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Psychiatrie et Santé Mentale ?


Dans le vent qui souffle, passent d’étranges remous, où parler une langue française correcte semble peu s’appliquer aux questions de « Santé Mentale » et « Psychiatrie. ». La perception de ce climat me remet en mémoire un vieux : « Si les psychiatres avaient mieux soigné leur langage, ils auraient mieux agi pour la santé de leurs concitoyens ». (Cf -Lexicographie : soins, soigner,- p.j.).

Ceci avec le souvenir de mon coopérant Alain Certhoux rappelant que : « Un animal bien soigné est un animal qui se porte bien », dans une conversation sarcastique sur la puissance des désirs de pouvoir opérant chez les professionnels de santé.
« SANTE » ?
j’explore dictionnaires et science  épistémologique.Pour cela, je peux vous recommander en passant la lecture de : « HYGIENE MENTALE ET HYGIENE SOCIALE » de J-B- Wojdiechowski (L’Harmattan - 1997), qui en dit long sur ce qui est là en question.

C’est un nid de questions qui étaient devenues aussi brûlantes que possible quand nous avons dû innover, en résistance à l’inhumain, après l’hécatombe des aliénés, dans leurs renfermeries-garderies, sous le pouvoir des sélectionnistes.Nous n’avons rien inventé « à partir de zéro ».

Nous étions très attentifs aux aventures et mésaventures de ce qui était beaucoup plus nommé « hygiène publique » avec le vocable « prophylaxie » que « santé publique ». Le germe d’une organisation de protection de la santé mentale, avait été affiché, signé Rucart, par circulaire du 13 octobre 1937. Ce travail résultait de celui que venait d’accomplir le Ministère Sellier, avec rapport de M. Haye et l’aliéniste novateur Lauzier, et J.H. Hazemann comme principal opérateur. Il n’est pas assez reconnu qu’outre son rôle de précurseur, celui-ci devint à Paris, comme « Directeur de l’Hygiène sociale », le réalisateur de nos expériences de « psychiatrie extra-hospitalière », en agglomération parisienne.

Il était des plus actifs parmi les hygiénistes de pointe, fondateurs des œuvres de santé publique. Il est bon de noter là que parmi ces novateurs, il y eut le très méconnu R.F.Bridgman, inspirateur avec P. Sivadon de recommandations pour services de santé mentale désenclavés, par l’Organisation Mondiale de la Santé, en 1953. (gigantesque « oubli » dans le discours ordinaire sur la « psychiatrie de secteur »).
Emergence de « Santé Mentale » en langage ordinaire :Racines : La « santé de l’âme » préoccupait déjà Montaigne : « L’âme qui loge la philosophie doit par sa santé, rendre sain encore le corps. Elle doit faire luire jusques au dehors son repos et son aise… », avant Molière disant : « Que le Ciel à jamais, par sa grande bonté / et de l’âme et du corps vous donne la santé ». Mais c’était là soucis de poètes, comme il en sera beaucoup dans les suites.

SUITES : dans l’histoire que nous tentons d’éclairer, la question de santé publique submergeante fut la pesanteur de la tuberculose. C’est pour sa « prévention et dépistage » qu’ hygiène et prophylaxie devinrent au vingtième siècle vastes questions d’affaires sociales Le grand équipement national en dispensaires antituberculeux fut le grand fond de réalités sur lequel se brancha très secondairement l’hygiène mentale.

Cette émergence est celle d’un « fléau social », conjugué avec l’alcoolisme, en supplément au grand fléau de la tuberculose, de grande ampleur dans les « taudis ». Les lieux de santé publique antituberculeux disséminés pouvaient héberger nos débuts « extra-hospitaliers », moi à Aubervilliers pour exercer en « psy. extra » et voir au delà dans l’ampleur des questions de santé., sous l’enseigne de « prévention »..

Il me vient un bon souvenir : La médecine officielle, plus officialisée sous Pétain avec son ordre, très gardien des traditions, avait tranché un principe répondant beaucoup, qualitativement, à une autre émergence : l’usage des dispensaires en médecine générale de pauvres. La riposte de la corporation médicale fut nette : les postes d’hygiène sociale ont exclusivement un rôle de prévention et dépistage, qui ne saurait concurrencer celui de soins.

