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LA NOTION DE RESEAU EN PSYCHIATRIE

Réflexions sur l'utilisation du terme de réseau dans le champ médico-social
janvier 2000


Le concept de réseau
Réseau en psychiatrie
Réseau sociaux et articulation entre les champs sanitaires et sociaux
Fonctions du reseau en psychiatrie
Références bibliographiques

 

RÉSUMÉ

Nous proposons un travail sur la notion de réseau , terme dont l'utilisation est fréquente en Psychiatrie actuellement .Ce terme qui à pu désigner les groupes de la résistance ou encore l'organisation de l'internationale communiste ,va connaître à partir des années 1950 une théorisation dans le domaine sociologique .Il va s'imposer progressivement dans l'analyse de l'influence de l'environnement sur certains phénomènes sociaux tels que la toxicomanie ,l'exclusion sociale ,...En Psychiatrie la notion de réseau renvoie à deux aspects qui ont parfois tendance à se superposer ,les divers lieux et personnes au sein desquels gravitent la personne et l'équipe soignante et le soutien qu'une personne peut trouver à travers les relations sociales avec d'autres groupes ou associations . Ce terme de réseau vient aussi introduire la question des relations de la Psychiatrie avec son environnement sociale .

 

LE CONCEPT DE RÉSEAU

L'utilisation fréquente dans le champ social et également dans le domaine psychiatrique du terme RÉSEAU, en référence souvent aux pratiques à la frontière du sanitaire et du social, nous convie à préciser le sens de ce terme.

L'étymologie du mot réseau nous renvoie au latin "rétis", traduit par filet soit un "ouvrage formé d'un entrelacement de fils". Cette ancienne acception textile désigne selon le dictionnaire Littré un tissu de fil ou de soie, en

forme de rets. Prudente, l'Encyclopædia Universalis ne connaît que les réseaux proprement scientifiques dans son édition de 1988. La notion de réseau n'a été reprise que récemment dans le champ social, par extension d'un terme utilisé pour désigner les complexes trajets neuronaux ou encore les circuits informatiques.

On retrouve ce terme également pour désigner certaines configurations anatomiques d'entrelacement des vaisseaux sanguins ou de celui des nerfs. On parle aussi du réseau de chemin de fer qui met en communication les diverses localités d'une contrée. La notion de réseau n'est pas à vrai dire très innovante.

C'est ainsi que déjà au XVIIe siècle, on parle du réseau janséniste et la Philosophie des lumières un siècle plus tard assura la diffusion de ces écrits en empruntant ce qui, dès lors, fut désigné comme réseau. En 1930 on parlera, s'agissant de certaines pratiques politiques en URSS, des réseaux opérationnels du Komintern. Une extension de ce terme put désigner les réseaux de résistance pendant la deuxième guerre mondiale.

Notons cependant que cette désignation n'était pas l'objet d'une théorisation mais recouvrait une pratique. Toujours est il que la facilité avec laquelle ce terme de réseau a été mis en œuvre dans des champs sociaux différents ne manque pas de poser question. Le succès de ce terme ne nous semble pas fortuit : il est dans l'air du temps et sans doute rend-il compte de la complexité du champ social traversé en tous sens par de multiples interconnexions économiques, techniques et socio- politiques

La prise de conscience progressive de cet enchevêtrement toujours plus difficile à réduire, ne suscite-t-elle pas l'espoir de le maîtriser grâce à une "mise en réseau", en tant que forme d'intervention sociale adaptée à toute situation nouvelle que l'on ne peut pas appréhender (1)?

Toutefois, il faudra se méfier d'un réseau trop serré aboutissant à un contrôle des personnes incompatible avec la maintien de l'expression de la subjectivité. Nous ne pouvons que rappeler les thèses de Foucault concernant le " Grand enfermement". Il nous faudra donc "éviter de mettre en place des Dépôts de Mendicité de la fin du XX° siècle où seront les malades au long cours dans un circuit d'assistance, dans de néo-asiles, dans ou hors les murs de l'hôpital."(2)? .

Les références aux techniques de la communication et aux approches systémiques sont nombreuses à notre époque et le terme de réseau définirait aussi volontiers cette mobilité. Les entreprises privées, les initiatives du monde associatif, les institutions publiques conscientes de leur isolement utilisent également le terme de réseau, alors qu'elles différent par leurs modes d'organisation des autres systèmes.

