Premier roman de Jérome Pellissier dont je vous ai présenté un autre livre sur ce site :
La nuit tous les vieux sont gris (à lire et à relire).
Louise habite seule avec ses souvenirs en Camargue dans une grande maison, où elle reçoit pendant les vacances scolaires ses enfants et petits enfants.
De femme active et volontaire, Louise a vieilli et échappe petit à petit au temps. La fatigue de vivre l'entraine dans une spirale où sa famille et elle finissent par se perdre.
Le questionnement angoissant des enfants, les alliances inattendues, les haines et crispations qui surgissent nous oblige à suivre ce chemin sinueux avec au fond de soi quelques anxiétés peu claires. Trop proches ou trop lâches, trop envahissants ou trop incommodants, la famille entière fait écho à nos propres difficultés familiales. Quant est-il de l'amour dans ce magma de difficultés ? Qu'a t'on envie de demander pour résoudre ces souffrances ?
Une fois la maladie nommée, en l'occurence ici l'Alzheimer, l'ennemi ayant un nom, la "vieille" devient enfin malade.
La mère n'y est pour rien dans ce qui se passe. La maladie a pris possession d'elle. La maladie, mais aussi la famille ! Omniprésente pour Louise qui part de plus en plus profond en elle, dans ses souvenirs, dans ses angoisses, ses sentiments d'abandon ou de persécution.
La mise sous tutelle est particulièrement touchante et réaliste.
Puis le placement "temporaire" en résidence d'accueil pour personnes agées qui est un moment fort de la lecture. Louise qui se considère comme trahie par ses enfants n'accepte aucune activité et s'enferme de plus en plus loin dans ses souvenirs. Développer ses potentiels créatifs, Louise n'en a cure !
Repartir chez elle est impossible, belle prison dorée que ce centre pour personnes âgées ! Comment pouvoir redevenir maître de soi ??? Louise devient incontinente, joue avec ses excréments, consciente de jouer avec les autres.
Ce roman est bouleversant ! Il est celui de la mémoire qui est, tout à la fois, le refuge et le piège, la solitude et le tendre secret.
@Marie Leyreloup