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LA MAUVAISE RÉPUTATION

(ou l'influence des représentations sociales de la folie sur la pratique des infirmiers en psychiatrie)

SYNTHÈSE PARTIELLE

Si les réflexions concernant la société sont anciennes, les sciences sociales se sont considérablement développées au cours du 19ème siècle. Les recherches dans ce domaine sont le plus souvent comparatives et uniquement valables pour un groupe et dans un contexte donné. Elles tentent de distinguer de façon objective les différences et leurs causes, le normal du pathologique.
Les représentations sociales, mélanges de concepts, images et perceptions, au carrefour de nombreuses voies, concernent les interactions entre les groupes, entre les groupes et les individus, et se réfèrent pour cela aux cultures et aux traditions, la santé et la maladie étant de ce point de vue, des objets d'étude particulièrement éloquents.
La folie, phénomène complexe aux perceptions multiples, a toujours été présente dans les représentations collectives. Pouvant être perçu symboliquement comme l'envers de nous même, capable éventuellement de prendre notre place et nous la sienne, le "fou" amène le groupe social à élaborer un ordre social précis pour se différencier et se protéger de toute tentative d'assimilation.
Cette volonté de protection très présente dans l'opinion publique et relayée en cela par les médias, se rencontre également dans les institutions psychiatriques et chez les différents acteurs professionnels.

La peur du fou est ainsi profondément inscrite dans notre culture. Le fou, personnification de la déraison depuis la révolution française, est conçu comme invivable car pouvant, en droit, prendre notre place et nous la sienne."

M. Gauchet et G. Swain
La pratique de l'esprit humain

L'ENQUÊTE

"Le questionnaire est le moyen de communication essentiel entre l'enquêteur et l'enquêté..."
Grawitz, 1984

OBJECTIFS

Pour traiter ce sujet, il nous apparaissait important de "rencontrer" les professionnels. Important pour confronter des stéréotypes de la folie aux acteurs eux-mêmes. Important aussi, pour tenter d'évaluer, au plus près du terrain, le niveau d'influence de ces représentations.

CHOIX DE LA MÉTHODE

Pour atteindre ces objectifs nous avons choisi d'utiliser un questionnaire.
Nous avons privilégié un envoi en grand nombre pour les raisons suivantes:
- D'une part parce qu'il nous semblait que l'identification d'opinions générales nécessitait, pour être fiable et représentative, que celles-ci soient partagées par un grand nombre d'individus, d'origine géographique et institutionnelle différentes.

- D'autre part l'opportunité d'utiliser un traitement informatique de ces informations et donc la confrontation à une expérience et une méthode nouvelle pour nous. Méthode qui demandait un nombre important de réponses pour être utilisable.

Enfin, la possibilité, compte tenu d'activités associatives personnelles de solliciter la participation de collègues "relais" pour diffuser et récupérer les questionnaires.

LE QUESTIONNAIRE

a) Élaboration

Pour élaborer ce questionnaire nous avons procédé de la manière suivante:
- Nous avons d'abord identifié des représentations communes en matière de folie et de psychiatrie. Puis nous les avons associées à la pratique professionnelle. Nous avons ainsi formulé des questions ayant une double caractéristique, aborder les représentations et se référer à la pratique infirmière.

Pour faciliter le traitement envisagé et ne pouvant assurer nous-mêmes les entretiens, nous avons choisi des questions pour la plupart, fermées, laissant toutefois la possibilité de commentaires en annexe.

- Puis nous avons groupé les questions par thème (violence, soins...), et avons tenter de les hiérarchiser.

- Nous avons enfin testé le questionnaire auprès de 10 personnes, ce qui a permis de le modifier et d'en établir une version définitive, après avis technique des conseillers de ce travail. Cette version comprend 31 questions dont 6 factuelles, auxquelles il faut ajouter 3 questions ouvertes ( 2 visant à préciser des réponses, 1 pour d'éventuels commentaires complémentaires).

- Nous avons enfin adjoint une lettre d'accompagnement déterminant le cadre de la démarche.

b) Diffusion et retour

Après avoir contacté par téléphone les personnes "relais" sollicitées pour la diffusion et la récupération du questionnaire, 1200 exemplaires leur ont été envoyé dans 24 établissements répartis principalement dans le sud, le centre et l'est de la France, ainsi qu'en Ile de France.
Compte tenu des délais nécessaires pour la saisie informatique, une date butoir de retour fût fixée. À cette date ont répondu 16 établissements qui ont renvoyés 740 questionnaires exploitables.
Les 8 établissements restant, ont précisé ne pas pouvoir être dans les délais et retourneraient les questionnaires ultérieurement.

c) Mode de traitement

Le traitement informatisé des réponses fût mis en oeuvre à l'aide du logiciel "Modalisa".
Cela nécessita d'une part la saisie des questions et des réponses possibles puis une opération d'encodage de celles-ci, le logiciel offrant la possibilité de traitement, (une fois tous les questionnaires enregistrés), sous forme de tris à plat, de tris croisés traduits si besoin par des graphiques.

