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LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES

III LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SANTÉ ET DE LA MALADIE

" Les conceptions de la santé sont les moyens d'accès au sens
que les individus donnent à leur conduites et leur pratiques sociales..
.Les représentations de la santé et de la maladie
sont d'abord étudiées pour ce qu'elles peuvent
nous apprendre de notre société"

Cl. Herzlich, 1982

Santé et maladie sont considérés comme des objets particuliers pour l'étude des représentations sociales.

Particuliers car la maladie n'est pas que symptômes, elle est aussi un possible facteur de modifications de notre vie quotidienne et donc de celle des autres membres du groupe social. Dépassant le simple aspect corporel, santé et maladie nécessitent pour l'individu de connaître quelles en sont les interprétations collectives, afin de donner un sens et de déterminer la nature des rapports qu'ils doivent avoir avec elles.

Particuliers parce que nos représentations de la santé mettent en relation notre vision du biologique et du social (Cl. Herzlich)

La maladie sera ainsi représentative des agressions de la société (la pollution par exemple), l'individu ayant tendance à s'attribuer la responsabilité des événements positifs et attribuer à la société la responsabilité des événements négatifs (R. Farr, 1977).

La représentation de la maladie va donc solliciter des causes externes à l'individu, une responsabilité attribuée à un objet nocif ou à l'action d'un être malfaisant.

Les représentations sociales de la santé et de la maladie sont ainsi inscrites, au sens anthropologique du terme dans le "socius" et l'histoire. Elles traduisent de plus la nature des rapports de l'individu à cette même société.
Elles résident en particulier dans l'intérêt à observer la circulation des connaissances profanes et des connaissances scientifiques, les individus intégrant une partie du savoir médical.
L'impact de ces représentations semble s'être considérablement accru ces vingt dernières années. La santé occupe une place centrale dans le discours social, la notion de santé est très liée à la notion d'action pour la santé, identifiée à l'intervention médicale et hygiénique.

Ceci a pour conséquence que les dangers pour la santé autrefois extérieurs peuvent désormais être incarnés par les interventions de la médecine elle même, installant celle-ci au centre de conflits culturels et sociaux; la représentation devenant elle même enjeu des débats.
La représentation collective profane s'oppose alors au discours scientifique, devient en quelque sorte consciente d'elle même et tente d'affirmer sa légitimité: développement de l'homéopathie, des médecines douces, vulgarisation de la distribution des "produits de santé" et récemment proposition de mise en vente pour les particuliers d'une formule simplifiée du dictionnaire des médicaments "Vidal" destiné jusqu'à présent aux professionnels. Elle atteste ainsi le refus de dépendance absolue au médecin. Ces allers retours entre pratiques professionnelles et pratiques personnelles permettent au malade de construire un savoir spécifique basé sur l'observation quotidienne des interactions du biologique, du psychologique et du social de la vie quotidienne. (1)

Santé et maladie montrent donc que l'étude des représentations sociales doit permettre de comprendre comment certains problèmes apparaissent dans une société plutôt (comme c'était le cas par le passé) que de s'attacher aux liens qui existent avec la conduite individuelle. Dans ses travaux consacrés à l'hystérie Freud à d'ailleurs montré comment la paralysie correspondait à la représentation qu'avait la patiente de son être physique et donc la nécessité pour comprendre le syndrome hystérique d'intégrer la représentation sociale du corps (Farr, 1984)

La représentation sociale de la maladie oriente ainsi la décision de consulter un médecin.

Pour illustrer ces propos prenons l'exemple de Goffman qui, à propos de la santé et de la maladie aborde la notion de handicap (2) de la façon suivante:

L'apparition d'un individu se présentant à nous nous permet de le classer dans une catégorie de référence, car il laisse à voir des attributs qui permettent ce classement. Ces attributs peuvent être des signes attestant de sa différence, de sa fragilité, de sa faiblesse. Cela peut nous conduire à le considérer comme diminué, dangereux, "amputé". Cet attribut constitue alors un stigmate que l'on peut nommer handicap. Ces stigmates conduisent à discréditer l'individu (quand ils sont visibles) ou à le rendre discréditable (quand ils ne sont pas visibles).
Goffman précise trois catégories de stigmates: les monstruosités du corps; les tares du caractère prenant l'aspect aux yeux d'autrui de manque de volonté, de passions antinaturelles, de malhonnêteté dont on infère l'existence de l'individu parce que l'on sait qu'il est mentalement dérangé, alcoolique, homosexuel ou d'extrème gauche; enfin les stigmates tribaux que sont la race, la religion, la nationalité.
Ces stigmates vont donc présenter une différence fâcheuse d'avec ce à quoi nous nous attendions. (3)
D'autres auteurs (4) précisent que dans les représentations du handicap
existe un effet de traumatisme lié à une indétermination de l'objet (notion d'innomable), et une notion d'irrémédiable en lien avec le handicap de naissance.
Le discours institutionnel sera alors utilisé comme moyen défensif, prévenant l'émergence de représentations de monstruosité et du sentiment d'incompréhension qui l'accompagne.
On remarque que le handicap mental apparaît comme l'élément le plus handicapant de la condition handicapée. L'adulte handicapé mental provoque dégoût, rejet, pitié (pour les personnes non concernées).
Paradoxalement le handicap mental est énoncé comme la caractéristique visible du handicap, dans ses marques corporelles, ses limites de communication.

Marc Livet ( à suivre)...


Bibliographie :

(1) : in W. Doise et A. Palmonari. L'étude des représentations sociales, Delachaux et Niestlé, 1986

(2) On se référera à ce propos à Marcel Jaeger qui dans son dernier ouvrage "Guide du secteur social et médico-social, Privat, 1994", indique: "Le handicap étant affaire individuelle, on préférera l'expression d' inadaptation sociale pour indiquer que les difficultés sociales d'un individu ne tiennent pas seulement à ses déficiences, mais aussi aux normes qui lui sont opposées et au contexte."

(3) : E. Goffman, Stigmates, Ed Minuit, Paris, 1975

(4) : Giami A., Assouly-Piquet C., Berthier F., La figure fondamentale du handicap: représentations et figures fantasmatiques, Rapport du contrat de recherche Mire-Geral, septembre 1988.


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