Il y a là un cas typique de cette "NOMADISATION DE CONCEPTS" contre laquelle Isabelle Stengers nous avait mis en garde et il vaudrait la peine de réfléchir à ce phénomène de contamination. Le risque de confusion est sérieux. Cette notion va connaître une théorisation dans le domaine sociologique à partir de travaux américains en particulier ceux de Barnes (1954).

À l'origine de cet intérêt il faut mentionner les travaux essentiels sur la notion de structure sociale de Lévi-Strauss et aussi bien ceux de Moréno fondateur de la sociométrie et du concept opératoire de sociogramme. Bourdieu (3)?, quant à lui, voit dans le réseau le "capital social" d'une personne.

Il en définit plusieurs paramètres : le réseau possède une étendue, ou une multiplicité, et on peut y définir une densité en réunissant la part respective de la parenté, des voisins, des amis, des collègues de travail ou d'association. Le concept de la théorie des réseaux sociaux tend à s'imposer, ces dernières années, dans l'analyse de l'influence de l'environnement sur certains phénomènes sociaux tels que la toxicomanie ou la marginalité sociale. Afin de répondre à ce type de détresse, la France bénéficie d'un dispositif original.

L'originalité de ce dispositif national de soins aux toxicomanes repose sur le (ou les) réseau(x), organisé en centres d'accueil, de cures , de postcures, des unités de réinsertion, des centres de crises, des centres de transition, associé à un travail avec les familles, ….

L'analyse des réseaux a été appliquée par des chercheurs anglo-saxons dans l'approche de la conséquence de semblables phénomènes sur la santé. En France les travaux de Serge Briançon et de Michèle Baumann (4)? à Nancy intéressent plus précisément le lien qui existe entre réseau social et support social. Ce sont les entreprises privées qui ont été les plus rapides à s'inspirer du modèle "réseau", stimulées, bien entendu, par les impératifs d'efficacité, de productivité, et de rentabilité...

Le réseau, pour D. Génelot, dérange les modèles classiques, articulés en sous ensembles et en arborescences. Il fait appel "aux logiques floues, aux ajustements itératifs, aux hiérarchies enchevêtrées et temporaires, aux frontières molles et poreuses" (5)? .

Les auteurs qui s'inspirent de "l'approche réseau" insistent sur la flexibilité induite par le fonctionnement non hiérarchisé et non centraliste. Cette organisation favorise les relations plutôt "interindividuelles", qu'à proprement parler collectives. Ceci promet une plus grande rapidité d'action et une plus grande souplesse de gestion.

La communication dans le réseau constitué ne concerne, le plus souvent, que les individus, mais dans certains cas aussi les institutions. Pour qu'une telle collaboration puisse se mettre en place, il faut bien sûr du temps, afin que les différents acteurs apprennent à se connaître, mais également pour permettre l'instauration d'un échange dialectique entre l'institution et les divers protagonistes intéressés.

RÉSEAU ET PSYCHIATRIE

Nous allons maintenant essayer de préciser ce que recouvre ce terme en psychiatrie.

La notion de réseau pour le Psychiatre renvoie à deux aspects qui ont parfois tendance à se superposer:

- les divers lieux et personnes avec lesquels le patient et l'équipe soignante entretiennent des relations.

- les liens sociaux avec d'autres groupes ou associations qu'une personne peut trouver à titre de soutien.

Ces deux aspects s'enchevêtrent tout en se différenciant. L'ensemble des relations d'un individu forme son réseau social. Le support social peut être défini comme l'aide ou la protection que quelqu'un reçoit de ses relations sociales. Le support social est une fonction du réseau et non une structure propre et spécifique (6)? En Psychiatrie l'intérêt pour les réseaux est contemporain de celui concernant l'environnement social du malade. " Le réseau de prévention et de soins est en constante évolution.

Les structures peuvent se modifier ainsi que les modes de prises en charge en fonction des besoins. L'évaluation des besoins de la population et des personnes soignées est nécessaire pour la mise à jour régulière du dispositif d'équipement de secteur" indiquait en 1991 le Guide méthodologique de planification en Santé Mentale.

