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REFLEXIONS INSPIREES PAR LE RAPPORT
DES DOCTEURS PIEL ET ROELANDT

C Paulet, psychiatre, SMPR, Centre Pénitentiaire de Marseille octobre 2001

«La fin du ghetto psychiatrique » à propos de la prise en charge des patients souffrant de pathologies psychotiques graves.


Belle utopie, au sens noble du terme, que d’envisager que la maladie mentale et ceux qui en souffrent ne soient plus objet d’effroi, d’ostracisme ou de rejet, et d’imaginer que la fermeture des hôpitaux psychiatriques en soit le symbole et la tête de pont, comme le proposent les Docteurs Piel et Roelandt.

Au delà du champ de la maladie mentale, l’objet de la psychiatrie s’est étendu au champ de la santé mentale. Il est légitime que la psychiatrie se préoccupe de la santé mentale (dont la définition, extensive, dépasse largement le cadre du soin) mais il faut veiller à ce que cela ne soit pas au détriment de la maladie mentale aliénante et des patients qui en souffrent durablement.

Inscrire socialement des patients atteints de graves et durables maladies mentales est difficile et suppose un long travail, au quotidien, d’apaisement des souffrances et d’accompagnement vers une autonomisation.
La psychose se traduit par une profonde désorganisation du rapport que l’on entretient avec soi, avec autrui et avec le monde qui nous entoure ; le quotidien est vécu dans le doute, l’inconfort, l’angoisse, le désarroi, le conflit, les sentiments contradictoires, l’amour, la haine, l’impression d’hostilité ambiante, les voix, les visions, etc…
Le travail thérapeutique est un travail relationnel de longue haleine, d’une vie disent d’aucuns, émaillé d’avancées, de reculs, de ruptures, de crises.
L’engagement des soignants et la diversité des structures de soins à disposition sont une nécessité thérapeutique ; l’hospitalisation psychiatrique constitue très souvent dans cette trajectoire une ponctuation nécessaire, un havre et un temps d’élaboration, pour autant que le lieu soit accueillant, le personnel soignant qualifié, motivé et en nombre suffisant.

Le Secteur Psychiatrique et sa logique de proximité des soins organisés au plus près du lieu de vie des usagers, en articulation et en complémentarité avec le tissu social, est un modèle pertinent, que nos voisins européens, mais aussi nos lointains cousins américains, nous envient. Mais, outre l’existence d’un tissu social effectif, il suppose des moyens et un engagement auprès des patients et de leur entourage (parents, voisinage, logeur, employeur, etc…) bien supérieurs à ceux nécessités par «
l’institutionnalisation » en hôpital psychiatrique ou autre alternative médico-sociale.

En avons-nous les moyens humains, économiques  En avons-nous la volonté politique 
Si non, la «fermeture» symbolique et réelle des hôpitaux psychiatriques et de leur spécificité aggravera nécessairement le phénomène que nous observons déjà, à savoir que les plus marginaux, les plus « difficiles», les plus fous des malades mentaux sont repoussés vers les confins sociaux : trottoirs, asiles de nuit, centres d’hébergement, associations caritatives, et lorsque leurs troubles du comportement constituent un trouble à l’ordre public ou une infraction pénale, prison. Ce serait alors une régression sociale majeure.


Soins sous contrainte

S’il est légitime que le juge, non pas dans sa fonction pénale mais dans sa fonction de garant des droits et libertés individuelles, soit informé, voire à l’initiative sur avis médical, d’une privation de liberté pour raison sanitaire, il est évident que l’on ne peut simplement séparer la question d’ordre public de celle du danger sanitaire. En pratique, lorsque la maladie mentale s’exprime par des troubles du comportement, l’ordre public est bien souvent troublé ; le trouble de l’ordre public exprime / révèle le trouble mental et d’une certaine façon permet le soin.

Evidemment, la pratique psychiatrique «ouverte » doit être la règle ; au demeurant, cela suppose des moyens humains importants.
Pour autant, cela n’invalide pas nécessairement l’utilisation de structures de soins fermées ou fermables.
Les structures fermées, y compris intersectorielles, n’ont pas pour seule vocation la prise en charge de patients agités. Elles permettent aussi à des soignants d’accueillir dans des conditions architecturales et humaines sécurisantes (et pas seulement sécuritaires) des patients difficiles à soigner, dont la désorganisation psychique et relationnelle s’exprime par de la réticence, un déni des troubles, un comportement agressif, des angoisses majeures, un refus des soins proposés et nécessaires, etc…
La question des UMD pose celle des patients qui y sont accueillis, et plus généralement celle de la place des patients durablement difficiles à soigner qui posent répétitivement des actes désorganisés et violents et des patients dangereux socialement en raison de leurs troubles mentaux.  

