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LOI --- Urgences - Usagers

    

Vous me demandez de redonner mes opinions sur la FOLIE et la LOI. Je veux bien en cette occasion, revenir sur mes préoccupations, plutôt en marge du Rapport Piel Roelandt, avec le souci constant de souligner ce qu’il a de positif, sur la question de base, vraiment légale, qu’est l’inscription des systèmes de santé mentale dans les rouages de la société.
Redisant que l’histoire a fortement confirmé mes opinions (et prophéties ) sur la mauvaise action qu’est moderniser toute loi d’exception, au point que ce qu’ils s’ingénient à y faire n’a pas d’importance, puisque c’est le fait même de «modernisation" qui est générateur des abus qui, nécessairement s’ensuivent, quels que soient les détails et procédures institués.
Rénover, quels que soient les détails, la loi d’exception pour fous, en freinant la décrépitude de l’internement, qui était très avancée, était généraliser l’emploi du « sous contrainte ». La "modernisation" faite, on ne voit pas l’intérêt de la perfectionner .
Dans les oubliettes où nous sommes remisés, avec Xavier Abély, Ey, Sivadon, Daumezon, Mignot ; les "livres blancs " et le « Rapport Demay » je reste plus que jamais sur la position 
«Lessiver autant que possible les débats sur la question pourrie-pourrissante de l’ «l'obligation de soins ». Reconnaître que le vrai grand problème réel se pose à partir de l’ « assistance et soins aux personnes, y compris en danger ». Il est bien caractéristique de mentalité --- suivez mon regard --- que d’ « oublier » que les droits de l’homme et du citoyen, c’est d’être aidé, secouru, soigné, en cas de besoin, ce qui pose, secondairement mais dans ce problème d’obligation, les risques de perversions ou d’abus.
    Je voulais vous dire que poser le problème, contre les lois d’exception, en ces termes de demande de recherche approfondie sur l’application des droits aux soins, en protégeant contre toute perversions ou abus les blessés de la route, les victimes d’over-doses, les sidaïques, les fous, et surtout les vieux, est la position sur laquelle les psychiatres devraient être demandeurs insistants, en se gardant d’user abusivement de l’originalité des problèmes avec la folie. »

*****
    

Ceci dit, tout en sauvegardant la recherche du contraire de l’enfermement spécifique dans la gestion des exclusions, mes préoccupations dominantes sont sur la question de pointe, qui est de ne pas transiger sur cette originalité (comme Baillon l’explore de façon très convaincante),
J’illustre  Aux origines 

«’L' «isolement d’avec » de Pinel, entre «aliéné » et son entourage, comportait le risque de «désintérêt » et même adversité pour l’ AVEC, au lieu de travailler le  «que faire » avec ces partenaires concernés.
Jusqu’à faire de l’ISOLEMENT un moteur de conduites submergeantes.
Au total, l’ASILE est devenu structure vouée à sombrer dans les bas-fonds du système RENFERMERIE - GARDERIE, voué à tous «isolements" .

Et j’enchaîne sur la riposte à l’hécatombe, en 1945 
"C'est à l’enseigne des Mouvements Unis de Résistance médicale que le courant d’opposition à un Système de Santé Mentale enfermé dans les organes de gestion de l’exclusion déclara la nécessité DESALIENISTE de « 
faire le contraire » de ce système de réceptacle des rejets. Il fut déclaré nécessaire de passer à des structures implantées en priorité dans les ensembles démographiques pour, AVEC personnes et instances concernées dans les situations portant risques d’exclusions, «aider la société à mieux tolérer le “mauvais objet” qu’elle contient »

Dans les difficultés de mise en œuvre de ce «contraire", le plus significatif me semble avoir été dit en 1967, à la fin des « Livres Blancs 
    « Aux cours des journées psychiatriques des 3 et 4 juin 67, j’ai été amené à tenter un travail de réduction des thèses qui me semblaient prendre corps, à partir du thème de séparation de la neurologie et de la psychiatrie

J’ai réduit ces thèmes à une TRIADE FONDAMENTALE

* La psychiatrie, spécialité médicale majeure qui veut voir reconnaître son originalité et organiser son unicité lutte pour que cesse sa mise à l’écart du monde de la santé, soins, enseignement, formation.            
** Elle constate l’impossibilité de s’intégrer dans l’ensemble du dispositif de santé sans modification de structure de celui-ci et d’elle-même.
*** Cette situation la met dans la nécessité, qu’elle accepte, et même revendique, d’une intégration dans le dispositif de santé, sous forme d’expériences originales dans les champs solidaires de l’organisation des services, de l’enseignement et de la formation 
    *** b.- Parmi les facteurs justifiant une amélioration des regards critiques et constructifs, le souvenir de ma «triade" me fait léguer celui du peu d’audience acquis par le § 3 bis, sans doute trop impliqué par le qualificatif «majeure" et trop parlé au delà en commentaires mal audibles et peu entendus: Que cette entrée d’expériences originales dans le champ des structures de santé avait pour effet heureusement prévisible la modification des modèles médicaux hérités, eux-mêmes ».