TRAITEMENT ET RÉSULTATS

a) Caractéristiques de l'échantillon

Les questions factuelles permettent de caractériser l'échantillon de la façon suivante:

1.Vous êtes:

Sur les 740 soignants ayant répondu, on trouve 547 infirmiers (soit 74,4%), 185 cadres (soit 25%) et 7 infirmiers généraux (soit 1% environ).
Ces chiffres peuvent être considérés comme représentatifs des statistiques nationales fournies par le ministère de la santé.

2.Ancienneté de diplôme infirmier:

521 personnes (soit 70,4%) ont 11 ans et plus d'ancienneté de diplôme. Il y aurait vraisemblablement eut un intérêt supplémentaire à caractériser cette ancienneté de 11 à 15 ans puis de plus de 15 ans pour une meilleure appréciation de l'âge du professionnel. 3. Vous êtes:

En effet, la question 3 nous montre que 540 personnes (soit 73%) ont plus de 36 ans, dont 253 (soit 34,2%) ont plus de 46 ans.
Nous pouvons donc considérer que la population concernée est sur un plan professionnel assez âgée.

4.Vous êtes:

Les femmes représentent 505 individus (soit 68,2 %) de l'échantillon, ce qui comparé, aux statistiques nationales du SESI (1) peut être considéré comme représentatif.

5. Région:

La répartition géographique ne peut être considérée comme significative, les réponses étant principalement localisées sur le centre et l'île de France,351 et 281 réponses (soit respectivement 47% et 38%).

6.Vous exercez:

Enfin, 465 personnes, soit 63% travaillent en intra- hospitalier.
On constate sur ce point une évolution des pratiques et des modes de prises en charge. En effet la proportion de soignants qui travaillent strictement en intra- hospitalier diminue au bénéfice de ceux qui travaillent en intra et extra , c'est à dire 154 personnes, soit 21%.
Nous pouvons peut être constater ici une plus grande mobilité professionnelle.

a) Résultats

Les résultats sont déterminés question par question à l'aide de tris croisés effectués à partir de l'ancienneté de diplôme, du sexe des individus, et du lieu de travail (intra, extra, les deux).

Q7:Pensez-vous que la maladie mentale:

Les individus pensent majoritairement que la maladie mentale ne se guérit pas (82,7%). On constate un faible % de sans avis. Les perceptions étant différentes selon les maladies mentales (cf folie et dépression), il aurait été souhaitable de souligner ces différences dans la question.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Le "pessimisme" s'accroît avec l'ancienneté. Les sans avis sont plus nombreux en début de carrière.

Par rapport au sexe:

Les femmes sont plus pessimistes que les hommes. Les représentations de la dangerosité, donc de la gravité des maladies mentales, sont peut-être plus fortes chez les femmes.

Par rapport au lieu d'exercice:

Les écarts sont faibles (de 2 à 3%). Mais la maladie se guérit plus en intra, ce qui peut paraître paradoxal, l'intra étant le lieu des pathologies les plus "lourdes" et d'une chronicité plus importante.

Q8: Les maladies psychiatriques nécessitent en général des soins:

95% évaluent la nécessité de soins de plusieurs années à toute la vie. Ceci concorde avec l'approche non guérissable de la maladie, donc impliquant des soins constants.
La guérison en quelques semaines apparaît quasiment inenvisageable (0,7%).

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Plus on est ancien, plus on pense que les soins seront longs. On relève une nette augmentation de cette opinion à partir de 10 ans de carrière. Cela est à associer au constat, pour les anciens, de fréquenter les mêmes malades depuis longtemps, voire pendant toute une carrière.

Par rapport au sexe:

Les femmes sont plus pessimistes que les hommes. On remarque un écart important pour une durée de soins toute une vie (10%). On retrouve ici le lien avec la notion d'incurabilité évoqué en Q7.

Par rapport au lieu d'exercice:

Le lieu de travail n'a pas d'influence importante sur cette perception tout de même un peu moins marquée en extra hospitalier.

Q9: Beaucoup de personnes se trouvent en psychiatrie non parce qu'elles sont malades mais parce qu'aucune autre structure ne peut les accueillir. Etes-vous:

Avec 56% d'opinions favorables, on retrouve ici la vocation de lieu de vie de l'hôpital psychiatrique. En l'absence d'un nombre suffisant d'autres structures (MAS, CHRS...), l'hôpital conserve une fonction sociale.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Cette opinion est à peu près stable pendant la carrière, excepté un fort % de sans avis chez les plus jeunes, sans doute dû à une absence d'expérience
L'hypothèse de la longue fréquentation des malades (habitude) et de la stabilisation des pathologies est peut-être un indicateur de renforcement, les malades pouvant être alors considérés comme n'ayant plus leur place à l'hôpital.

Par rapport au sexe:

Les femmes plus d'accord mais aussi plus "sans avis" que les hommes.

Par rapport au lieu d'exercice:

L'extra hospitalier n'ayant pas de vocation à l'hébergement durable, la perception du lieu de soins comme lieu de vie est ici beaucoup moins sensible. Ceci explique un écart de 20%.

Q10: On entend souvent dire qu'une partie des patients pris en charge ne sont pas réellement malades mais sont plutôt installés à l'hôpital.

17% considèrent ces malades nombreux. L'hôpital assume peut-être ici encore une fonction sociale. Mais la majorité (78%) estime qu'il ne faut pas y voir une volonté délibérée de vivre à l'hôpital.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Plus l'expérience professionnelle augmente moins on estime nombreux les patients "installés". Cette expérience favorise sans doute une meilleure lisibilité de la pathologie, donc un plus grand discernement d'éléments diagnostiques non perceptibles au départ.

