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Ministère de l’Emploi et de la Solidarité

Ministère délégué à la santé

De la Psychiatrie
vers la Santé Mentale

Rapport de Mission – Juillet 2001

 

Dr Eric PIEL                                     Dr Jean-Luc ROELANDT

 

“ Une utopie c’est un projet qui n’a pas encore été réalisé ”
                                                                                                                                            Théodore Monod

 

“ A Paris on construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n’y sont pas enfermés qu’ils ont encore la raison ”

                                              Montaigne

 


 

Table des matières


Présentation de la mission

La lettre de mission “ Réflexion et prospective en santé mentale ”

En juillet 2000, une mission “ de réflexion et de prospective dans le domaine de la santé mentale ” nous a été confiée par la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité (Mme Martine Aubry puis Mme Elisabeth Guigou) et la Secrétaire d’Etat à la Santé et aux Handicapés (Mme Dominique Gillot). Cette mission s’est trouvée confirmée par le Ministre Délégué à la Santé (M. le Docteur Bernard Kouchner) en mars 2001. Le lettre de mission nous demande :

 

“ en vous appuyant notamment sur les travaux de la Mission Nationale d’Appui en Santé Mentale (MNASM) et en recensant les expériences menées en France comme à l’étranger, de formuler des propositions permettant de :

 

§         redéfinir une politique de sectorisation psychiatrique fondée sur un fonctionnement en réseau et intégrée dans le tissu sanitaire, médico-social et social ;

 

§         proposer les étapes d’un déploiement de la psychiatrie telle qu’elle est organisée aujourd’hui vers le champ plus global de la santé mentale ;

 

§         proposer des modalités d’intégration de la santé mentale dans des soins de santé primaires ;

 

§         proposer, sur la base du constat fait par Pierre Pradier dans son rapport relatif à l’organisation des soins en milieu carcéral, les voies d’améliorations du dispositif de prise en charge en santé mentale pour la population placée sous main de justice ”.

 

 

Les modalités de travail

De septembre 2000 à juin 2001, nous avons travaillé selon trois modalités :

 

1-       des rencontres et des visites en France et à l’etranger

Nous avons rencontré des acteurs de terrain des régions Aquitaine, Bretagne, Guadeloupe, Ile de France, Nord-Pas de Calais, Provence Alpes Côte d’Azur, Réunion … ainsi qu’à l’étranger : en Allemagne, en Angleterre, en Italie, au Québec, au Portugal et en Suède (cf. liste complète en Annexe).

 

2-       des réunions de travail

Nous avons rencontré régulièrement les différentes directions du Ministère de la Santé : Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS), Direction générale de la Santé (DGS), Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS), Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), Direction de la Sécurité Sociale (DSS), ainsi que la Mission Nationale d’Appui en Santé Mentale (MNASM) et le Ministère de la Justice (principalement l’Administration Pénitentiaire).

 

Nous avons aussi réuni bi-mensuellement un groupe de travail  comprenant des professionnels issus des services cités ci-dessus, auxquels s’est associé M. le Directeur de l’ARH de Franche Comté.

 

En Janvier 2001 ce groupe de travail a reçu pendant une journée, en présence de Madame Dominique Gillot, Secrétaire d’Etat à la Santé et aux Handicapés, Mme Selgreen (Présidente de la Fédération Suédoise d’Usagers de la Santé Mentale, regroupant  15 000 membres), Mme Breton (chargée de la santé mentale au Ministère de la Santé du Québec), Mr Mihony (du Ministère de la santé anglais), Mr. Le Dr Rotelli (chargé de la santé pour la région de Naples, après en avoir été chargé pendant 20 ans pour la région de Trieste) et Mr le Docteur Saraceno (responsable de la division santé mentale et lutte contre les toxicomanies, à l’OMS-Génève).

Chaque participant étranger a exposé les problèmes posés par le passage d’un système de soins psychiatrique à un système de santé mentale dans son propre pays, et en particulier les facteurs favorisants et les freins rencontrés lors de ce changement d’organisation. Nous avons ensuite présenté le rapport d’étape français qui a été commenté par les participants étrangers.

 

 

3-       des rencontres

Nous avons, au fil de notre mission, rencontré :

 

§         des professionnels des champs sanitaires et sociaux,

§         des représentants nationaux de groupes professionnels constitués : Conférence des présidents de Commission Médicale d’Etablissement de Centre Hospitalier, Conférence des présidents de Commission Médicale d’Etablissement de Centre Hospitalier Spécialisé, Association des Directeurs gérant des établissements de santé mentale, Association des Maires de France, la Fehap, etc. (cf. Liste en Annexe)

§         des représentants  de syndicats professionnels : Confédération Générale des Travailleurs (CGT), CFDT, Syndicat National des Cadres Hospitaliers (SNCH), Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP), Syndicat des Psychiatres Hospitaliers (SPH), Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) etc. (cf. Liste en Annexe)

§          des représentants d’associations d’usagers et de familles : Fédération Nationale des Patients et ex-patients Psychiatrique (FANP-Psy), Union Nationale des Amis et Familles de Malades Mentaux (UNAFAM).

§         la défenseure des enfants,

§         les groupes de travail constitués en application du protocole d’accord de mars 2000.

§         les Directeurs des Agences Régionales de l’Hospitalisation,

§         les Directeurs Régionaux et Départementaux de l’Action Sanitaire et Sociale

 

 

Plus d’une vingtaine de personnes qualifiées ont été appelées à faire des remarques et des propositions tout au long de notre travail (cf. Liste en Annexe)

 

Le discours favorable à nos orientations, prononcé par Mr le Ministre délégué à la Santé le 5 avril 2001, lors de la journée mondiale pour la santé mentale organisée par l’OMS, a permis d’intensifier le débat chez les professionnels de la psychiatrie mais aussi chez ceux des champs médico-sociaux et sociaux, et de susciter des commentaires spontanés dont nous avons tenu compte, dans toute la mesure du possible.

 

 

Nous tenons à remercier toutes les personnes rencontrées en France comme à l’étranger, pour la richesse des échanges et des débats qui nous ont permis de faire de ce rapport, nous l’espérons, un document complet et stimulant.

 

 

Le travail que nous sommes en mesure de présenter ici est le fruit de toutes ces rencontres et réflexions croisées. C’est l’aboutissement du premier rapport d’étape que nous avons eu l’honneur de présenter successivement à nos ministres de référence : Madame Dominique Gillot puis Monsieur le Docteur Bernard Kouchner.


 Introduction

Dans le monde, 400 millions de personnes sont concernées par un trouble mental.

Cette année un français sur 4 souffrira d’un trouble mental.

Mais peu des personnes souffrant de ces troubles en parleront publiquement. La santé mentale, c’est intime, secret, caché. Cela devient public quand l’expression du trouble et de l’angoisse deviennent trop intenses, quand cela “ perturbe ” la famille, le milieu du travail ou la société.

Au début du troisième millénaire, l’image du “ malade mental ” dans le grand public reste encore archaïque : “ c’est une personne malade, imprévisible, dangereuse, qui peut commettre des actes illégaux, qu’il faut enfermer à l’hôpital psychiatrique pour la soigner par des médicaments ”[1]. Le trouble mental est encore, synonyme d’exclusion sociale, et la honte associée redouble l’exclusion. La discrimination, l’ostracisme et la stigmatisation vis à vis des personnes souffrant de maladies mentales sont encore tellement forts dans notre pays, qu’il est très difficile pour le citoyen d’afficher et de vivre avec sa maladie, son trouble, son symptôme. Car l’afficher, en parler, c’est s’exposer, c’est impliquer tout l’entourage et augmenter la souffrance des familles.

Et pourtant c’est 25% de ce même grand public qui présentera un trouble cette année.

Cependant nous assistons, depuis quelques années, à la fêlure du tabou. Quelques usagers, quelques familles témoignent, les associations d’usagers de la psychiatrie ou de familles de malades mentaux commencent à être connues et reconnues, suivant en cela le mouvement de fond général initié avec les associations de malades du SIDA au début des années 80. Ce qui était invisible auparavant, car caché à l’hôpital psychiatrique, dans les cabinets des psychanalystes ou dans le secret des familles, devient un véritable phénomène de société dont on commence à mesurer l’ampleur.

Aujourd’hui l’Organisation Mondiale de la Santé fait de la santé mentale une priorité mondiale. La Journée mondiale de la santé a été cette année consacrée à la santé mentale, sur le thème : “ Non à l’exclusion, Oui aux soins ”.

Tout changement profond en santé mentale passe par un changement d’attitude de la société vis à vis de ces citoyens.

 

Pendant deux siècles, les médecins des âmes se sont enfermés avec leurs “ fous ” dans les asiles d’aliénés. Pour les protéger bien sûr et pour “ protéger ” la société aussi. Mais l’enfer était pavé, ici comme ailleurs, des meilleures intentions. Il s’agit maintenant de rendre possible le dernier acte de la fin de cet exil des “ fous ” et de l’enfermement, de permettre l’aboutissement de la politique de sectorisation et son ouverture à la population, à la société.


Il s’agit, aujourd’hui, de mettre la psychiatrie dans la ville, dans la communauté et la ville et la communauté dans la psychiatrie, de réimplanter fortement le dispositif de santé mentale dans la cité, de redynamiser les pratiques de soin dans la proximité et le partenariat avec les acteurs sociaux et les élus locaux.

 

Il s’agit de développer la prévention en intégrant les soins psychiatriques dans les soins de santé primaire ainsi que dans le champ bien plus vaste de la santé.

Il s’agit de s’appuyer sur les valeurs fortes de la politique de sectorisation : soins de proximité et garanties de continuité, non-stigmatisation et reconnaissance de la citoyenneté des patients.

Il s’agit de diversifier l’offre de soin et non pas de la faire disparaître dans une sorte de “ traitement ” social de la folie.

Il s’agit, pour les usagers et les professionnels de disposer d’une palette variée, graduée, individualisable de réponses soignantes. A chacun d’en faire l’usage qu’il pensera le meilleur. Loin de nous l’idée de proposer un carcan. Nous affirmons au contraire que la psychiatrie “ curative ” n’est pas en contradiction avec l’ouverture et l’intégration sociale.

Là, en France ou ailleurs, où la psychiatrie s’est ouverte franchement au système de soins primaires et aux professionnels du champ social, là où elle s’est alliée aux élus locaux, aux usagers et aux familles, là où la logique d’ouverture a été appliquée, l’expérience est positive.

Alors pourquoi encore tous ces hôpitaux psychiatriques en France ? Pourquoi le secteur psychiatrique s’est-il souvent développé en réseau fermé ? Pourquoi tant de difficultés pour appliquer la politique de sectorisation ? Pourquoi les évolutions inscrites dans cette “ bonne ” politique sont-elles trop souvent dépendantes de l’engagement d’une ou deux personnes motivées ? Quelles sont les évolutions à apporter au dispositif pour l’intégrer franchement dans le système sanitaire général, pour affirmer le soin et développer la prévention et la promotion de la santé mentale ? Comment rendre ce dispositif, dans son essence, apte à lutter contre l’exclusion des soins liée à la stigmatisation des personnes ?

 

L'objectif est de réaliser une intégration sans fusion et sans hégémonie, sans confusion et sans dogme.  En restant attaché au formidable outil conceptuel et pratique qu’est le secteur psychiatrique, en nous appuyant sur les dynamiques mises en place par de nombreuses équipes en France, en nous aidant des réflexions et des mises en actes de nos voisins étrangers, nous proposons, dans ce rapport, d’apporter des réponses “ prospectives ”, c’est à dire à échéance de 10 à 15 ans maximum, à ces questions cruciales pour l’avenir du dispositif de soin en santé mentale dans notre pays.


 

Les principes généraux qui ont guidé notre réflexion

§         Les droits de l’homme et du citoyen sont inaliénables, les troubles psychiques ne les annulent en aucun cas.

 

§         Justice et psychiatrie, prison et hôpital, enfermement et soins ne doivent pas être confondus.

 

§         Il est urgent d’intégrer la psychiatrie dans la médecine et la santé mentale dans la cité

 

§         Il faut aller au terme de la politique de sectorisation, pensée en 1945, et fermer les lieux d’exclusion médicaux et sociaux.

 

§         C’est la société et donc les services de santé mentale, qui doivent s’adapter aux besoins des patients et non le contraire. Il faut passer d’une logique d’institution à une logique de santé, c’est-à-dire à une logique de réseau. Il s’agit de gérer des parcours plus que des incidents ponctuels.

 

§         La lutte contre la stigmatisation dont sont victimes les personnes souffrant de troubles mentaux est indispensable. La population doit être sensibilisée, afin de modifier les préjugés de dangerosité, d’incompréhension et d’incurabilité des troubles mentaux.

 

Les axes concrets de changement que nous proposons

 

§         Favoriser la parole et le pouvoir des utilisateurs des services, tout citoyen pouvant en être un usager direct ou indirect

 

§         Développer et implanter toutes les structures de psychiatrie dans la cité, à proximité des usagers.

 

§         Créer, par bassin de santé ou territoire pertinent, un service territorial de psychiatrie (STP) articulé à un réseau territorial de santé mentale (RTSM).

 

§         Définir un plan décennal de fermeture des hôpitaux psychiatriques, associé à un moratoire portant sur les gros investissements médicaux et sociaux sur site.

 

§                     Mettre en place un plan national de redéfinition des moyens humains et des compétences professionnelles pour les STP et RTSM.


La situation de la santé mentale en France

Un principe de base : la sectorisation psychiatrique

 

Au congrès de Tours de la Commission des Maladies Mentales, en 1959, la note de synthèse, rédigée par Lucien Bonnafé, énonçait qu’il “ convient de mettre en place une structure fondée sur le territoire au sein duquel les divers moyens concourent à la protection de la santé mentale pour desservir un secteur maximum de 100 000 habitants ”. Cette note formalisait la nouvelle “ doctrine fondée sur la diversité et la continuité des soins, l’extension dans la société du champ de la psychiatrie ”[2] qui avait pris corps dans les années de guerre.

L’organisation du dispositif psychiatrique public et associatif participant au service public repose sur la sectorisation psychiatrique. Elle regroupe l’essentiel du dispositif public, à l’exception de quelques services de psychiatrie implantés en Centre Hospitalier Universitaire (CHU).

 

Fondée sur les notions d’accessibilité et de continuité de soins, la sectorisation vise à promouvoir une évolution du dispositif de soins sortant d’une logique institutionnelle au profit de prises en charge diversifiées et de proximité, adaptées aux besoins des patients. Les secteurs psychiatriques ont développé une gamme de modalités d’interventions et de soins destinés à répondre aux besoins de santé mentale des personnes adultes, enfants et adolescents, dans un territoire géographique donné. Cette sectorisation a été enviée et reprise parfois. La désinstitutionnalisation "à l'américaine" n'a pas eu lieu. Les structures alternatives se sont développées. Les services sont passés de 150/200 lits à 50 en moyenne; L'évolution vers la communauté devient possible aujourd'hui.

 

Ainsi, plus d’un million d’adultes ont été suivis par les secteurs de psychiatrie générale en 1999[3] et les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile ont, de leur côté, suivi 415 770 enfants.

 

À côté de l’hospitalisation classique à plein temps et de l’hospitalisation de jour, un ensemble d’autres modes de prise en charge est offert, en ambulatoire (consultations, visites à domiciles) ou par des soins de prise en charge spécifiques à temps partiel (centre d’accueil thérapeutique) ou à temps complet (accueil familial, appartement thérapeutique).

 

La grande majorité des personnes suivies par les secteurs l’est en ambulatoire : 86 % des adultes et 97 % des enfants ou adolescents en 1999.

 

Au sein des différentes structures de prise en charge, le suivi en centre médico-psychologique (CMP) est le plus usuel, 73 % des adultes et 92 % des enfants suivis en ambulatoire.

 

D’après une enquête de morbidité dans les secteurs de psychiatrie réalisée en 1998, les hommes sont relativement plus nombreux à être suivis dans les structures à temps complet : 55 % au lieu de 47 % parmi l’ensemble des personnes suivies. Ils le sont pour des affections comme la schizophrénie (61 % d’ hommes) ou liées à la consommation d’alcool (71 % d’hommes). Les femmes sont relativement plus nombreuses dans les structures ambulatoires (57 % de femmes) pour des pathologies comme la dépression (68 % de femmes) ou l’anxiété (70 %).

 

 

L’augmentation des demandes adressées à la psychiatrie

La multiplication des troubles pour lesquels sont désormais interpellées les équipes de psychiatrie, et le nombre des personnes concernées, une sur trois sur la vie entière, en regard d’une organisation institutionnelle qui date des années 1970 et qui n’est plus totalement adaptée aux besoins des patients imposent de refonder la politique de santé mentale et d’en faire une priorité de santé publique.

En effet, si la prévalence des maladies mentales reste stable dans la population (1% de schizophrénies, 15% de dépressions selon les dernières données du CREDES[4]), on observe cependant que le nombre des personnes qui consultent des psychiatres est en constante augmentation, avec par exemple 6 fois plus de dépressions déclarées en 30 ans, que le taux de suicides n’a pas diminué jusqu’en 1998, que les troubles de la personnalité les plus graves nécessitent d’être pris en charge.

Le nombre de personnes suivies a donc considérablement évolué, que ce soit dans le dispositif public ou privé (17% d’augmentation chez les libéraux depuis 1992 et 46% dans le secteur public[5]). D’autre part, un quart des patients qui consultent en médecine générale présentent des troubles mentaux[6]. Les affections psychiatriques étaient en 1998 au premier rang des causes médicales à l’origine d’une attribution de pension d’invalidité, avant l’arthrose et les tumeurs malignes[7]. Ces affections concernaient 13.591 personnes, soit 26,7% de l’effectif. Parmi elles, près de 11% de l’effectif total souffraient d’état dépressif ou de troubles névrotiques, et 6% de psychoses.

Aussi, s’il reste difficile de mesurer les besoins en santé mentale, et si cela doit constituer un axe à développer, un certain nombre d’éléments concordent pour affirmer la place tenue par les problèmes de santé mentale dans notre pays.

 

Une offre de soins importante mais mal répartie

1.              Les structures de soins

Globalement, l’offre de soins psychiatriques est prépondérante dans le secteur public et faisant fonction de public[8] , mais inégalement répartie selon les départements. La  transition d’une offre de soins, où l’hospitalisation complète était le mode de prise en charge principal, vers davantage de soins ambulatoires (sans hébergement) – c’est-à-dire d’un modèle traditionnel vers un dispositif de soins de proximité, fondement de la politique de sectorisation élaborée dans les années 1960 – n’apparaît pas achevée dans tous les départements

1.1.           Une prépondérance générale du secteur public

Plus de 80 % des lits et places en psychiatrie dans les établissements de santé publics

En psychiatrie, le secteur public occupe une place prépondérante : il détient plus de 70 % des lits et places dans 81 départements dont 23 disposent d’une offre exclusivement publique.