Ceux-ci, en santé publique, sont affaire d’hôpitaux. Hors d’eux, c’est affaire si privée par définition qu’il est interdit de faire des ordonnances en dispensaires, lieux consacrés exclusivement aux fonctions de « prévention et dépistage».Je vous laisse rire en imaginant comment notre passion d’user de la langue française dans ses effets les plus savoureux rendit plaisant de jouer de « prévention » et « soins ». Ca nous a bien fait rire. Y compris devant la longue persistance des vécus de psychiatrie publique = H.P. et « Loi de 38 », hors soucis sur « santé mentale ».C’est instructif mais bien plus encore d’enregistrer avec quel zèle nous pûmes jouer de : « en psychiatrie, il n’y a pas césures possibles entre « prévention » et « soins », d’où on put faire admettre que l’interdiction de « faire des ordonnances » ne saurait être applicable aux dispensaires d’hygiène mentale.

Il est bon de conseiller là de réfléchir sur la censure d’une vérité très dérangeante : Pour les plus intrépides, et « avant le largactil », en usant d’ordonnances de sédatifs mineurs, l’usage de la « consultation externe », articulé avec celui du séjour hospitalier, pour des patients chroniques, à la recherche des meilleures intégrations des discontinuités de leur parcours dans la continuité de leur histoire. La limaille de fer imageant la modification de l’ensemble des champs magnétiques par objet modificateur de cet « ensemble » éclairait bien comment modifier l’ensemble des champs relationnels, en posant la relation « extra » dans le champ de relation entre le sujet et son environnement. Ca menait à traiter l’enfermement des mentalités dans la maîtrise des lieux d’ « isolement »...

Moins garder pour mieux aider ouvrait sur psychiatrie comme travail de santé où. les relations avec les environnements engageaient un au delà des étroitesses ordinaires sur « soin », très « oublieuses » des leçons d’un Hippocrate auquel on a, pour la forme, fait serment de fidélité :« La vie est courte, la technique longue à acquérir, le moment propice fugitif, l’expérience personnelle trompeuse, la décision difficile. Le médecin ne doit pas se contenter d’agir lui-même comme il convient, mais il doit faire en sorte que le malade, son entourage, et mêmes les influences extérieures, concourent à la guérison »-Hippocrate - Aphorismes-

Ici, la rigolade sur les jeux de sens bureaucratiques de « prévention » a bonne place, mais il est bien plus explorateur de regarder un champ qui montre une plus grande ouverture sur tout que faire avec la santé ?

Jetons, en passant, un regard sur le présent en notant que la « psychiatrie adulte », que la bureaucratisation des mentalités a instituée, n’est pas champ de réflexion fertile. On peut y signaler qu’un regard sur la fécondité du : « faire de la santé mentale une question populaire » s’y pose au plus satisfaisant quand la participation est active des acteurs « de santé mentale » à la vie culturelle du cru.. Et qu’y vient un gros morceau :: les demandes d’interlocution :à l’ « hôpital général » : S’y montrer le contraire du « service voué aux rejets », mais système interlocuteur aidant à faire au mieux soi-même avec ce que l’on a à faire est actes de santé publique se posant dans ces structures-là. La pratique d’avec en coopérations par échanges est bien autre que : « psychiatries dans l’hôpital général ». Elle montre qu’il peut y avoir réflexions instructives sur « psychiatrie » et « santé mentale », au registre de « psychiatrie d’extension ». Extension ? - il est vrai qu’on peut œuvrer hors habitudes instituées avec des structures qui ne sont pas faite pour ça.

Comme naguère, aux temps des « asiles ». Car l’ « extension » est recherche permanente, par définition. Il est là rationnel et bien plus fécond de réfléchir sur les leçons qui furent très fécondes dans les applications par des équipes de psychiatrie générale, avant les retombées d’une caricature de type : « médecine adulte et pédiatrie », triturant à sa manière la problématique des services rendus.
>L’enracinement dans un nouvel esprit scientifique montrait comme effet d’un scientisme étroit l’incapacité de saisir la connaissance de la folie comme ce qui se passe entre qui et qui, en fonction de quelles inter-relations dans telles circonstances. Ce regard critique-constructif ouvrait sur ce que la riposte à l’hécatombe de l’occupation a fait définir comme le contraire de la gestion des lieux d’exclusion. Soit : agir là où se joue la problématique du rejet, avec personnes et institutions concernées.

L’exercice d’une psychiatrie désenclavée, en contraste d’une science de et dans l’isolement, devait contraster longtemps avec les pratiques ordinaires, jusqu’au moment où la débâcle des désirs de régenter les institutions, après 68, donna sens plus subtils aux mots « psychiatrie » et « santé mentale ».