Par rapport au sexe:

Les femmes sont nettement plus favorables que les hommes à cette perception.

Par rapport au lieu d'exercice:

Le faible % des "nombreux" chez les individus qui travaillent dans les deux est assez surprenant (10%) et de plus inférieur à l'extra. Le travail dans les deux types de structure favorise une approche plus globale et peut-être une distance plus importante vis à vis des représentations. Les "nombreux" sont majoritaires en intra. Il y a peut-être un lien entre la notion d' "installé" et celle de chronicité.

Q11:En psychiatrie, pensez-vous qu'il est possible de mesurer l'efficacité des soins:

La capacité à mesurer l'efficacité des soins apparaît sans équivoque (75%).On peut associer ce résultat à l'implantation importante, ces dernières années de la notion d'évaluation et des actions réalisées dans ce domaine mais peut-être aussi à un discours défensif vis à vis des professionnels "non psy" qui considèrent cette évaluation impossible et de l'opinion publique qui ne sait pas trop de quel soins il s'agit. On remarque un % de sans avis assez important (8,5%) attestant de la persistance d'un doute à ce propos de cette efficacité.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Malgré un fléchissement pour la catégorie 1 à 5 ans (attribué peut-être au constat d'un décalage entre l'apprentissage théorique récent et la réalité du terrain ), le taux est stable.
L'absence d'opinion augmente avec l'ancienneté.

Par rapport au sexe:

Ici encore les hommes sont plus optimistes que les femmes.

Par rapport au lieu d'exercice:

La position majoritaire de l'extra (85%), est sans doute liée à la nature des pathologies prises en charge. L'intra est plus le lieu des psychoses anciennes et "stabilisées" où le maintien de cette stabilité n'est sans doute pas considéré comme indicateur d'efficacité des soins, la mesure se situant à long terme.
La position de l'extra est assez déterminée, les sans avis étant les plus faibles.

Q12: Face à la maladie mentale les infirmiers se sentent:

Seuls 63% se sentent efficaces, renvoyant à l'incurabilité de la maladie mentale. Si l'on associe les sans avis on peut penser que 36% des personnes interrogées ne savent pas si ce qu'elles font a une quelconque utilité. Ceci est étonnant, comparé à Q11 où 75% pensent pouvoir mesurer l'efficacité.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

L'absence d'avis reste important tout au long de la carrière et très important en début, par manque d'expérience. On note que le sentiment d'efficacité augmente avec l'ancienneté. Il serait sans doute intéressant de développer cette notion.

Par rapport au sexe:

Les femmes se sentent plus impuissantes et sans avis que les hommes.

Par rapport au lieu d'exercice:

On se sent plus efficace en extra hospitalier qu'en intra mais il faut noter que ce sont les individus qui travaillent dans les deux à la fois qui se sentent nettement plus efficaces pour des raisons dues là encore à une approche plus large et systémique des prises en charge. De plus le sentiment d'impuissance est plus fort là où se trouvent les pathologies les plus "lourdes".

Q13: Les soignants en psychiatrie doivent-ils avoir un rôle de protection de la société:

Les avis sont partagés de façon sensiblement identique. Si le rôle de protection de la société se ressent par rapport aux hospitalisations sous contrainte,la perception peut être différente selon que l'on se place du point de vue des malades hospitalisés contre leur gré à leur entrée (environ 10% des admissions) ou présents dans l'établissement (environ 35%)

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Plus on est ancien, plus on est d'accord mais les sans avis sont assez importants. Les jeunes, plus en désaccord, associent plus difficilement cette fonction à la notion de soins, seule développée en formation. En fait ils peuvent considérer être là pour soigner, non pour "enfermer".

Par rapport au sexe:

Peu de différence significative à ce propos.

Par rapport au lieu d'exercice:

L'accord plus important en intra s'explique par le fait que l'extra est beaucoup moins confronté aux HO et HDT

Q14: Vis à vis de l'agressivité des patients le travail infirmier en psychiatrie nécessite une vigilance:

Presque 60% considèrent cette vigilance très importante. On peut voir ici une éventuelle persistance de l'image du fou par nature dangereux et violent. Ce que confirmerait la faiblesse du % de la catégorie "insignifiante"

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Cette image très forte en début de carrière (68%), s'atténue avec les années, mais assez peu, restant largement supérieure à la moyenne. Les années de pratiques professionnelles tendraient à modifier la représentation.

Par rapport au sexe:

Les femmes sont plus sensibles à l'agressivité potentielle. La notion de violence étant culturellement associée à l' homme, les femmes apparaissent plus fragiles sur ce plan, et souhaitent donc davantage s'en prémunir.

Par rapport au lieu d'exercice:

L'intra est plus sensible à la notion de violence car plus souvent confronté aux situations qualifiées de difficiles sur ce plan. En effet, c'est l'hospitalisation intra qui accueille plus particulièrement les situations de crise et les pathologies les plus "lourdes".

Q15: Dans l'élaboration des projets de soins la violence est-elle une donnée à prendre en compte:

La tendance est ici plus nuancée, "parfois" étant majoritaire (57%) Ceci peut être attribué à la nature de la question qui porte plus sur la pratique concrète que sur des considérations générales relatives à la maladie mentale. La position "jamais" est insignifiante (0,5%).