En 1997, sur un total de 71 280 lits d’hospitalisation complète, 80 % se trouvent dans les établissements de santé publics : 50 % dans les centres hospitaliers publics spécialisés en psychiatrie, 12 % dans les hôpitaux psychiatriques privés (HPP) et 19 % dans les services de psychiatrie des établissements de santé publics non spécialisés en psychiatrie.

De la même manière, mais plus nettement encore que pour les lits d’hospitalisation complète, les places d’hospitalisation partielle sont concentrées dans le secteur public. C’est le cas de 89 % des 27 050 places offertes en hôpitaux de jour et de nuit. Les CHS en rassemblent 54 %, les HPP 9 %, et les services de psychiatrie des hôpitaux généraux près de 26 %.

 

Des capacités d’hospitalisation réduites en psychiatrie infanto-juvénile

La répartition des capacités en lits et places est inégale entre la psychiatrie générale et la psychiatrie infanto-juvénile, qui s’adresse aux moins de seize ans. Alors que 67 % des places d’hospitalisation partielle et plus de 95 % des lits d'hospitalisation complète sont réservés à la psychiatrie générale, seules un tiers des places d'hospitalisation partielle et 5 % des capacités d'hospitalisation complète vont à la psychiatrie infanto-juvénile. Ces faibles capacités sont d’autant plus marquées que les enfants et adolescents suivis en psychiatrie infanto-juvénile représentent plus de 26 % de l’ensemble des patients suivis par les secteurs. La part du secteur privé est plus importante en hospitalisation partielle pour la psychiatrie infanto-juvénile.

Ces différences résultent à la fois d’un nombre de lits d’hospitalisation complète historiquement plus faible en psychiatrie infanto-juvénile et du développement de modalités privilégiant des prises en charge des enfants et des adolescents dans les structures de proximité : en ambulatoire (consultations, visites à domicile) ou à temps partiel (Centres d’accueil thérapeutique à temps partiel).

En ce qui concerne spécifiquement les établissements de santé, publics ou privés, la psychiatrie représente 21% du total des lits, et uniquement 5% des entrées totales, mais 80% des places d’hospitalisation partielle et 73% des admissions en hospitalisation partielle. Elle emploie une part relativement plus importante de personnel non médical puisqu’elle mobilise 33% des effectifs des infirmiers affectés aux soins de courte durée. Les psychiatres représentent, quant à eux, 13% de l’ensemble des médecins spécialistes à l’hôpital et en ville.

 

 

Nombre de lits en hospitalisation complète en psychiatrie en 1997

 

PUBLIC

CHS

CHG

HPP

Psychiatrie

Répartition en %

Psychiatrie

Générale (adultes)

Infanto-juvénile

35 727

13 284

8 378

50.1

18.6

11.8

34 479

12 624

8 191

1 248

660

187

Part du public sur l’ensemble en %

 

80.5

 

 

PRIVE

Cliniques + foyers de post-cure

SP privés

 

13 184

707

 

18.5

1.0

 

12 904

609

 

280

98

Part du privé sur l’ensemble en %

 

19.5

 

 

Total Public + Privé

71 280

100.0

68 807

2 473

Champ : France entière   -   Source : DREES, SAE 97

 

 

 

 

 

Forte évolution des capacités d’hospitalisation dans le public, stabilité dans le privé

Entre 1990 et 1997, dans le secteur public, l’évolution des pratiques de prise en charge s’est traduite à la fois par une augmentation du nombre de places d’hospitalisation partielle (+25 %) et par une forte baisse du nombre de lits d’hospitalisation complète (-32 %). La hausse des capacités d’hospitalisation partielle (+ 4.861) n’a toutefois pas compensé la diminution des lits d'hospitalisation complète (- 26.711), d’où un recul de la capacité totale en lits et places de 21 % sur sept ans. Ceci s'accompagne d'un très fort accroissement de l’activité des secteurs psychiatriques, avec une augmentation de 46 % des patients suivis en psychiatrie générale entre 1989 et 1997 et de 48 % des enfants et adolescents suivis en psychiatrie infanto-juvénile entre 1991 et 1997.

Globalement, de 1990 à 1997, la part de la capacité totale en lits et places du secteur public a donc légèrement diminué, passant de 86 % à 83 % . En revanche, dans le secteur privé, la capacité en lits comme en places a peu varié.

 

 

 

1.2.           Des disparités départementales marquées dans l’offre de soins

 

Les écarts de capacité en lits et places varient de 1 à 9 selon les départements

La moyenne nationale des capacités d’accueil pour 100 000 habitants en psychiatrie est de 165 lits et places cumulés. Cette capacité est extrêmement variable d’un département à un autre, puisqu’elle s’échelonne d’un minimum de 69 dans les Hauts-de-Seine et de 78 dans le Loiret à 481 dans la Haute-Saône et même 702 en Lozère.

 

Les départements les mieux équipés,  en matière d’hospitalisation complète et partielle,  ne sont pas les mêmes

En psychiatrie générale, la moyenne nationale en hospitalisation complète est de 155 lits pour 100 000 habitants de 20 ans et plus. Ce chiffre masque une forte variabilité puisqu’on observe un écart de 1 à 10 entre les extrêmes : 5 départements disposent de moins de 100 lits pour 100 000 habitants de 20 ans et plus alors qu’à l’autre extrême, 11 départements ont une capacité supérieure à 250 lits pour 100 000 adultes.

 

En hospitalisation partielle, la moyenne nationale est de 42 places pour 100 000 habitants de 20 ans et plus. On constate là encore le même écart de 1 à 10 entre les valeurs extrêmes, allant de 9 places pour 100 000 habitants dans la Marne à 123 pour 100 000 habitants dans la Haute-Vienne. Un peu plus d’un quart des départements ont moins de 30 places pour 100 000 habitants de 20 ans et plus.

 

Cette variabilité comparable n’implique pas qu’il y ait cumul ou substitution systématiques entre les types d’offres de soins : les départements les mieux dotés en lits d’hospitalisation complète ne sont pas forcément les plus, ni d’ailleurs les moins, dotés en places d’hospitalisation partielle.

 

 

Le double mouvement de réduction globale des capacités d’accueil en hospitalisation complète et d’accroissement des places en hospitalisation partielle, observable au plan national, ne semble donc pas s’être produit de façon uniforme au niveau départemental.

 

Des disparités encore plus fortes pour la psychiatrie infanto-juvénile

En psychiatrie infanto-juvénile, la situation apparaît encore plus hétérogène puisque 17 départements n’offrent aucun lit d’hospitalisation complète. Même si ces départements ont plus ou moins développé des modalités de prise en charge alternatives, cette absence totale de capacités peut poser problème pour répondre aux besoins de certains patients. De plus, les écarts en matière d’hospitalisation partielle sont de l'ordre de 1 à 20 (de 8 places pour 100 000 habitants de moins de 20 ans dans l’Ain à 187 en Lozère).

 

2               La démographie professionnelle

2.1            Les psychiatres

La France présente un des taux de psychiatres les plus élevés au monde, de 23 pour 100 000 habitants (Après la Suisse et les Etats-Unis). Il y a ainsi aujourd’hui en France plus de 12 000 psychiatres, ce qui est 4 fois plus qu’il y a 30 ans. Plus de la moitié (54 %) exercent dans le secteur libéral et 46 % sont salariés. Parmi les libéraux, 30 % exercent une activité hospitalière contre 88 %

parmi les salariés. Là aussi de forts écarts entre départements existent, selon une échelle qui varie de 1 à 4 hors Paris[9] . Paris apparaissant à cet égard comme un des extrêmes puisque la densité y est de 80 psychiatres pour 100 000 habitants, soit 4 fois plus que la moyenne nationale !. Malgré cela, plus de 10% des postes du secteur public ne sont pas pourvus en France.

 

 

L’évolution de la démographie médicale laisse prévoir une diminution de 13254 à 7856 du nombre des psychiatres d’ici à 2020.

 

Evolution des effectifs de psychiatres et neuro-psychiatres libéraux

 

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

TCAM*

93-98

Evol

97-98

 

Total

 

 

Secteur1

Secteur 2

DP

 

Libéraux exclusifs

Libéraux + salariés

Libéraux+sa. Hopital

HTP**

 

6384

 

 

4677

1399

286

 

3088

1789

1255

252

 

6478

 

 

 

4770

1427

263

 

3146

1796

1276

260

 

6587

 

 

 

4877

1448

244

 

3185

1813

1313

276

 

6613

 

 

 

4909

1471

218

 

3206

1805

1325

277

 

6602

 

 

 

4904

1487

192

 

3203

1783

1344

272

 

6579

 

 

 

4905

1485

171

 

3175

1790

1345

269

 

+0.6%

 

 

 

+1.0%

+1.2%

-9.8%

 

+0.6%

+0.0%

+1.4%

+1.3%

 

-0.3%

 

 

 

+0.0%

-0.1%

-10.9%

 

-0.9%

+0.4%

+0.1%

-1.1%

*Taux de croissance annuel moyen

**Hospitaliers à temps plein

 

 

Evolution de l’activité des psychiatres et neuro-psychiatres libéraux

 

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

TCAM*

93-98

Evol

97-98

Total Psychiatres

C+CNP(en miliers d’actes)

V(en milliers d’actes)

K+KE+KC (en mill.actes)

 

 

 

13 838

79

989

 

 

 

 

14 053

74

974

 

 

 

 

14 540

69

940

 

 

 

 

15 222

61

880

 

 

 

 

15 727

52

392

 

 

 

 

16 356

50

140

 

 

 

 

+3.4%

-8.7%

-32.4%

 

 

 

 

+4.0%

-3.6%

-64.3%

 

 

 

 

 

Il y a une quasi stagnation du nombre de psychiatres libéraux entre 1993 et 1998. Par contre, le nombre d'acte a augmenté de 3,4 % en moyenne par an, soit 20 % en 5 ans.


 

 

 

 

Ce schéma montre (colonne de gauche) quelle pourrait être la répartition actuelle de l'offre de soin spécialisée si l'on tenait compte de critères sociaux (nombre de personnes recevant l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) ou le Revenu Minimum d’Insertion (RMI) par département) et, (colonne de droite) dans une évaluation à 15 ans, de l'offre avec 8800 psychiatres en tenant compte des mêmes paramètres. La situation deviendrait rapidement invivable si on garde les mêmes répartitions géographique et public/privé.

 

 

2.2            Les infirmiers

La répartition des infirmiers dans les établissements de santé publics et privés reflète étroitement celle des capacités d’hospitalisation : 58 000 infirmiers équivalents temps plein[10] (ETP – y compris les personnels d’encadrements infirmiers), pour un peu plus de 71 000 lits.

En raison de leur diplôme et de leurs modalités d’exercice, il n’existe pas d’infirmiers de secteur psychiatrique en milieu libéral.

La part prépondérante du secteur public des capacités en lits et places (83 %) se retrouve accentuée au niveau des densités d’infirmiers exerçant dans ce secteur ( 94 %).

Dans les 15 départements où les capacités d’hospitalisation totales sont les plus élevées, la densité en infirmiers (personnel d’encadrements compris) est ainsi supérieure à 150 pour 100 000 habitants. Dans les 15 départements où les capacités sont les moins élevées, la densité en infirmiers est proche de 80 pour 100 000 habitants.

2.3            Les psychologues

Selon la dernière enquête emploi, les psychologues sont estimés à près de 36 000 personnes salariées ou libérales. Les sources statistiques actuellement disponibles ne permettent pas de recenser en totalité le nombre de psychologues libéraux.

Selon la Statistique annuelle des établissements (SAE), on compte environ 4 000 psychologues ETP – soit seulement 1 pour 15 infirmiers – dans des services de psychiatrie des établissements de santé. Parmi eux, 80 % travaillent dans le secteur public.

 

2.4            Capacités d’hospitalisation et densités en psychiatres

Les dotations en capacités d’accueil (lits ou places) et la densité de psychiatres installés ne coïncident pas. Les différents départements semblent au contraire se développer suivant des dimensions différentes et sans doute traduire une inégale transition entre deux modèles d’offre de soins psychiatriques. Certains départements présentent une offre de soins en psychiatrie exclusivement publique. Son développement y apparaît globalement problématique, d’autant que les capacités manquantes ne paraissent pas pouvoir provenir de reconversions, et que l’offre privée y est également faible.

Dans d’autres départements l’offre de soins psychiatriques apparaît peu dynamique et les capacités importantes en lits d’hospitalisation complète semblent surtout procéder d’un effet de rémanence. L’adaptation du dispositif de soins semble être d’autant plus difficile à mener dans ces départements que les densités en psychiatres y sont faibles.

La situation de certains départements apparaît relativement favorable malgré des capacités en lits et places faibles, car le dynamisme démographique et  économique local se traduit par des capacités d’accueil diversifiées et un nombre important de professionnels.

Enfin, dans d’autres départements où l’offre de soins en psychiatrie est élevée, deux modèles semblent coexister : d’un côté, une offre diversifiée associant hospitalisation complète et partielle, secteurs publics et privés, et professionnels de santé en nombre significatif ; de l’autre, la rémanence de capacités d’hospitalisation complète importantes dont une bonne part est d’origine ancienne et dont il faudra suivre à l’avenir la transformation progressive.[11]

 

L’offre de prise en charge médico-sociale

 

1               Etat des lieux

 

Le secteur social et médico-social compte : 24 500 établissements et services correspondant à 1.05 million de lits ou places, plus de 400 000 salariés et des financements conséquents : 84 milliards de francs financés par la collectivité publique (42 milliards par l’assurance maladie, 33 milliards par les départements et 9 milliards par l’Etat).

Il existe actuellement en France 2.616 établissements médico-sociaux d’hébergement proposant 86 065 places à des personnes handicapées adultes, dont, pour les plus handicapées, 11.618 places en maisons d’accueil spécialisées (MAS). Les structures à vocation professionnelle sont au nombre de 1.912 et comportent 112.029 places, dont 13.600 en atelier protégé, 88.952 en centre d’aide par le travail (CAT) et 9.477 en centre de rééducation professionnelle.

Les établissements recevant des enfants et adolescents handicapés, avec ou sans hébergement, sont au nombre de 2.497 (125.500 places), dont 1.194 établissements d’éducation spéciale pour enfants et adolescents déficients intellectuels, les plus nombreux, comportant 73.090 places.

Parmi les établissements pour enfants et adolescents, pour tous types de handicaps, 563 (13.804 places) sont des services autonomes d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).

Il existe par ailleurs des structures spécifiques, à vocation régionale ou interrégionale, répondant aux problèmes d’autisme, de traumatismes crâniens, ou de certains handicaps rares.

 

Etablissements médico-sociaux pour adultes handicapés en 1998

 

ETABLISSEMENTS

PSYCHIATRES

PSYCHOLOGUES

 

Nombre d’établissements

Nombre de places en 98

Evolution  des places 98/88

en %

 

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Centres d’aide par le travail

1313

88 985

+37.4

80.7

-7

195.7

+30.1

Ateliers protégés

 

415

15 027

+130

 

 

 

 

Centres de rééduc. Et form. Prof.

84

9 477

+3.9

2.7

-41.6

30.6

+124

Foyers d’hébergement

1 236

39 497

+27.7

0.3

 

0.7

 

Foyers occupationnels

892

30 022

+117.4

0.2

 

0.6

 

Maisons d’accueil spécialisé

297

11 774

+149.1

35

+120

77.4

+167.8

Foyers à double tarification

191

6 427

 

18.6

 

45.7

 

Source : Ministère de l’emploi et de la solidarité – DREES


Etablissements et services médico-sociaux pour enfants handicapés

 

ETABLISSEMENTS

PSYCHIATRES

PSYCHOLOGUES

 

Nombre d’établissements

Nombre de places en 98

Evolution des places 98/88

en %

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Effectifs en ETP

Evolution 98/88

en %

Et.d’éduc. spéc. Enfts def. Intellec.

1 194

73 518

-13,8

356

-46,5

924.5

+64.4

Instituts de rééducation

345

16 880

+23

133.4

+20

324.2

+48.7

SESSAD autonomes

563

13 466

+176.2

51.5

+121.1

226.4

+229

C. médico psycho-pédagogiques

532

Nbre d’enfts suivis

104 081

+2.8

242

-23.3

947.8

+14.2

 

Les établissements d’éducation spéciale pour enfants et adolescents déficients intellectuels comportent : IME, IMP, IMPro et jardins d’enfants spécialisés. La diminution du nombre de psychiatres semble avoir été compensée par l'augmentation du nombre des psychologues.

Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) répertoriés ici sont les services autonomes, non rattachés à un autre établissement, pour tous types de handicap.

 

2               Programmes et perspectives

 

2.1            Deux plans pluriannuels pour les personnes handicapées

Deux plans pluriannuels pour les personnes handicapées sont en cours de réalisation pour répondre aux besoins encore insatisfaits, selon deux axes complémentaires : créer des places supplémentaires dans les établissements pour les personnes les plus lourdement handicapées, et améliorer l’intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire.

Le premier (1999-2003) comporte la création de 5.500 places en MAS et 11.000 places en CAT ou atelier protégé.

Le second (2001-2003), prévoit :

§         la création de places dans les établissements d’éducation spéciale pour les enfants lourdement handicapés, et la création de places adaptées pour les personnes handicapées vieillissantes, ainsi que pour les enfants, adolescents et adultes autistes et traumatisés crâniens.

§         le développement des services et aides à l’intégration dans le milieu de vie ordinaire tels que services de soins et d’accompagnement à domicile à l’intention des personnes handicapées, auxiliaires de vie, services d’éducation spéciale et de soins à domicile pour enfants et adolescents, ainsi que diverses mesures telles le développement de l’interprétariat pour personnes sourdes, ou le renforcement du parc de matériels pédagogiques et techniques des établissements scolaires pour la scolarisation des enfants handicapés.

§         le soutien à l’insertion professionnelle par le renforcement et la modernisation des ateliers protégés.

 

2.2            Création de lieux ressource (guichet unique)

Des “ sites pour la vie autonome ” ont été expérimentés dans quatre départements et seront mis en place progressivement dans tous les départements d’ici trois ans : il s’agit de créer un lieu-ressource en ce qui concerne les solutions de compensation fonctionnelle du handicap. Un “ pilote ” est chargé de rassembler les différents partenaires en un comité, qui désigne une ou des équipes techniques compétentes pour l’élaboration des projets personnalisés avec des demandeurs, et qui rassemble les financeurs. L’Etat finance la coordination du système.