Dans leur rapport intermédiaire de janvier 2001, les Dr Piel et Roelandt exprimaient un point de vue inquiétant parce que confondant des registres qui n’ont pas à l’être  «la durée des soins obligatoires, qu’ils aient lieu en ambulatoire ou en hospitalisation, si le malade se dérobe ou ne respecte pas les prescriptions, le psychiatre peut faire appel aux services de police » et «la personne ne respecte pas malgré tout l’obligation de se soigner qui lui est faite, elle est alors en infraction et peut être condamnée ». Le rapport final a atténué la lettre mais qu’en est-il de l’esprit 
La maladie mentale ne doit pas être considérée comme une infraction pénale.

Soins aux personnes placées sous main de justice

En schématisant, on peut dire que se préoccuper de la santé mentale des détenus suppose:

1 - de repérer risques 
-    céder à la simplification abusive de problèmes complexes
-    céder à la tendance habituelle du recours au «syndrome de la patate chaude »
-    céder à la tentation de la ghettoïsation

2 - de s’appuyer sur 3 logiques de travail 
-    logique d’accès aux soins et de continuité des soins
-    logique de proximité et de maintien des liens avec l’extérieur, particulièrement les liens familiaux
-    logique d’articulation entre le temps de l’emprisonnement et le temps de l’inscription ou de la réinscription sociale


3 - de distinguer 3 registres 
-    la santé mentale qui dépend pour beaucoup des conditions d’accueil et de détention  établissements de petite taille, de proximité pour faciliter le contact avec les proches (intérêt des unités de vie familiale), éviter le tourisme pénitentiaire, etc…
-    la souffrance psychologique, lot commun des détenus à un moment ou un autre de leur détention  c’est le travail de tous que de la repérer et de la prendre en compte
-    les troubles psychiatriques proprement dits  à repérer et à soigner et à distinguer du «fourre-tout conceptuel » des troubles du comportement

4 - d’articuler 3 temps regard du sens de la peine:
-    l’avant prison  nécessité de s’interroger 
- sur le sens et l’utilisation actuelle de l’article 122-1 du CP  alinéa 1- abolition du discernement et irresponsabilisation pénale - peu ou prou abandonné au profit de l’alinéa 2 altération du discernement et responsabilisation pénale
- sur les finalités de l’
expertise psychiatrique
- sur l’attitude des juridictions de jugement qui aggravent dès lors les peines et non pas les atténuent.
-    le temps de l’emprisonnement 
- intérêt des peines individualisées et du Projet d’Exécution de Peine
- intérêt ++ des aménagements de peine dont la libération conditionnelle
- et donc nécessité du développement d’un travail en partenariat qui passe par la personne détenue et par le soutien que l’on peut lui apporter dans ses démarches 
-    l’après prison  et les nécessaires articulations sanitaires, sociales, voire judiciaires

Un état des lieux serait nécessaire et particulièrement une interrogation sur les raisons et la signification sociale de l’accroissement de l’incarcération de personnes souffrant de troubles mentaux : doit-on considérer que le veston identitaire « »toxicomane" et / ou «linquant » (plutôt que «fou ») de nombre de psychotiques est une évolution favorable ? La prison constitue-t-elle une alternative médico-sociale banale voire satisfaisante   Un désengagement des Secteurs psychiatriques auprès des patients difficiles à soigner n’est-il pas en train de s’opérer ?

Il est urgent de répondre à des questions essentielles comme 
-    La notion de Responsabilité de l’homme considéré un citoyen et un sujet de parole qui peut et se porter garant de ses actes et en répondre, qui semble aujourd’hui rabattue sur la seule question de la responsabilisation pénale.
-    Le sens et la place de l’article 122-1 du code pénal et plus particulièrement les conséquences théoriques et surtout pratiques de l’abandon du 1er alinéa au profit du 2ème alinéa.
-    L’objet et les limites de l’expertise psychiatrique
-    Les articulations Psychiatrie Justice en particulier à propos des injonctions et obligations de soins judiciaires.
-    Au delà du «sens de la prison » et de sa «mission d’insertion », la question globale du sens de la peine et de l’évolution des modalités de la sanction.

