Retour à l'accueil

 

Cet Article s’inspire des  découvertes en psychodynamique du Conservatoire Nationale des Arts et Métier. Pour en savoir plus, le lecteur pourra se référer à la bibliographie présentée  ci-dessous.

Les recherches montrent l’intérêt du travail collectif sous forme de coopération et d’entraide pour faire face aux contraintes et aux souffrances professionnelles. Ces souffrances sont en principe,  compensées par le travail collectif et l’entraide.

On observe de nouvelles formes d’individualisation par la modification des organisations du travail, lesquelles brisent les collectifs et l’entraide, provoquent le  sentiment de solitude au travail. Les expressions telles que, la peur, associées à l’absence, de plus en plus prégnante, de règles collectives partagées, laisse l’individu dans une désolation la plus totale. La sphère privée est impactée, tout comme  la qualité de vie extra-professionnelle, le sommeil, l’humeur.

Enfin, cet article propose une présentation d’un cas clinique en rapport avec ces nouvelles problématiques de la souffrance au travail.

 

Explication :

Les découvertes ont pu mettre en lumière des stratégies de défenses collectives, permettant aux travailleurs de lutter efficacement contre les souffrances professionnelles.

La question qui se pause est donc de savoir quelles sont les contraintes qui dans le travail, ont un impact spécifique sur les comportements, les conduites et au delà, sur la santé mentale ? Qu’est-ce qui conduit  à la décompensation et à la maladie mentale ?

Un tour d’horizon des maladies professionnelles contemporaines les plus fréquentes :

Deux catégories de pathologies professionnelles discernent les maladies physiques liées aux conditions de travail et les maladies psychiques liées à l’organisation du travail.

1/ Maladies Physiques et Condition de Travail : Par condition de travail, on entend les conditions physiques (bruit, vibration…) les conditions  de travail (les vapeurs, les gaz, l’amiante…) les conditions biologiques (personnel d’hôpitaux ; risque de contamination…) ces 3 conditions ont pour impact le corps. En revanche, le fonctionnement mental est spécifiquement visé par l’organisation du travail.

2/ Pathologies Mentales et Organisation du travail :

Les maladies de surcharge professionnelle:

 Le Burn Out, le Karôshi, Les troubles musculo-squelettiques, sont des pathologies centrées par un processus psychique.

 

Les pathologies Post-Traumatiques  en lien avec toutes les formes d’agression:

 En rapport avec les violences dont les personnels sont victimes avec les clients, les usagers, dans l’exercice de leur fonction. Les violences en internes, qui concernent les pathologies du Harcèlement.

Les tentatives de suicide et suicides jusque sur les lieux de travail sont apparus depuis une dizaine d’année sur les lieux de travail. Quelque chose à travers ces suicides vient marquer une rupture à l’intérieure du monde du travail, donc fondamentalement à l’intérieur du lien social.

 

Contexte organisationnel dans lequel se développent ces maladies :

Ces 20 dernières années, on a enregistré une augmentation des pathologies mentales en rapport avec le travail. Elles représentent actuellement 3 à  6% du PIB en coût concédé.

Ce qui a fondamentalement transformé l’organisation du travail est l’apparition de deux facteurs introduits dans les entreprises durant ces deux dernières décennies, jusqu’à leur « généralisation » :

-L’évaluation Individualisée des Performances 

- Les contraintes de qualité totale

Au départ, les partenaires sociaux (direction, syndicat et salariés) trouvaient dans l’EIP, un moyen plus juste de rendre compte du travail de tout un chacun. Cette séduisante perspective devait permettre une équité dans la répartition des tâches,  les propositions de formation pour certains, ou encore la reconnaissance du travail pour d’autres.

Encore aurait-il fallut discuter collectivement les méthodes d’évaluation et entrer dans la « matérialité du travail » plutôt qu’en observer que les résultats.

 

Qu’est-ce que « La Matérialité du travail » ?