 

L’objectif est de faciliter la démarche de la personne handicapée, en lui offrant un “ guichet unique ”, où elle trouvera une équipe pluridisciplinaire qui pourra élaborer avec elle un bilan, et lui proposer un plan d’aide personnalisé assorti de préconisations pour des aides techniques (appareillages…), humaines, ou animalières, ainsi que pour les aménagements à apporter le cas échéant à son logement ; l’objectif est également de faciliter le financement des aides ou aménagements préconisés, en rassemblant les financeurs et en créant un fonds de compensation, avec la participation financière de l’Etat.

 

 

2.3            Plan d’amélioration des COTOREP

 

Un plan d’amélioration du fonctionnement des Commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) a été mis en place, afin que ces commissions répondent mieux aux missions que leur donne la loi : reconnaître et évaluer le handicap des personnes qui en font la demande, les conseiller, décider des orientations vers les structures médico-sociales et le milieu de travail protégé, attribuer les cartes d’invalidité et les allocations (AAH : allocation pour adulte handicapé, et ACTP : allocation compensatrice pour l’aide d’une tierce personne). Pour évaluer le handicap, ces commissions, comme leurs équivalentes pour les enfants et adolescents, les commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES), utilisent un “ guide-barême ” qui est lui aussi actuellement en révision afin de mieux prendre en considération le retentissement du handicap sur la vie quotidienne des personnes.

 

 

2.4            Plan Handiscol

Afin d’améliorer la scolarisation en milieu ordinaire, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’emploi et de la solidarité ont lancé conjointement, en avril 1999, le plan Handiscol, qui comporte vingt mesures, telles l’édition d’un guide à l’intention des parents et familles, la création d’une cellule d’écoute sur toute question concernant la scolarisation d’un enfant handicapé, la création d’un groupe de coordination dans chaque département, le développement des classes d’intégration scolaire (CLIS) dans le primaire et des unités pédagogiques d’intégration (UPI) dans le secondaire, ou la formation des enseignants. Le développement des services médico-sociaux d’accompagnement, en particulier les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), viendra à l’appui de cette politique d’intégration.

 

2.5            Convention AGEFIPH

Pour relancer l’insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire, l’Etat a passé avec l’AGEFIPH une convention pluriannuelle d’objectifs (1999-2003) visant à faire progresser le taux d’emploi des entreprises vers les 6% prévus par la loi (actuellement le taux se situe à 4%), et à augmenter l’effort de formation, d’apprentissage et d’orientation des personnes handicapées. Un programme exceptionnel (1999-2001), est mis en place par l’Agefiph pour la préparation et l’accompagnement de l’insertion des personnes handicapées, le développement et la modernisation des dispositifs d’orientation et de formation professionnelle, et la valorisation de l’action des entreprises. Ce programme est mis en œuvre par les délégations régionales de l’Agefiph, en cohérence avec les programmes départementaux d’insertion des personnes handicapées.

 

 

2.6            Le projet de réforme de la loi 1975

Présenté au parlement en juillet dernier, ce projet de réforme de la loi sur les institutions sociales et médico-sociales contient des dispositions visant :

§         à assouplir et diversifier les institutions sociales et médico-sociales,

§         organiser leur coordination et le partenariat, notamment avec les établissements de santé,

§         promouvoir les droits des usagers, et

§         instaurer les schémas d’organisation sociale et médico-sociale, principalement départementaux.

 

Le projet prévoit également l’obligation pour les établissements de procéder à l’évaluation de la qualité des prestations qu’ils délivrent, au regard de références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles, qui seraient élaborées par un conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale. Il faut remarquer que, à l’instar des établissements pour personnes âgées où les outils de l’auto-évaluation sont déjà installés, les établissements pour personnes handicapées amorcent une démarche qualité et la construction d’outils adaptés, prenant ainsi les devants.

 

3      La question du handicap psychique

 

Le droit des personnes souffrant de troubles mentaux suffisamment graves et prolongés pour être invalidants, à bénéficier de l’ensemble du dispositif destiné aux personnes handicapées a rencontré dès l’origine des obstacles majeurs :

§         du fait de l’inscription dans la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de 1975, en son article 47, d’une disposition particulière aux “ malades mentaux dont l’état ne nécessite plus le maintien en hôpital psychiatrique mais qui requièrent temporairement une surveillance médicale et un encadrement en vue de leur réinsertion sociale ”. A l’époque, les professionnels de la psychiatrie répugnaient eux-mêmes à “ enfermer les malades dans un statut de handicapé ”. Il en est résulté un traitement particulier des personnes handicapées du fait de la maladie mentale, en quelque sorte soumises à une injonction de guérir, et exclues notamment des structures relevant des conseils généraux, qui y voyaient un transfert de charges indues.

§         du fait de la nature du handicap, “ invisible ” selon l’expression utilisée par les spécialistes du traumatisme crânien, irrégulier, imprévisible, et avant tout très méconnu de la population comme de la plupart des professionnels dans le champ du handicap.

Cependant, une évolution considérable s’est accomplie depuis. Tout d’abord, les concepts de déficience, incapacité et désavantage avancés par WOOD au début des années 80 ont clarifié la notion de handicap et permis de sortir de l’opposition maladie/handicap ; le guide-barême pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées comporte un chapitre sur les déficiences du psychisme en totale rupture avec les logiques antérieures.

Ainsi, le dispositif médico-social s’est peu à peu ouvert aux usagers de la psychiatrie. En 1998, 24,2% des demandeurs d’allocation pour adultes handicapés le font au motif d’une déficience psychique, dont 78% bénéficieront d’un accord. Dans le CAT, 13,9% des personnes accueillies au 1er janvier 1996 présentaient une déficience principalement psychique.

Les carences restent toutefois très importantes, en matière d’intégration en milieu ordinaire, de soutien des familles, et peut-être de places en établissements.

Il paraît indispensable, à la faveur de la dynamique à l’œuvre dans le champ du handicap :

§         d’évaluer le besoin dans les institutions d’hébergement et d’aide au travail (en nombre et en qualité). Il importe notamment que la transformation des hôpitaux psychiatriques s’effectue en considération des besoins réels, et non de nécessités institutionnelles.

§         d’utiliser toute la palette du médico-social, et notamment les services d’accompagnement ou d’aide à domicile, à l’école ou sur les lieux de travail.

 

En termes de lits et places, nous pouvons constater qu’à l’issue de cette décennie il y eu suppression de 33420 lits en psychiatrie et parallèlement création de 30000 lits en MAS et Foyers.


Des droits spécifiques pour les personnes atteintes de troubles mentaux

1.   La loi du 27 juin 1990

 

La loi n°90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux pose le principe du consentement des personnes atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation et affirme le droit à la dignité de ces personnes et à leur réinsertion sociale.

La loi du 27 juin 1990 énonce l’exception de l’hospitalisation sans consentement de la personne souffrant de troubles mentaux, qui peut être déclinée sous deux régimes d’hospitalisation sans consentement : à la demande d’un tiers (HDT) ou d’office (HO), prononcée par le préfet pour des motifs différents. Pour l’HDT, c’est l’impossibilité de donner son consentement et la présence d’un état nécessitant des soins immédiats assortis d’une surveillance en milieu hospitalier. Pour l’HO, il s’agit d’une atteinte à l’ordre public ou à la sûreté des personnes. Le contrôle de ces mesures est réalisé par le juge judiciaire a posteriori seul (HO) ou avec le préfet (HDT).

De 1988 à 1998 on note une augmentation de 57% des hospitalisations sans consentement. Toutefois, il faut relativiser ce taux par rapport à l’ensemble des hospitalisations.  Le nombre global des hospitalisations en psychiatrie ayant lui-même beaucoup augmenté, le taux d’hospitalisation sans consentement représentait en fait en 1997, 13 % du total des hospitalisations en psychiatrie, contre 11% en 1988. Par contre la durée moyenne de séjour est passée dans le même temps à 37.5.

En outre, on assiste au développement des hospitalisations sans consentement après une mesure d’urgence (61% des mesures d’HO, et 30% des mesures d’HDT en 1998). Le public concerné relève de plus en plus des troubles du comportement.

2      Les limites de la Loi

Les limites dont souffre la loi spécifique sur les personnes souffrant de troubles mentaux sont :

§         La restriction du traitement psychiatrique au seul milieu hospitalier : la durée de séjour diminue et le nombre de séjours est plus fréquent ;

§         Le régime de l’HO axé sur un objectif sécuritaire d’ordre public.

§         Des difficultés au niveau des sorties des personnes sous HO ;

§         Des sorties d’essai d’une durée exagérée maintenant de fait une obligation de soins.

 

Le Conseil de l’Europe, la jurisprudence, l’évolution des attentes par rapport à la psychiatrie et les dysfonctionnements constatés dans l’application de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux impliquent une redéfinition des droits des personnes atteintes de troubles mentaux, droits fondamentaux et droits aux soins. Le projet de loi portant modernisation du système de santé renforcera les droits fondamentaux des malades et le rôle des usagers dans le système de santé.


Les usagers et les familles

Le déploiement de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale se fera avec les usagers, leurs associations et les associations de familles

Le constat

1.   Les usagers réclament le respect de leurs droits

Les usagers[12] du système de soins psychiatriques sont la raison d’être de la psychiatrie mais ils n’ont que chichement accès à la parole publique. Dire que les organisations soignantes sont centrées sur le patient implique de lui reconnaître, de façon éminente, sa place et sa parole de sujet et citoyen. A ce prix, mais pas seulement bien entendu, sa subjectivité et son action peuvent apporter leur pierre à la dynamique collective de reconstruction de son devenir. N’oublions pas le : “ Nothing about us, without us ” (“ Rien sur nous, sans nous ”) slogan des personnes handicapées d’Afrique du Sud repris par des associations d’usagers américains et nord européens.

Mais qui sont ces usagers avec lesquels il s’agit d’établir un nouveau dialogue ? D’une part, les personnes qui utilisent le système de santé mentale (patients, familles et proches) et d’autre part, sur un plan plus institutionnel, les associations qui les représentent dans les instances où elles sont conviées par les derniers textes réglementaires. Plus loin, le trouble mental pouvant être l’apanage de tous, ce sont les associations généralistes d’usagers du système de santé, voire les associations de consommateurs, qui sont aussi concernées. Ce qui permet d’être utilisateur de services diversifiés dans le temps et donc de ne pas être usager (prisonnier ?) de la psychiatrie toute sa vie. Toute personne devrait être concernée et non pas seulement quelques-uns qui portent alors le poids entier de la stigmatisation.

L’usager c’est donc toute personne qui peut se sentir concernée, à un moment ou l’autre de sa vie, par un problème de santé mentale.

 

 

Le mouvement de la psychothérapie institutionnelle avait commencé, en son temps, à donner la parole aux “ malades ”, dans l’objectif de leur permettre l’accès à une identité effacée par le gommage asilaire. Bien qu’en France, comme à l’étranger, la désinstitutionnalisation d’une part, la multiplication des psychothérapies d’autre part, aient ouvert (sinon libéré) la parole, celle-ci se heurte parfois à la surdité surdéterminée des décideurs. Ce mouvement s’est trop souvent arrêté aux murs des hôpitaux psychiatriques, mais aussi des hôpitaux généraux. Les usagers, eux, tentent toujours de sortir de ces murs qui ont pris des formes trompeuses. Dehors, en effet, leur parole n'est-elle pas trop souvent confinée dans le cadre restreint intime et privé des psychanalyses et autres psychothérapies ?

Mais, au-delà de la parole, l’ouverture des portes vers l’autonomie leur est aussi souvent refusée par un autre confinement (dont elles ne peuvent que très difficilement sortir), bien pensant et protecteur, dans le monde clos des structures psychiatriques. Dans trop de lieux l’accès à la participation à la vie dans la cité et au travail en milieu ordinaire, l’accès au plaisir créatif culturel et même parfois affectif et sexuel leur est compté, mesuré, permis à moitié ou franchement interdit.

Le risque de l’engagement personnel par l’usager, moteur de sens pour la vie de chacun d’entre nous, n’est pas assez encouragé ni même accompagné.

Ainsi, une récente enquête[13] sur les personnes handicapées en institution a évalué le nombre de personne “ non autorisées à sortir ”. Les réponses sont exposées dans le tableau ci-dessous

Question : “Dans vos déplacements hors de l’établissement,

êtes-vous gêné(e) du fait d’un handicap ou d’un problème de santé ?”

Effectifs de réponse de la Catégorie 0 :  “ SANS OBJET. NON AUTORISE A SORTIR ”

 

 

Etablissements pour adultes handicapés

Soins hospitaliers de longue durée

Etablissements pour personnes âgées

Etablissements de soins psychiatriques

 

Proportion de la popul.  hébergée

 

12

 

30

 

17

 

24

 

Effectif estimé

 

10 000

 

21 000

 

71 000

 

11 000

 

C’est dans les unités hospitalières de long séjour que la proportion est la plus forte (30%). En raison des effectifs sur lesquels portent ces proportions, le nombre de personnes concernées est six fois plus élevé dans les établissements pour personnes âgées.

Sur ces quatre catégories d’établissements, il existe un effectif estimé de 113 000 personnes qui déclarent spontanément ne pas être autorisées à sortir, dont 10 % se trouvent dans un établissement de soins psychiatriques.

 

Ce constat provient peut-être de la méconnaissance, par certains professionnels, des réalités quotidiennes ; peut-être, pour certains nostalgiques, d’une conception “ primitiviste ” de l’homme malade ; peut-être encore des traditions de toute puissance médicale et de la difficulté, pour certains professionnels, de sortir du champ clos de la psychiatrie, de s’engager avec les usagers et avec leur famille mais aussi avec les professionnels des autres champs et, enfin, de se mettre en seconde ligne quand il le faut ?

La participation des usagers à chaque étape de l’élaboration des stratégies thérapeutiques (quelles que soient les techniques de soins) sera l’un des moteurs les plus importants du changement de la politique des soins en santé mentale.

 

Il est frappant de constater, en France, le peu d’écho des expériences européennes allant dans ce sens. L’explication la plus fréquemment avancée est le souhait de ne pas se rapprocher des évolutions anglo-saxonnes, italiennes, suédoises ou autres par crainte, notamment d’une perte identitaire.

Pourtant, le projet de loi de modernisation du système de santé va clairement dans le sens d’une reconnaissance et d’un renforcement de la place de l’usager dans le système de soin, en posant les principes de consentement libre et éclairé, la possibilité de refuser un traitement, l’accès direct du patient à son dossier médical et l’obligation pour le médecin d’apporter la preuve de l’information du patient. Ceci implique que les usagers ont non seulement des droits mais aussi les devoirs de tous dans la collectivité.

 

Les droits réclamés par certains mouvements d’usagers de la psychiatrie - soutenus en cela par des praticiens de la psychiatrie, de la justice et des militants des droits de l’homme et du citoyen - sont réputés de “ discrimination positive ”. Nous y préférons le principe de la reconnaissance du patient psychiatrique comme un citoyen à part entière.

Les usagers mènent une lutte contre les internements arbitraires ou abusifs, suivant en cela l’évolution de la jurisprudence française et des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Ils réclament la révision de la Loi du 27 juin 1990 et la nécessaire effectivité et opérationnalité des droits d’appel, de recours, de défense, de contrôle.

La défense des droits des usagers de la santé mentale s’est récemment traduite par la publication de deux documents :

§         une charte de l’usager en santé mentale, signée par la secrétaire d’Etat à la santé et aux handicapés, la FNAP-Psy et la conférence nationale des présidents de CME de CHS, énonce les principes suivants. L’usager en santé mentale est :

ü        Une personne à part entière 

ü        Une personne qui souffre

ü        Une personne informée de façon adaptée, claire et loyale

ü        Une personne qui participe activement aux décisions la concernant

ü        Une personne responsable qui peut s’estimer lésée

ü        Une personne dont l’environnement socio-familial et professionnel est pris en compte

ü        Une personne qui sort de son isolement

ü        Une personne citoyenne, actrice à part entière de la politique de santé et dont la parole influence l’évolution des dispositifs de soins et de prévention

 

§         un livre blanc des partenaires de Santé Mentale France[14], regroupant des patients des soignants et des familles, qui énonce trois objectifs :

ü        Faire exister la population des personnes souffrant de troubles psychiques vivant dans la cité,

ü        Informer la collectivité sur la vraie nature du handicap “ psychique ” et sur les risques qui lui sont liés et

ü        Aider les responsables du social dans la cité et ceux qui vont répartir les ressource disponibles et les validations officielles, à faire en sorte que les droits des personnes en cause soient mieux protégés.

 

On peut d’autre part noter que le nombre d’associations locales d’usagers de la santé mentale augmente (nombre d’inscrits à la FNAP-Psy) ainsi que les colloques ou congrès “ donnant la parole aux sans voix ”[15].

 

2.   Les familles et les proches appellent à un nouveau partenariat global

Les familles et les proches de personnes souffrant de troubles mentaux assument un lourd “ fardeau ”. D’ailleurs tout le monde s’accorde à penser que les familles dans tous les cas souffrent[16]. Les familles et les proches veulent être informées dès le début des troubles,  elles souhaitent des conseils pour l’intervention lors des crises et pour les actes du quotidien, une continuité des soins, un système social cohérent (logement, ressources, travail), une attitude empathique des professionnels et un soutien proprement thérapeutique s’il le faut.

La principale association représentant les familles et les proches est l’UNAFAM. Elle se déclare totalement solidaire des actions de la FNAP-Psy, ainsi que des équipes soignantes, qu’elles soient dans des structures spécialisées ou dans des cabinets en ville. Elle souhaite pouvoir œuvrer en collaboration avec tous les professionnels, juristes, assistantes sociales, éducateurs, amenés à intervenir dans l’accompagnement demandé, car le partenariat est une nécessité. La quasi totalité des associations  d’usagers et de soignants approuve cette orientation.

Elle souligne la réalité et l’importance, à son avis, de la notion de Handicap Psychique. Cette association précise qu’à ses yeux la notion de proximité et de continuité des soins est restrictive et que le besoin premier ne s’énonce pas en terme de lits et places mais plus en termes de proximité,  de continuité du suivi, d’accompagnement et de services.

L’UNAFAM souhaite témoigner de l’urgence des solutions à apporter. En effet, leur expérience au quotidien avec des proches qui souffrent de troubles psychiques leur fait dire que, dans le cas particulier du handicap psychique, une inadaptation des prestations offertes peut très vite mettre en cause les droits de la personne malade

 

3     L’image de la psychiatrie porte le poids de la stigmatisation et de l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux

 

Dès la prime enfance, le “ T’es fou ! ” est lié au “ Tu vas aller au ‘18’ ”,  “ …au  ‘104’ ”, “ …à ‘Charenton’ ”, “ …à ‘Lannemezan’… ”, “ …à Armentirères ” : c’est une exclusion d’abord territoriale (exil des aliénés).