Et je dois redire que 
Quand ce fut mon tour d’entrer en «urgence" au Centre Hospitalier, j’y fus reçu par un infirmier me disant que j’étais celui qui lui en avait appris le plus sur la question de l’urgence.
Et ça évoque mon éloge par un collègue phtisiologue, dans son service voué aux cancers du poumon et aux dialogues sur la mort  «Vous n’êtes pas comme les psychiatres avec qui on ne peut pas parler, car ils n’écoutent que ce qu’ils disent ».

La problématique actuelle est que le thème de la LOI ranime la question de mon "bis", de notre audience «chez les autres », question de pointe dans les rapports avec tout interlocuteur. Ce ne saurait être étroitement légaliste, mais appelle à réfléchir sur toute facilitation par la LOI. En fait, il s’agit surtout d’un  comment empêcher que «la LOI », son libellé et son "esprit", n’oblitère en fait nul aspect des usages de la psychiatrie avec ce que les autres tendent à exclure, rejeter, etc. En somme, assurer au mieux la protection des sujets souffrants contre ce que j’ai entendu, à propos des «douleurs pelviennes chez la femme »  « On fait tous les examens, et, quand on ne trouve rien, on envoie au psychiatre ».

A ce moment de la réflexion, les articulations sur lesquelles il faut raffiner sont, au plus évident, sur la question des « usagers », car : voyez triade  autant la valorisation de l’efficacité des «psychiatrisés» (comme les nomme un vocabulaire à analyser) et «les leurs », est importante à réaliser, autant (3 bis) est important le fait de parler avec d’autres que ceux pris dans notre monde d’accueil des rejetés, dans le rejet dit  «on envoie au psychiatre ».
Ce qui élargit la question des
usagers au delà de notre proche pratique. La vision de la Libération, cherchant le contraire de l’exclusion, engendre une vision sur l’ «usager" qui est celle des droits de l’homme et du citoyen. Et, là, la question de l’urgence prend une place à la fois aussi originale et aussi intégrée que possible dans ce qu’il faut reconnaître comme implications de la légalité.

*****

«Il n’y a pas d’urgence en psychiatrie ». Nous nous sommes bien amusés avec cette boutade d’Henri Duchêne, quand, dans les années 50, nous nous moquions des aliénistes qui reprochaient à «ceux des hôpitaux généraux » de s’occuper des «urgences" avec lesquelles ils s’étaient bien arrangés pour que ça se passe ailleurs que chez eux.
Et il était vrai qu’à la carence du monde H.P., répondaient les activités d’ «urgences" dont nous pensions qu’il était scientifiquement et humainement juste de les épargner à nos concitoyens quand ils perdent la tête.
Savoureux  le porte-parole ordinaire de la psychiatrie d’écrémage, de «la psychiatrie active à l’hôpital général » , Georges Heuyer, était aussi en fonction à «la tour pointue », l’ «Infirmerie Spéciale des Aliénés au Dépôt de la Préfecture de Police » Sa notoriété l’avait mis en position de tuteur sur les commissions de recherche de l’Hôtel de Ville, sur le travail dont Duchêne était responsable, sur  «la psychiatrie extra-hospitalière ». Un vif débat y eut lieu quand, aidant Duchêne, nous apportions notre coopération à Daumézon, initiateur de la première «sectorisation" avec «aires de responsabilités » des services voués à y développer l’ «extra-hospitalier". A notre perspective de postes de travail aussi aptes que possible à faire face le plus tôt et le mieux possible à tout problème se posant, Heuyer nous prit à partie avec un  «Pourquoi voulez-vous vous occuper de ça  La police fait ça très bien ».
Comme tous les inventeurs, Duchêne était un ironiste dont le «pas d’urgence … ». Suivez mon regard.
Dans les rangements aux oubliettes les plus instructifs à étudier, il y a notre recherche d’approfondissement du débat qu’évoquait avec son «pas d’urgence » ce l’un des nôtres, le plus «placé" dans la «spécialité » «extra-hospitalière».