Cet impératif prend son origine dans le constat de l'existence de facteurs autres que ceux de la pathologie propre au sujet, dans l'apparition de troubles mentaux, et aussi bien dans leur évolution. Il va de soi que rapporter une pathologie à la seule dimension subjective n'est de toute manière pas envisageable puisque le sujet même moderne et quoiqu'il en soit de son libre arbitre(7)? échappera difficilement à toute une série de déterminations, certes singulières, mais sur lesquelles il n'a aucune prise.

On pensera aussi bien à la constitution génétique, qu'à son origine culturelle et sociale, sa langue ou encore les accidents de l'Histoire et ceux de son histoire. Mais isoler, fût-ce au prix d'artifices, la présence de facteurs propices à la genèse et au développement de la maladie n'en garde pas moins sa pertinence.

Si, cependant très peu d'études, en France, ont été consacrées au concept de réseau social en Psychiatrie, depuis quelques années des expériences ont été publiées. Elles concernent, entre autre, le travail d'"extériorisation" des patients, leur réadaptation et leur " réhabilitation" et elles ne peuvent se soutenir que par la mise en place de réseaux. Son usage, d'autre part, dans la littérature anglo-saxonne varie d'une étude à l'autre selon S. Reichman (8)? qui propose de les différencier en 4 catégories:

A Les études concernant l'impact du réseau social des patients sur leurs modalités d'entrée en traitement psychiatrique, ou plus globalement les études visant le processus de demandes d'aide. On peut se référer par exemple aux travaux de J.P. Escaffre (9)? sur l'influence du démantèlement des réseaux sociaux dans la demande de prise en charge hospitalière.

B Les études d'évaluation de différents programmes de réadaptation de patients après leur sortie de l'Hôpital Psychiatrique. Il s'agit de travaux sur le devenir de personnes affectées de psychose chronique dans la communauté . L'expérience de L. Singer à Strasbourg (10)? qui met en question la terminologie utilisée depuis la loi de 1975 telle que: réhabilitation , réadaptation sociale. Nous pouvons également citer les travaux de Lehman -1980-, C. Mercier-1990-, Anderson et al.-1980-, Estroff-1981-, Scheper-Hugues -1981-,..…

C Les études descriptives, comparent les réseaux de personnes présentant une pathologie importante, soit en milieu hospitalier, soit vivant dans la communauté, avec des réseaux de personnes pris comme témoin soit dans la population générale, soit parmi des patients ne montrant pas de troubles psychiatriques .

D - Les études "étiologiques", menées auprès (d'échantillons divers )de la population générale. Il s'agit d'une investigation sur l'impact de différents événements sur la santé mentale des personnes concernées : la notion de réseau intervient en tant que support social.

On peut citer les travaux de V. Kovess sur la dépression chez les personnes touchant le Revenu Minimum d'Insertion. Notons également les travaux sur le développement du "Post-traumatic Stress Disorder" chez les vétérans du Viêt-nam par exemple *3 .

Quelle perception se fait-on de la notion de réseau en pratique psychiatrique? La Psychiatrie de secteur a mis en place un dispositif diversifié de structures de soin qui relègue de plus en plus l'hospitalisation à des moments plus courts voire plus rares de la vie du patient. Rappelons qu'il n'y a pas si longtemps encore la vie de nombre d'entre eux s'écoulait au sein de l'hôpital. En Psychiatrie l'existence d'un réseau pluridisciplinaire d'acteurs a aussi transformé la nature de la demande, naguère adressée uniquement à l' hôpital. Les soins sollicitent désormais de multiples prestataires. Cela contribue à préserver le réseau naturel du patient .

C'est avec les éléments constitutifs de ce dispositif, que le patient structure, en s'appuyant sur l'équipe soignante, sa prise en charge. On parlera d'un réseau pour désigner l'ensemble des relations du patient ainsi que celui des personnes qui l'entourent. À la suite de M. C. Guedon (11)?, il est devenu habituel de distinguer d'un point de vue sociologique : - Les réseaux primaires constitués d'individus en interaction les uns avec les autres. La relation se constitue sur une base affective et le modèle en est le réseau de voisinage dans le cas des personnes âgées .

Les réseaux secondaires constitués par les institutions médico- sociales créées pour répondre à des besoins de services particuliers . En Psychiatrie, nous constatons souvent que nous intervenons alors que le réseau primaire n'existe plus, ou qu'il est en train de se disloquer, cela dans un contexte de "décompensation". Avant de s'adresser au service psychiatrique, la personne en difficulté se tourne d'abord vers sa famille et compte sur la capacité de celle ci à la soutenir.