L’image de la psychiatrie et des patients psychiatriques dans le public est à la fois négative et ambivalente. Elle reste fortement liée en France à l’existence de l’hôpital psychiatrique et des notions d’enfermement qui l’entoure[17]. Les “ fous ” hier, “ malades mentaux ” aujourd’hui sont perçu comme dangereux, et leurs actes et paroles comme échappant à toute considération rationnelle. De ce fait, toute personne ayant des troubles mentaux aura beaucoup de difficulté à s’identifier à ces images et, par contre-coup, à admettre ses troubles. Même s’il existe en Europe des compensations financières pour les malades chroniques, il nous faut constater le retentissement moral et psychologique reste handicapant pour la plupart de ces personnes ainsi, par ricochet, que pour leur famille et proches.

Si le concept de dépression est aujourd’hui plus facilement admis, quasiment personne ne peut se considérer comme ayant été soigné un jour dans sa vie pour “ folie ” ou “ maladie mentale ”.

 

Ces termes mal définis sont par contre clairement connotés. Les conduites dangereuses (meurtre, viol, inceste, conduites violentes) sont fortement associées au “ malade mental ” ou au “ fou ”. La population pense que c’est seulement à l’hôpital psychiatrique que l’on peut soigner ces “ maladies ”, avec un traitement médicamenteux. Les alternatives de secteur sont peu citées spontanément. De ce fait, les troubles mentaux entraînent l’exclusion du groupe social et gênent  voire empêchent les soins précoces. De plus, il n’est pas rare que les professionnels de la psychiatrie et du champ social partagent eux-mêmes ces représentations, ce qui n’est pas sans effets sur le soin.

Mais ces images restent ambivalentes, la population pense que si ces personnes exclues sont soignées elles peuvent alors être intégrées dans leur famille.

La lutte contre les préjugés sera l’un des vecteurs essentiels de la nouvelle organisation des soins que nous proposons. Elle nécessitera un plan de communication national, des centres de ressources régionaux et des applications locales dans les Réseaux territoriaux de santé mentale (cf. plus loin).

Changer les représentations sur les maladies mentales c’est permettre à chacun d’en parler. L’ancien Premier Ministre de Norvège a ainsi annoncé il y a environ deux ans, qu’il devait suspendre ses activités quelque temps car il souffrait de dépression. Il a ensuite repris ses fonctions, sans que cela ait posé problème pour les citoyens de son pays[18]. Un exemple pour le monde entier ?


 

Les propositions

Assurer la représentativité réelle des usagers, à tous les niveaux du système de soins

 

1.      Mettre en place une aide financière nationale aux associations d’usagers agréees, leur permettant d’exister et de remplir leurs missions, aussi bien auprès des autres usagers que dans les instances officielles (locales, départementales, régionales et nationales) d’élaboration et de décision.

2.      Promouvoir la création de postes d’ “ agents de développement des associations ” (comme cela existe au Québec).

3.      Reconnaître le congé de représentation pour que les représentants d’usagers puissent siéger aux instances des établissements de santé, ainsi que dans les instances locales, départementales, régionales ou nationales.

4.      Organiser la participation des associations d’usagers et de familles à :

§         l’élaboration de politiques publiques

§         la planification de programmes

§         l’offre de services

§         la formation et l’enseignement

§         la recherche et l’évaluation

 

5.      Organiser des formations spécifiques pour les représentants des usagers et des familles siégeant aux instances des établissements de santé ainsi que dans les instances de décision locales, départementales, régionales et nationales, afin de leur donner les outils nécessaires à la prise de décision (à l’exemple de l’initiative prise par la conférence des présidents de CME de CHS en 2000).

Promouvoir les droits des usagers en santé mentale

 

6.      Réviser la loi du 27 juin 1990, afin de la mettre en conformité avec le droit européen et l’évolution de la jurisprudence française (développé plus loin)

7.      Permettre l’accès direct au dossier patient quel que soit le mode de prise en charge (obligatoire ou libre), comme dans toutes les autres prises en charge médicale. Ceci doit respecter le droit à la protection des informations concernant la personne. Il conviendra de déterminer précisément ce qu’un dossier doit obligatoirement (légalement) contenir et faire la différence entre dossier et notes personnelles de travail.

8.      Soutenir l’officialisation et la diffusion des chartes de bonne conduite auprès de professionnels du champ sanitaire et médico-social (“ Charte de l’usager en santé mentale ”)

9.      Donner aux associations agréées d’usagers la possibilité de représenter une personne, à sa demande express et de la rencontrer librement qu’elle soit hospitalisée ou soignée à domicile. (L’exemple des associations d’anciens buveurs, qu’il faut ici souligner, montre le chemin du partenariat positif avec ces associations dans certaines stratégies thérapeutiques).

10.   Organiser des formations croisées professionnels-usagers, auprès des professionnels et des usagers, mais aussi des étudiants en soins infirmiers, des étudiants éducateurs, travailleurs sociaux et en internat de psychiatrie.

Lutter contre la stigmatisation et l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux

 

11.    Informer le grand public sur les maladies mentales, par des campagnes de sensibilisation et de promotion développées sur le mode classique utilisé dans d’autres secteurs de la Santé publique.

12.    Informer sur l’organisation du système de santé mentale, les métiers concernés et le rôle de chacun dans le dispositif (psychiatre, psychologue, travailleurs sociaux, infirmiers, médecins généralistes, pharmaciens…)

13.    Développer des outils scientifiques informatifs sur les maladies, les traitements, les recours, (brochures, sites internet, CD-Rom, livres, à l’image de ce qui se fait en Angleterre) sur des cibles variées (grand public, adolescents, usagers, professionnels…).

14.    Mettre en place une formation universitaire à l’Information en Santé mentale, dans le contexte de la Santé Publique ou plus large.

15.    Axer la communication interprofessionnelle et grand public sur la prévention généralisée, qui s’applique à tous les niveaux des interventions : avant la crise, pendant la crise, après la crise.


Les administrations

Le déploiement de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale se fera avec les administrations

Le constat

1.   La planification est complexe, les outils d’aide à la décision sont inadaptés

1.1            Une planification complexe

Actuellement, la programmation hésite entre les différents niveaux géographiques (région, département, État), elle multiplie les documents. La psychiatrie ne bénéficie pas toujours d’un soutien important des services déconcentrés de l’État ; on pourrait dire quelle est devenue, au fil des ans, une sous-planification. La reconnaissance que la santé mentale devrait être un domaine décliné à chaque niveau  (Etat – région – département – local) n’a jamais été fait et assurerait pourtant des cohérences entre décideurs.

Le peu d’investissement des services déconcentrés est à  rapprocher du problème de la réorganisation des services centraux, dont le fonctionnement en “ tuyau d’orgues ” ne contribue pas à une clarification de la commande mais renforce, là aussi,  la segmentation des problèmes.

Segmentation que l’on retrouve sur le plan des découpages territoriaux : chaque service de l’Etat (sanitaire, médico social, éducation nationale, justice) et des collectivités locales (ASE ; circonscription, coordination gérontologique, centres de secours etc…) dispose d’un découpage différent, découpages auxquels s’ajoutent maintenant les “ Pays ”.

Les professionnels de santé publique de terrain attendent depuis des lustres de voir la DATAR, l’INSEE ou le Commissariat général au Plan, proposer à l’ensemble des partenaires des zonages géographiques qui pourraient être communs à tous les intervenants en s’emboîtant les uns dans les autres de l’aire la plus petite à la plus grande.

Les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) distinguent les activités de Médecine-Chirurgie-Obstétrique (MCO) de la psychiatrie. Même si l’on peut noter un frémissement avec l’adoption récente de quelques SROS de deuxième génération unifié. L’espace sanitaire régional, tout comme les territoires pertinents ou bassins de santé, militent pour une planification régionale. L’unicité du SROS (MCO, psychiatrie) gagnerait alors en cohérence.

 

Les services de l’État mettent toujours en avant la planification MCO et lui  attribuent hommes et compétences. Souvent, les autres planifications sont effectuées de surcroît. Ici, il faut clairement établir les responsabilités, la même exigence de service public, la même formation des acteurs et des responsables. C’est aussi un engagement de ces professionnels qui permettra un changement institutionnel dans l’appareil de l’État.

La planification de l’offre de soins psychiatriques souffre également d’une carence majeure d’articulation avec la planification médico-social.  Dans ce domaine, la situation est relativement semblable. Pour les prises en charge par le médico-social, sans plans et sans programmes articulés tout peut être fait, y compris le pire, c’est-à-dire la confusion des genres et les créations de “ structures dépotoirs ” ou de “ nouveaux ghettos sociaux ” ? (MAS, Foyer à double tarification etc).

Il en va de même pour la cohérence des Plans Régionaux d’Accès à la Prévention et aux Soins (PRAPS), (toutes les régions, sauf une, ont placé la Santé Mentale en priorité dans leurs dispositifs), des Conférences de Santé et des SROS.

Tout se passe comme si les conducteurs de ces travaux (DGS-DHOS-DGAS) poursuivaient parallèlement des objectifs parfois identiques et parfois divergents. Or, il existe depuis 1998 dans chaque région un comité régional des politiques de santé où se retrouvent notamment les services de l’Etat, les collectivités territoriales et les organismes d’assurance maladie. C’est en principe une instance de concertation, de suivi et d’évaluation des priorités de la conférence régionale, du PRAPS et des autres programmes régionaux de santé. La question est de savoir si leur efficacité a été évaluée : ces comités  remplissent-ils pleinement leurs missions et impulsent-ils des actions ?

1.2            Des outils de planification inadaptés

Plusieurs groupes de travail coordonnés par la Direction des Hôpitaux et de l’Offre de Soins tentent depuis bientôt dix ans, d’élaborer un programme de médicalisation du système d’information (PMSI) adapté à l’activité des services de psychiatrie. Les échéances de test et de mise en application sont sans cesse repoussées, les concepteurs eux-mêmes doutant de la pertinence de l’outil qu’ils continuent pourtant de développer.

On peut s’inquiéter des carences massives du plan de communication qui accompagne actuellement la mise en œuvre de ce PMSI-Psy qui est chargé d’autant de fantasmes qu’il est obscur, centré sur l’hospitalisation temps plein, beaucoup trop bureaucratique dans sa mise en acte, favorisant et renforçant les réponses hospitalières, au détriment du travail en réseau et n’évaluant pas l’offre de soin associative et “libérale”.

Le risque déjà annoncé et prévu est que cet outil permettra de mettre en évidence des "profils" d’établissements et des écarts par rapport à une moyenne. Il ne permettra peut-être pas de déterminer quel est le “ bon profil ” pour répondre aux besoins de prise en charge en matière de santé mentale aujourd’hui. D’une certaine façon le PMSI-Psy paraît à beaucoup de professionnels comme un “ contre sens ” et une modalité “ impertinente ” de recueil de données.

Au-delà d’un classement des établissements “ chers et pas chers ”, les informations recueillies par le PMSI-Psy permettront au mieux de mettre en évidence le fait que les prises en charge sont très différentes, pour des patients aux caractéristiques semblables. Mais ces résultats ne sont-ils pas déjà connus ? En effet, on sait déjà que, selon les secteurs, des patients sont en hospitalisation complète, d’autres en hôpital de jour, quasiment à temps plein, d’autres en hôpital de jour séquentiel, en CMP prolongé, d’autres dans le secteur médico-social, et les psychiatres avouent que “ce sont les mêmes”. Le PMSI va donc dire que ces "mêmes" patients sont tantôt ici et tantôt là, selon les services et les secteurs. On peut à juste titre se demander si la montagne ne va pas accoucher d’une souris.

Il faudra obligatoirement passer par un outil pertinent d'évaluation des pratiques des STP et RTSM. Cet outil devra être basé sur le dossier du patient qui doit recueillir l'ensemble des actes de soin le concernant.

L’activité d’un service n’est pas corrélée avec son effectif de personnel. Mais pour que le débat s’engage, il faut tout connaître et garantir la transparence dans les équipes soignantes et à l’extérieur. C’est le préalable à l’égalité des français devant les soins.

 

2.   La politique de sectorisation psychiatrique n’a pas été menée à son terme

 

Les stratégies de soin en santé mentale s’inscrivent dans la dynamique plus vaste des évolutions sociologiques et donc dans l’action politique au sens strict d’ “ ensemble des options prises collectivement ou individuellement par le gouvernement d’un Etat ou d’une société ”[19]

L’absence de dispositif de secteur réellement intégré dans la communauté (ce qui est le cas de la majorité des secteurs existants), témoigne de la carence conjuguée de volonté politique et professionnelle à le réaliser, au profit d’un hospitalocentrisme dominant.

La décision politique de confier la gestion du secteur psychiatrique à l’hôpital, en 1986, est de ce point de vue une date historique de remise en cause des principes de la sectorisation, comme de toute autre forme de véritable psychiatrie communautaire.

 

Cette décision n’a pas permis de réaliser le but poursuivi par ceux qui l’avaient pensé au moment de l’élaboration de la politique de sectorisation à savoir : transférer le budget des sites hospitaliers vers la communauté.

Il faut situer la Santé Mentale dans la dynamique générale d’intégration, d’inclusion et tourner le dos à la dynamique ancienne de la psychiatrie qui participait des stratégies d’exclusion. Notons que là où les acteurs l’ont voulu , avec quelle énergie, l’intégration dans la communauté a été réalisée. Mais les expériences en France se sont souvent bornées à des réalisations très partielles, trop souvent dépendantes de l’engagement d’une ou deux personnes motivées. Le secteur privé associatif s’est la plupart du temps glissé dans les niches laissées en friches par le secteur public, sans en changer son fonctionnement, aggravant en cela l’éloignement du dispositif psychiatrique de la communauté urbaine. La rupture avec cette perspective gestionnaire, administrative et technicienne, impose de nouvelles organisations. Il faut déplacer le centre de gravité de ce système de l'hôpital vers la cité.

Cependant, aujourd’hui, ce cours de rupture avec les stratégies de discrimination, de ségrégation, d’exclusion se heurte à plusieurs réalités politiques majeures :

§        la gestion du dispositif dans la conception des logiques hospitalières donne à l’administration des hôpitaux le pouvoir de conforter souvent le secteur comme une excroissance de l’hôpital - l’extra-hospitalier - et non d’administrer le secteur comme le gérant, l’organisateur et le garant (avec la place des usagers et de leurs associations !) d’une psychiatrie ouverte à la ville et centrée sur la personne (sa singularité, son parcours et son environnement) ;

§        l’instrumentalisation des sentiments d’insécurité de la population se retrouve en  psychiatrie par la volonté de continuer à lui faire jouer un rôle sécuritaire important ; les patients sont donc abordés comme porteurs de danger social (troubles de l’ordre public et à la sécurité des personnes ; nuisances par leur être “ a-social et déviant ” et leur maladie, ...).

§        Enfin, le point de résistance majeur à la réalisation complète de la politique de sectorisation est le frein serré que représente la survivance des concentrations psychiatriques hospitalières, toujours installées dans les lieux des anciens asiles de la fin du 19ème siècle, qui ne peuvent, car ce serait contre nature, programmer de l’intérieur leur transformation institutionnelle.  Presque tout les en empêche :

ü         la tradition asilaire qui est attachée à l’histoire de ces institutions ;

ü         l’impréparation de l’opinion publique et la stigmatisation encore très forte qui colle à la personne dite “ malade mentale ” ;

ü         les formations hospitalo-centriques de tous les personnels (administratifs, médicaux et non médicaux) qui sont mal préparés pour envisager leurs pratiques professionnelles dans les perspectives d’évolution dynamique qu’imposent les missions de santé mentale ;

ü         les fonctionnements hiérarchiques figés, issus directement du fonctionnement asilaire et de la tradition mandarinale hospitalo-universitaire ;

ü         la tendance actuelle au repli derrière les différents statuts professionnels, la technocratisation et la hiérarchisation nocives qui aboutit à des clivages dans l’équipe pluri-professionnelle et à la sous-utilisation des plus nombreux acteurs du soin : les infirmiers ; 

ü         la part grandissante de la population en situation de précarité et l’état de suffocation des acteurs sociaux (dont les dispositifs sont pour le moins difficile à décrypter) ;

ü         la méfiance historique de ces acteurs sociaux face à la psychiatrie (corrélée à la stigmatisation et à l’exclusion qui s’attachent aux personnes ainsi qu’à la frilosité du travail ambulatoire) qui se double d’une méconnaissance de ses évolutions, le tout entretenu par les malentendus plus ou moins volontairement mis en avant par certains professionnels des deux champs ;

ü         l'assimilation systématique des troubles du comportement aux troubles mentaux ;

ü         l’augmentation croissante des demandes d’hospitalisation du fait d’urgences surchargées, du recours parfois abusif aux internements, favorise le repli dans l’hôpital et parfois amène à des demandes paradoxales de réouverture de lits dans les secteurs ;

ü         la réticence des élus locaux à mettre en œuvre ce changement de fonctionnement des CHS, pour des raisons d’aménagement du territoire, de craintes pour l’emploi ou dans un souci purement clientéliste ;

ü         l’extrême rigidité de notre société qui sait très bien empiler les réponses en strates figées et est incapable de faire évoluer ces réponses et encore moins de supprimer celles qui se révèleraient inadéquates quand ce n’est pas inopportunes.

 

Pourtant, il n’y a aucun argument scientifique, thérapeutique, éthique, économique, social au maintien des hôpitaux psychiatriques dans le monde[20].

 

3.   Le système de soins psychiatriques fonctionne à plusieurs vitesses

La tendance actuelle du système psychiatrique français est orientée vers un éclatement des dispositifs de soin en Santé mentale avec :

3.1            Une offre libérale pour les classes moyennes et aisées

Une médecine psychiatrique qui reçoit préférentiellement les classes aisées qui s’adressent à la psychiatrie “ libérale ” (nous mettons entre guillemets pour souligner la particularité de ce privé à but lucratif, qui est financé essentiellement par les deniers publics, par le biais des remboursements de la Sécurité Sociale).

Cette offre de soin est  pléthorique et protéiforme à Paris, mais aussi à Lyon, en région PACA et dans d’autres grandes villes universitaires. Cette offre inégale sur le territoire national entraîne des réponses inégales et n’assume que de manière marginale ou individuelle, un rôle dans les actions de santé publique, les soins d’urgence, les pathologies graves. Ainsi, seuls 0,7% des actes des psychiatres “ libéraux ” franciliens sont-ils des actes de prévention[21]. Par ailleurs, la psychiatrie “ libérale ” concerne beaucoup plus les personnes célibataires et divorcées.

Il ne s’agit pas pour nous de méconnaître la gêne afférente aux troubles mentaux dits « mineurs ». Celle-ci est bien réelle et doit être prise en compte car, en terme de santé publique, on sait combien les troubles névrotiques par exemple sont pourvoyeurs de dépressions graves, tentatives de suicides, conduites addictives, surconsommation médicale, arrêts de travail etc. Mais il n’est pas évident que certains troubles psychiques doivent être pris en charge automatiquement ou exclusivement par des psychiatres.