Quand le sujet «n'y est pas », quel est le sens du procès  Que peut-on en attendre ? Quel est le sens de la sanction  Quel est le sens de la peine  Quelles peines  Comment articuler des dispenses ou les aménagements de peine  Dans le panel des sanctions possibles, quel est le sens de l’emprisonnement et de la détention  Quand le sujet «n'y est pas », la prison en tant qu’elle matérialiserait la transgression et permettrait «levée du déni » est une réduction théorique. Orienter vers l’espace du soin une personne dont le délit ou le crime est en rapport direct avec ses troubles mentaux reste pertinent ; sans doute faut-il mieux articuler (et non confondre) les deux logiques, pénales et sanitaires.

La prison, lieu de privation de liberté et d’exécution de la sanction pénale, suppose un détenu (prévenu ou condamné) capable de discernement, en mesure de comprendre le bien fondé de la mesure prise à son encontre. Le détenu se voit imposer la perte de sa liberté d’aller et de venir mais conserve des droits et notamment son droit à la santé (accès aux soins et soins de qualité).

En ce qui concerne les soins à proposer et à apporter aux personnes détenues, doivent prévaloir, dans toute la mesure du possible, une logique de proximité, des liens et une articulation entre les intervenants internes à la prison et les intervenants travaillant à l’extérieur.

Les soins ambulatoires pratiqués peuvent être très diversifiés et inclure des suivis intensifs.

En revanche, des soins ambulatoires obligatoires en prison, «comme en milieu ordinaire », seraient en contradiction fondamentale avec un principe essentiel  dans le lieu de la prison, le respect du consentement (lequel consentement bien évidemment se travaille) du patient aux soins est une pierre angulaire, éthique et technique, du travail. D’ailleurs, le paragraphe 10 du chapitre sur les tribunaux et les prisons des propositions de recommandations européennes du «livre blanc » précise «que la prison ne devrait pas être autorisée à accueillir des personnes qui font l’objet d’un placement ou d’un traitement involontaire ».

Les moyens actuels pour la prise en charge psychiatrique des détenus, en dehors du travail fait par les équipes des SMPR, ne sont pas suffisants et il conviendrait de les renforcer.
Toutefois, un tel constat ne doit pas éluder un questionnement sur le
transfert de populations (les pauvres, les précaires, les exclus, les malades, les toxicomanes, les immigrés, les mal intégrés, les sans papiers etc…)semble s’opérer du milieu ordinaire vers le milieu pénitentiaire.

L’intégration de l’offre de soins en santé mentale à ceux existant pour le système MCO doit se décliner en termes de complémentarité et d’articulation. La question n’est pas le partage de locaux, toujours possible, mais bien plutôt la nécessité d’individualiser un projet spécifique de soins en santé mentale qui aille au delà de la psychiatrie d’urgence et de liaison, nécessaire mais insuffisante à répondre aux besoins de la population pénale. De sorte qu’il est nécessaire d’individualiser l’équipe et le projet du dispositif de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire.

Ce dispositif de soins psychiatriques est désormais rattaché, sur tout le territoire, à un secteur (ou intersecteur) psychiatrique ; les soins aux personnes détenues font partie intégrante de la politique de santé mentale du Secteur psychiatrique considéré.
La mission de
coordination régionale des Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire doit permettre une harmonisation des prestations psychiatriques délivrées aux personnes détenues de la région pénitentiaire considérée et une meilleure intégration et articulation de ces soins à la politique de santé mentale du bassin de vie considéré.

Le « problème des hospitalisations pour soins psychiatriques des détenus » est aujourd’hui «crucial ». Il est particulièrement complexe à résoudre de façon satisfaisante.

L’hospitalisation libre n’est actuellement réalisée que sous forme d’hôpital de jour en SMPR le plus souvent avec hébergement spécifique sur place (la permanence soignante de nuit des SMPR de Fresnes et Marseille ne constituant pas une sécurité sanitaire au sens propre hospitalier). Au demeurant, cette modalité de soins intensifs est pertinente et adaptée au milieu pénitentiaire.

L’hospitalisation sous contrainte est un phénomène désormais structurel, témoin certainement d’un meilleur repérage des pathologies psychiatriques par un personnel soignant plus nombreux mais aussi et surtout, témoin d’une augmentation importante de la morbidité psychiatrique de la population pénale. Les circonstances cliniques qui amènent à indiquer une HSC sont généralement celles d’une Hospitalisation à la Demande d’un Tiers  patient décompensé psychiatriquement parlant, non consentant aux soins proposés et nécessaires, plus rarement patient consentant aux soins ou indifférent à ceux-ci mais gravement malade (dépression mélancolique, hébéphréno-catatonie, manie délirante…).
Les conditions d’accueil et de soins des détenus en hospitalisation d’office, en dehors de quelques exceptions pourtant notables et significatives, se dégradent fortement.