Il arrive que l'entourage au delà de la famille soit également appelée à intervenir . La demande d'hospitalisation n'est effectuée que lorsque le réseau social est dépassé. Face au patient l'équipe soignante légitime ou non la demande d'hospitalisation tout en essayant de stimuler la force de mobilisation du réseau social. C'est souvent en fonction des qualités de ces supports que le système de soins va adapter sa réponse. Cette adaptation ne se fait pas au hasard.

Des travaux ont tenté d'approcher la problématique des filières qui se mettent en place et qui déterminent l'orientation vers tel ou tel autre système de soins .Voir en particulier les travaux d'Escaffre et d'Angleraud (12)?).Dans cette perspective, la prise en charge va constituer ce que nous pouvons appeler un maillage. Celui ci nécessite de multiples interlocuteurs: médecin, infirmier, assistante sociale, dans plusieurs lieux.

Ce montage favorise pour le patient psychotique une existence avec autrui plus riche en relations significatives. Le dispositif soignant offre grâce aux différents cadres thérapeutiques un réseau de relations indispensables au psychotique. Cet ensemble( activités de club en ville, accueil en CATTP, séjours thérapeutiques, référents soignants fixes, psychothérapie,...) (13)? trame le milieu qui permet à un patient de vivre ou restaurer un lien social effectif (14)?.

Les soignants sont souvent les garants de la permanence de ce réseau relationnel et ils apportent à la famille un soutien. On peut remarquer avec M. Sassolas, que nos interlocuteurs expriment une certaine réticence à remplir les fonctions attribuées aux débuts de la Psychiatrie par la communauté sociale. La collaboration avec les travailleurs sociaux et les généralistes montrent que les patients psychotiques attendent de ces interlocuteurs une aide précise . Un patient psychotique a besoin qu'un commissaire de police, ou un médecin généraliste se comporte comme un commissaire de police , ou un médecin généraliste et "non pas comme un interlocuteur bienveillant envers ses déviances, ou interprétant envers ses plaies et bosses "(15)?.

Ces partenaires constituent un utile contrepoids à l'investissement fusionnel que le patient psychotique crée avec nous, comme avec ses proches. Le milieu environnant du patient constitue une "trame" où le patient peut disposer de multiples possibilités relationnelles . La stabilité de ce dispositif de soin est fondamentale pour permettre le déploiement des relations transférentielles.

Dans cet espace constitué à la fois de lieux de parole, d'échanges, de vie s'organise pour le psychotique une réalité sociale. La qualité de ce support ne tient pas seulement à sa valeur supplétive mais bien au contraire à son inscription dans le tissu social et au cadre mis en place, et qui rend compte du discours psychotique. A. Deniau appelle Milieu Institutionnel Diffus cet ensemble varié de lieux, d'espaces où se tissent des relations stables, séparées les une des autres. "Ces petits espaces institués sont spécifiques d'une fonction qui peut durer des années puisque le patient psychotique qui en use y mène aussi sa vie: espaces pour manger et dormir, lieux de rencontre pour le loisir, lieux aussi pour un travail plus nettement thérapeutique ..."- (16)?

RÉSEAUX SOCIAUX ET ARTICULATION ENTRE LES CHAMPS SANITAIRES ET SOCIAUX

La Psychiatrie de Secteur a mis en place des relations en partenariat avec des équipes de soins diverses : équipes des hôpitaux généraux, de médecins généralistes, mais aussi des structures médico-sociales tels que C.A.T. ou Ateliers Protégés.

La pratique psychiatrique évolue dans des champs divers dont les limites sont parfois mal définies. Ceci rend d'autant plus difficile vla perception de l'impact propre à chacun de ces différents réseaux. En particulier, leur évaluation n'est pas toujours évidente entre les intervenants professionnels médicaux et sociaux, mais également entre la famille ou la société. Par contre ces réseaux d'acteurs se connaissent, ce qui évite souvent les blocages institutionnels, parfois suscités par des règles spécifiques incompatibles entre structures. Cependant les problèmes médico-sociaux sont multiples: citons la lutte contre la chronicisation, la dualité financière entre le choix sanitaire et social et une certaine résistance de certaines équipes médicales à l'égard "du" médico-social (17)?.