Ce dont, ici et maintenant, Guy Baillon nous propose comme champ de réflexion est une question-charnière sur laquelle je n’ai cessé d’épiloguer.
Avec des moments aussi caractéristiques que  Dans le vent de 68 pour innovations, j’ai dit, à propos de «psychothérapie » que le plus grand besoin actuel d’innovation formatrice était la culture de ce sur quoi il y avait le plus de carence  la formation en science et art des réactions dans la relation avec qui est «aigü" en phase de décompensation. Un éminent psychanalyste me rétorqua  « 
Ca, ce n’est pas de la psychothérapie ».
Je tente un nouvel essai de vues d’ensemble, qui compromet avec moi l’ensemble des novateurs partageant les préoccupations de Duchêne sur l’ «urgence" et cherche à éclairer ensemble et conjointement, avec le regard sur cette «urgence" les «usagers", les «soins imposés », le questionnement sur «psychiatrie" et «santé mentale ».
Le sens du «pas d’urgence » c’estfaire comprendre que le besoin d’intervention rapide, en psychiatrie, c’est pas comme ailleurs et  importer dans la psychiatrie l’exercice des modèles régissant le monde médical n’est pas correct, comme ne pas se former tous pour «psychothérapie dans l’acuité ».
Redire encore 
La problématique est  comment empêcher que «
LOI », son libellé et son «esprit", n’oblitère cet aspect de la psychiatrie s’occupant de ce que les autres excluent, rejettent, etc.
Moment où les articulations sur lesquelles il faut raffiner sont, au plus évident, sur la question des « 
usagers », car  voyez triade  autant la valorisation de l’efficacité des en position d’ «usagers" constitués est importante à réaliser, autant (3 bis) est important le fait de parler avec d’autres que nos partenaires dans notre monde d’accueil des rejetés.
Ce qui renvoie à la question des
usagers. La vision de la Libération, cherchant le contraire de l’exclusion, engendre une vision sur l’ «usager qui n’est en rien sélective, car c’est celle des droits de l’homme et du citoyen.
Je schématise un peu 
Si, avec une pointe sur les situations les plus pressantes, où  moins on attendra, mieux cela vaudra, on en est venu à donner «
l’image de marque » ou «le pignon sur rue » aussi représentatifs que possible de notre contraire des «murs de l’asile », aux temps héroïques du «pas d’urgence » ironique, voyez 3 bis de ma triade pour saisir la concordance avecqui fait la paire: mettre en œuvre notre autrement ailleurs que chez nous.
Un bon travail, très désenclavé, parvient en fait à démultiplier les circonstances où ça se passe «chez vnous », avec notre originalité, notre science et art (exceptionnels en principe) de l’écoute et de l’écho..
Dans la vie des crus, ça marche avec, et ça dépend beaucoup de  Notre capacité d’être à la disposition des autres pour les aider à faire eux-mêmes, , avec le problème dans lequel ils sont concernés, donc usagers par excellence. La position désaliéniste est faite pour changer le regard sur la folie de tout un chacun, avec la base la plus diffuse dans le travail quotidien, et un privilège pour les usagers de pointe, qui sont les responsables des services publics, au vrai sens du terme, avec un genre de séquence qu’il faut savoir regarder : Mairies, Sécu, Ecoles, Hôpitaux Généraux ….. Ma liste n’est pas limitative, mais elle souligne des positions d’usagers «de pointe » comme représentants et porte-parole des usagers de base.
Dans les articulations les plus significatives, je précise qu’on est assurément bien plus efficace quand on est vécu comme autre, vécu comme vraiment porteur de visions originales, bons instruments d’échanges enrichissants, que si l’on est vécu comme «service entre autres », faisant partie du système. Ca donne comme retombée pratique significative que  si l’on est vécu comme voisin, y compris topographiquement, on est l’interlocuteur le plus efficace dans la relation. Entre le bon "avec" et le médiocre "dans" l’hôpital général, ça se vérifie bien.
Car c’est tout de même vrai qu’autant on s’efforce de le masquer, la psychiatrie différente est ( - très différemment de la traditionnelle - ), science et art de la relation entre qui et qui, dans quels contextes et circonstances.

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Qu’une psychiatrie vraiment formée dans et par son originalité, fondée sur culture approfondie de science et art de l’écoute et de l’écho dans les situations où ils sont les plus problématiques, et les plus exigeants comme "niveau", doit voir faciliter au maximum les conditions d’application , en évitant autant que possible les sens ordinaires de l’ "urgence", autant c’est rester dans le champ de l’exclusion de ne pas reconnaître l’enracinement du "secteur" dans le respect du droit de tous les hommes et tous les citoyens, et dans l’élargissement maximum du sens d’ "usager" dans le respect du principe de résistance aux tentations tutélaires, et la plus ouverte disponibilité pour tous.
Il est bon de ne jamais perdre de vue 
«Prendre le contre-pied des attitudes encore dominantes selon lesquelles le principe et la dominante de la réflexion, du discours et de la pratique, ne sont pas l’autre, la demande, le besoin ou l’usager mais soi-même et les systèmes idéologiques et institutionnels dans lesquels on est investi »                 





L. Bonnafé
    
VIII 2001

    
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