 

3.2            Une offre publique plus orientée les catégories moins aisées, les pauvres et les démunis

 

La psychiatrie publique qui s’adresse, en théorie, à toutes les populations est le plus souvent utilisée par les catégories les moins aisées, les pauvres et les démunis. Ce sont aussi globalement les personnes les plus gravement atteintes psychiquement et socialement ; et l’on connaît les liens dialectiques entre situation sociale défavorisée et état de santé dégradé. Les relais de la psychiatrie publique avec la psychiatrie “ libérale ” et le champ social sont variables d’un secteur à l’autre et globalement insatisfaisants.

Ailleurs une pratique de la psychiatrie trop expéditive dans les durées de séjour, non articulée à des  pratiques fortes de soins, d’insertion et d’accompagnement dans la communauté, entraîne souvent des phénomènes d’exclusion d’un certain nombre de patients.  Nous voyons cela dans les sorties parfois trop rapides de l’hôpital de patients en souffrance psychique et en situation de détresse sociale.  Ils sont alors orientés dans les structures sociales qui, sans le soutien des équipes de soin, sont rapidement dépassées par la problématique des troubles psychiatriques. A l’inverse les prolongations abusives d’hospitalisations, parfois par absence de réponses sociales adaptées, entraînent également des situations d’exclusion.

La psychiatrie publique, qui couvre en réalité un vaste champ, a été souvent cantonnée ou s’est souvent réfugiée dans la spécificité de soigner les psychotiques, spécificité parfois revendiquée contre l’idée même de psychiatrie ouverte aux questions des souffrances psychiques communautaires. L’expérience montre que les résultats sont limités. Les soins en hospitalisation sont globalement insatisfaisants. La prise en charge de la psychose doit donc être pensée majoritairement hors des structures d’hospitalisation.

La psychiatrie n’est pas une discipline comme les autres.
Le paradoxe qu’elle doit résoudre est de réaliser son intégration tout en assurant le maintien de son identité.

 

3.3            Une prise en charge sociale des souffrances psychiques des « exclus »

 

Pour les populations les plus exclues, il existe une prise en charge sociale des souffrances psychiques qui entretient des liens ténus avec la santé mentale, quand ils existent. Là encore la situation est variable suivant les zones car il existe ici et là des expériences innovantes et probantes. La demande de travail en commun avec la psychiatrie énoncée par les travailleurs sociaux n’a jamais été aussi grande.

 

Cette tendance à une psychiatrie à plusieurs vitesses ne demande qu’à s’accentuer si l’on ne prend pas les décisions politiques urgentes pour l’inverser, c’est à dire si l’on ne redéfinit pas l’organisation de l’ensemble de l’offre de soin.

Cependant les avancées théoriques, l’évolution des techniques, les résultats thérapeutiques, la volonté de nombreux professionnels, une partie de l’opinion publique, presque tout, depuis un demi-siècle, participe du rapprochement et d’une meilleure intégration entre la psychiatrie et le reste de la médecine (en ce qui concerne les psychiatres libéraux c’est fait depuis longtemps, selon les règles du libéralisme bien entendu).

 

4.   Des erreurs politiques dans la gestion de la sectorisation psychiatrique

 

On peut souligner un certain nombre d’erreurs commises au niveau national, dans l’histoire récente de l’organisation de la psychiatrie de secteur :

§         le défaut, pour ne pas dire l’absence, par les pouvoirs publics, de conduite de la politique annoncée ;

§         le débat, qui est resté un débat de spécialistes, doit en sortir pour impliquer l'ensemble de la société

§         le pouvoir de décision concernant le développement de la sectorisation a été confié aux établissements hospitaliers sous le contrôle des tutelles, d’orientation plus  comptable que santé publique. En effet, si on ne s’arrête pas à quelques exemples isolés rassemblant exceptionnellement des personnalités aux objectifs convergents, le constat n’est pas positif, quel que soit l’établissement hospitalier siège des secteurs de psychiatrie :

ü         Dans les hôpitaux généraux les secteurs qui se sont implantés, avec peu de moyens pour la plupart d’entre eux, ont généralement vu leurs projets et leurs moyens soumis à la concurrence inégale des projets des autres spécialités médicales (chirurgie, radiologie…) ainsi qu’aux logiques hospitalo-centriques qui les fondent. Il suffit pour comprendre de se reporter, par exemple, aux différentes publications issues de l’association PsyGé et aux interventions des professionnels des secteurs de psychiatrie implantés dans ces structures qui décrivent tous des situations de pénurie et de carence dans les possibilités d’offre de soin. 

ü         Dans les centres hospitaliers spécialisés le même constat peut être fait, avec certaines nuances cependant dues à l’absence de concurrence avec les exigences des services somatiques, en raison de la prévalence des logiques hospitalo-centrique et comptable qui sont à la base du fonctionnement de beaucoup de directions et des tutelles (quand elle ne voient pas la psychiatrie comme une réserve de  personnels).

 

Le résultat de tous ces facteurs est un développement inégal des pratiques de soin dans la communauté.
 Il y a là démonstration de l’incompatibilité actuelle entre la logique hospitalière et la logique de développement de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale.

 

5.   Une loi d’obligation de soins obsolète

 

Il y a nécessité à revoir la loi de 1990 et nous apportons ici, modestement car le sujet est  d’une extrême complexité, notre contribution à un débat qui devrait précéder l’élaboration d’une loi nouvelle.

Le nombre des soins sous contrainte n’a pas fortement augmenté ces dernières années, passant de 11 à 13% des hospitalisations. C’est beaucoup plus le nombre des hospitalisations qui a augmenté alors que les durées moyennes de séjour continuaient de décroître.

Selon une enquête,  portant sur 80% des départements français, en 1999, 13% des entrées en secteurs de psychiatrie l’ont été sous contrainte[22].

§         46 000 en HDT, dont 14 000 selon la procédure d’urgence (un seul certificat médical), dont 6 400 d’une durée de plus de 3 mois et donnant lieu à 10 262 sorties d’essai ;

§         7.450 en HO, dont 5 000 en urgence par les maires dans le cadre de mesure provisoire, dont 1 900 d’une durée supérieure à 4 mois et donnant lieu à 7 115 sorties d’essai.

Au-delà des chiffres, le sens même de ces soins contraints est à interroger.

En France on identifie toujours, pour les traitements psychiatriques sous contrainte, la notion de danger pour soi-même et celle de danger pour autrui. Pour nous ces deux notions devraient être très nettement distinguées.

 

Le danger pour autrui

La mise en danger d’autrui renvoie à l’ordre public. Cette notion entre dans le cadre des missions de chaque Etat qui doit garantir la sécurité des citoyens par la Loi, les procédures et les moyens pour l’appliquer. Dans un état de droit les citoyens doivent respecter la Loi et ne pas porter atteinte aux personnes et aux biens. La justice et la police sont là pour veiller au respect de ces lois.

Le Réseau Européen des usagers et survivants de la psychiatrie, que nous ne suivons pas, justifie le danger pour autrui tout en refusant la notion de soin obligatoire en cas de danger pour soi et préfère que le placement involontaire en psychiatrie soit une détention argumentée par la dangerosité et non un temps de “ traitement obligatoire ” argumenté par l’état psychiatrique de la personne concernée.

Si, pour raison de dangerosité envers autrui, “ détention ” il doit y avoir, celle-ci ne peut être pensée que dans un cadre pénitentiaire (où des soins peuvent et doivent être apportés) et non pas dans un cadre soignant psychiatrique. On est alors dans le droit commun et il n’y a pas lieu d’inventer des mesures spécifiques pour telle ou telle catégorie de contrevenant.

 

Le danger pour soi

Par contre le danger pour soi-même réfère aux notions de liberté individuelle d’une part et d’assistance à personne en danger d’autre part. Donc à la fois à la justice comme garante de ces droits et à la santé pour les soins. En effet il s’agit avant tout de respecter la liberté individuelle. La société exige également des professionnels de santé qu’ils portent assistance aux personnes en danger pour elles-mêmes (et qui ne sont pas en mesure, pour de multiples raisons, de donner leur accord aux soins).

Cette absence de distinction entre danger pour soi et autrui présente l’inconvénient de confondre les soins obligatoires et l’ordre public, la santé et la justice.

Actuellement cette assimilation, qui concerne uniquement les malades mentaux, est gérée par les préfets qui ont le double pouvoir sanitaire et de police. Il n’est pas souhaitable que cette organisation, désormais unique en Europe, persiste.

 

6.   Une opposition entre logique de soins et logique pénale.

 

En ce qui concerne les soins aux personnes placées sous main de justice, et à la suite des très nombreux ouvrages et rapports parus ces derniers mois, il ne peut être seulement envisagé une simple adaptation de l’offre actuelle des soins spécialisés. La question du sens que donne la société à l’appareil pénitentiaire est au centre de la réflexion. “ Surveiller et punir ” résumait en son temps M. Foucault.

C’est dans la position du naïf que nous pouvons poser la question du sens de la prison. Pourquoi celle-ci se cantonnerait-elle à la part sécuritaire, coercitive, punitive - légitime et importante bien entendu - de sa mission ? Dans cette part d’enfermement des hommes, l’expérience prouve que les cages n’ont jamais appris à vivre, au contraire. L’autre mission essentielle de la prison est de préparer ces hommes à un retour à la liberté dans une perspective, apaisée, d’insertion qui éloigne la tentation de la récidive.

L’évolution fondamentale des orientations, des organisations et des moyens internes au milieu pénitentiaire est un préalable indispensable.

S’il ne suffit pas d’humaniser ou de réhabiliter les locaux, il faut en revanche rendre décentes les conditions de vie des détenus[23]. Le débat doit être national et il est urgent, car la situation actuelle dans les établissements est explosive.

Au Centre de Détention des Jeunes de Fleury Mérogis, la preuve est donnée que des modifications, sans excès, de l’organisation du travail de surveillance ont, en un an seulement, supprimé quasi automatiquement la violence des jeunes détenus. En Suède nous avons visité une prison qui présentait quelques solutions intéressantes. Mais l’on sait que les moyens y sont 6 fois plus importants qu’en France et que 2 surveillants sur 3 sont en fait des éducateurs.

C’est un défi, mais comment ne pas s’y engager ? Des établissements de petite dimension, des conditions sécuritaires adaptées aux différentes personnes détenues et non pas les plus strictes pour tous. Des innovations pour résoudre la contradiction qui transforme les présumés innocents que sont les prévenus, en détenus particulièrement surveillés ; des regroupements semi ouverts seraient novateurs.

L’expérience, issue du cheminement de la psychiatre des anciens asiles vers les hôpitaux puis le travail de secteur,  nous a appris que  le changement de notre regard sur les “ aliénés ” a permis les transformations institutionnelles radicales.


 

6.1 Les limites de l’organisation actuelle

 

L’organisation actuelle des soins psychiatriques aux détenus a montré ses limites et ne doit plus être prise en exemple immuable pour l’évolution future.

6.2. Les soins psychiatriques pour les détenus en prison

 

Les équipes des Services Médico-Psychologiques Régionaux (SMPR) dispensent des soins psychiatriques dans les centrales ou les maisons d’arrêt, auprès des détenus souffrant de problèmes psychologiques. Quand la pathologie psychiatrique devient trop “ lourde ”, le détenu peut être transféré en service d’hospitalisation psychiatrique, sur ordre du Préfet (article D398 du CPP). Il revient alors aux équipes de soins des secteurs ordinaires d’assurer à la fois la garde du détenu et les soins psychiatriques requis.

L'article D 398 du Code de Procédure Pénale transforme obligatoirement l'établissement de soins en établissement d'enfermement... Il présuppose en outre que le soin psychiatrique se fera nécessairement en pavillon fermé, ce qui n'est plus obligatoire depuis la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 du Code de Santé Publique, qui fait disparaître toute référence à l'enfermement qui était juridiquement la règle sous l'empire de l'ancien texte du 30 juin 1838."[24]

Si le détenu-patient est violent ou jugé potentiellement dangereux, il peut être transféré en Unité pour malades difficiles (UMD). Toutefois, les UMD n’accueillent que peu de détenus (cf. plus loin).

Le fonctionnement de nombreuses équipes des SMPR, au regard de l’offre de soin proposée, paraît assez restrictif et insuffisamment déployé dans l’espace et dans la durée. Les équipes des actuels SMPR fonctionnent la plupart du temps “ en vase clos ”. Cet isolement se manifeste notamment par l’énorme difficulté à mettre en place les suivis spécialisés après la détention, avec les CMP concernés. Cela se manifeste aussi par des hospitalisations obligatoires (suivant l’article D398), mal préparées, mal comprises et souvent bâclées rapidement par les secteurs, effrayées par l’ “ étiquette ” de détenu, et ceci in fine au détriment des soins aux personnes.

 

Il n’est plus possible de continuer à passer sous silence que les SMPR n’ont jamais été en mesure d’assurer, dans le cadre des établissements pénitentiaires, des soins en hospitalisation complète.

La grande majorité des psychiatres travaillant en prison estiment que l’on ne peut forcer quelqu’un à se soigner en prison, car cela correspondrait à un doublement de la peine : rajouter une “ peine ” psychiatrique à la peine judiciaire. Mais la double peine ne serait-elle pas plutôt de ne pas donner de soins à quelqu’un qui en nécessite ? En effet, personne ne remet en question la double peine que constitue de fait, la mise en UMD ou en chambre d’isolement dans un service de psychiatrie de secteur, avec soins imposés et pour le moins non satisfaisants !

Sachant que 80% des budgets de la psychiatrie en milieu carcéral vont dans les SMPR, que ceux-ci ne sont que 26 et qu’il y a 187 établissements, il est évident que les moyens ne sont pas donnés pour la prise en charge psychiatrique des détenus en dehors du travail fait par les équipes des SMPR, dont la motivation et l’engagement professionnel sont à souligner.

 

6.3. Les soins psychiatriques pour détenus dans les Unités pour  Malades Difficiles

 

Les quatre Unités pour Malades Difficiles (UMD), situées dans les CHS et totalisant environ 400 lits, prodiguent des soins spécialisés de qualité  à des détenus malades mentaux, mais ne reçoivent pas que des détenus. Le plus grand nombre d’infirmiers dans ces structures est justifié essentiellement pour des raisons de sécurité et non pas pour mener à bien des projets thérapeutiques.

Y sont également hospitalisés-enfermés des “ malades difficiles ”, ayant bénéficié d’un non-lieu (selon l’article 122-1 du Code Pénal), c’est-à-dire jugés irresponsables mais plus ou moins dangereux.

Y sont hospitalisés-enfermés une majorité de malades issus de secteurs ordinaires, en hospitalisation d’office, sans contrôle judiciaire suffisant, du seul fait qu'ils sont en soins contraints par décision préfectorale et qu'ils ont, par des troubles du comportement, débordé momentanément les capacités contenantes des équipes de ces secteurs.

Dans une unité d’hospitalisation ordinaire la peur de la violence potentielle entraîne souvent l'enfermement préventif, ce dernier étant en lui-même source de violence. Et la boucle est alors bouclée ! Une évaluation fine des situations entraînant les transferts vers les UMD et l'utilisation plus fréquente qu'en font certaines équipes par rapport à d’autres, justifiée parfois d’une visée "punitive", est indispensable.

Il surtout nécessaire qu’un débat entre professionnels ait lieu sur la clinique qui peut s’attacher à la contention et à l’enfermement.

Une réponse doit être apportée à la question posée par les personnes détenues que leur état de santé psychique rend durablement porteuses de troubles violents du comportement et dont les soins ne peuvent être envisagés que dans le temps de la chronicité même de la pathologie.

Mais combien sont ces personnes ? Où sont-elles actuellement? Sont-elles regroupées dans les UMD ou bien sont-elles avec des détenus particulièrement dangereux mais non malades mentaux ? Ces données ne sont pas disponibles. On sait seulement que 10 à 15 % des files actives des UMD sont constituées de détenus. On ne peut oublier certains problèmes rares de patients très malades et très violents pour lesquels des solutions devraient être pensées dans le cadre de la réforme des soins obligatoires que nous proposons et en prenant le temps d’en évaluer toutes les conséquences.

 

6.4. Les soins psychiatriques pour les détenus dans les services d’hospitalisation de    secteur

 

Etant donnée l’évolution des missions et des pratiques des équipes de secteur, il n’est plus possible de continuer à exiger, en se voilant hypocritement la face, que ces équipes de soins assurent en même temps la garde et les soins en structures ouvertes. Alors que dans le même temps les équipes de soins somatiques envisagent la création de services d’hospitalisation en Hôpital Général, où la garde sera confiée aux agents de l’Administration Pénitentiaire ou de la Police.

 

6.5. La question de l’irresponsabilité pénale

 

Par ailleurs le dogme, défendu par certains psychiatres, de l’irresponsabilité pénale des personnes malades mentaux ne peut être un argument suffisant pour refuser de repenser l’organisation de soins adaptés aux personnes détenues présentant des troubles mentaux.

 “ La confrontation à la justice pour l’acte commis et prouvé est chose nécessaire pour lever le déni et contraindre le mis en cause à s’interroger sur son propre fonctionnement ”[25]. Et “ cette antonymie  judiciaire peut provoquer une situation dans laquelle la personne obligée perçoit, malgré sa vulnérabilité pénalement stigmatisée, que n’est pas niée son autonomie, qui substitue à l’obéissance à l’autre, l’obéissance à soi-même ”[26]. A notre avis ce texte, situé dans un ouvrage sur les délinquants sexuels, a une portée générale.

Pour l’irresponsabilité pénale, nous pensons qu’il manque un débat sur le concept de crime. La folie n’étant en aucun cas une cause de non imputabilité de l’acte commis, nous prenons fermement position pour la révision de l’article 122-1 alinéa 1. Nous sommes pour la nécessité du procès, y compris la possibilité d’un temps de soin préalable pour que le sujet et citoyen “ y soit ” dans ce procès. Notons cette contradiction qu’il n’existe pas d’irresponsabilité civile pour les malades mentaux, en droit français, et que ceci n’a jamais soulevé la moindre polémique.

Pour les soins psychiatriques en prison, les mêmes principes de rapprochement avec les soins généraux ainsi que le développement des soins de proximité doivent sous-tendre les modifications indispensables.

La persistance de l’opposition entre les logiques de soin (“ les psychiatres ne sont pas là pour tout calmer ”[27]) et pénale est stérile tant au plan des intérêts de l’individu que de ceux de la société et mérite mieux que des anathèmes. Ceci impose que les acteurs du soin et ceux de la justice dialoguent intensément et sereinement :

§         en respectant les langages et les règles de chacun,

§         en respectant les règles des secrets professionnels de chacun,

§         en partageant des temps de réflexion en commun.

