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PSYCHIATRIE...LEVONS LE VOILE


I.                 Introduction

 

Dans les années soixante-dix, les trois secteurs de psychiatrie générale et l’inter-secteur de psychiatrie infanto-juvénile des Landes, basés à l’hôpital psychiatrique du chef-lieu, Mont-de-Marsan, décident avec leurs autorités de tutelle de la création de deux entités supplémentaires : un secteur de psychiatrie générale et un inter-secteur de psychiatrie infanto-juvénile.

L’administration centrale accepte ces créations à une condition : ils seront l’un et l’autre créés à l’hôpital général de la sous-préfecture de Dax.

 

C’est l’histoire du secteur de psychiatrie générale que nous allons raconter ici, et comment son équipe s’est progressivement mise en place en développant des pratiques originales tenant compte non seulement de la politique de secteur et de la réglementation qui en a découlé, mais aussi de la conjoncture locale et des dynamismes mobilisables dans le champ sanitaire et social.

 

Cette histoire débute en novembre 1978 avec la nomination du docteur Michel Minard comme psychiatre chef de secteur, et avec une particularité notable : il ne dispose ni de lits, ni de structures intermédiaires – à la mode à l’époque – ni de véhicules.

Le nouveau secteur ainsi créé comporte à peu près 90000 habitants (32 % de la population des Landes, contre moins de 23 % pour chacun des autres secteurs). Il est mi-rural mi-urbain, bordé à l’ouest par l’Océan atlantique, au nord par la grande forêt de pins, à l’est par la Chalosse vallonnée toute proche du Béarn, au sud par le Pays Basque. On y vit, à Dax et dans les communes avoisinantes, du thermalisme, en bord de mer du tourisme, dans la forêt du bois et de ses dérivés (papiers, résine, etc.…) ailleurs de la culture du maïs et du gavage des canards. La culture locale est typiquement gasconne, de langue d’oc, avec des influences notables de la Guyenne, mais surtout du Béarn, du Pays Basque et de l’Espagne toute proche. On est en région de courses landaises, de rugby et de corrida, en terroir de foie gras, de palombes et d’ortolans, de vin de Tursan et d’armagnac. La région aquitaine n’est pas encore atteinte par un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale : on est tout juste au deuxième choc pétrolier. Les hôpitaux terminent leur période florissante ; ils pouvaient encore hier créer des postes et des lits, c’est aujourd’hui fini. On n’en est pas encore aux diminutions de lits mais aux premiers pas des redéploiements. Les Etats-Unis commencent d’estimer trop dépenser pour la santé, et le Professeur Fetter, pour le compte de grandes compagnies d’assurance américaines, commence ses recherches sur ce qu’on appellera en France les groupes homogènes de malades. Simone Veil, le ministre de la santé, dit qu’il y a trop de lits en France dès 1979, et les projets de PMSI et de maîtrise des dépenses de santé, calqués sur les projets américains, vont sortir des cartons. Le budget des hôpitaux est encore basé sur le prix de journée, pour quelques années encore. Dans les hôpitaux psychiatriques, le travail extra-hospitalier n’est toujours pas financé par la sécurité sociale, mais par l’Etat pour la plus grande part et par le département pour la plus petite, sur décisions du Conseil général

Et le Conseil général des Landes n’a rien décidé en 1978 quant à ce nouveau secteur psychiatrique. Il n’a créé aucun poste dans cette équipe inexistante et ne lui a alloué aucun budget. Le personnel de l’hôpital de Dax est à peine au courant de la création d’un secteur et d’un intersecteur en son sein et n’est pas concerné par elle. Le directeur se vit pour ces nouveaux « services » comme une boîte aux lettres. C’est auprès de la DDASS que Michel Minard va quémander des moyens, c’est la DDASS qui sert d’intermédiaire entre lui et l’hôpital psychiatrique, entre lui et le Conseil général.

