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La tisane et la camisole

Trente ans de psychiatrie publique


André Roumieux


JC Lattès



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La tisane et la camisole

Trente ans de psychiatrie publique


La tisane est une boisson préparée par l'action de l'eau sur les végétaux.

La camisole est un vêtement. La camisole de force, une blouse utilisée autrefois pour maîtriser certains malades mentaux agités.

Une drogue calmante peut jouer le rôle d'une camisole chimique. Le titre de ce livre évoque l'opposition entre ce qui se partage et ce qui contraint.



André Roumieux, le premier infirmier de secteur psychiatrique qui a écrit sur son métier, "je travaille à l'asile d'aliénés", a repris la plume en 1981 pour raconter ce qu'il a vécu de ces trente années de travail de l'asile à l'hôpital psychiatrique, de l'enfermement au travail en CMP. Trente année de la psychiatrie de secteur qu'il nous fait vivre de l'intérieur.
C'est amusant de se rappeler que lors d'une émission de télévision en 1974, Roumieux dit au journaliste : Prendre la parole pour un infirmier psychiatrique, c'est lever des interdits, c'est démolir des murs." Je crains que ce ne soit encore vrai aujourd'hui ?!

Je vous livre deux moments particulièrement savoureux de cette histoire. Dans un premier temps, l'aventure de la formation d'André à l'institut de formation. En 1973 la formation était de deux année sanctionnée par un diplôme. La formation dit-il vient de l'institution pour y revenir sous forme de pratique. "Cette formation repose sur le principe suivant : apprendre l'élève à réagir et à exécuter réglementairement des gestes : à faire face à un éventail de situations identifiées, inventoriées qui composent la vie institutionnelle. Il peut cependant y avoir des situations imprévues ; le réflexe de l'infirmier doit alors trouver la conduite à tenir type capable de résoudre cette situation imprévue..."

La formation, alors dispensée était de type médical. Le matin, l'élève apprenait ce qui se passait dans la cellule... L'après midi, il ouvrait une autre cellule qui elle, contenait un homme ou une femme. Les cours de pharmacie était précis et le droit détaillé en long et en large.
La raison d'être de l'infirmier est le malade apprenait-il, le métier d'infirmier est un incessant chemin d'apprentissage.
Les cours étaient l'occasion de se moquer gentiment des vieux infirmiers qui ne savaient que surveiller et laver par terre. Les cours de psychopatho. étaient donnés par un vieux médecin chef qui lisait ses cours et par un autre, tout jeune, qui affichait des positions anti-asilaires.
La psychiatrie disait-on à cette époque ne s'improvise pas. Elle est l'affaire de ceux qui ont été formés pour "en faire" !

L'autre moment fort du livre, du moins pour moi, c'est début 1974 quand les soignants (psycho, psychiatre, infirmier) se retrouvaient pour parler de la formation de l'infirmier en psychiatrie et de son rôle au quotidien. Il le faisait en vue d'un congrès qui avait ce thème de réflexion en septembre de la même année à Auxerre. Et à quelques kilomètres de là, se réunissaient 400 ISP venant de toute la France. Ceux-ci avaient réfléchi sur leur pratique et avaient fait un constat déplorable de la réalité psychiatrique. Ils ont écrit un rapport où ils vidaient "leur sac", ce rapport était hyper violent mais était porté par tous les infirmiers présents. Roumieux d'ailleurs nous présente une histoire d'un infirmier qui vivait mal la misère qu'il vivait au quotidien avec les patients. Celui-ci a voulu la dénoncer dans un journal local et fut aussitôt renvoyé de l'HP... (toute ressemblance à des aventures récentes est fortuite)

Et puis aussi, une présentation de Roumieux à une journée de psychiatre, premier infirmier à être invité à prendre la parole devant un parterre de psychiatre qui pendant 45 minutes a pu expliquer ce qu'était un infirmier psy et surtout ce qu'il voulait. C'est à dire "que disparaisse l'asile, avec l'aliénation d'un côté comme de l'autre..." Je me sens très proche de cet homme, moi qui venait en 1982 dire à l'HP d'Esquirol, lors de mon entretien d'admission à l'école d'ISP, que je trouvais que la psychiatrie devrait s'ouvrir, que les asiles devraient fermer et que les infirmiers devraient être auprès du grand public dans un travail de prévention et d'écoute.

Drôle de métier que ce métier d'infirmier psychiatrique...


@Marie Leyreloup
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