filière clinique et universitaire infirmière et s'étonner d'une américanisation du soin.

Les formulaires de consentement et d'information sont extraordinairement précis. Il apparaît clair que chaque terme a été pesé pour prévenir toute plainte. Près de 4 % des patients hospitalisés aux USA bénéficient d'ECT.

Les auteurs proposent deux types de formulaire, l'un s'adresse au patient (vous), l'autre adopte le point de vue du patient (je, mon médecin).

" Je recevrai l'ECT pour traiter mon état psychiatrique, énonce l'un. Je sais qu'il existe d'autres traitements pour mon état qui peuvent consister en des médicaments et une psychothérapie. Le fait que l'ECT ou un autre traitement soit plus indiqué pour moi dépend des résultats des traitements antérieurs que j'ai pu recevoir, de la nature de ma maladie psychiatrique, et d'autres considérations. Il m'a été expliqué pourquoi l'ECT avait été indiquée dans mon cas spécifique. "

" Pendant l'ECT, une petite quantité de courant électrique est envoyée au cerveau. Ce courant induit une crise qui se propage à tout le cerveau, donc aux parties du cerveau qui contrôlent l'humeur, l'appétit et le sommeil. On pense que l'ECT corrige les anomalies biochimiques qui sous-tendent la maladie dépressive sévère. Nous savons que l'ECT est efficace : 80 à 90 % des gens déprimés qui le reçoivent répondent favorablement, faisant de lui le traitement le plus efficace de la dépression sévère. "

Après les principes généraux, les deux textes décrivent ce qui va être fait au patient.

" Pour me préparer au traitement des électrodes seront placées sur ma tête et en d'autres endroits de mon corps. J'aurais un brassard à tension artérielle sur un de mes membres. Tout ceci sert à contrôler mes ondes cérébrales, mon coeur et ma tension artérielle... Après que je me sois endormi, une petite quantité d'électricité soigneusement contrôlée passera entre les deux électrodes, je peux recevoir une ECT bilatérale ou unilatérale... "

" Avant que vous receviez le traitement, on vous placera une aiguille dans une veine pour vous administrer des médicaments. Bien que vous soyez endormi pendant le traitement, il est nécessaire que l'on commence à vous préparer alors que vous êtes encore éveillé. Des électrodes sont placées sur votre tête pour enregistrer votre EEG, sur votre poitrine pour enregistrer votre ECG ... Quand vous êtes endormi, on vous injecte un médicament (succinylcholine) pour relâcher vos muscles. Cela vous empêche de bouger pendant le traitement et peut vous donner un léger endolorissement musculaire après le traitement mais qui disparaîtra ... Si vous pouviez observer le traitement au lieu de le recevoir, vous pourriez noter que vos orteils bougent, mais seulement un peu. Vous continuez à recevoir de l'oxygène jusqu'à ce que vous soyez éveillé. "

Les différents problèmes, effets secondaires sont énoncés.

" Quand vous vous réveillez vous pouvez présenter un certain degré de confusion. C'est en partie dû à l'anesthésie et en partie au traitement. Pour la plupart des gens la confusion disparaît en une heure... Vous pouvez avoir une certaine perte de mémoire après la fin des traitements. Cette perte de mémoire doit disparaître rapidement, d'elle-même, en quelques semaines, mais vous pouvez ne jamais vous souvenir de beaucoup de choses qui vous sont arrivées pendant, ou peu avant, ou peu après votre hospitalisation et votre maladie. S'il vous plaît, entraînez votre mémoire : lisez, posez des questions, regardez des séries à la télévision. C'est le meilleur moyen pour vous d'aider votre mémoire à revenir. "

" A cause de la possibilité de survenue de problèmes de confusion et de mémoire, il est important que je ne prenne aucune décision importante, qu'elle soit personnelle ou pour mes affaires, pendant la série d'ECT ou immédiatement après. Cela peut signifier le report de décisions concernant des problèmes financiers ou familiaux... " 

Un tel degré de précision semblera surréaliste à de nombreux lecteurs. Certains se demanderont s'il est adapté de demander à un patient déprimé d'entraîner sa mémoire, de lire, de poser des questions. Ne lui fait-on pas cet ECT justement parce qu'entre autres, il n'a plus envie d'accomplir ces actes de la vie quotidienne ? D'autres se souviendront que certains mélancoliques ont un vécu délirant de leur corps. N'est-ce pas aussi un bon moyen de les rassurer ? N'est-ce pas un bon moyen de permettre au patient d'exprimer ses craintes, d'adhérer au traitement ?

Il ne s'agit pas, dans notre esprit, de lire ce qui est écrit in extenso mais de se servir de ces textes comme point de départ et d'adapter les informations au patient, à son état et à ce qu'il nous semble capable d'entendre sans oublier que le patient est d'autant moins capable d'entendre des informations que nous ne sommes pas capables de les énoncer. Il nous paraît également nécessaire de discuter en équipe de la pertinence de ces supports, de telle sorte que leur utilisation soit inscrite dans le projet de soin de l'équipe.

Enquête sur l'électroconvulsivothérapie - Outil

Enquête sur l'électroconvulsivothérapie
Voir fiches questionnaire


Protocoles- Recueil de données
Voir fiches recueil de données

fiche 1
fiche 2
fiche 3
Bibliographie

Un site pour commencer, qui publie un document élaboré en 1996 par l'Assurance Maladie en concertation avec le Syndicat National C.Psy et l'Unep-Uhp: Les bonnes pratiques de l'electroconvulsivothérapie

L'association des psychiatres du Canada, publie dans un "Enoncé de principe sur l'electrochoc"

American Psychiatric Association, La pratique de l'électroconvulsivothérapie, recommandations pour l'utilisation thérapeutique, trad. TIGNOL J., AURIACOMBE M., Masson, Coll. Médecine et psychothérapie, Paris 1994.

BREGGIN (P.R), L'électrochoc, Ses effets invalidants sur le cerveau, trad. BOUCHET-FORNER M., Payot, Paris 1983.

BROCHIER (P), L'électroconvulsivothérapie chez le sujet âgé, in Nervure, t.VIII, n°9 - Déc. 1995/Janv. 1996., pp.33-36.

De CARVALHO (W), L'électroconvulsivothérapie en 1996, in TheraPSY, n°3, Vol 2.

DELMAS-MARSALET (P), L'électrochoc thérapeutique et la dissolution-reconstruction, Baillère et fils Ed., Paris 1943.

FRIARD (D), LEHENE (M.C), MASSEIX (F), Comas " thérapeutiques " et équipes soignantes, in En réanimation-Ombres et clartés, coll. Recherche en Psychologie et Réanimation, Editions Hospitalières, Paris 1996, p.291-311.

APAYA (M), FRIARD (D), LEHENE (M.C), LELABOURIER (P), MASSEIX (F), De l'électrochoc à l'électroconvulsivothérapie, in Soins psychiatrie, n°

OURY (J), Il, donc, U.G.E Ed., Paris 1978.

OURY (J), Onze heures du soir à La Borde, Essais sur la psychothérapie institutionnelle, p.317.

WEBER (B), De l'électrochoc à la protection cérébrale, in Cahiers du réseau, 3, pp. 19-23.

Critique de livres

La pratique de l'électroconvulsivothérapie, recommandations pour l'utilisation thérapeutique, American Psychiatric Association, trad. TIGNOL J., AURIACOMBE M., Masson, Coll. Médecine et psychothérapie, Paris 1994.


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