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L'HERITAGE RECENT

(1920 - 1970)




Comme nous venons de l'évoquer, commence avec l'année 1920, une période très difficile pour l'histoire de la psychiatrie à Charenton, car la situation est telle que l'asile n'a plus d'existence juridique, donc plus d'existence budgétaire non plus, et qu'il doit cohabiter avec la Maison Maternelle, qui elle aussi va vivre des avatars.

La Maison Maternelle reçoit le 12 décembre 1921, un réglement intérieur qui lui atrtibue un statut national, la plaçant sous l'autorité du Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale; Elle se devait d'admettre des mères célibataires sur la point d'accoucher ou qui allaitaient et des parturientes du Canton. Mais en 1945, eut lieu une inspection générale dont les conclusions furent défavorables pour la section maternelle : les locaux n'étaient pas adéquats puisque leur affectation initiale était réservée aux aliénés ; le service médical était insuffisant car les infirmières recrutées n'avaient préalablement reçu aucune formation en puériculture (par contre, aux dires des " anciennes " de la Maison que nous avons pu rencontrer, la formation " sur le tas " était d'excellente qualité, en partie grâce au Docteur LEROY et à un pédiatre le Docteur BAYET (1), qui y créèrent pratiquement un service de puériculture), d'autre part, ce personnel était extrêment réduit ; enfin, le mode de vie des mères s'apparentait presque à " l'encasernement ".

Apparemment, rien ne changea jusqu'en 1952, quand une deuxième Inspection Générale fut décidée qui, à son tour, aboutit à des conclusions tout aussi négatives. Finalement, le 25 novembre 1954, le Ministre de la Santé Publique et de la population ordonna le transfert de la Maison Maternelle dans les locaux du Vésinet, transfert qui fut rendu effectif le 28 janvier 1958. Seul vestige de cette époque subsiste la maternité cantonale de Saint-Maurice.

Mais ce qui nous a paru le plus intéressant dans ce contexte psychiatrique assez défavorable en apparence, c'est que l'asile ne périclita jamais complètement. Ce ne furent pourtant pas les difficultés matérielles qui manquèrent : les locaux ne furent pratiquement plus entretenus jusqu'en 1950 et le recrutement des malades resta très limité malgré la décision du Ministre de l'Hygiène, Paul STRASS en 1922, de transférer 118 pensionnés militaires à Charenton. Les protestations ne manquèrent pas non plus : émanant des psychiatres eux-mêmes, des familles de malades regroupées en comités de défense alertant la presse et les parlementaires.

Tout ceci demeura sans effet, si ce n'est qu'en dépit de sa non - existence administrative, l'asile figurait toujours dans les écrits des spécialistes de l'aliénation mentale, comme l'attestent en 1930 les Docteurs RAYNIER et BEAUDOIN dans " L'Aliéné et les Asiles d'Aliénés " :

" A l'heure actuelle, après un changement de dénomination (Maison Nationale de Saint-Maurice), l'établissement d'abord menacé de disparition - subsiste en partie : les anciens locaux ne sont plus totalement affectés aux aliénés puisque fonctionne aussi à Charenton, une " Maison Nationale Maternelle ". La polémique engagée jadis à ce propos ne saurait trouver place ici, d'autant qu'il y a présentement consécration de fait ". (2)

De cette institution très marginale, surgit une personnalité qui allait maintenir vivante pendant près de quarante années la tradition asilaire de Charenton : le Professeur Henri BARUK exerça en effet, de 1931 à 1968 comme médecin-chef dans l'établissement décrié par certains, révéré par les autres. Tous les témoignages que nous avons pu recueillir de malades l'ayant connu, d'infirmiers ayant travaillé sous ses ordres concordent pour souligner l'importance qu'il accordait dans sa pratique aux dires et à l'écoute du malade et les efforts qu'il fit pour " redorer le blason " de Charenton, pour en faire de nouveau un lieu de recherches sur la psychiatrie, que visitaient les spécialistes internationaux. Son impact fut d'ailleurs si considérable auprès de " ses " malades, que certains, toujours hospitalisés à Charenton, ont continué à le consulter à son domicile, quatorze ans après son départ, ce qui n'est pas si banal ! Témoignons à notre tour que de notre entretien personnel avec le Professeur BARUK, âgé de 85 ans, nous sommes sortie impressionnée par sa vivacité d'esprit et par sa connaissance intime d'un si grand nombre d'hommes qui ont fait la psychiatrie de cette première moitié du XXème siècle.

C'est pourquoi il nous a semblé utile pour notre démarche de situer la position originale occupée par la pensée d'H. BARUK, dans le champ de la psychiatrie contemporaine, position conceptuelle étroitement liée à sa pratique, sur laquelle s'est édifié en partie le savoir-faire actuel du personnel d'encadrement (surveillants et surveillantes) de l'institution dans laquelle nous travaillons.

Occupant le devant de la scène de l'institution psychiatrique, dorénavant statutairement réduite jusqu'aux années 1950, la personnalité d'H. BARUK ne doit cependant pas occulter celle de deux artisans de la psychiatrie contemporaine. En effet, à partir de 1953, G ; DESHAIES, puis en 1960 et pour trois ans seulement, P. CHANOIT, vont exercer de concert à Charenton, se partageant les services psychiatriques à parité avec H. BARUK. Ils vont apporter à l'établissement de nouvelles pratiques thérapeutiques, ils vont proposer des orientations différentes quant à la façon de concevoir le fonctionnement hospitalier pour les malades comme pour le personnel.

Puis nous examinerons comment se sont réorganisés ces services de psychiatrie après le transfert de la Maison Maternelle, et enfin comment s'y effectua la mise en place de l'actuelle politique de secteur.



- Henri BARUK ou quarante ans d'une vie inscrite dans l'histoire de CHARENTON

NOTES :

1 - On peut consulter sur ce sujet, la thèse de médecine de Robert BAYET : " Trente années de fonctionnement de la Maison Maternelle Nationale de Saint-Maurice ", faculté de Paris 1952.

2 - Docteur J. RAYNIER et H. BEAUDOIN : " L'Aliéné et les Asiles d'Aliénés - Assistance - Législation - Médecine légale ". Librairie Le François, Paris 1930 - 2ème édition, p.18.