De nombreuses voix, dont celles des Dr Piel et Roelandt, s’élèvent pour dire qu’ «
il n’est plus possible de continuer à exiger, en se voilant hypocritement la face, que les équipes de secteur assurent en même temps la garde et les soins en structures ouvertes » et proposent « d’intégrer les projets Médecine-Chirurgie-Obstétrique d’Unités Hospitalières Sécurisées Interrégionales » en créant, dans les hôpitaux généraux, des services de psychiatrie implantés à côté des services MCO et bénéficiant de la même organisation de garde par les agents de l’administration pénitentiaire. Ces services « seraient en capacité de fournir les soins obligatoires en hospitalisation » et l’hospitalisation libre.

On objectera que la prise en compte du statut de détenu n’implique pas nécessairement la spécificité d’un lieu et que, dans les structures fermées ou fermables telles qu’elles existent déjà pour des patients qui nécessitent une surveillance particulière, il est tenu compte du statut de détenu de la personne malade.

On objectera également que le
risque de dérive vers une logique de ghettoïsation est majeur.
Outre les détenus nécessitant une hospitalisation libre ou une hospitalisation sous contrainte, on peut aisément prévoir que ces structures, hôpitaux-prisons, accueilleront rapidement, les patients non compliants et difficiles à soigner, de même que les patients ayant bénéficié d’un article 122-1 alinéa 1 ou alinéa 2 du code pénal. A cet égard, l’expérience de nos amis italiens devrait nous enseigner.

Si le modèle actuel - secteur de domiciliation du patient ou secteur de rattachement de l’établissement pénitentiaire, UMD lorsque nécessaire - n’est plus satisfaisant, possible, souhaitable pour des raisons idéologiques et / ou techniques, vers quels types de structures doit-on s’orienter 
Unités spécifiques aux détenus  avec garde policière et / ou pénitentiaire, type UHSI à triple tutelle Santé, Justice, Intérieur ? Il est utile à ce propos de rappeler que les 8 UHSI prévues ont été conçues pour des soins somatiques, des courts séjours, des malades consentants et alités.
Unités spécifiques ou non spécifiques aux détenus, à tutelle Santé  structures fermées type UMD à vocation régionale ou UPID à vocation intersectorielle ou départementale 
Quel serait leur nombre et leur capacité d’accueil 

 
L’idéal serait un système qui permette une souplesse de fonctionnement et tienne compte des situations cliniques et pénales, de l’environnement et du bassin de vie du sujet  S’agit-il de : 
-    Patient consentant aux soins nécessaires ou non
-    Soins urgents aigus
-    Soins intensifs de courte ou moyenne durée
-    Soins au long cours
-    Psychothérapies
-    Troubles psychologiques
-    Troubles psychiatriques
-    Pathologie chronique
-    Existence d’un suivi psychiatrique antérieur
-    Existence de liens familiaux
-    Projet thérapeutique et adhésion du patient au projet
-    Nécessité d’un relais à la libération
-    Prévenu, affaire criminelle
-    Prévenu, affaire correctionnelle
-    Condamné à une courte peine
-    Condamné à une longue peine
-    Réclusion criminelle à perpétuité
-    Etc…
-    
La prise en charge d’un patient schizophrène en phase processuelle, arrivé au terme de son incarcération, connu de longue date d’un secteur psychiatrique proche de son domicile, ne fait pas appel aux mêmes déterminants et donc aux mêmes réponses que celle d’un patient schizophrène dissocié et réticent à tout soin, condamné à une longue peine, incarcéré dans un établissement éloigné de son lieu de vie ou encore que celle d’un patient profondément déprimé avec un risque suicidaire majeur et immédiat.

La réponse, guidée autant que possible, par les principes de continuité des soins, de proximité environnementale (famille, domicile) et de logique «intégrative », pourrait être l’accès à un panel de structures diversifiées  secteur d’origine ou d’accueil du patient, secteur ou intersecteur de rattachement de la prison, UPID, UMD, unité spécifique aux détenus dans certains cas qu’il resterait à définir et cadrer.

Une réflexion sur les injonctions et obligations de soins judiciaires (en nette progression) et leur articulation avec le dispositif sanitaire (souvent malaisée), des personnes sous main de justice en milieu ouvert mériterait d’être conduite.
Les obligations de soins judiciaires risquent fort de devenir, pour un grand nombre de personnes présentant des troubles mentaux, un moyen d’accès usuel aux dispositifs de soins du système ordinaire.