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

L'ancienneté n'a pas d'incidence particulière.

Par rapport au sexe:

Les femmes sont une nouvelle fois plus sensibles que les hommes à cette notion, dans tous les cas de figure.

Par rapport au lieu d'exercice:

On retrouve ici les mêmes tendances que pour la question précédente, et pour les mêmes raisons.

Q16: Lorsqu'on distribue les médicaments, doit-on faire attention aux problèmes de dissimulation:

La dissimulation est perçue comme constante dans 70% des réponses. On peut voir ici, un lien direct avec la représentation du fou menteur et tricheur évoquée dans la première partie.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

L'image semble forte car l'ancienneté n'a aucune influence.

Par rapport au sexe:

De nouveau la perception est plus forte chez les femmes.

Par rapport au lieu d'exercice:

En extra hospitalier les malades se préoccupent le plus souvent eux-mêmes de leur traitement, leurs rapports avec les soignants, à ce propos, concernent les traitements retard et la délivrance d'ordonnances par les médecins. La confrontation à la dissimulation éventuelle ou imaginaire est moins présente.
En intra, ce sont les infirmiers qui commandent, préparent, distribuent, et contrôlent les traitements.

Q17: Les infirmiers sont souvent obligés de lutter contre l'oisiveté des patients. Êtes vous:

La nécessité de lutte contre l'oisiveté recueille une très forte majorité (71%) qu'il faut associer à la représentation du fou tricheur (Q16) et ici fainéant. Les sans avis représentant tout de même 9%.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

L'ancienneté joue peu sauf en tout début de carrière où cette notion est moins présente.

Par rapport au sexe:

Les femmes expriment une position de nouveau majoritaire.

Par rapport au lieu d'exercice:

La notion d'oisiveté est nettement moins perçue par l'extra hospitalier où les patients ne viennent qu'une partie de la journée. Leurs relations et activités avec l'extérieur sont plus nombreuses et fréquentes. Ils ne vivent pas dans les lieux à temps complet, avec les soignants. L'apragmatisme inhérent à la psychose est un indicateur moins présent de façon constante.
Les soignants de l'intra sont tout au long de la journée confrontés à cette pseudo passivité qui renvoie à l'inactivité, donc à l'oisiveté, donc au stéréotype de fainéantise.

Q18: Les soins infirmiers en psychiatrie sont plutôt de nature:

L'aspect psychologique arrive en premier lieu, puis médical et en dernier rang mais assez proche l'aspect social. Les 73 sans réponses correspondent à une absence de hiérarchisation demandée des réponses.
Bien que la psychiatrie se situe dans le champ de la médecine, la notion psychologique prévaut car elle fait écho à la dimension relationnelle des soins infirmiers, tandis que le médical est plus assimilé à une approche biologique , donc somatique, du patient. Le social, très présent, confirme le rôle social attribué à l'hôpital psychiatrique (au sens de l'hébergement).

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

L' ancienneté n'a pas d'influence particulière à ce niveau.

Par rapport au sexe:

Pas de différence ici non plus si ce n'est une approche légèrement plus médicale pour les hommes.

Par rapport au lieu d'exercice:

Choix psychologique plus marqué en extra, sans doute influencé par des prises en charges plus individuelles, une fonction hôtelière moins importante, et donc un travail relationnel individuel plus développé.
Le critère social nettement plus éloigné, cette vocation étant, ici, absente.

Q19: Le travail infirmier en psychiatrie comporte une partie hôtelière:

La perception d'un travail hôtelier important est forte, voire très forte dans 35% des cas. On peut confirmer le poids de la fonction lieu de vie de l'hôpital.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

On note une fluctuation de cette notion au long de la carrière, comme si l'attention des professionnels oscillait, par période entre un intérêt pour les soins et un intérêt pour la fonction lieu de vie. On remarque également une baisse régulière du choix de l'item "insignifiante"

Par rapport au sexe:

Les femmes sont plus réceptives que les hommes à l'argument hôtelier.

Par rapport au lieu d'exercice:

Le critère "important" est plus faible en extra car la fonction hôtelière y est beaucoup plus limitée.

Q20: Cette fonction hôtelière est-elle:

Si 25% souhaite l'éviter, cette fonction est considérée indispensable par 58%
On note une différence importante avec le travail en hôpital général où les infirmiers centrent l'essentiel de leur fonction sur le soin. On constate donc une appropriation de cette dimension chez les infirmiers "psy". Mais est-ce pour assumer la mission sociale de l'hôpital ou pour éviter que d'autres catégories de personnel viennent les remplacer sur ce plan ? Enfin, le nombre des sans avis est assez élevé (15%).

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Plus on est ancien plus on considère la fonction hôtelière indispensable.On peut penser que les jeunes sont plus favorables au soin dont les techniques, développées en formation sont sources de valorisation. Ces techniques revêtent moins d'importance avec le temps et permettent de mettre l'accent sur une approche plus humaine et sociale.

Par rapport au sexe:

Les sans avis sont plus importants chez les femmes qui confèrent un caractère moins indispensable que les hommes à cette fonction. Les femmes centrent plus leur rôle professionnel sur le soin peut-être pour se situer à contrario d'une fonction hôtelière que culturellement on leur attribue.

