"Travailler en psychiatrie, ça laisse des traces…" au même titre que, "c'est pas pour rien que l'on travaille en psy", ou, "ah ma bonne dame", ou mon bon monsieur, selon le genre, si l'interlocuteur est poli et de surcroît fait usage d'un langage légèrement suranné, "c'est pas trop dur de travailler en psy?".
Mais non chez nous l'enfer ce n'est pas les autres, ce n'est pas le regard que chacun porte sur soi à travers ce qu'il imagine du regard des autres, ça fait quelques payes que cet enfer a été conjuré. Chez nous l'enfer c'est la mécanique, les automatismes, les algorithmes.
Au delà de la mince couche de cynisme qui nous sert parfois de soupape, parfois de bouclier, il est inutile d'imaginer un, une soignante qui n'ait pas un profond respect, un profond amour de l'humain. Certains échappent à cet amour et c'est pourquoi le titre n'a jamais été suffisant à determiner la fonction.
On est prêts a tout voir tout entendre tout soigner, pourvu que l'on soit en nombre suffisant pour le faire et que l'on ne nous impose pas des contraintes insurmontables. Pourvu que l'on se sente appartenir à un tout dont l'objectif partagé est la lutte contre la maladie et la souffrance.
Seulement le nombre et le pouvoir de ceux qui ne travaillent qu'à instrumentaliser, codifier, rationaliser, quantifier, juger les pratiques ne fait qu'augmenter. Le pouvoir n'est plus soignant il est dictatorialement administratif. Quart de poste par ci, protocole par là, on a même inventé après les emplois Canada dry les unités de soins jetables.
On n'en est même plus opposer le cœur à la raison, car les soignant, ceux qui ont du cœur quelque soit leur fonction et leur grade ont intégrés depuis longtemps la dimension économique dans le déploiement de leur pratique, tandis que ceux qui sont du côté de la raison ont depuis belle lurette pétrifié leur cœur en rationalisant leurs émotions.
Alors on mécanise par protocoles interposés, on automatise par des diagnostics infirmiers, ont mets les comportements et les souffrances en courbes, et cela n'est même plus un moyen, c'est devenu une fin, comme si en définitive il ne s'agissait plus de travailler sur du vivant.
Depuis que j'ai entrepris cette page de la chronique, la musique générique de ce paradigme édifiant de la culture U.S me tonitrue dans la tête. DAALAAAAAS….!!
Notre univers devient vraiment impitoyable, rationnellement impitoyable.
Notre stagiaire infirmière a encore subie une évaluation harcèlement, notre préretraitée un entretien pression et l'équipe est au bord de l'explosion unanime.
A la première on reproche maintenant de ne pas maîtriser toutes les subtilités du minitel interne, hors les mouvements classiques des patients, sortie définitive, permission ou congé d'essai qui sont effectuées à l'aide de cet outil, il existe d'autres cas plus rares qui nous renvoient au manuel d'utilisation.. Et quant elle ose se défendre invoquant le fait que nous sommes tous dans le même cas, il lui est rétorqué que justement elle n'est pas là pour être comme les autres, c'est à dire nous! Les mauvais exemples, les incomplets, les surtout trop rebelles au passage au moule.
Comme aux meilleurs temps de l'inquisition, tout sera retenu contre vous, y compris aveux ( sanction-évaluation )arrachés sous contrainte morale. Et dans la foulée on la déclare inapte à animer l'atelier vidéo, tant pis si les patients sont privés d'un temps qu'ils appréciaient, tant pis si dans le lot il y a majoritairement des psychotiques qu'il avait été difficile de fidéliser.
Et la charnière hiérarchique, cadre, cadre sup et infirmière générale à l'origine de cette cabale ne voient même pas l'absurdité de la situation dans laquelle ils se trouvent. Une personnalité décrétée inapte entre autre pour sa fragilité psychologique, leur tient tête depuis cinq mois sans faiblir. Pas mal non.
Pour la seconde, c'est plus compliqué et plus simple à la fois. Plus compliqué comme l'est la situation d'une personne a qui l'on demande des performances plus de son temps. plus simple car c'est par pur caprice ou autoritarisme qu'une différence de trois à six mois dans une date de départ à la retraite inspire au cadre supérieur une attitude de harcèlement indigne du simple respect du à l'autre.
Ou alors c'est que l'équipe n'a rien compris, et il est temps à deux semaines des fêtes de se remettre à croire au père Noël.
on a rien compris, c'est pour nous souder, nous rendre plus solidaires que notre hiérarchie accumule les exactions à l'encontre de certains de nos membres. C'est pour nous renforcer que l'on nous impose de nous révolter. Et dans ce cas cela fera sûrement plaisir à nos bienveillants tuteurs de savoir que l'ensemble de l'équipe se réunit en A.G vendredi prochain, assemblée générale dont les décisions devraient encore plus les satisfaire par leur implication œdipienne, le père risque d'y perdre des plumes.
Quant je vous disais que travailler en psychiatrie cela laissait des traces.
Emogramme 9 : Noêl est passé