Les propositions

Mettre en cohérence les différents niveaux de planification

 

Il est urgent d’intégrer la psychiatrie dans la médecine et la santé mentale dans la cité. L’évolution sociologique et économique des 40 dernières années et la volonté de poursuivre le désenclavement de la psychiatrie et son rapprochement du système sanitaire général et également des champs médico-social et social, imposent la mise en cohérence des différents niveaux de planification.

1-       Effectuer la révision globale et le rapprochement des cartes sanitaire, psychiatrique, sociale, judiciaire et scolaire, au niveau national, dans le sens d’une identité des découpages, pour une planification possible. Le travail d’harmonisation des logiques territoriales de ces différents secteurs est indispensable, mais il est bien entendu politique, à mettre en œuvre par la DATAR, l’INSEE ou le Commissariat Générale au Plan ;

2-       Réviser les délimitations cadastrales des secteurs actuels (pour tenir compte des modifications socio-économiques intervenues, des besoins nouveaux…), ce qui implique de lutter contre la « conception cadastrale et douanière »[28] de la politique de secteur. Cette évolution suppose évidemment une évolution majeure des mentalités de tous les acteurs.

3-       Développer des SROS unifiés comprenant un volet santé mentale obligatoire (comme certains départements ont commencé à le faire).

4-       Confier la mise en cohérence des différents niveaux de planification au niveau régional. Soit des Agences Régionales de l’Hospitalisation aux missions sanitaires plus complètes, qui auraient des missions régionales d’impulsion, de financement et de contrôle et où la représentation démocratique serait dominante. Soit de véritables Agences Régionales de Santé dans une évolution, qui semble souhaitable et souhaitée, de la décentralisation.

5-       Réaliser l’articulation et la mise en cohérence de l’offre psychiatrique et médico-sociale.  Afin de faciliter au mieux le soin et l’insertion des personnes souffrant de troubles mentaux et d’éviter la création des “ nouveaux ghettos sociaux ”. Cela pourrait être fait en intégrant la planification médico-sociale au niveau des ARH (avec participation des parlementaires et élus locaux aux décisions), en attendant les ARS. Cette extension des missions des ARH pourrait peut-être également inclure le domaine social, bien que la question soit complexe étant donné les séparations réglementaires et financières actuelles.

 

Définir des outils d’aide à la décision adaptés

 

6-       Elaborer d’urgence des outils de planification et d’évaluation de l’offre suffisamment fins et opérationnels pour que chaque secteur et regroupement de secteurs disposent de moyens adaptés aux besoins des populations desservies et puisse garantir un accès équitable aux soins.  Donc en rien une répartition nationale identique des moyens, mais une dotation suffisante par secteur pour garantir cette équité. Il est essentiel de réduire, pour les supprimer, les inégalités en tenant compte des spécificités.

 

7-       Engager la réflexion et la concertation sur un PMSI-Psy repensé et dont l’objectif principal ne soit pas que gestionnaire. On note un début d’évolution dans ce sens : la nouvelle version du “ Rapport de Secteur ” (exercice 2000), en cours de test, devrait mener à l’analyse plus qualitative de la prise en charge des secteurs. Le chemin sera certainement long et nécessitera une recherche dans toutes les régions de France, la modélisation pouvant varier d’une région à l’autre.

 

“ Il faut s’attendre à ce que l’évaluateur de demain (et peut-être d’aujourd’hui) audite les processus internes, recueille l’avis des malades, examine la qualité des prises en charge au regard de référentiels internationalement reconnus et eux-mêmes en constante amélioration, alors que le planificateur d’hier scrutait prioritairement le nombre de lits autorisés, à comparer à des besoins théoriques, eux-mêmes définis via des “ indices lits/population ” relativement stables dans le temps. On voit par-là que l’obsolescence risque de gagner bien vite les raisonnements construits sur le nombre de secteurs, de lits, des places… Ce qui compte de plus en plus, ce sont les soignants et la qualité de leur savoir-faire : travailler sur l’offre, c’est donc désormais se prononcer sur leur nombre, sur leur formation, sur l’acquisition des compétences en cours de carrière, sur l’apprentissage du travail en réseau, sur la transférabilité des bonnes pratiques. ”[29]


Mener la politique de sectorisation à son terme : passer de la psychiatrie à la santé mentale

 

Pratiques en Psychiatrie : travail de soins spécialisés en milieu strictement sanitaire.

 

Pratiques dans le champ de la Santé Mentale : travail de prévention, de soins et de réinsertion, associant les savoirs initiés aux savoirs profanes, en milieu sanitaire et dans la communauté par une pratique de réseau ou “ activité AVEC personnes et instances pour aider la société à mieux faire avec le MAUVAIS OBJET qu’elle a tendance à proscrire.[30] ”

 

Nous proposons une mutation du dispositif de psychiatrie qui permette d’aller vers les personnes malades ou souffrantes, avec les professionnels sanitaires, médico-sociaux et sociaux et avec les élus locaux. La logique doit être de type réseau plus que de type institutionnelle.

Cela nécessite une sorte de “ révolution psychiatrique ” qui redéfinisse les rôles des différents soignants et confie plus de responsabilité à tous les para médicaux (surtout les infirmiers qui sont particulièrement sous-utilisés) sous la “ direction ” du médecin. Cette meilleure répartition des rôles et cette meilleure sollicitation des talents des uns et des autres permettraient également d’envisager différemment les problèmes de démographie médicale.

Il ne peut être question de mettre les psychiatres partout et pour tout faire mais, au contraire,  de réaffirmer le caractère sanitaire des missions de la psychiatrie, c’est-à-dire :

§         bien prodiguer les meilleurs soins spécialisés et diversifiés aux clientèles spécifiques des structures sanitaires,

§         tout en participant aux diverses structures sociales, médico-sociales et communautaires impliquées dans la santé mentale

§         grâce à une articulation coordonnée des complémentarités (c’est-à-dire des spécificités et des limites de chacun), dans un réseau global, à l’échelle d’une bassin de santé.

Nous soutenons les propositions suivantes :

1. Maintenir le principe de la sectorisation psychiatrique et le mener à son terme sur tout le territoire national

Le concept est toujours pertinent par ses principes fondamentaux de proximité et de continuité des soins, ainsi que par la notion d’implantation, dans une zone géographique accessible, d’une équipe pluri-professionnelle fonctionnant en réseaux sanitaires et sociaux. Le secteur est une option thérapeutique et pas la délimitation d’une aire géographique, ni seulement un dispositif fonctionnel. C’est le seul cadre qui permet d’aborder les tâches de santé publique réclamées par les intervenants de terrain : souffrances psychiques liées à la précarité sociale, toxicomanies, alcoolisme, maltraitances, ...

Cela signifie alors d’achever la sectorisation de l'ensemble des services publics de psychiatrie, y compris les quelques services, universitaires ou non, de l'Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) et à Lyon, qui ne le sont pas encore. Nous sommes en total accord sur ce point avec le rapport récent (2000) que la Cour des Comptes a consacré à la psychiatrie publique.

 

2. Créer, par bassin de santé ou territoire pertinent, un service territorial de psychiatrie (STP) articulé à un réseau territorial de santé mentale (RTSM).

 

Le Service Territorial de psychiatrie (STP)

Les missions

Le STP a pour mission d’assurer, en lien avec les autre acteurs sanitaires, les soins psychiatriques pour les personnes souffrant de troubles mentaux sur le territoire.

 

L’organisation

Il est composé du regroupement des secteurs de psychiatrie générale et des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile.

C’est un établissement public de santé mentale communal ou intercommunal, présidé par un maire et avec conseil d ’administration, commission médicale d’établissement et comité technique d’établissement,  etc… Les STP rédigent, tous les 5 ans, leur projet d'établissement. Les PSPH doivent pouvoir participer à ce nouveau dispositif.

 

Il est co-dirigé par un directeur administratif, un directeur médical et un directeur para-médical.

Son territoire est le bassin de santé ou le territoire pertinent

La gestion financière des STP doit être autonome et non fongible dans les budgets sanitaires généraux.

 

La composition de l’offre de soins en psychiatrie générale au sein du STP 

 

En application des principes de soins de proximité et de continuité, l’ensemble des structures de soins d’un secteur doit être implanté sur le secteur géographique concerné et ces structures doivent être “ ouvertes ”.

Nous faisons nôtre l’affirmation de Mme La Présidente de la FNAP Psy : “ Une hospitalisation, que ce soit en médecine somatique ou en psychiatrie, ne doit intervenir que si la personne ne peut être soignée chez elle ”. 

L’offre de soin au niveau de chaque secteur est composée des éléments suivants :

 

1.     Une équipe 24/24h de soins à domicile,

Dans les secteurs urbains ou à forte densité d’urbanisation, le développement d’équipes travaillant en soins ambulatoires et hospitalisation à domicile, disponibles 24h/24 (comme cela se fait ailleurs en Europe et dans quelques secteurs en France) devrait être l’une des bases, l’un des points centraux, avec les CMP, du travail de l’équipe de secteur.

 

Cela devrait permettre entre autres avantages :

ü        d’éviter la rupture avec l’environnement des personnes et de mieux intégrer aux soins la famille et les proches ;

ü        de diminuer le recours à l’hospitalisation à temps complet ;

ü        de travailler étroitement avec les médecins généralistes et les thérapeutes libéraux dans le cadre de réseaux ville-hôpital ;

ü        de prendre en compte les besoins de soin en psychiatrie dans les structures médico-sociales et sociales du secteur en proposant des protocoles de collaboration adaptés ;

ü        d’assurer la continuité des soins et d’éviter les ruptures si fréquentes dans les prises en charge ;

ü        de rapprocher le travail du secteur des urgences de l’hôpital général qui sont une des portes d’entrée les plus utilisées par la population.

 

Bien entendu cela signifie que la personne doit avoir un domicile. Si ce n’est pas le cas l’organisation d’entraide sociale doit être à même de proposer des procédures rapides d’accession à un domicile individuel ou collectif de secours puis durable. Ceci sera repris dans la partie sociale de ce texte mais l’on doit avoir en mémoire la phrase : “ sans toit on ne peut s’occuper de soi ”[31]. Il faut repenser le rapport domiciliation-soins dans la sectorisation.  Le problème des SDF doit en tout état de cause être envisagé dans une optique de continuité des soins. Les systèmes de répartition des SDF par secteur doivent être adaptés à la mobilité des patients mais aussi à une certaine “ domiciliation par zone ” des SDF dans les cités.

 

 

2.       Des Centres Médico-Psychologiques ouverts de 8h à 20h et samedi matin.

 

3.       Des structures de soin et d'insertion intégrés dans les lieux municipaux ou associatifs

 

L’implantation des structures et/ou des activités de soins ambulatoires intégrées dans la communauté doit être recherchée et favorisée (par exemple : ouverture de consultations de psychiatre ou de psychologue dans les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), les circonscriptions de service social, les cabinets de groupe des médecins généralistes et spécialistes “ libéraux ”).

 

Elles doivent être associées aux structures et actions des professionnels sanitaires et sociaux par l’établissement de conventions précisant les mises à disposition mutuelles en temps de personnels et en lieux. On rapprochera ces implantations des propositions de création des “ maisons de santé ” du rapport Polton[32].

 

Ces nouvelles implantations favoriserait de manière “ naturelle ”, l’articulation nécessaire du dispositif soignant avec les institutions du secteur médico-social. Celles-ci sont en ce moment massivement dépsychiatrisées et démédicalisées, ce qui contribue à augmenter la charge du service public, et laisse sans soins adaptés des patients.

 

4.        des familles d’accueil, moyen essentiel d'aide aux personnes ayant des troubles psychiques et exemple d'intégration dans la communauté et de non stigmatisation. Dans certains cas elles peuvent servir d'alternative à l'hospitalisation (à l'exemple des pratiques de l'équipe de Madison aux USA).

 

5.        des appartements associatifs et thérapeutiques. Outil remarquable d'accès au droit au logement couplé avec les soins dans une volonté d'insertion. La pratique des baux glissants doit être encouragée. Parfois, dans des grands logements,  des locataires d'origines diverses, serait une solution à envisager. L'implication des bailleurs se fera dans le cadre des RTSM;

 

6.       un centre d’hospitalisation de 10 à 25 lits, implantés dans la zone géographique du secteur

Si un établissement hospitalier général est implanté dans la zone il peut alors être souhaitable, mais non systématique, en fonction des spécificités locales, que les lits d’un ou de plusieurs secteurs y soient implantés. Sinon, un centre d’hospitalisation de 10 à 25 lits peut être implanté sur la zone pertinente, voire même articulé avec une clinique privée, sous forme de convention.

 

Ces structures de proximité ne peuvent avoir un sens d’alternative à l’hospitalisation psychiatrique actuelle que dans ce lien d’intégration communautaire, et aussi de centralité de l’organisation et de la gestion des soins psychiatriques et de santé mentale sur un territoire déterminé.

 

Si la nécessité d’un traitement à plein temps en institution spécialisée est patente pour des personnes souffrant d’un trouble psychiatrique, rien ne vient prouver l’avantage de traiter trop longtemps ces personnes dans ces institutions. Il est par contre prouvé (cf. les expériences anglaises, italiennes, suédoises, américaines et françaises[33]) qu’une prolongation exagérée de la durée des hospitalisations installe les malades dans une rupture sociale péjorative pour leur avenir et les prive d’une part importante de leur capacité à se prendre en charge et à retourner dans leur environnement habituel.

On sait que la fréquentation des institutions marquées "psychiatrie", et ce parfois dès l'enfance, sur-stigmatise des populations déjà fragiles. Le poids de l’institution hospitalière, encore plus important quant il s’agit des grosses institutions psychiatriques vient de plus pervertir l’organisation des soins en ne permettant pas la souplesse et la personnalisation indispensable à leur optimisation. Ceci ne signifie pas l’arrêt des soins mais le déplacement de ceux-ci au plus près du malade et de son environnement.

Il ne s’agit pas de l’externement des patients mais de l’externement des dynamiques de soin et d'insertion.

 Il devrait en résulter beaucoup moins de discontinuité des soins.       

 

 

Au niveau du bassin de santé :

 

1.       Un centre d’accueil intersectoriel ou centre 72h (CAI)

Aux personnes présentant une demande urgente au service des urgences de l’hôpital général il s’agit d’apporter des réponses véritablement professionnelles. Dans les zones urbanisées le Centre d’Accueil Intersectoriel (CAI) situé à proximité du service des urgences, dont l’organisation et la coordination se font au niveau d’un territoire déterminé (cf. plus loin) pourrait être l’outil adapté.

Ces réponses professionnelles ne peuvent être faites dans la précipitation, la standardisation ni se résumer à une orientation. Ces réponses exigent de prendre le temps nécessaire afin de permettre l’élaboration collective (la personne, les soignants et les proches) d’un projet de soin individualisé. Non seulement cette approche spécifique éviterait des hospitalisations hâtives et inadaptées, mais elle permettrait aussi que certaines hospitalisation soient réalisées en intégrant plus sûrement subjectivité et temporalité et de préparer mieux les soins ultérieurs, en prévoyant les partenariats. 

Le CAI devrait donc répondre à nombre de personnes passant par le service des urgences de l'hôpital (y compris les obligations de soin dans le cadre des "72h", cf. plus loin) et aux demandes hors urgence, en soirée et la nuit, qui s’adressent à lui.  La permanence téléphonique, outil indispensable aux utilisateurs du système de soin en santé mentale, devrait y être assurée.

Pour tout patient arrivant au CAI, le lien est obligatoirement fait avec l’équipe mobile 24/24h pour mettre en place le projet de soins dans la communauté, de même avec la famille et l’entourage, ainsi qu’avec les médecin(s) traitant(s) (généraliste et/ou psychiatre). Ce centre est le lieu de la contractualisation des soins communautaires. Les durées de séjour doivent être courtes, pour ne pas créer un système de soins à deux vitesses.

 Les professionnels de ces centres devraient pouvoir participer, après les formations indispensables, aux cellules d’urgences médico-psychologiques (CUMP), qui doivent être liées aux équipes des SAMU après la redéfinition en cours de leurs missions, objectifs, circonstances d’intervention et des moyens mis leur à disposition.

 

2.       La psychiatrie de liaison à l’hôpital général

La psychiatrie de “ liaison ” dans les services somatiques de l’établissement devrait être organisée à partir du ou des secteur(s) desservant le bassin de santé (comme cela est fait à Bondy, Dax, Le Havre, Birmingham, Trieste, au Portugal, etc.).

 

Il y a intérêt à développer cette psychiatrie de liaison, et à ne pas la considérer comme une annexe ou un accessoire de l’équipe de secteur.

 

3.       Les soins aux détenus

Ce point est développé plus loin

 

4.       Les dispositifs de soins aux populations en grande précarité

 

 

5.       Les patients atteints par le VIH.  Le bilan de la mise en œuvre des recommandations données dans le cadre de la circulaire 96-494 du 5 août 1996, pour améliorer la prise en charge des patients atteints par le VIH et la prévention de la transmission du VIH parmi les patients suivis en psychiatrie, montre que ces questions ont été prises en compte. Notamment par la création de Comités Sida au sein des établissements psychiatriques et la mise en place d’équipes mobiles pluri-professionnelles « Psy-VIH », émanant des secteurs, véritables modèles de ce qu’une psychiatrie de liaison serait en droit de proposer face à l’ensemble des pathologies qui associent de graves difficultés somatiques, psychiatriques et sociales.

 

Un programme d’actions à mener concernant les risques liés aux pratiques sexuelles en psychiatrie est donc en cours et propose d’élaborer des recommandations concernant :

ü        l’infection à VIH et les maladies sexuellement transmissibles

ü        la contraception et les interruptions de grossesse

ü        les abus et violences sexuelles.

 

 

 


 



Le Réseau Territorial de Santé Mentale (RTSM)

L’organisation

Le réseau territorial de santé mentale couvrira le même bassin de santé ou territoire pertinent que le service territorial de psychiatrie.

 

L’organisation par territoire pertinent ou bassin de santé devra permettre l’identification des acteurs, des organisations, des administrations et des budgets propres à chaque champ :

§         psychiatrie (public, « libéral », associatif),

§         somatique (public, à but lucratif, associatif),

§         social (municipal, associatif, privé),

§         médico-social (associatif, privé à but lucratif, municipal…).

 

 

Cette identification devra ensuite se concrétiser par la création d’un Groupement d’intérêt Public (GIP) gérant le Réseau Territorial de Santé Mentale proprement dit (voir schémas).

 

Le GIP sera coordonné et animé par un directeur élu par ses membres. Il sera géré par un Conseil d’Administration (ou une Assemblée Générale) - qui pourrait s’intituler Conseil Territorial de Santé Mentale (CTSM) - présidé par un élu, et comprenant des représentants de chaque champ concerné par la santé mentale (cf. ci-dessus) ainsi que des représentants des usagers, des associations de familles.