Par rapport au lieu d'exercice:

L'extra, moins confronté à cette fonction exprime le % le plus faible

Q21: De manière générale les infirmiers sont confrontés à l'agitation des patients:

46% considèrent cet état de fait fréquent mais il aurait sans doute fallut préciser ce qui était entendu par agitation, l'aspect surprenant étant 1 seule réponse pour le critère "jamais".

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Moins citée en tout début de carrière, la fréquence diminue de plus en plus avec les années. Cette baisse peut être due au fait qu'' on y prend moins garde avec le temps ou que ce qui semblait de l'agitation n'apparaît plus comme tel mais comme un élément dia gnostic plus "scientifique" comme par exemple dans le cas des phases maniaques.

Par rapport au sexe:

Les femmes perçoivent l'agitation plus fréquente que les hommes. En regard des questions précédentes on constate que les femmes ont une lisibilité plus forte des manifestations pathologiques de cette nature, qui les heurtent peut-être plus.

Par rapport au lieu d'exercice:

Les phases aiguës de la pathologie étant plus représentées en intra, l'extra est bien moins sensible à ce critère (28%), les individus travaillant dans les deux structures se situant a l'intermédiaire (47%).

Q22: Dans la majorité des cas les médicaments prescrits ont pour principal objectif de calmer les patients. Etes-vous:

Les avis sont très partagés et semble-t-il assez représentatifs de ceux de la population. On note tout de même que 49% associent le traitement à la cédation de troubles tels l'agressivité ou l'agitation, objectif unique des premiers neuroleptiques (1952), mais pourtant secondaire de nos jours.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Si l'objectif de calmer, du traitement est fort en début de carrière (54%), elle s'atténue très vite (38%), pour remonter ensuite régulièrement jusqu'à 50%, les sans avis diminuant progressivement.

Par rapport au sexe:

Les points de vue sont sensiblement équivalents pour les hommes et les femmes.

Par rapport au lieu d'exercice:

Le contexte pathologique plus "lourd" en intra semble ici encore avoir une influence, l'extra étant majoritairement contre (51%), avec un taux de sans avis élevé. On remarque, fait surprenant, que les "d'accord" sont majoritaires chez ceux qui travaillent dans les deux structures, alors que cette catégorie tendait à pondérer les deux premières.

Q23: Fermer à clé les portes de l'unité de soins:

La fermeture des portes est nécessaire pour 75% des individus, dont 60% pour protéger le patient. On peut lier ces résultats à la volonté historique de mise à l'écart de la société, et de non divagation des malades.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

L'enfermement nécessaire est très fortement perçu par les jeunes professionnels (près de 80%). Mais plus on est ancien, moins on considère que cela protège le patient et plus cela rassure les soignants. Ceci est paradoxal, l'expérience développant, à priori, l'assurance. Peut être peut-on voir ici l'utilisation d'une solution moins contraignante (surveillance constante). Enfin 17% environ considèrent la nécessité de fermer inutile.

Par rapport au sexe:

La protection du patient est majoritaire chez les femmes mais l'inutilité majoritaire chez les hommes.

Par rapport au lieu d'exercice:

La fermeture des portes est une pratique exclusivement intra, ce qui explique l'écart de 14%, mais les 56% indiquent la persistance de l'image. On note un fort taux d'inutilité pour "les 2".

Q24: L'isolement d'un patient s'accompagne la plupart du temps de sa mise en pyjama et de la suppression de tout objet dangereux pour lui ou pour les autres (lacets, briquets, etc):

Avec 81% de réponses favorables, on voit apparaître la notion de sécurité avec son aspect carcéral, et le problème de responsabilité qui renvoie à la fonction de régulation sociale dévolue à la psychiatrie.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

La tendance reste la même au cours des années, avec une nouvelle fois un effet de balancier entre le tout début de carrière (92%) où il n'y a aucun avis contre, et la période qui suit immédiatement (78%).

Par rapport au sexe:

Les femmes semblent plus réceptives a la notion de sécurité, qui est associée à la violence et la dangerosité, comme pour Q14 et Q15. Les sans avis sont également moins important que pour les hommes.

Par rapport au lieu d'exercice:

L'extra n'est pas confronté aux situations d'isolement essentiellement assumées par l'intra. La différence est donc nette entre les deux structures. Mais 68% est un taux important, en l'absence de cette confrontation, indiquant ainsi que les représentations à ce propos, bien qu'atténuées par le lieu d'exercice, restent fortes dans la profession.

Q25: D'après vous les entretiens thérapeutiques sont:

Lorsqu'on aborde la pratique du soin sous ses aspects, disons positifs et concrets (les stéréotypes étant moins sollicités), les résultats sont sans équivoque. 89% estiment les entretiens efficaces, alors qu'ils n'étaient que 75% pour la mesure de l'efficacité, et que 40% se sentaient soit impuissants soit sans avis vis à vis de la maladie.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Les nouveaux diplômés sont unanimes (100%) la perception d'efficacité de l'entretien reste très importante, malgré un fléchissement dans la période 6 à 10 peut-être dû comme dans nombre de questions précédentes, à une légère lassitude ou baisse de motivation passagère et fréquente après quelques années de carrière.