C'est ainsi que la loi du 30 juin 1975 "d'orientation en faveur des personnes handicapées" n'a jamais eu un accueil très favorable parmi les psychiatres. Le point de désaccord le plus notable portait sur la notion d'"handicapé", dont on redoutait qu'elle vienne fixer le patient dans son état en niant les potentialités évolutives de la maladie. Cependant il nous faut bien reconnaître avec le temps que l'allocation pour adultes handicapés constitue un facteur de réinsertion certain. Dans la prise en charge du patient psychotique les références utilisées, de même que les lieux évoluent aussi du sanitaire au social, du soin à la réinsertion.

Nous discutons beaucoup dans les institutions, en effet, il n'est pas toujours facile de fixer la frontière entre ces deux registres. Elle existe indubitablement au moins dans les réglementations ( voire auprès de l'administration financière). Dans le dernier rapport sur l'autisme commandé en septembre 1994 par Simone Weil, il est signalé à propos du passage à l'âge adulte de ces patients "le vide dans l'ensemble du dispositif sanitaire et médico-social, les césures techniques entre les compétences de l'état, des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale ".

Dans un récent rapport sur "la prise en charge pré-hospitalière des urgences" le Professeur G.Barriet dénonce " un réel manque de coordination entre les acteurs de l'urgence ".Elle recommande une articulation de la médecine d'urgence autour des généralistes dans le cadre d'un "réseau sanitaire et social" associant les médecins des SAMU , des SMUR et l'ensemble des praticiens hospitaliers . L'impulsion donnée à la Psychiatrie de secteur quant à elle , et en particulier au travail extra-hospitalier ces vingt dernières années a permis sans doute aux acteurs concernés de se connaître et de développer des complémentarités.

C'est au niveau local que se sont développés surtout ces réseaux de prise en charge, avec des différences notables en fonction des équipes, des particularités locales, des personnalités. Au sein du dispositif sectorielle la question de la frontière du thérapeutique et du social s'articule de manière concomitante. Les difficultés lliées aux problème sociaux et familiaux se répercutent sur l'évolution de la maladie et en fonction des situations la mobilisation du réseau social peut varier.

En ce qui concerne les personnes âgées, par exemple, la prise en compte de la famille et du voisinage est déterminante et rapidement, aussi, il faudra faire appel à l'équipe médico-sociale. Celle-ci permettra aux différents protagonistes de se rencontrer. On voit combien l'intrication de multiples réseaux dans la prise en charge est complexe. Il s'y ajoute des moments spécifiques à l'occasion desquelles une coordination est nécessaire pour ajuster et pondérer leur action. Nous pourrions également citer les articulations réalisées entre les équipes psychiatriques et le champ médico- social dans le cadre de la réinsertion et de l'hébergement.

L'expérience d'insertion en milieu du travail à partir d'un atelier de restauration , Le Littoral à la Ville du Bois dans l'Essonne par l'équipe du Docteur Tony Lainé par exemple interroge sur les aspects thérapeutiques d'actions sociales non spécifiques. Elles ouvrent des voies vers le développement de la créativité en sortant du cadre exigu de la psychiatrie, et porte à une réflexion sur la place de celui qu'on désigne malade mental ou handicapé dans notre société. L'expérience de l'Association Santé Mentale et Communauté de Lyon animé par M. Sassolas montre l'utilisation de lieux de vie dans une perspective soignante et l'importance de l'attention permanente apportée à la réalité quotidienne du patient aussi bien qu'à sa réalité psychique, ainsi qu'aux liens qui unissent l'une à l'autre.Voire dans ce même numéro l'article de J. Perret Le travail de J.L. Roelandt autour de la métropole lilloise montre comment à partir d'un travail auprès d'élus politiques peuvent se mettre en place des structures de soins en commun avec les municipalités.

Ces axes sont souvent investis par le patient et les équipes en fonction des liens qui ont pu se constituer, à travers les réseaux. Leur mise en place ne peut se décréter, mais par contre on peut les susciter au départ. La diversité des expériences réalisées témoigne du dynamisme de certaines équipes de secteur qui ont poussé très loin les réalisations sur le plan de coopération et d'articulation *4.