 

 

Le RTSM sera financé par l’ARH, le Conseil général, les CPAM, les municipalités et toutes les structures et associations adhérentes. Les apports financiers de chaque champ devront être clairs. Le budget du RTSM devra être identifiable, non fongible avec toute autre enveloppe, identifiant clairement la part de chacun des partenaires. Il pourra utiliser des fonds spécifiques pour des actions ciblées.

 

 

La composition

Le RTSM sera composé (en tenant compte des acteurs présents) :

 

§         d’acteurs sanitaires :

ü         le service territorial de psychiatrie

ü         l’hôpital général

ü         les centres médico-psycho-pédagogiques

ü         les cliniques privées

ü         les médecins généralistes

ü         les médecins psychiatres libéraux

ü         les médecins des structures associatives (IME, IMPro…)

ü         les infirmiers libéraux, les psychologues libéraux

ü         les pharmaciens

ü        les médecins du travail, les médecins scolaires,

ü        etc

 

§         d’acteurs sociaux :

ü         les circonscriptions de service social

ü         les centres communaux d’action sociale, les centres sociaux

ü         les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, le SAMU social

ü         les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE)

ü         les clubs de prévention spécialisés

ü         les commissions locales d’insertion (CLI)

ü         les structures d’accès à l’emploi (ANPE, PAIO, missions locales...)

ü         les structures d’aide au logement (HLM, OPAC, CIL…)

ü        etc

 

§         d’acteurs judiciaires :

ü         les services de protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)

ü         les services d’action éducative en milieu ouvert (AEMO)

ü         les services de liberté surveillée, les associations tutélaires

ü         etc

 

§          d’acteurs médico-sociaux :

ü         les Instituts médico-éducatif et professionnels (IME et IMPro)

ü         les foyers à double tarification

ü         les foyers d’hébergement

ü         les lieux de vie

ü         les instituts régionaux de prévention (IRP)

ü        etc

 

§          d’acteurs culturels :

ü         les maisons des jeunes et de la culture

ü         les artistes locaux (théâtre, arts plastiques, musique, danse…)

ü        etc

 

§          de représentants des citoyens :

ü         les municipalités du territoire

ü         les associations d’usagers

ü         les représentants des familles

ü        etc

 

 

Les missions

Le RTSM élaborera un Projet Territorial de Santé mentale (PTSM), pour une durée de 5 ans, qui inclura la déclinaison des politiques sanitaires, médico-sociales et sociales en santé mentale, définies aux niveaux national, régional et départemental.

 

Dans ce PTSM devront être exposés :

§         les objectifs de chaque champ, les moyens nécessaires pour les réaliser,

§         les propositions, les objectifs et les moyens apportés par chacun des partenaires  pour réaliser chaque thème nécessitant des réponses collectives (urgences, adolescents, personnes âgées, accès aux soins des populations marginalisées, soins aux détenus…), et selon les réalités locales,.

§         le contenu des missions et la durée de celles-ci devront être précisés (détermination des priorités, organisation, coordination et décision) ainsi que leurs moyens d’action.

§         les conventions ciblées avec ces membres pour la réalisation de certains objectifs.

 

 

Le RTSM aura pour missions l’organisation :

§         de l’accès aux soins de santé mentale,

§         de la recherche en santé mentale,

§         de la prévention,

§         de la lutte contre la stigmatisation,

§         de la lutte contre l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux et

§         de toutes les actions d’insertion.

 

Le RTSM gèrera les liens entre le service territorial de psychiatrie et les services partenaires (mise à disposition de personnels et de locaux) et, par exemple :

 

§         Il organisera des actions de formation conjointe avec et pour des professionnels des champs sanitaire, social et éducatif, et pour les usagers.

§         Il passera toutes conventions utiles avec des sociétés de logement social et/ou foyers pour le logement des personnes souffrant de troubles mentaux qui le nécessitent

§         Il passera toutes conventions utiles pour les activités de socialisation (sport, culture et art)

§         Il organisera des programmes d’information et de prévention pour les utilisateurs des services territoriaux de psychiatrie et leurs familles.

§         Il mettra en place des actions de prévention (suicide, alcool, toxicomanie, dépression…)

§         Il participera aux actions élaborées par les PRAPS : préserver ou renforcer le lien parents-enfants ; soutenir les parents isolés ou en difficultés dans le cadre « d’écoles des parents » ; organiser la prévention de la maltraitance par la préparation à la parentalité, la limitation de la souffrance psychique en améliorant le repérage et la réaction adaptée par les acteurs etc.

§         Il mettra en place des programmes de lutte contre les préjugés.

 

 

La coordination

Avec le niveau départemental, qui est actuellement le niveau de coordination et de planification effectif du champ sanitaire et du champ social, devront être déterminés les axes de ces partenariats (sous la forme de plan-cadre) et précisés les principes de fonctionnement de ces collaborations. Il est possible de s’inspirer des « groupes de coordination départementaux » (circulaire n°2001/52 du 10/01/01 signée par 9 Ministres et Secrétaires d’Etat) prévus pour la protection de l’enfance.

 

Avec le niveau régional.

L’idéal serait que la décentralisation permette ce niveau d’impulsion, de coordination, de financement et de contrôle et où la représentation démocratique serait dominante.

 

Avec le secteur privé conventionné

L’hospitalisation psychiatrique « libérale », où elle est implantée devra être sollicitée pour établir des passerelles facilitant, pour les malades comme pour les professionnels, l’accès dans les deux sens aux diverses activités et structures thérapeutiques, en établissant des complémentarités. Ces échanges, qui existent dans certains secteurs, devront donner lieu à conventionnement.

 

Des missions de service public peuvent être confiées à ces établissements privés, suivant un strict cahier des charges. Il n’est pas compréhensible que les durées de séjour y restent plus longues que dans le public et que le nombre de lits n’ait pas autant baissé. Des contrôles ne seraient-ils pas nécessaires ? 

Dans les régions où les manques sont notables, la transformation des lits excédentaires en structures alternatives à l’hospitalisation devrait être possible sous convention et intégration dans les politiques des territoires pertinents ou bassins de santé.

 

Il sera très important de partager des missions intégrées au service public en évitant de créer deux filières distinctes tout à fait préjudiciables pour les usagers ; mais aussi que la réglementation les autorise, sous conditions, à disposer d’outils relais (hôpital de jour, CATTP...).

Les soignants du système « libéral » seront sollicités pour participer aux activités du Centre d’Accueil Intersectoriel. Cette coopération est fortement souhaitée par eux. Nous l’envisageons favorablement.

Avec les structures de soins associatives ayant ou non des missions de service public.

Ces structures sont la plupart du temps financées par des fonds publics (dans des proportions souvent importantes par rapport à l’ensemble du budget de la santé mentale) et répondent à des règles de gestion  et d’évaluation comptable comparables. Mais la cohérence de leur travail, leur transparence dans l’ensemble de l’offre de soins, leur complémentarité avec les actions du service public de santé mentale, la décision d’ouverture ou de fermeture de l’une ou l’autre de ces structures doivent donner  lieu à débat ouvert au niveau des bassins de santé ou territoires pertinents.



 


 


Accompagner la mutation par des mesures adaptées

       1.  Répartir les personnels entre l’hospitalisation temps plein d’une part, les soins ambulatoires et d’insertion d’autre part, selon une proportion de 40/60.

Cette nouvelle répartition amènera un développement considérable des soins dans la communauté.

2.   Prévoir un moratoire sur les projets d’investissements lourds sur les sites des anciens CHS

 

Un moratoire sur les projets d’investissements lourds sur les sites des anciens CHS est indispensable dans cette nouvelle politique d’implantation des structures de soins.

 

Les investissement dans la restauration des locaux sur l’historique lieu asilaire ont le mérite de rendre propre ces locaux mais renforce le système concentrationnaire. Cette politique se fait au dépend des structures et activités thérapeutiques dans la communauté, dotées de moyens insuffisants par contre coup. Toutefois, il faut faire la différence entre les investissements concernant l’entretien nécessaire de locaux qui se dégradent et les investissements lourds pour rénovations importantes concernant des locaux destinés à des usagers pouvant être “ relogés ” dans des petites structures localisées dans la communauté.  Dans ce derniers cas il paraît opportun de revoir les objectifs de ces investissements et de les attribuer à des projets dans la communauté pour les personnes qui sont actuellement dans les bâtiments intra-hospitaliers.

 

Les réinvestissements des sommes dégagées se feront directement dans les alternatives (“ l’humanisation par retour dans la communauté ”), dans les hospitalisations sur le secteur, dans le social. Cette domiciliation dans la communauté n’évoluera pas vers une ségrégation en psychiatrie aiguë et une psychiatrie chronique à la condition que tous les soignants (dans une programmation par territoire) prennent en charge les soins de ces personnes dans leurs nouveaux lieux de vie.

 

3.  Implanter toutes les structures de soins gérées par le STP, dans la zone géographique desservie par chaque secteur

(Comme cela est décrit plus haut)

Cette planification est intimement liée à la protection des ressources dégagées par la fermeture des lits de psychiatrie (tels qu’actuellement). Tous les pays qui se sont engagés dans cette voie l’ont fait en réorganisant les hôpitaux et en transférant les moyens dans la communauté. Il faut que les budgets suivent les usagers et soient utilisés à développer  le potentiel de l’offre sanitaire, avec obligation en ce cas de dégager clairement de nouvelles ressources affectées à des politiques ou des programmes annuels. Ces options conditionnent la faisabilité de toute politique.

4.   Prévoir impérativement un moratoire sur les projets de remplacement des services de psychiatrie par des structures médico-sociales et sociales sur site.

 

Nous sommes absolument opposés au remplacement des anciens “ ghettos psychiatriques ” par les “ nouveaux ghettos sociaux ” (créés par concentration des Maisons d’accueil spécialisés à grande capacité, Foyers à double tarification, foyers d’hébergement, longs séjours, maisons de retraite spécialisées pour telle ou telle population…) sur les sites des anciens asiles.

 

Si, pour de nombreuses raisons, le social et le médico-social n’ont pas jusqu’à maintenant ouvert leurs portes aussi largement aux usagers de la santé mentale qu’aux autres personnes présentant un handicap, cette situation doit impérativement changer. De plus des structures communautaires expérimentales doivent être mises en place pour ces personnes. Ceci éviterait l’effet lourdeur institutionnelle. Les maisons communautaires doivent être ouvertes dans les quartiers et les villes en liaison entre le social, le sanitaire et le psychiatrique (par exemple, maison A. Breton à Faches-Thumesnil). La continuité des soins devra y être assurée comme actuellement cela se fait dans de nombreux appartements ou maisons thérapeutiques. Il faut absolument donner un statut à ce type de lieu de vie municipal articulant à la fois sanitaire et social.

 

 

5    Prévoir, après une période de transition, l’arrêt des admissions dans les sites des hôpitaux spécialisés

Faut-il rappeler qu’il y a bientôt 20 ans le rapport de notre collègue Demay préconisait le “ dépérissement ” des asiles ? Et que Franco Basaglia, à Trieste, pensait l’arrêt des admissions à l’asile comme une étape vers son “ dépassement ”).

Toutefois, cet arrêt programmé des admissions ne peut être décidé, bien entendu, qu’après une (brève) période de transition permettant la mise en place des petites structures d’hospitalisation sur les secteurs.

 

Cette phase pourrait être suivie d’une période suffisante pendant laquelle les patients, toujours hospitalisés dans les anciennes structures, bénéficieraient, à partir de projets de soins individualisés, du temps nécessaire à la mise en œuvre de ces projets dans l’indispensable partenariat avec les secteurs sociaux et médico-sociaux.

 

Cette évolution étalée dans le temps doit éviter tout externement arbitraire et laisser le temps aux personnes et aux personnels soignants de trouver les solutions les plus adaptées et de les mettre en oeuvre. Il ne peut s’agir d’une sorte de psychiatrie à deux vitesses mais de la prise en compte de l’histoire personnelle et institutionnelle de ces personnes et de leur apporter les réponses appropriées.

 

Au total il s’agit d’offrir des prestations de qualité supérieure au service remplacé, et non de reproduire la “ ghettoïsation de l’hôpital psychiatrique ” dans la cité (par exemple en créant des unités d’hospitalisation de taille trop importante).

 

 

Réformer les modalités de l’obligation de soins psychiatriques

1.   Instaurer une loi déspécifiée pour l'obligation de soins psychiatriques

 

Le projet de loi de modernisation du système de santé propose quelques aménagements de la loi du 27 juin 1990 :

§         limitation des HO aux cas d’atteinte "grave" à l’ordre public et à un état nécessitant des soins ;

§         légalisation des sorties accompagnées de courte durée (inférieures à 12 heures) ;

§         renforcement de la composition de la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques (un médecin généraliste et un usager) ;

§         encadrement des ordonnances de placement des mineurs en établissement psychiatrique après avis médical pour 15 jours renouvelables sous conditions précises.

 

Nous pensons qu’il faut aller plus loin qu’un toilettage de la loi et envisager l’abrogation de la Loi de 1990 sur les soins sous contrainte. L’hospitalisation d’office et l’hospitalisation à la demande d’un tiers seraient supprimées. Une période d’observation et de soin de 72 heures serait instaurée, afin d’évaluer la nécessité de soins.

Il ne s’agit pas là de confondre traitement obligatoire[34], et obligation de soin, de même nous pensons que ces soins ne doivent pas être réduits à une simple réponse hospitalière.

L’obligation de soigner s’applique d’abord aux médecins, aux équipes de soin, à l’Etat, dans le cadre du droit constitutionnel à la santé, dans la dialectique entre la santé pour tous et le meilleur état de santé pour chacun.

L'obligation de se soigner s’adresse à une personne, sujet et citoyen, dans sa parole et dans son vouloir. L'obligation de se soigner est un moment dans les méandres de cette personne, qui laisse pleine place à sa subjectivité, à son histoire, aux droits et devoirs, à la négociation (sur les lieux, les modalités, les engagements et obligations, ...). L'obligation de se soigner est un parcours et une expérience partagés.

L’intervention thérapeutique auprès d’une personne hors d’état de donner son consentement est d’abord nécessaire. Elle n’est obligatoire qu’en référence à l’ “assistance à personne en danger ”. Elle est éthiquement nécessaire et légalement obligatoire. Certains estiment que l’ “ événement social ” que représente une obligation de soins nécessite une certaine “ symbolisation ” ou un “ témoignage ”, que la judiciarisation pourrait, au moins en partie, faire.

 

 

Dans cette optique nous nous replaçons également dans le droit commun (cela peut concerner toutes sortes de personnes dans des circonstances diverses et pas seulement les malades mentaux). Il n’y pas alors de réglementation ou de loi spécifique à mettre en place.

Une loi déspécifiée pour l’obligation de soin s’impose. Le niveau d’acceptation des soins devrait être apprécié par le médecin au regard de son obligation de soigner et confirmée ou non par le juge, au regard de l’application des lois et donc des droits des citoyens.

La distinction entre danger pour soi et autrui permettrait  de ne plus confondre l'obligation de soin et l’ordre public. Cette modification de la loi  s’inscrit dans une évolution qui paraît inéluctable et qui aurait l’avantage de resituer le système français dans le droit européen.

Nous souhaitons une vraie loi sanitaire laissant l’initiative aux médecins, dans le cadre des pouvoirs décentralisés, sous la garantie effective et de proximité, de la Justice.  En effet, le juge est le seul garant du respect des libertés individuelles et du respect des procédures de l’obligation de soin qui s’apparente tout de même à une perte de liberté constitutionnellement du ressort du pouvoir judiciaire (juge au civil pour la protection des majeurs et des mineurs).

Cette loi devrait cependant veiller à son champ d’application et éviter sa généralisation à des domaines jusque-là préservés, à tout ce qui peut être jugé “ comportement malade ” (un malade atteint du sida qui refuse de se soigner, ou un malade qui refuse les transfusions sanguines par conviction religieuse ou, pourquoi pas, un patient psychiatrique qui refuse un traitement comportementaliste, psychothérapique ou médicamenteux). Elle doit donner lieu à un balisage sévère dans le conflit pouvant exister entre obligation de soin et libertés individuelles.

Nous reprenons, ci-dessous, et faisons notre le cadre de présentation et une partie des propositions présentées par le bureau de la santé mentale de la DGS lors de nos réunions de travail :

 

 

2               Mettre en place une nouvelle organisation de l’obligation de soin

Cette loi déspécifiée s’appliquerait à toute personne dont les troubles nécessitent des soins immédiats et constituent un danger sanitaire pour elle-même et/ou pour autrui et qui refuse ou est empêchée de consentir à ces soins.

 

Le circuit de pris en charge serait alors le suivant :

La personne est transférée aux urgences de l’hôpital général le plus proche.

 

La question du transport des personnes jusqu’à l’hôpital doit être envisagée. Il devrait être de la responsabilité de l’établissement hospitalier, siège des urgences, d’organiser, de coordonner avec les différents services concernés (police, pompiers, Samu, ambulances privées) le transport des personnes de l’origine de l’appel jusqu’au service des urgences. Un certificat détaillé et motivé d’un médecin demandant le transport obligatoire, permet de ce fait l’intervention des services de police si nécessaire, jusqu’aux urgences, est remis au directeur de l'établissement Le certificat est adressé au Préfet et au Maire si l'intervention des forces de l'ordre est nécessaire.

 

Le Centre d’Accueil Intersectoriel (CAI) situé à proximité immédiate du service des urgences de l’hôpital général et la présence dans ce centre, 24h/24, de membres des équipes des secteurs du bassin de santé permet d’y accueillir toute personne transférée.

 

Une période d’observation et de soins de 72 heures (3 jours) maximum commence alors. Cette période permet, en situation de crise, d’instaurer un temps de recul comme règle générale, et non comme exception, pour les  soignants comme pour le patient, avant de prendre une décision d'obligation de soins ou non.  Attendre un peu et voir, ne pas se précipiter, prendre ensemble le temps d’évaluer tout en commençant les divers formes de traitement (psychothérapie, chimiothérapie…). Il ne s'agit en rien d'une "garde à vue" psychiatrique mais bien de permettre la mise en acte de soins véritablement adaptés à une personne dans une situation donnée. Nous ne sommes donc pas sur la ligne de la loi anglaise de 1983.

 

Doit être évoquée l’action d’une “  personne de confiance ”, des associations agréées d’usagers, d’un adjoint au médiateur de la République chargé des affaires de santé mentale et, peut-être aussi (à la suite des lois anglaise et écossaise), de la création d’une commission indépendante de suivi de la loi. Les CDHP (dont les compétences résultent notamment de l’article L 332-3 du CSP) ne sont qu’un ersatz de commission indépendante, aux pouvoirs d’investigation, de contrôle et de décision modestes et dont la fréquence des interventions (environ 2 fois par an) montre les limites.