Par rapport au sexe:

Le sexe n'influence pas les réponses à cette question.

Par rapport au lieu d'exercice:

Les réponses favorables sont supérieures en extra où la pratique de l'entretien est très développée, mais supérieures également pour les sans importance (6%), ce qui peut sembler paradoxal, ou expliquée par le fait que cette pratique étant courante, elle entraîne une relativisation plus conséquente.
De plus, le taux le plus élevé se trouve pour "les 2".

Q26: Dans l'avenir les soins infirmiers en psychiatrie évolueront:

Si 68% pensent que les soins infirmiers en psychiatrie évolueront beaucoup, 23% sont néanmoins sans avis à ce propos. De plus on ne sait dans quel sens cette évolution est perçue. Enfin cela peut également indiquer que ces soins sont actuellement peu évolués. On considère d'ailleurs que c'est la pratique qui fait évoluer l'image et non le titre (cf Q31).

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Ici le recul de l'expérience permet de voir le chemin parcouru et donc d'envisager la continuité de cette progression. Ce qui peut expliquer la croissance constante des taux avec l'ancienneté, excepté pour la tranche 1 à 5 (pour les raisons évoquées en Q25)

Par rapport au sexe:

Les femmes semblent de nouveau plus "pessimistes", y compris pour les sans avis.

Par rapport au lieu d'exercice:

Une nouvelle fois ce sont les individus qui travaillent dans les deux structures qui envisagent nettement une évolution importante (78%) les sans avis étant franchement moins nombreux que dans les autres catégories.
Cette situation professionnelle semble avoir une influence signifiante sur les perceptions des soignants.

Q27: Si un membre de votre famille avait un problème psychiatrique, l'hospitaliseriez-vous dans votre service:

Les réponses sont sans appel, 71% étant contre. L' "utilisation" de la psychiatrie ne se perçoit que pour les autres, pas pour soi. L'idée d'être assimilé aux fous, de faire partie du monde d'en face n'est pas envisageable. Les sans avis sont d'ailleurs relativement peu importants (9%).

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

La fréquentation de la folie, donc sa démystification, atténue progressivement le phénomène de rejet de façon significative (92% à 68%). Les nouveaux diplômés expriment une opposition déterminée (aucun sans avis).

Par rapport au sexe:

Les femmes sont nettement plus opposées que les hommes avec 8% d'écart.

Par rapport au lieu d'exercice:

L'extra est plus nuancé. On peut y voir deux raisons: d'une part les pathologies les plus aiguës, ou "lourdes", se trouvent en intra, d'autre part les conditions d'accueil hôtelier ont été pendant longtemps (et sont encore parfois) de qualité médiocre, ces raisons renforçant l'image négative de la folie et surtout des institutions.

Q28: Indiquer que l'on est infirmier "psy" à des personnes extérieures au milieu professionnel est:

La tendance générale est à l'indifférence (61,5%), les individus ne percevant pas d'intérêt particulier à préciser leur domaine d'exercice professionnel. N'y a-t-il pas là une forme de banalisation de la fonction liée à l'évolution de la profession ou à sa perception sociale? Les 23% "valorisant" sont-ils à mettre en rapport avec une perception d'ascension sociale liée au métier et au milieu social d'origine? De plus, est-ce l'aspect infirmier ou l'aspect "psy" qui est déterminant?

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

Pour les jeunes professionnels plus sensibles que les anciens à ce propos, indiquer leur spécialité renvoie peut être au souci de communiquer l'attrait un peu magique de tout ce qui relève du domaine psychologique.

Par rapport au sexe:

Pas de différence notoire à ce propos, si ce n' est que les femmes souhaitent plus que les hommes éviter d'en parler.

Par rapport au lieu d'exercice:

C'est en intra que l'on souhaite le moins communiquer la nature de son domaine d'activité. Mais on note que ce sont ceux qui exercent dans les deux structures qui y voient la plus grande source de valorisation, et de façon très nette (30%).

Q29: Vis à vis des autres professionnels de la santé, l'infirmier psychiatrique est perçu de façon:

On remarque un net sentiment de dévalorisation vis à vis des autres professionnels, "autres" étant peut-être trop large. Le poids des représentations de l'historique de la psychiatrie et des professions infirmières DE et PSY est significatif. L'impression de ne pas être compris par les soins généraux ( qui ont, de plus, des droits plus étendus) s'exprime encore beaucoup.( cf presse professionnelle)

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

La perception positive augmente nettement avec l'ancienneté (9 à 20%). On retrouve une période de doute après quelques années (28,5% de sans avis), la perception négative culminant dans les premières années de vie professionnelle (78%).

Par rapport au sexe:

Les femmes ont une perception plus négative que les hommes.

Par rapport au lieu d'exercice:

La différence se fait ici sur les sans avis plus importants en extra (28,5%), qui ne semble pas préoccupé par l'image donnée à l'extérieur. L'aspect négatif majoritaire en intra (64%) est sans doute associé à l'institution elle même, dont l'image peut accentuer les complexes éventuels.

Q30: Vis à vis de la population l'infirmier psychiatrique est perçu de façon:

La perception positive, majoritaire (51%), est à lier à l'image que la population a de la profession infirmière en général.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

On devient plus positif avec les années, le taux de sans avis étant assez stable (légèrement décroissant) mais élevé (environ 26%)

Par rapport au sexe:

La perception est plus négative chez les femmes qui de plus ont un avis plus marqué.

