Retour à l'accueil

PHOTO/SANTE d’un INSTANT

 

 

L’histoire des humains est parsemée de périodes au cours desquelles, il y aura eu différents types d’épidémie, dont certaines semblent toujours et potentiellement d’actualité.

D’autres moments d’histoire comme en ce moment, connaissent des pathologies récurrentes : le cancer par exemple fait de plus en plus parti de notre quotidien, tant nous connaissons de personnes, qui en sont malheureusement atteintes.

 

En termes de santé mentale, il est difficile d’évaluer, s’il y a eu des prépondérances de pathologies psychiatriques plus particulières à certains moments de l’histoire. Il se dit, que l’expression de troubles mentaux auraient été moindre au cours des périodes de guerre, ce dont on peut réellement douter. Au-delà du fait que les malades mentaux ont été eux aussi, considérés comme des sous hommes à éliminer,  les troubles psychiques étaient peu pris en compte. Certaines personnes qui se seraient sans doute et en temps de paix retrouvés à l’hôpital, ont trouvé dans la guerre, le terrain idéal à la mise en acte de leurs pulsions et pathologies, qui étaient même en certains cas, montrées comme des exemples à suivre, dans la folie ambiante du moment.

 

De la même manière, la guerre économique actuelle, parce que s’en est une qui refuse de dire son nom, a aussi ses victimes, de plus en plus nombreuses. Le conflit économique mondial actuel paraît être une guerre édulcorée, qui a pourtant aussi ses poilus, qui meurent à petits feux dans la rue ou dans des cages à lapins, parce qu’ils n’ont plus de travail, ou qui se suicident au champ d’horreur, d’ambiances relationnelles polluées. Il faut aussi dire en aparté et à ce sujet, que les ambiances dans les équipes de psychiatrie, pas toujours au beau fixe, induisent aussi leur lot de souffrance silencieuse.

Les statistiques qui pendant ce temps courent, disent aussi les victimes, dont ceux qui ne peuvent plus faire autrement que de passer par un système de soin psychiatrique, en rupture, dans ses capacités à accueillir.

 

Même si ça se susurre entre les murs, jamais assez de voix ne s’expriment, si ce n’est parfois par crainte du scandale  ou celle de poursuites judiciaires, pour dire l’influence du contexte de la société sur la santé mentale des individus, pour dire les effets pervers de managements inhumains. Une tendance insidieuse va même jusqu’à suggérer à mots couverts, les failles psychiques forcément présentes, chez celui qui passe à l’acte, comme étant le seul et unique élément à prendre en compte. Il semble bien, que dans une certaine entreprise connue, la direction ait fait pression auprès des médecins du travail pour aller vers cette unique explication, comme si le cocktail détonnant n’était pas un composé fait d’ingrédients, qui ne peuvent s’acclimater entre eux. Sous des prétextes de rentabilité économique à tout prix, qui n’a de valeur que pour ceux qui y croient, serions-nous à nouveau, dans une de ces périodes au cours desquelles les instincts les plus vils se libèrent et au cours de laquelle on peut sans culpabilité, tirer sur les ambulances de la prévention de la santé mentale.

 

Comme dans les périodes sombres, des slogans, des discours plutôt, titillent notre fibre patriotique de petits soldats, pour que nous usions à outrance de l’arme de la consommation. Il faut, pour ceux qui le peuvent, consommer pour sauver des emplois, pour sauver la peau du voisin : il paraît que c’est un des moteurs de l’économie. Mais ce faisant, nous voyons poindre dans notre société, de plus en plus de comportements addictifs, notamment chez les générations montantes, dont l’entourage en désespoir de cause, viennent crier au secours auprès des psychiatres. Il semble bien que l’évolution actuelle de la société pousse nombre de personnes, sans doute plus fragiles que d’autres, vers ce type de comportement. Là encore, l’individu pris isolément, est montré du doigt en tant qu’être fragile et les gens aux manettes ne paraissent pas se poser la question de l’influence des comportements de l’ensemble de la société, sur le développement de ce type de troubles. Il semble d’ailleurs et c’est inquiétant, que nombre de personnes en position de diriger, soient elles-mêmes atteintes, de boulimie capitalistique. Les instincts primaires sont à l’œuvre et d’ailleurs de plus en plus sollicités.