A propos de la responsabilisation pénale des personnes gravement malades mentales

L’abolition du discernement en relation avec des troubles mentaux n’efface pas l’infraction pénale mais fait s’éteindre l’action judiciaire  article 122-1 alinéa 1 du code pénal. En pratique, cet article n’est quasiment plus utilisé.
Pour mémoire  la responsabilité civile de l’auteur d’un dommage est toujours engagée même lorsque celui-ci est déclaré irresponsable pénalement.

L’altération du discernement en relation avec des troubles mentaux atténue la responsabilité pénale  article 122-1 alinéa 2 du code pénal. En pratique, les peines dès lors infligées sont généralement aggravées.

La question de la responsabilité, répondre de ses actes, est aujourd’hui rabattue sur la responsabilisation pénale.

Nombre de psychiatres se réfèrent à une théorie de registre psychanalytique selon laquelle tout sujet est auteur de ses actes dont les ressorts et les déterminants sont pour partie inconscients à cet égard nous sommes tous coupables et innocents, tous imputables et irresponsables) et qu’il est salutaire pour le sujet de n’être pas dépossédé de ses actes et de devoir en répondre.
Certes, mais le ressort de la théorie juridique qui sous-tend la notion de responsabilisation pénale n’est pas l’inconscient de la Psychanalyse mais, justement, le conscient du Droit, le «discernable », l’imputable.
Actuellement, la confusion des deux registres conduit à une impasse.

La grave désorganisation de la personnalité, des relations à autrui et au monde dont souffrent les personnes malades mentales les amène souvent à présenter des troubles du comportement qui se déroulent d’autant plus volontiers dans la cité qu’ils y vivent.
Dès lors que ces troubles du comportement constituent une infraction pénale,
l’application de cette théorisation psychanalytique dans le registre pénal, via l’alinéa 2 du 122-1, conduit en pratique à ce que les sus dits malades soient incarcérés et lourdement condamnés (davantage que des citoyens «ordinaires »), dans un compréhensible réflexe de défense sociale de la part de juges interloqués devant l’évidente folie du sujet et la subtilité du raisonnement psychiatrique.

Exemple  un patient schizophrène paranoïde, suivi de longue date par un secteur psychiatrique «décompense »  il ne vient plus aux rendez vous du CMP, ne prend plus de traitement médicamenteux, se sent constamment menacé, se montre agressif avec son entourage familial qui s’en plaint auprès de l’équipe psychiatrique. A 2 ou 3 reprises, le soir, l’angoisse et l’agitation se faisant plus prégnantes, la famille accompagne le patient à l’hôpital psychiatrique, il est rapidement orienté vers le CMP où il ne se rend pas. «menacé » par un enfant avec un pistolet à eau, il le tue. Expertisé, il bénéficie d’un article 122-1-2 CP. Quel est le sens de cette «théorie » pour l’expert  pour la famille de la victime  pour la société  pour les soignants  pour le patient, particulièrement quand le «Sujet » n’est pas au rendez-vous   Concrètement, il a été jugé et condamné à une peine de 25 ans de réclusion criminelle. Malgré les preuves ADN de sa culpabilité, il continue à dire n’avoir pas tué l’enfant ; le délire est floride, irréductible, insensible aux traitements médicamenteux ; les séjours en UMD l’apaisent un peu. Quel sera son devenir et dans quel type de structure 

N’avons nous pas, nous psychiatres, peut-être par impuissance à proposer et assurer une prise en charge des malades durablement difficiles à soigner, tendance à qualifier de psychopathe un schizophrène dissocié persécuté et donc agressif, de toxicomane un schizophrène halluciné qui fait taire les voix avec des opiacés, de dangereux psychopathe impulsif un délirant paranoïaque sthénique, de déprimé un mélancolique  Mais ainsi, n’abandonnons-nous pas la clinique du passage à l’acte au profit de la qualification pénale du comportement, disqualifiant par là même l’objet de notre discipline et de notre travail 

Quelle pourrait être une solution pertinente et humaniste 
Si l’on envisage comme pertinente et nécessaire la tenue d’un procès, parole publique et inscription dans la réalité commune, il faut dissocier aptitude à comparaître et punissabilité, procès et peine, peine et emprisonnement.

En tout état de cause, l’altération ou l’abolition du discernement en relation avec des troubles mentaux doivent être prises en compte 
-    ainsi, l’altération devrait entraîner l’atténuation systématique de la peine, et un régime de sanctions qui n’inclut pas nécessairement l’emprisonnement et n’exclut pas l’orientation vers le circuit sanitaire.
-    ainsi, l’abolition devrait entraîner la dispense de peine et l’orientation vers le circuit sanitaire.