Par rapport au lieu d'exercice:

On constate une nouvelle fois que l'intra est moins réceptif à la nature de l'image donnée à l'extérieur (32% sans avis). Mais lorsque les avis sont exprimés, c'est en intra qu'ils sont le plus positif (54% pour 49%), ce qui peut paraître paradoxal.

Q31: L'obtention du diplôme d'État contribue-t-elle à modifier la perception de l'image de l'infirmier de secteur psychiatrique:

L'impact du DE sur l'image est estimé relativement faible. L'indifférence est importante (32%). Cela semble ne pas convaincre, en tous cas ne pas suffire pour une modification escomptée.

Par rapport à l'ancienneté de diplôme:

La besoin de reconnaissance est marqué en tout début de carrière (52%), puis s'estompe, les professionnels étant à pied d'oeuvre et exploitant les acquis de formation, pour enfin remonter après quelques années, des besoins supplémentaires en la matière se faisant de nouveau sentir.

Par rapport au sexe:

Le besoin de reconnaissance est plus important chez les femmes (41% contre 34,5%). Cette différence peut se justifier par un souhait général de reconnaissance professionnelle des femmes, vis à vis des hommes

Par rapport au lieu d'exercice:

C'est une des rares fois ou un souhait de cette nature est plus fortement exprimé par l'extra. Mais se sentant déjà reconnu sur les bases fondamentales de leur pratique, il s'agit ici, d'un plus de reconnaissance à obtenir. Cette volonté est encore plus exprimée par ceux qui travaillent dans les deux structures.

Synthèse Cette recherche montre que les stéréotypes concernant la folie, le malade mental et l'institution restent présents dans la pratique des infirmiers en psychiatrie. Ceci s'accompagne de perceptions pessimistes ou réalistes, (selon l'interprétation que chacun donne), de la fonction de la psychiatrie dans la société, et d'un sentiment de déconsidération de la part des autres professionnels. On observe néanmoins une volonté de modifier ces perceptions et cette image.

Les maladies mentales sont toujours considérées sans guérison possible pour 90% des soignants qui sont amenés à se poser la question de l'utilité de leur action pour 40% d'entre eux.

On retrouve ici la maladie mentale perçue comme une fatalité contre laquelle on ne peut rien.
Les représentations de violence, dangerosité, agressivité restent très présentes (Q14,Q15, Q24) alors que seuls 3% des patients sont officiellement considérés potentiellement comme tels.

Si la majorité refuse de jouer un rôle de protection de la société (Q13), 75% trouvent utile de fermer les portes à clé (Q23), ce qui renvoie, au delà de la volonté de protéger le patient, à la nécessité d'enfermer les malades mentaux à l'écart de la société.
Cela donne également à l'hôpital une fonction sociale, de lieu de vie et d'accueil de ces "exclus" (Q19, Q20).
Nous constatons également:

-que l'ancienneté de carrière tend à atténuer le poids des représentations sociales de la folie. Les représentations sont fortes en début de carrière, proches de celles de l'opinion publique puis se modifient, attribuant plus de place aux repères professionnels. La fréquentation de la folie incite donc à modérer l'influence de ces représentations.

-que les femmes sont nettement plus "pessimistes" et sensibles aux stéréotypes que les hommes, différences exprimées dans la quasi totalité des questions.

Nous pouvons faire l'hypothèse, ici, d'un lien avec les rapports homme- femme, de notre culture et de nos traditions. Ainsi force physique, violence, et danger sont culturellement plutôt attribués aux hommes tandis que fragilité, faiblesse, sensibilité sont plutôt attribuées aux femmes. Ne parle-t-on pas, lorsqu'un délit est commis par un malade mental, du "dangereux forcené" lorsqu'il s'agit d'un homme et de "la malheureuse" lorsqu'il s'agit d'une femme.

- que l'intra est plus pessimiste que l'extra.

En effet, l'hôpital est une structure qui tend à vivre repliée sur elle même, accueillant des situations pathologiques difficiles, l'aspect carcéral s'exprimant alors fortement et amenant les professionnels à adopter des pratiques allant dans ce sens, sans pour autant que cela émane d'une volonté délibérée.

L'extra hospitalier, ouvert sur l'exterieur inscrit dans le tissu social, n'assumant pas de fonction de lieu de vie, est par conséquent moins dépendant de ces représentations

. Mais il est surprenant de constater que les individus qui travaillent simultanément dans les deux types de structures ont une vision encore plus large des choses, une approche plus systémique. On peut penser que la perception plus globale du système atténue la dépendance vis à vis des représentations.

Donc si l'on modifie les pratiques, on tend à modifier les représentations.
- que toutes les questions centrées sur des éléments concrets de la pratique recueillent des réponses nettement plus unanimes, le lien avec les représentations étant perçu moins fortement.

- que 90% des individus en s'opposant à l'hospitalisation d'un proche dans leur service (Q27, excepté parce qu'on ne peut être le thérapeute d'un de ses proches) semblent refuser l'éventualité de faire partie de l'autre monde (la folie) ou que cet autre monde les envahisse, la différence devant restée marquée et l'assimilation (au sens où Jodelet l'entend) impossible à envisager.