Bien sûr, puisqu’il n’y a pas de lits de psychiatrie à Dax, les hospitalisations continueront de se faire à l’hôpital psychiatrique de Mont de Marsan. Mais le travail extra-hospitalier initié depuis quelques années sur l’ensemble du département – et cela de manière assez précoce par rapport à l’ensemble du territoire français, puisqu’il a commencé en 1968 -  doit continuer. Aussi l’hôpital psychiatrique prête-t-il au secteur de Dax un infirmier et une infirmière deux jours par semaine, avec un véhicule automobile. Dans le même temps, le dispensaire anti-tuberculeux moribond de Dax lui prête une secrétaire deux jours par semaine.

Michel Minard devra attendre un an pour que le Conseil Général des Landes, après bien des discussions, inscrive à son budget complémentaire de 1979 la création de cinq postes d’infirmiers de secteur psychiatrique, d’un poste de secrétaire et d’un demi poste de psychologue. Année après année, âpres discussions après âpres discussions, l’équipe s’étoffera, tantôt d’un psychiatre, tantôt d’un ou deux infirmiers, pour atteindre, dix-neuf ans plus tard, le chiffre de dix infirmiers, de trois psychiatres, d’un assistant (aujourd’hui praticien attaché contractuel), de deux secrétaires et d’une psychologue.

Ayant disposé de la location du rez-de-chaussée d’une maison dacquoise pour ses consultations à Dax, et de possibilités  de consultations dans les mairies de Capbreton, Saint-Vincent-de-tyrosse, Saint-Martin-de-seignanx et Soustons, elle dispose aujourd’hui d’un CMP trop petit à Dax (huit bureaux et une salle commune située dans l’ancien hôpital de Dax, aujourd’hui reconverti en hôpital thermal) et de cinq antennes dans des centres sociaux ou des mairies, qui nous louent ou nous prêtent des bureaux (Tamos, Saint-Martin-de-Seignanx, Saint-Vincent-de-Tyrosse, Soustons et Capbreton). Huit véhicules complètent ce dispositif extra-hospitalier.

 

La question de l’hospitalisation s’est posée bien sûr dès le premier jour, résolue d’abord comme on l’a dit plus haut. La DDASS nous faisait miroiter la création de 100 lits à Dax : beaucoup trop, disait Minard. Soixante-quinze alors ? Encore trop ! Heureusement, les moyens financiers ne pouvaient plus suivre : on entrait en périodes de vaches maigres !

 

Un projet de cinquante lits a failli voir le jour vers 1985, alors que vingt-cinq nous paraissait suffisants. Entre temps, la pratique que nous décrirons plus avant avait multiplié notre file active par quatre (à peu près 2300 patients pour un secteur de 100 000 habitants), mais divisé par six le nombre de journée d’hospitalisation de nos patients (à peu près 5000 journées, dont la moitié à l’hôpital psychiatrique et l’autre à l’hôpital général). Un recensement quotidien de nos hospitalisations pendant toutes ces années nous a permis de prouver que quinze lits étaient pour nous suffisants, mais parfaitement nécessaires, et que nous souhaiterions y faire ce qui s’appelait encore des placements volontaires.

Nos collègues psychiatres, infirmiers et administratifs de l’hôpital psychiatrique départemental trouvèrent ce nombre ridiculement bas, estimèrent que nous ne pourrions pas tout faire avec quinze lits, qu’ils seraient donc encore obligés de nous aider, et, en conséquence, prévinrent très solennellement de leurs craintes les autorités de tutelles, qui nous firent pourtant confiance.

En avril 1997, nous ouvrions une unité de quinze lits d’hospitalisation psychiatrique au Centre hospitalier de dax. L’équipe de secteur s’enrichissait d’un coup de seize infirmiers et infirmières, d’un psychiatre, d’une secrétaire, de quatre aides-soignants et de quatre agents des services hospitaliers. Et depuis bientôt trois ans nous prouvons qu’il est effectivement possible de n’utiliser que quinze lits pour faire une psychiatrie de secteur active comprenant les HO et les HDT : notre taux de remplissage n’a jamais atteint 90%, notre DMS est aux alentours de dix jours et nous nous payons le luxe d’avoir toujours dans ces lits un ou deux patients hors- secteurs !

 

SUITE...


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