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- Le fonctionnement Intérieur de l'asile :

Le personnel soignant :

L'histoire et l'évolution des statuts des taches, de la répartition du personnel soignant en un lieu tel que l'hôpital psychiatrique est totalement en prise directe avec l'histoire de la psychiatrie, et ferait à elle seule l'objet d'une recherche de grande envergure. La lecture de témoignages comme celui d'André ROUMIEUX (1) en dit long sur la trajectoire théorique et pratique qu'on suivi les infirmiers ayant fait leurs premières armes dans cet après-guerre que nous étudions jusqu'au tournant contestataire de l'anti-psychiatrie, puis à l'ouverture des services hospitaliers vers l'extérieur, vers le secteur. Et ces témoignages sont d'autant plus précieux qu'ils émanent d'un personnel qui, il y a encore peu de temps, n'avait que très fortuitement l'opportunité de s'exprimer et n'y était guère encouragé.

Nous nous bornerons donc à un essai de description succincte de la situation des différents personnels qui se sont partagés les soins des malades au sein de cette vénérable et séculaire institution. Il est évident qu'il s'agit bien de " partage " thérapeutique, même si la structure verticale hautement hiérarchisée du personnel soignant, du médecin à l'infirmière sans grade à laquelle était principalement dévolu le travail ménager, pouvait faire croire que seul, le savoir-faire médical était efficace en la matière.

· Voici quelques repères datés et chiffrés qui peuvent nous donner une idée de :
a) la composition du personnel soignant par rapport au nombre de malades hospitalisés :
- en 1924 : sont recensés pour une population de 229 malades, 76 agents salariés chargés de soins dont 2 médecins chefs et 2 internes,
- en 1958 : pour 952 malades, on comptait 343 soignants dont 4 médecins, 6 internes, 1 pharmacien, 12 " spécialistes " (au nombre desquels les ergothérapeutes) et 4 assistantes sociales contractuelles.

Ces données ne nous permettent pas d'extrapoler sur la proportion des soignants relative au nombre des malades pris en charge car il faudrait tenir compte de la mise en place du roulement des équipes (matin, après-midi, veille), des congés qui s'étaient allongés, des personnels soignants détachés dans des services administratifs ou autres, tous facteurs sur lesquels nous ne disposons d'aucune information.

Nous verrons plus loin l'intérêt grandissant que l'on portera à ce problème d'effectifs et de répartition du personnel de soins, lorsque vont brutalement évoluer les conceptions thérapeutiques en psychiatrie, dès les années 60, nécessitant alors une présence infirmière de plus en plus grande auprès des patients.


b) la répartition hiérarchique des soignants dans un service reconstitué à partir des états du personnel relevés tous les dix ans :

- en 1940 :
. Personnel médical : - le médecin chef
- les internes

. Personnel de soins : - les surveillants
- les sous surveillants
- les infirmiers chefs
- les infirmiers
- les auxiliaires
préposés aux taches exclusivement ménagères et qui étaient des journaliers.

- les servants dont la fonction était un reliquat des anciens domestiques attachés à certains malades particuliers.

- en 1950 : nous voyons apparaître des médecins assistants entre le médecin chef et ses internes, et au niveau des personnels auxiliaires, deux nouvelles catégories professionnelles : les aides-soignants auxiliaires et les auxiliaires de service se partageant les travaux ménagers liés directement aux malades pour les premiers, uniquement d'entretien des locaux pour les seconds.

- En 1960 : arrivent de nouveaux personnels para médicaux dont les postes sont budgétisés. Ceci indique une spécialisation de plus en plus importante des fonctions, renvoyant aux nouvelles orientations, aux nouvelles techniques et aux nouvelles préoccupations thérapeutiques, qui commencent à poindre à l'horizon psychiatrique. Ainsi sont alors employés dans l'établissement :

. Une aide physiothérapeute manipulateur d'électro-encéphalographie, prouvant que l'E.E.G. fait alors partie intégrante des examens systématiques pratiqués chez les malades mentaux.
. Un moniteur de cannage, ce qui laisse penser à un développement accru de la sociothérapie par le truchement de l'ergothérapie et d'activités manuelles très particularisées.
. Quatre assistantes sociales qui travaillent dans le but de réinsérer les patients à la reprise de leur vie extérieure.
. Deux psychologues qui font pénétrer les techniques psychologiques et relationnelles (tests, entretiens avec les malades et approche des relations avec les équipes de soins) au cœur du bastion psychiatrique jusqu'alors très médicalisé.

D'ores et déjà, nous constatons que cette institution vétuste, hiérarchisée, en proie à des problèmes financiers importants, n'échappe pas à la dynamique historique. Bon gré, mal gré, elle sera traversée par les grands courants d'idées que la société et par voie de conséquence la psychiatrie va véhiculer jusqu'au tournant de l'énnée 1968, année considéré par beaucoup " d'anciens " comme la fin d'une époque. Afin d'éclairer cette évolution et d'en mieux comprendre le sens, fixons-nous à la période 1950-1968, pour laquelle les témoignages sont encore nombreux et tentons d'analyser la proposition, des médecin d'une part, des infirmiers de l'autre.



Suite de la Thèse : le personnel médical



NOTES :

1 - André ROUMIEUX : " Je travaille à l'asile d'aliénés ". Ed Champ libre, Paris, 1974, et " La tisane et la camisole. Trente ans de psychiatrie publique ". Ed J.C. Lattés, Paris, 1981