II.2. LES PRINCIPES DE TRAVAIL
II 2 . a L’actualité de
la psychiatrie de secteur
La politique dite de
psychiatrie de secteur nous apparaissait et nous apparaît encore comme tout à
fait valide et parfaitement moderne. Le
principe de la continuité des soins affirmé par la circulaire de mars 1960, et
la mise à disposition sur l’ensemble du territoire français de moyens
équivalents (au contraire du Portugal où deux tiers des moyens budgétaires et
en personnel sont utilisés dans les mégapoles – Lisbonne, Porto et Coïmbra –
pour soigner un tiers de la population) sont pour nous fondamentaux ; les
missions de prévention, de soins et de réinsertion, primordiales.
II.2.b La différenciation
lieux de soins – lieux de vie
Mais il nous semble aussi
fondamental de ne pas continuer de confondre dans un même lieu – l’ancien
asile devenu hôpital – ce qui ressortit du soin et ce qui ressortit
de l’hébergement et de la réinsertion. C’est cette confusion dans un même
lieu de pathologies très diverses et de techniques de soins et de
réadaptation très variées, qui nous parait aujourd’hui encore source
d’inefficacité et de chronicisation iatrogène des malades, même si certains de
nos amis, au nom du mouvement de psychothérapie institutionnelle, défendent
encore aujourd’hui cette idée qui a fait les preuves de son inopportunité,
voire de sa toxicité.
II.2. c. Le dépérissement
de l’asile
Bien sûr, le
« dépérissement progressif de l’asile », tel que le prônait le
rapport de Jean Demay (12), nous paraît une nécessité, qui ne se met que trop
lentement en place à notre gré : l’asile a été conçu et construit il y a
presque deux siècles pour une autre fonction que celle qu’à assumer la
psychiatrie aujourd’hui. Non seulement il est périmé, mais ses effets
iatrogènes sont bien connus et ont été parfaitement décrits depuis longtemps
(13).
II. 2. d La
responsabilité soignante et la question du pouvoir
La responsabilité de chaque
soignant est primordiale. Elle ne saurait s’accommoder des pesanteurs
hiérarchiques liées à l’ensemble du système hospitalier français. La conception
même du service de soins infirmiers, importée d’Amérique du Nord et plaquée
verticalement sur des services horizontaux, ne nous semble pas meilleure à cet
égard que la conception traditionnelle des chefferies médicales de services.
Elle créé une hiérarchisation du type militaire qui va de l’infirmier
« général » à l’agent des
services hospitaliers en passant par le surveillant-chef, le surveillant,
l’infirmier de classe supérieure, l’infirmier, l’aide-soignant. Même si les
appellations se sont « démilitarisées » ou « dématonisée »
en se technocratisant en directeur du service de soins infirmiers, cadre
infirmier supérieur et cadre infirmier. Le Conseil de service (14), s’il
fonctionne de manière effectivement démocratique – ce qui n’est pas souvent le
cas – peut être un fort contrepoids aux diverses hiérarchies (administrative,
infirmière et médicale).
II.2. e. L’institution
centrée sur le patient
La manière de considérer les
patients et leurs familles se doit d’être respectueuse des personnes. Les
patients ne sont pas des sous-hommes, des déchets, des êtres inférieurs à
« surveiller et punir » pour reprendre le titre de l’ouvrage de
Michel Foucault sur les prisons. La chartre des patients hospitalisés nous y
incitent. Les associations de familles doivent être considérées comme des
alliés potentiels, et c’est à nous de développer, chaque fois que c’est
possible, ces potentialités.
Nous avons emprunté au
professeur Jacques Hochmann (15), et repris à notre compte, cette formule d’une
institution centrée sur le patient, elle-même empruntée à Rogers ; elle
caractérise des attitudes et des comportements professionnels aux antipodes de
ceux qui consistent à uniformiser des cohortes
de malades dans des institutions totalitaires.
II.2. f Les soins de
proximité
Offrir partout des soins de
qualité à nos compatriotes souffrant psychologiquement est une nécessité morale
impérieuse ; et soigner les gens au plus près de leurs lieux de vie, de
leurs lieux de travail quand ils travaillent, sans les désinsérer par des
hospitalisations trop longues.
C’est une attention de tous
les instants qui doit nous porter sans cesse à ne pas penser systématiquement
« hospitalisation » devant toute « crise » psychiatrique, à
quelque catégorie nosologique qu’elle se rattache. Déjà en 1956, Daumézon et
Bonnafé estimaient « inefficace une conception étroitement hospitalière de
l’assistance psychiatrique » (18). Et Tosquelles écrivait en 1991 :
« Malheureusement, la psychothérapie institutionnelle a été comprise
uniquement comme étant réduite à l’intra-muros des hôpitaux psychiatriques
classiques. » (19)