 

Beaucoup de parents attentionnés, racontent le soir à leurs enfants au moment du coucher, des petites histoires qui les bercent et les endorment. De la même manière, ceux qui veulent ou ont obtenu de nous les clefs du pouvoir, nous racontent eux aussi de belles histoires dont une est en ce moment, très à la mode : le développement durable. Est-ce du développement durable et du développement tout court, psychiquement équilibrant, que d’inscrire les enfants d’aujourd’hui, dans une course effrénée à la consommation, en prenant le risque à moyen et long terme, de fabriquer des générations d’aliénés au système économique. On peut aussi se demander à l’aune des moyens dont ils disposent en termes d’évaluation de ce qui se passe dans la société, ce que font les ministères de la santé et celui de l’éducation, pour préserver la bonne santé des générations futures, pour prévenir et enrailler les pathologies de l’addiction.

 

Il convient de se rendre à l’évidence, même lorsque nous considérons avoir tout ce qu’il faut en notre demeure, nous nous laissons pourtant happés par la tentation. La dernière sortie de la console de jeu vidéo ou la période des soldes, provoquent trop souvent des scènes d’hystérie, qui dépassent l’entendement. Même les générations d’adultes que nous sommes, nous laissons prendre au jeu du plaisir de l’instant, sans pour autant, parce que nos bases éducatives ont été autres, tomber dans des comportements compulsifs d’achat en tous genres.

Le ver est dans le fruit qui n’est plus défendu sauf à moyens insuffisants, qui induit une ambiance générale favorisant la multiplication des comportements addictifs. Les pathologies psychiatriques à thème de conduites addictives, seront-elles les maladies psychiques de cette première moitié de siècle avec son pendant encore plus sombre, celui de ne plus supporter la frustration, conduisant parfois au suicide ou à des comportements violents.

Un cocktail détonnant se met tout doucement en place, dont on voit plus particulièrement  poindre les premiers effets pervers chez certains jeunes adolescents. Il est d’autant moins aisé pour les parents, d’y faire face, que nombre d’entre eux, soumis eux aussi à ce type de situation, se sentent démunis. Il est devenu trop courant, que des parents cherchant à limiter les accès aux réseaux de communication par exemple, se retrouvent face à un jeune, qui comme on dit « pète les plombs », quand il n’y a pas un passage à l’acte encore plus grave.

Il y a évidemment, que nous sommes plus amenés dans le milieu du soin psychique, à rencontrer ce type de situation, dont on peut à priori penser, qu’elles sont marginales. Pourtant et malheureusement, force est de constater qu’elles se multiplient, allant parfois jusqu’à l’extrême du repli sur soi. Il m’est arrivé pour exemple de rencontrer un adolescent déscolarisé et ne sortant plus de sa chambre, scotché à des jeux en ligne, régressé au point de faire ses besoins sous lui. Il m’est arrivé de rencontrer une femme ayant fait des quantités de crédits hallucinants pour satisfaire les désirs de ses enfants qui n’en demandaient pas tant.

Des spécialistes se spécialisent encore plus, pour traiter de manière semble t’il ciblée, les accrocs au réseau informatique. Il est pour l’heure encore difficile de dire, s’il s’agit humoristiquement et pécunièrement parlant, d’un bon filon, mais tout le laisse à penser dans l’insidieux de l’addictif soignant, qui voue lui aussi et parfois, un culte aux veaux d’or. La contamination ne fait que suivre son petit train évolutif et d’aucun, suivez mon regard, sait s’asseoir confortablement sur son éthique, et la part d’altruisme qui sied pourtant si bien à nos professions.

 

En se projetant quelque peu dans l’avenir, il n’est bien sûr pas évident d’imaginer quelle sera l’évolution, cependant qu’un certain nombre de signaux s’allument dans le présent. Rien ne sert cependant d’être un oiseau de mauvais augure, mais il y a tout de même que des interrogations se posent, qui demanderaient de s’y pencher plus avant.

 

Un éminent psychiatre dont je tairai le nom et coqueluche des médias, a récemment été consulté, pour donner dans la tourmente du moment, son avis sur les suicides au travail. En spécialiste, celui-ci a très justement évoqué les failles narcissiques des individus passant à l’acte et la nécessité dans ces situations, d’une aide psychologique. Sans assurément oser me comparer à cet éminent docteur auréolé, dont la parole a tendance à être d’or, j e ne suis personnellement pas convaincu, qu’il nous faille systématiquement dans les métiers du soin psychique et quelle que soit notre fonction, nous situer uniquement en spécialiste , de la prise en charge de l’individu.

Il me semble que nos métiers ont aussi, qu’on le veuille ou non, une dimension militante , qui tend malheure usement à s’étioler, sous prétexte d’une neutralité qui n’est alors plus, que l’ombre d’elle-même.

J.Heno

janvier 2010