Le travail, nous en faisons tous l’expérience, nous permet de mobiliser l’intelligence pour dépasser les obstacles de la résistance du monde à la maîtrise technique. La machine, les procédures, ont besoin de la subjectivité des hommes pour parer à l’inattendu, l’imprévisible, le réajustement, ce qui n’est pas prédictible.

 

Avant d’obtenir satisfaction dans la réalisation et la reconnaissance des pairs, des collègues, il nous a fallu endurer, traverser l’échec, le découragement et parfois l’amerturme, le sentiment d’impuissance, l’agacement, la colère, des états affectifs que l’on rapporte chez soi, dans l’espace privé.

Ces états affectifs sont donc premiers et lorsque la solution est enfin trouvée, elle est le résultat de l’échec antérieur, un rejeton de cet échec. Cette subjectivité affective entièrement vouée à la recherche de la solution est éminemment SUBJECTIVE, elle ressorti d’une créativité personnelle issue des souffrances des échecs, des réajustements et réflexions. ELLE N’EST DONC PAS MESURABLE CAR ELLE N’EST PAS VISIBLE. Il n’y a de mesurable ou de démontrable par les méthodes expérimentales que ce qui est visible ou rendu visible.

Conséquence sur la Coopération et solitude :        

 

Ces méthodes d’EIP ne prennent donc pas en compte le travail collectif au sein duquel l’individu trouve les ressources nécessaires au dépassement des résistances du réel. En ignorant le travail collectif, elles lui nuisent, l’altèrent. Les conduites collectives changent pour laisser place à la concurrence renforcée par les primes, les menaces de placard…puis, de la simple concurrence, on obtient parfois la concurrence déloyale, la décadence de la société « du vivre ensemble ».

 

La solitude

 

La solitude dans la perte d’un sens commun de la justice a été décrite par A. Arendt sous le nom de desolation,  en cas d’injustice, tout le monde à peur, la solidarité se délite.

Dans les cas d’Harcèlement où le regard des autres, leur prévenance et leur solidarité suffisait à changer la position psychique de la victime et à reprendre le dessus, la solitude dans laquelle est plongé l’individu, l’absence de solidarité, impactent toutes ses forces et le plongent dans la désolation. Durkheim énonçait déjà en 1897 dans, Le suicide la responsabilité souvent impactée au délitement du lien social. Étude de sociologie. Paris: Les Presses universitaires de France.

 

Médiateur et prévention des risques psychosociaux :

 

Une nouvelle profession en pleine croissance, apparaît sous forme de médiation entre les acteurs sociaux, concédant des entretiens individuels dans le respect de l’anonymat et de l ‘intégrité des personnels. Ces médiateurs se doivent d’être outiller d’un appareillage spécifique pour entrer dans  la matérialité du travail et d’une connaissance de ce qu’est le travail au sein des organisations et des collectifs.  A l’image des conseils de prud’homme, lesquels, au XIXèmeS étaient de magnifiques exemples de lieu de médiation : plus de 80% des affaires menées en conseil des prud’hommes se terminaient par des accords à l’amiable».

Comprendre la subjectivité au travail, comprendre pourquoi les gens pensent comme ils pensent, c’est aussi les amener à prendre conscience de l’intelligence mobilisée dans le travail laquelle dépasse la capacité qu’ils ont à pouvoir en rendre compte. L’individu tout entier, y compris avec son corps se mobilise dans ses tâches.

 

 

Pour Aller Plus loin….

- Suicide et travail : que faire ?, en collaboration avec Florence Bègue, PUF, 2009, 130 p.

- Souffrance en France : la banalisation de l'injustice sociale, Seuil, 1998.


# J'ai (très) mal au travail, documentaire de Jean-Michel Carré, Les Acacias/Canal+, 90 mn, 2006

# Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil, ADR productions/Alter Ego Films, 76 mn, 2005



Stéphanie LACRUZ

2009