L'élaboration et le traitement du questionnaire ont soulevé les difficultés suivantes:
Tout d'abord, parvenir à différencier une formulation de questions portant sur l'image de la psychiatrie et la pratique professionnelle et non simplement sur l'image de la folie.

Ensuite, déterminer les stéréotypes suffisamment éloquents à confronter aux soignants,mais en évitant de trop heurter.
Enfin tenter de regrouper les questions par nature et les hiérarchiser.
Nous avons, compte tenu des réponses fournies, estimé des questions imprécises: la Q7 aurait pu aborder "les maladies mentales" et les différencier; la Q26 aurait pu préciser le sens de l'évolution; la Q27 aurait pu éliminer la possibilité d'être thérapeute du membre familial; la Q29 aurait pu préciser de quels autres professionnels il s'agissait. De même, la Q23 aurait pu être hiérarchisée évitant ainsi les doubles réponses.
La lettre d'accompagnement du questionnaire aurait pu préciser davantage l'objectif de la démarche. La crainte d'influencer les réponses a peut-être entraîné un manque de précision.
Le traitement des questions ouvertes n'a pu s'effectuer sur un plan informatique, leur encodage s'avérant finalement trop complexe. Celles-ci ont été traitées par lecture et restitution de leurs orientations principales.
L'envoi des questionnaires, leur distribution et leur retour ont été perturbés par les congés de Pâques et une grève des postes. Ainsi 200 questionnaires n'ont pu être intégrés à temps dans l'enquête et le seront ultérieurement.
Nous pouvons également dire que la richesse des réponses nécessiterait un traitement plus approfondi et plus précis de chacune des questions, ce que nous n'avons pu faire ici mais que nous projetons également de mettre en oeuvre dans les prochains mois.
Il convient enfin de faire un point sur les réactions que le questionnaire à suscité.
En effet, 20 personnes environ, dont un tiers sur le même établissement ont jugé le questionnaire "réducteur; donnant une mauvaise image de la pratique infirmière en psychiatrie; idiot; sans rapport avec la réalité; méprisant pour les patients et les soignants; se demandant si l'auteur avait déjà travaillé en psychiatrie".
D'autres ont été surpris, certains choqués.
D'autres encore ont barré le terme "oisiveté" (Q17) pour le remplacer par un ? ou "apragmatisme".
Ces réactions sont intéressantes dans la mesure ou, bien qu'étant trop peu nombreuses (20/740) pour influencer les résultats, elles sont représentatives, de l'impact possible des représentations, où l'image devient réalité et la réalité insupportable parce que porteuse d'images elles même insupportables. Les représentations sont parfois si fortes qu'il devient impossible de les évoquer sans gêne, les théories de soins s'érigeant alors en système de protection.

Cette démarche, que nous pourrions qualifier de première approche, et nécessitant donc un approfondissement certain, nous semble satisfaisante tant sur le plan de la méthode employée, que de la richesse du matériel receuilli. Mais les quelques réponses apportées ici ont suscité de nombreuses autres interrogations qui nous incitent à poursuivre dans cette voie.

CONCLUSION GÉNÉRALE PROVISOIRE

La folie est un domaine où les représentations sont fortes et multiples. L'image de la folie, de ses lieux et de ses acteurs demeure négative. Alors que la souffrance force traditionnellement le respect d'autrui, la souffrance psychique engendre plutôt rejet, peur et exclusion. Les maladies mentales exilent l'individu hors du champ social, son champ social et les professionnels contribuent malgré eux à cet exil. Alors si l'on se pose la question de savoir si les représentations sociales de la folie influencent la pratique des infirmiers en psychiatrie, la réponse est oui.

Mais si cette étude à permis de lever une partie du voile, elle a aussi montré ses limites car particulièrement dans ce domaine, les choses ne sont pas si simples que cela. La folie n'est pas singulière elle est plurielle, et il conviendrait, pour préciser la nature des représentations de caractériser les maladies mentales, les différents sens que nous leurs donnons, les interprétations que nous en avons et que ces précisions soient également demandées à l'opinion publique.

Il conviendrait également de préciser la nature des rapports que les professionnels ont avec la folie.

Mais il est certain que la souffrance mentale nécessite une prise en compte sociale collective indissociable du champ de la santé publique. Pour cela elle requiert la participation de tous les professionnels et aussi le soutien actif mais surtout éclairé de l'opinion publique.

Si l'on peut convenir au terme de cette étude qu'une modification des pratiques peut amener une modification des représentations, il est indispensable qu'un travail sur ces représentations et leurs incidences ait lieu dans toute formation de tout professionnel agissant de près ou de loin dans le champ de la santé mentale.

C'est pourquoi nous avons décidé de poursuivre cette étude en collaboration avec d'autres recherches similaires et d'autres partenaires sensibles à cette problématique.

La folie est à ce point ancrée dans les profondeurs de la nature humaine, suscite tant d'émotions partout où elle est évoquée qu'elle mérite que chaque professionnel s'interroge sur le sens et les incidences de son action, ne serait-ce que par simple respect du fou d'abord homme et citoyen.

Marc Livet

(1) Ministère de la santé, service de statistiques des études et des systèmes d'information