FONCTIONS DU RÉSEAU EN PSYCHIATRIE

Parmi les apports du réseau, il est important de mettre en avant le différentes fonctions qu'il remplit: l'aide qu'il apporte va de la mise en place d'une relation psychothérapique jusqu'au soutien actif et matériel au patient. Ne concluons pourtant pas que ce processus s'enchaîne (ou se lie) de façon cumulative et indissociable.

Il importe de noter que, dans notre approche, la dimension affective et relationnelle nous semble indispensable. A défaut d'une vigilance toute spéciale à cet égard la notion de réseau court le risque de renvoyer à la mise en place de circuit d'exclusion pour les malades mentaux. La question du réseau ne peut se résoudre simplement dans celle du support social, mais doit articuler des niveaux, et des fonctions distinctes.

Les questions que nous nous posons concernent la perception que nous nous faisons du réseau dans notre domaine où s'articulent des relations à caractère contractuelle et d'autres à caractère obligatoire. La mobilisation des acteurs mêle des dimensions différentes incluant des partenaires liés soit par des besoins voire par nécessité et des partenaires unis par le désir de travailler ensemble.

Dans certains cas, la notion de réseau est pertinente. Mais il ne faut pas la confondre avec une de ses fonctions : le support social. La pratique montre des oscillations dans le recours au soignant qui coïncide avec le recours à d'autres réseaux. Il ne s'agit pas de créer un réseau "totalisant" prenant en charge tous les aspects de la vie des patients. L'intervention psychothérapeutique vise à aider la personne à définir progressivement ses besoins, ses projets et ses désirs.

Il s'agit de lui permettre retrouver une place et non de se substituer à elle en induisant une dépendance. La relation thérapeutique implique différents espaces et de multiples interlocuteurs. Le principe de la discontinuité dans la prise en charge tant temporelle que locale et interpersonnelle est la contrepartie nécessaire au principe de la continuité thérapeutique. C'est là où intervient la distinction au sein de notre dispositif entre la fonction soignante et la place du social. Ce dernier point ne sera pas développé ici. On pourra se reporter aux travaux de M. Sassolas (18)?.

Simplement, nous voudrions souligner, ici, comment, dans le travail avec les psychotiques, s'articule le problème de la réalité psychique et celui de la réalité extérieure. Les soignants en Psychiatrie sont à la charnière de ces deux réalités, l'extérieur et le psychique. Ils se refusent à aller dans le sens des processus défensifs psychotiques qui escamotent toujours l'une ou l'autre de ces réalités.

Il est bien sûr nécessaire d'aller dans le sens de ces défenses à certains moments, quand par exemple nous prescrivons des médicaments, ou lorsque nous proposons un séjour à l'hôpital. La dimension d'aide requise dans la fonction soignante ne doit pas ignorer la vie psychique quand elle s'exerce au foyer du patient.

Inversement, on ne doit pas exclure la dimension sociale quand on travaille à l'hôpital. Ainsi la fonction de support social qu'exerce le réseau en Psychiatrie ne doit jamais laisser oublier la dynamique psychique ou la réalité sociale, au risque de s'enfermer avec le patient dans une tour d'ivoire. On évoquera la notion de partenaire quand il s'agit de mettre en commun des ressources entre des institutions (ex.: les relations instituées entre un Hôpital général et un Hôpital Psychiatrique, ou celle entre un CAT et un Atelier Thérapeutique).

Dans certains cas les pratiques en réseau ont précédé la mise en place d'un partenariat entre institutions. Dans d'autres cas, les deux pratiques peuvent coexister et s'enrichir. Le risque est cependant que la dimension institutionnelle, du partenariat ne fasse obstacle au réseau, en figeant les structures. Le système se construit sur des relations en réseau préexistantes, des affinités et des volontés de créer en commun. Cette organisation devient ainsi mieux structurée, de forme plus aboutie, voire institutionnalisée dans le cadre d'une démarche vers la constitution d'un réseau.

En psychiatrie cela suppose une convergence de vues entre les acteurs de terrain et les logiques institutionnelles de développement. D'où l'importance de l'histoire institutionnelle, et la mise en place de ces réseaux préexistants avant de fonctionner en partenariat. Cependant, il ne faudra jamais perdre de vue que la volonté de monter un dispositif , pour faire face à un dysfonctionnement de l'être ou de son environnement, c'est prendre le risque de réduire le trouble à une dimension arithmétique qui lui est en général étranger. A force de vouloir parer à l'angoisse, comme l'on sait on la provoque.