Il n’est pas bon d’ « oublier » que :Dans les pratiques de recherche issues de la « Libération » de 45, il y avait forte matière à infléchir les façons de penser. Nous avons été beaucoup trop économes de comptes-rendus précis d’actions très significatives. Il est bien que me vienne là une émergence de sens très ouvert sur : …Simplement une réponse survenant naguère à la question émergente : « Mais enfin, qu’est-ce que la psychiatrie de secteur » ? - C’est essayer des pratiques faisant penser autrement.

Par exemple, devant question sur enfant problème de Varengeville-sur-mer : Dans le climat perçu, donner un habituel rendez-vous au dispensaire, ou aller à l’école ?. Le choix d’aller à l’école s’avère fécond, car : Psychiatrie : Le diagnostic de tableau exceptionnel à cet âge d’intoxication alcoolique franche, par excès de « tue-vers » au nom d’ « il a les vers » est bon exercice de pédopsychiatrie.

Mais « Santé mentale » : Il s’avère que ce natif d’une commune de bord de plateau du Pays de Caux n’a jamais vu de près la mer qui est au bas des falaises. Avec la directrice d’école, comment faire pour que les petits natifs s’entraînent tous aux descentes de « valleuses » raides et caillouteuses qui permettent aux intrépides d’aller chercher les bigorneaux sur le bord de mer ?

Sur l’ensemble de ces coopérations « médico-pédagogiques » remontent toujours pour moi les échanges sur la gaucherie. Ca partait en ces années 50 de questions très neurologisantes sur ce qui traînait à propos de bégaiement, dyslexie, dysorthographie. Elles devaient suivre leur cours, mais surtout ouvrir sur une grosse question de santé mentale : Que faire et aider à faire devant la puissance du thème de « mauvaise main » ?

Et, quant aux retombées sur « la santé mentale » des bons usages des rapports entre l’enfant et la neige, l’enfant et l’eau, etc, on est abreuvé de preuves des fertilités des échanges entre les visions des formateurs et celles des réparateurs.Avec un comble de fertilité qui viendra en portant les échanges sur blocages ou épanouissements des potentiels humains dès le premier âge. …Tout exercice d’une psychiatrie qu’on nommait « d’extension », appliquée à la recherche du comment répondre au mieux ? aux services demandés, aux antipodes du vécu de réceptacle des rejets dans un champ de « santé mentale », cultive que :Il est bon de soigner son langage pour répondre au mieux aux besoins de santé.

Parler de psychiatrie et santé mentale tombe bien si l’on entend polarités par rapport auxquelles situer aventures et mésaventures de nos actions et inactions..

Par contre, les entendre et faire entendre comme catégories à part laisse les esprits peu aptes à tirer leçons utiles de notre histoire de désenclaveurs.

Comprendre que, beaucoup avec les ironies sur « hygiène », « prévention » etc. , notre désaliénisme a surtout servi à déjouer les pièges des passions tutélaires, bloquantes des cultures des potentiels de mieux aider les autres qui sont partout ensommeillés. Mieux faire avec le « mauvais objet » est potentiel cultivable..Car (Santé ! ) - il n’est pas sain d’évacuer que nul n’est irresponsable de ce qui se passe là où il est concerné.


Pièce jointe :l e x i c o g r a p h i e :

S o i n s LITTRE - Sur 52 lignes pour le mot «SOIGNER », deux, au § 2, sont consacrées au sens médical: « Soigner un malade signifie aussi l’assister comme médecin ».
- 154 lignes sont consacrées au mot « SOIN ». Le § 5 développe le sens; « Les services que l’on rend à quelqu’un, les attentions qu’on a pour lui: Un des exemples est: « Donner des soins à un malade, avoir des soins d’un malade, l’assister en qualité de médecin. - Pecquet [le médecin] eut de moi des soins extrêmes - Sev. 58.

-LITTRE & ROBIN - Dictionnaire de médecine -Pas d’article « SOIN » ou « SOIGNER »
- Le mot soins est constamment rencontré comme soins d’hygiène - Par exemple, sur la page où l’article eût trouvé place, on trouve à SMEGMA (-1-) : « Des soins convenables empêchent qu’il ne se putréfie et ne prenne une odeur forte et aigre analogue à celle que prend la sueur des orteils dans de telles conditions ».

ROBERT - « SOIGNER » est traité en une colonne, dans laquelle 11 lignes développent: « Médecine - S’occuper de rétablir la santé »..Le glissement vers la fonction réparatrice est passé par là, mais: - à « SOIN », sur deux colonnes, 7 lignes développent la définition: - Actions par lesquelles on conserve ou rétablit la santé


Lucien Bonnafé

(1) - Plus vulgairement nommé: « Le fromage de la queue »