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Au delà du monde connu !


Etat des lieux : Ca avance à reculons ! Comme le névrosé. Ca avance à reculons et ça émet des hypothèses sur ce qu'il faudrait pour que cela soit mieux, pour que la psychiatrie avance les yeux rivés sur des lendemains qui chantent. Gaffe, l'horizon se trouve aux quatre coin du monde ! Illusion d'optique, lapsus visuel. La psychiatrie semble donc connaître un épisode de stratification verticale. Comprendre ici que l'avoir est confondu avec l'être. La rigidité des techniques, leur probité scientifique l'emporte sur l'homme, sur l'humain, sur l'indicible qui, décidément, rendrait l'horizon incertain autant que dans un tableau de la dernière période de Turner. Il nous faut des horizons bien nets, bien réglés, verticaux pour tout dire. L'indicible et le flou, autant dire le complexe, sont des ennemis de ce retour au cartésianisme mal digéré auquel nous assistons, navrés et tristes.

Une fois achevé la lecture du rapport Kouchnérien des Dr Piel et Roelandt je me suis dit : " Que de choses à faire ! " Une impression d'être encore à l'entrée du tunnel si vous voyez ce que je veux dire. Dépressiogène le rapport quoi !

C'est que peut-être, de rapport en rapport, la situation n'évolue pas forcément dans le sens que préconisent les rapporteurs. Je me souviens du fameux (en son temps) rapport Massé que nous avions étudié lors de ma formation initiale: la révolution était aux portes des Hôpitaux Spécialisés. Plus récemment, j'entend encore les exclamations épouvantées à la lecture du rapport accablant de la Cour des comptes. Quels furent les enseignements et surtout le retentissement, la mise en pratique des préconisations de chacun de ces rapports ?

...

Il y a un problème avec les rapports !
Le dernier en date nous dresse un tableau assez sinistre de notre psychiatrie nationale et va même au-delà dans cette volonté de ne pas trancher les liens qu'elle entretien avec le reste du monde. Etre bio-psycho-social (éventuellement culturel) oblige les traits d'union apparaissent en clair aussi clairement que la désunion effective de ces trois instances.

" Que de choses à faire !", me suis-je dit. Les bras m'en tombent ! Qui va les faire, et contre qui ? Car il apparaît bel et bien dans ce rapport que des adversaires au bon sens se dressent contre le courant de cette transhumance naturelle de la psychiatrie vers les saines avenues de la Santé Mentale.

Voyez le douloureux problème de la formation des infirmiers psy ! Il est évoqué dans ce rapport à plusieurs reprises et cela n'est pas pour nous étonner. Y est évoquée la question de la spécialisation dont vous trouverez un projet très avancé dans les pages du CEFI du site du S.E.R.PSY.

La difficulté toute langagière que nous rencontrons aujourd'hui pour exprimer ce autour de quoi tout tourne, nos questions, nos colères, nos désirs, nos réflexions, voire nos recherches, ne devrait-elle pas nous inciter à explorer ce qu'il en est des limites, des bords, des frontières ? Construirons-nous le long du rhizome (cf. ma livraison de Juin dans la chronique Internet de Santé Mentale), suivant ainsi les linéaments qui semblent se dégager des préconisations de ce rapport ou persévèrerons-nous dans la culture verticalement univocitaire de l'arbre unique depuis la hauteur suffisante duquel tombent des fruits désormais pourrissants ?

Le rapport nous fout de l'Europe plein les mirettes. Nous sommes les cancres de l'Europe mes enfants, retroussons nos manches pour nous hisser au niveau des plus humains d'entre les européens car il est bien entendu que la psychiatrie française est inhumaine (mais ça nous le savions dejà n'est-ce pas ?). Les infirmiers psy. français (D.E. ou pas) ont certaines difficultés à se reconnaître du seul fait qu'il faut des bords, des limites et des frontières, des classes, des compétences assignées ou assignables, alors qu'ils ont de plus en plus conscience que l'homme n'est pas réductible à cela ; que le schizophrène déborde de partout, que le sociopathe nous épate par l'acuité de sa vision sociologique (bon j'exagère !), que le psychotique nous en remet une couche tant qu'il peut justement parce que nous ne pouvons pas nous en passer (des limites s'entend).

Limites, bords et frontières sont ce qui nous sépare de l'homme, qu'il soit malade ou pas. Voilà peut-être pourquoi il me semble qu'il y a tant à faire, trop à faire.
Ou bien serait-ce, avant de faire, trop à défaire, trop à être aussi ?
L'homme dépasse les rapports (comme disait Lacan de certains), il est toujours au delà des marges, au delà du monde connu des technocrates, au delà de sa propre peau, au delà de lui même et au delà du monde connu. Gagnerons-nous bientôt les dé-rives de cet au delà ?

Jean Argenty, Cadre Formateur IFSI Gérard Marchant Toulouse