Dr Patrick Bantman, praticien hospitalier . Chef de Service.

Dr. Eliane Dufour-Zelmanovitch Médecin assistant

C.H. des "MURETS" 17, avenue du Général Le clerc LA QUEUE EN BRIE

 

 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Il existe sur la notion de réseau une importante Bibliographie, que nous ne pouvons citer, nous renvoyons le lecteur intéressé au No de la revue POUR (REVUE DU GROUPE DE RECHERCHE POUR L'ÉDUCATION ET LA PROSPECTIVE) No 132, Déc. 1991.

Il existe aussi un "Mouvement des réseaux d'échanges Réciproques des Savoirs".

L'Association pour le Développement des Recherches en Santé Mentale et en Psychiatrie a consacré deux journées de travail sur le thème du réseau. La première journée a été publiée dans les Cahiers de l'École Nationale de Santé Publique; No 2, Avril 1988. Une deuxième journée a été organisée en 1994.

(1) CHESNAUX Jean : Les réseaux :une avancée plutôt ambiguë? Transversales SCIENCE/CULTURE n° 19, p. 22/23.

(2)FOUCAULT Michel : La Folie à l'âge classique .Ed. PLON ,1979 .

(3) BOURDIEU Pierre : Le capital social. Actes de la Recherche en Sciences sociales. 1980 - n° 3.

(4) BAUMANN Michèle, BRIANCON Serge et Collab. : Le système "réseau - support social": concepts et axes de recherche en santé. Cahiers de l'école Nationale de Santé Publique. No 2 - avril 1988,P.55/63.

(5) GÉNELOT Dominique : Manager dans la complexité. INSEP Ed. 1992.

(6) BERNARD P. Les soins psychiatriques hospitaliers et réadaptation des malades mentaux -OMS -Copenhague 1968.

(7)BAUMANN Michèle ,BRIANCON Serge et Collab. : " Réseaux sociaux et support social" Approche analytique et hypothèses de fonctionnement. In Cahiers de l'école ... p.64/69.

(8) REICHMANN Sébastien : L'analyse de réseaux et son applicabilité à la Psychiatrie. In Cahiers de l'école...op. cité p.70/79.

(9) ESCAFFRE Jean-Pierre : Analyse de clientèle à l'hôpital publique. Revue Hospitalière de France. No 2 mars- avril 1994,P.141/150.

(10) SINGER L. et DANION J.M. La réinsertion des schizophrènes L'Encéphale 1991 XVII 279-284

(11) GUEDON M.C. : L'intervention des réseaux. Sous la direction de C. BRODEN et R. ROUSSEAU Ed. France - Amérique

(12) Voire en particulier ESCAFFRE J.P. :Analyse de clientèle à l'hôpital public : la sociabilité est-elle un facteur essentiel de l'hospitalisation ? Revue politique et management public ,vol.12,no 3 ,sept.94 . ANGLERAUD J.M.: Maladie mentale et circuit de soins ,AERPSY ,1987 .

(13) KAPFER Th. et SINGER L. : Centre d'aide par le travail, appartement associatifs et devenir des schizophrènes; réflexion à partir d'une expérience de 10 années. Revue Française de Psychiatrie ,1990 , n° 7 13/22

(14) ARVEILLER J.P. et BONNET C. Au travail -1991 -Toulouse ; ERES et articles de LAMBERT Th Les besoins d'information pour la prévention sociale des handicaps Paris 1988 Cahiers du C.T.N.E.R.H.I.n° 42,1/53.

(15) SASSOLAS M. : Les rhododendrons de la psychiatrie . in L'information Psychiatrique -n° 7 -Septembre 1988 ,P.889/904

(16) DENIAU A.: Construire l'espace avec le temps logique l'institutionnel diffus -3ème Rencontres de la Criée Reims- 22 et 23 mai 1992 .

(17) BRACHET : Dix ans d'actions en faveur des handicapés: acquis, déceptions, suggestions. Revue pratique de psychologie de la vie social et d'hygiène mentale _ 1988 n° 4 28/39

(18) SASSOLAS Marcel : Est-ce ainsi que les hommes vivent? Revue Pratique de Psychologie de Vie Sociale . n°1 p.37/48.


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