 

 

Il est évident que dans un tel  système il n’y a plus de place ni de justification pour l’Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police à Paris.

Structure policière, donc chargée du maintien de l’ordre, où travaillent des psychiatres et dont il est difficile de trouver la justification de son exception dans le paysage national, autrement que par son lien organique avec cette même exception qu’est l’existence d’une préfecture de police à Paris.

 

La décision d’admission est prise au service des urgences de l’hôpital général par le directeur de l’EPS, au vu d’un  premier certificat médical établi par un médecin non psychiatre appartenant ou pas à l’EPS et d’un deuxième certificat médical établi immédiatement par un médecin spécialiste appartenant à l’EPS. Dans les 24h la décision est transmise au juge et, si nécessaire, au maire et au préfet.

A l’issue de cette période d’observation et de soin d’au maximum 72 heures, un troisième certificat médical pose l’indication future :

§         sortie (pas de traitement),

§         traitement libre (hospitalisation ou soins ambulatoires au choix de la personne)

§         obligation de soin si l’état de santé de la personne nécessite des soins ou si elle ne peut donner son consentement.

 

Au fil de cette procédure, toute personne ayant intérêt peut faire recours auprès du juge, éventuellement assistée d’un avocat.

En cas d’obligation de soin, à l’issue des 72 heures, le troisième certificat médical circonstancié pose l’indication de l'obligation de soin, avec les avis souhaitables de la personne, de l’entourage ou d’un travailleur social. La décision est transmise au juge qui statue dans les 24heures et au préfet et au maire si nécessaire. Pendant ces 24 heures, la personne est maintenue en hospitalisation.

Les obligations de soin peuvent prendre deux modalités :

§         Soins ambulatoires : si l’état de la santé de santé de la personne nécessite des soins susceptibles d’être apportés en ambulatoire, la personne choisit avec le médecin les modalités qui seront animées par d’autres soignants. La mesure est révisée périodiquement et éventuellement renouvelée après un mois.

§         Soins en hospitalisation : si l’état de santé de la personne nécessite un traitement et une surveillance permanente et continue. La mesure est révisée périodiquement et éventuellement renouvelée au bout de 7 jours.

Ces deux modalités de l'obligation de soin peuvent alterner. Ainsi, une personne étant en obligation en hospitalisation et qui voit son état de santé s’améliorer peut passer en ambulatoire ou voir une levée de l’obligation de soins assortie d’un traitement libre ou sans traitement. De même, une personne étant en obligation de soins en ambulatoire et dont l’état de santé s’aggrave, peut nécessiter des soins en hospitalisation. A contrario, son état de santé s’améliorant, cette personne verra la levée de l’obligation et la poursuite ou non d’un traitement libre. Toutes ces mesures sont décidées par le juge civil. Le maire et le préfet sont informés si nécessaire.

Le schéma suivant résume l’ensemble du circuit.

Pour les patients difficiles aux urgences, à domicile, hospitalisés dans les secteurs, hospitalisés en structures publiques ou privées non sectorisées, faut-il encourager le développement des structures intersectorielles fermées comme elles auraient commencé à se mettre en place dans quelques hôpitaux (mais aucune évaluation n’est à ce jour disponible) ? Nous n’y sommes pas favorables car une autre approche de ces patients, dans ces moments-là, comme nous en avons vu des exemples notamment en France, à Birmingham, en Italie et à Merzig en Allemagne, semblerait plus productive.

 

Un certain nombre de secteurs en France propose une hospitalisation sans service fermé. Ces secteurs paraissent avoir privilégié le renforcement en personnels soignants autour des patients plutôt que le renforcement des murs et des clés. Ils affirment qu’il ne faut pas confondre obligation de soins et enfermement. Dans ces services, on considère généralement les personnes sous contrainte comme en obligation de soin . Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de contrat de soins. Au contraire, quand les portes sont ouvertes, le personnel doit être beaucoup plus présent. Cela nécessite bien entendu “ des hommes à la place de murs ”[35]..


 

 


 



Proposer une organisation des soins aux personnes sous main de justice qui articule logique de soins et logique pénale

 

1.   Réorganiser les soins ambulatoires dans les établissements pénitentiaires.

Dans ces établissements l’offre de soin en santé mentale devrait être mieux intégrée à ceux existant ou prévus pour le système MCO. Pourquoi faudrait-il absolument que les lieux de consultations soient séparés, dans des locaux différents, (nous avons connaissance d’équipes d’UCSA et de SMPR qui n’ont commencé à collaborer qu’après 6 années de présence dans le même établissement pénitentiaire !) confortant ainsi la stigmatisation (par une levée de fait du secret professionnel) qui s’attache aux personnes psychiquement souffrantes en fléchant les différents lieux de soin ?

Il serait intéressant également, au vu de l’objectif officiel, actuellement de plus en plus réaliste, qui veut qu’un détenu soit seul dans sa cellule, d’expérimenter des formules de type “  visite à domicile ”  considérant la cellule comme le domicile pendant la détention. C’est peut-être d’ailleurs, pour le problème dramatique de la prévention des suicides, la forme de soins rapprochés et attentifs qui aurait le plus d’efficacité.

Nous reprenons, et faisons nôtre, l’affirmation suivante : “ Dans les prisons il ne devrait y avoir que des soins ambulatoires. (…) La création des SMPR a été une étape essentielle dans l’accès aux soins psychiatriques dans les établissements pénitentiaires[36] ”. Une grande diversité de techniques de soins individuels ou de groupe devrait être possible en prison sans aménagements très particuliers ni très onéreux.

Ceci sous-entend que les procédures de déplacement à l’intérieur des établissements soient révisées et que l’organisation des équipes de psychiatrie permette la mobilité interne des équipes. Nous pensons que, pour les détenus, la double peine serait qu’ils ne puissent bénéficier des soins nécessités par leur état de santé.

Pour les soins aux personnes toxicomanes détenues, il est indispensable de favoriser les liens entre les intervenants internes à la prison et les intervenants travaillant à l’extérieur. Ceci aurait l’avantage de permettre l’indispensable continuité des soins en la matière.

 

2.   Réformer les modalités d’organisation de l’hospitalisation des personnes placées sous main de justice nécessitant des soins psychiatriques : les UHSI-Psy.

 

L’évolution des missions et des pratiques des équipes de secteur rend impossible la double mission  de garde et de soins en structures ouvertes. D’autant moins que, dans le même temps, les équipes de soins somatiques envisagent la création de services d’hospitalisation en Hôpital Général, où la garde sera confiée aux agents de l’Administration Pénitentiaire ou de la Police : les UHSI (Unité d’Hospitalisation Sécurisées Interrégionale). Les SMPR ne pouvant pas non plus assurer, dans le cadre des établissements pénitentiaires, des soins en hospitalisation complète, une autre organisation s’impose.

 

Le principe d’intégrer les projets somatiques d’UHSI semblerait le plus éthique, le plus simple et le plus efficace, sur le plan thérapeutique, à adopter.

 

Les services de psychiatrie implantés, dans certains cas, à côté de ces services somatiques, devraient bénéficier de la même organisation de garde “ périmètrique ” par les agents de l’Administration Pénitentiaire ou de la Police, et être placés, pour les soins, sous la responsabilité d’un psychiatre. De plus, sans compter que cette implantation confirmerait encore la volonté de mettre fin à la fracture psychiatrie /somatique, la proximité d’un plateau technique régi par la même organisation sécuritaire simplifierait le travail de tous.

 

Le nombre de ces UHSI-Psy, d’une capacité de 15 à 20 lits, dépend d’une évaluation précise des besoins qui reste à faire. Il semble cependant que le nombre de ces unités d’hospitalisation sera supérieur aux 8 prévus pour le MCO et qu’un par région, ou un par actuel SMPR, serait plus proche des besoins que font remonter les professionnels.

 

On sait qu’en 2000 les hospitalisations d’office, en application de l’article D-398,  ont été d’environ 1000 en France métropolitaine. Bien entendu, ces unités d’hospitalisation, situées en dehors des établissements pour peine puisque implantés dans des hôpitaux généraux, seraient en capacité de fournir également les soins obligatoires en hospitalisation. N’y seraient donc admis que des personnes détenues, pour des soins acceptés ou obligatoires, de courte ou de plus longue durée (comme dans les structures d'hospitalisation des secteurs dans la communauté).

 

 

Certains, dont nous ne sommes résolument pas, avancent d’autres solutions.

 

L’une consisterait à regrouper, dans des “ établissements sous double tutelle ”, des prisons-hôpital en quelque sorte, les malades mentaux détenus. Outre que cela serait à notre sens contraire aux droits de l’homme, par son côté arbitraire et ségrégatif, cette proposition d’exclusion des fous serait la marque d’une régression sociale que nous condamnons et entraînerait obligatoirement le milieu carcéral à fonctionner, comme avant la révolution française, sur le modèle des lettres de cachet.

 

L’autre consisterait en la création d’une structure spécifique d’hospitalisation liée au SMPR, dans l’enceinte de quelques établissements pénitentiaires, dont l’accès, la sécurité extérieure et intérieure seraient sous la responsabilité des personnels de l’Administration Pénitentiaire. Par exemple la CGT, qui reconnaît la nécessité de la création des UHSI-Psy, les localiserait dans les établissements pénitentiaires. L’immense majorité des psychiatres qui travaillent en milieu pénitentiaire, et nous sommes en parfait accord avec eux sur ce point, pensent que, pour une personne détenue, s’il y a indication d’hospitalisation en psychiatrie cette hospitalisation doit se faire ailleurs que dans le milieu pénitentiaire.

 

 

La prison de Château-Thierry, où sont regroupés des détenus malades mentaux dans la partie maison centrale, surprend lorsqu’on la visite.

Elle a une réputation péjorative que ne méritent ni les personnes détenues, ni les personnels de l’Administration Pénitentiaire (qui a fait des efforts sur leurs effectifs), ni les personnels soignants.

Effectivement ce petit établissement a le mérite de démontrer, avec modestie et discrétion, qu’une attention respectueuse envers les détenus et une collaboration étroite entre les soignants et les personnels de surveillance permet d’apaiser les conflits et de soigner les malades avec efficacité.

Si l’on ose dire : il n’en faut pas plus !

 

A la question posée par des personnes détenues que leur état de santé psychique rend durablement porteuses de troubles violents du comportement et dont les soins ne peuvent être envisagés que dans le temps de la chronicité même de la pathologie, doit être donnée réponse, le temps de leur détention, avec les outils que seront les UHSI-Psy associés aux soins ambulatoires en milieu pénitentiaire. Mais combien sont-elles ces personnes ? Où sont-elles actuellement? Sont-elles regroupées ou bien sont-elles avec des détenus particulièrement dangereux non malades mentaux? Ces données ne sont pas disponibles, nous l’avons déjà souligné.

 

De même qu’il ne devrait y avoir, dans les prisons, que des soins ambulatoires, il ne saurait y avoir des personnes détenues dans les unités de soins en milieu ordinaire.

 

Si des soins d’hospitalisation sont nécessaires ils doivent être effectués :

 

§         soit dans les UHSI-Psy comme proposé plus haut et il devient alors nécessaire d’adapter en ce sens l’art. D 398 du Code de Procédure Pénale ainsi que le Guide de Planification en santé mentale,

 

§         soit dans les unités soignantes des secteurs, en ambulatoire ou non, à la condition que les personnes bénéficient d’un régime de liberté surveillée ou conditionnelle ou autre. L’augmentation des condamnations avec sursis et des mises sous liberté conditionnelle ou surveillée (contrairement à l’alourdissement constaté actuellement des condamnations) permettrait à un grand nombre de personnes présentant des troubles mentaux de bénéficier de soins dans le système sanitaire ordinaire.

 

Nous recommandons ces aménagements et dispenses de peine, sous la seule responsabilité et le suivi du juge d’application des peines, ce qui impose de préciser, là aussi, les articulations entre logique pénale et logique sanitaire et la place des soignants dans les procédures de décision.

 

Dans le cas de ces personnes sous main de justice en milieu ouvert une réflexion approfondie devra avoir lieu sur les injonctions et obligations de soins judiciaires (qui sont en augmentation en France) et leur articulation souvent malaisée avec le dispositif sanitaire.

 

Là encore devrait être modifié, sinon abrogé, "l'article D 398 du CPP qui transforme obligatoirement l'établissement de soins en établissement d'enfermement... Il présuppose en outre que le soin psychiatrique se fera nécessairement en pavillon fermé, ce qui n'est plus obligatoire depuis la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 du CSP qui fait disparaître toute référence à l'enfermement qui était juridiquement la règle sous l'empire de l'ancien texte du 30 juin 1838."[37].

 

3.   Favoriser la réinsertion des personnes détenues nécessitant des soins spécialisés de longue durée

 

La mission de réinsertion associée à la détention d’une personne nécessitant des soins spécialisés de longue durée doit être élaborée en collaboration étroite entre les personnels de l’Administration Pénitentiaire et ceux de la Santé afin d’intégrer les dynamiques et les mouvements mis en jeu dans chaque champ par cette personne.

Il y a bien entendu à se réinsérer du fait de l’éloignement social dû à l’incarcération, mais également à se “ réinsérer ” personnellement par rapport au fait qui a entraîné la condamnation. La question alors soulevée est celle du mode de participation des psychiatres travaillant en milieu pénitentiaire dans les procédures de justice concernant les conditions d'exécution des peines.

 

4.   Elaborer les soins dans les établissements pénitentiaires et dans les UHSI-Psy de manière intersectorielle, par bassin de santé.

 

L’organisation des soins dans les établissements pénitentiaires et dans les UHSI-Psy doit être élaborée de manière intersectorielle par bassin de santé ou territoire pertinent et par la région. Cela doit donner lieu à l’élaboration collective d’un projet, et des moyens pour le réaliser, pour une durée de 5 ans, partie obligatoire des projets des services territoriaux de psychiatrie (PSTP).

Les équipes des SMPR, qui auront un service d’hospitalisation à l’hôpital général, auront également la charge, comme toutes les équipes de psychiatrie générale, d’une activité “ extra-hospitalière ” dans leur établissement pénitentiaire d’implantation.

Etant donné l'état actuel des effectifs soignants consacrés aux soins aux personnes sous main de justice, il ne peut être imaginé que ceux-ci suffiront et que de simples redéploiements seront nécessaires. Les équipes des SMPR, qui sont pour la plupart, mais pas toutes, normalement pourvues en psychiatres ne le sont pas du tout en ce qui concerne les autres catégories de personnels et entre autres les infirmiers. Ceci sera d'autant plus manifeste si ces équipes sont en charge des structures d'hospitalisation véritables que seront les UHSI-Psy. Pour les autres établissements pénitentiaires il faudra évaluer et proposer les réponses avec les moyens correspondants.

Cette organisation, réfléchie par l’ensemble des équipes d’une zone donnée dans le cadre des PSTP, devrait rompre l’isolement dans lequel sont trop fréquemment les équipes des actuels SMPR.

Dans le schéma proposé ci-dessus, il s’agit donc de tenir compte de cette réalité et de donner les moyens aux groupements de secteurs dans les STP, actuellement dépourvus d’équipe suffisante, pour leur permettre de réaliser des projets intersectoriels collectivement établis. La désignation, par secteur, d'une personne référente pour la question des soins aux personnes sous main de justice devrait être généralisée. Dans le cas où existe, sur le territoire d’un STP, une équipe de SMPR, l’appropriation du projet de soin aux personnes détenues par toutes les équipes du STP posera la question de la répartition du travail des personnels du SMPR.

 

5.   Régler le problème de l’expertise psychiatrique pour les personnes détenues

Reste posé le problème de l’expertise dont la pertinence, les avis souvent contradictoires et l’utilisation majoritaire pour des personnes détenues ayant commis les infractions les plus graves, posent des questions de fond, questionnent sur la spécificité de cette clinique et imposeraient un débat professionnel national (article 122-1 du CP).

Tous les médecins de service public ou privés en exercice devraient-ils, tour à tour, être appelés pour les expertises ? C’est en tous cas la question que l’on peut se poser depuis la Loi de 1998 sur le suivi « socio-judiciaire » des délinquants sexuels qui a, en quelque sorte, « banalisé » une partie de la psychiatrie légale et en a confié la responsabilité et la pratique à tous les psychiatres que rien n’a préparé à cela.

 

On peut constater une dérive inquiétante des rôles respectifs des experts et des juges : les experts sont un peu en position de juge alors que les juges sont en position de prescrire des soins !

 

 

En conclusion, on perçoit bien qu’à terme, si nos propositions sont suivies d’effets, la situation serait beaucoup plus saine et respectueuse des missions de chacun, puisque les condamnations ne seraient pas alourdies par crainte d’absence de soins pour les personnes malades mentales détenues qui, selon la pathologie, recevraient des soins adaptés :

§         en soins consentis ou en obligation de soins dans les secteurs en milieu ordinaire, permis par des mesures adaptées de libertés conditionnelles ou autres,

§         en soins ambulatoires ou en visites à domicile dans la prison,

§         en hospitalisation, avec ou sans obligation de soins, dans les UHSI-Psy installés dans certains hôpitaux généraux.

 

Cette organisation modifiée de l’offre de soin aux personnes sous main de justice manifesterait également la prise de conscience par les politiques de l’importance du problème, les évolutions internes aux établissements pénitentiaires et l’effort porté sur les formations.


Les Professionnels

Le déploiement de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale se fera avec les professionnels

 

Le constat

« Malaise en psychiatrie ! Malaise chez les psychiatres[38] » !

« La crise de la psychiatrie, c’est avant tout la crise des psychiatres ![39] »

« Quelle psychopathologie faut-il pour intégrer la nouvelle donne pharmacologique ? [40]» et nous ajoutons : la nouvelle donne sociale et psychothérapique?

 

Les principes d’organisation et les formations des professionnels ne correspondent plus aux évolutions sociales, ils sont vieillissants et sclérosés. Les formations initiales et/ou continues n’ont pas supprimé l’isolement des métiers de la santé mentale. La réalité médicale, psychologique et sociale de l’homme, l’évolution des concepts, des techniques, de l’expression des besoins posent avant tout le problème d’une redéfinition des formations, des métiers et des statuts puisqu’il paraît manifeste que les compétences des uns et des autres sont utilisées de manière inadéquate. « Le sujet est-il toujours l’objet de la psychiatrie ? » s’interroge à longueur d’ateliers un récent congrès de psychiatrie !

 

L’enfermement intégral dans le soin entraîne globalement une ignorance des dispositifs adjacents qui apparaissent trop souvent étrangers, exclus et rejetés comme autres dans ce travail et dans la dignité de ce qui est produit. Ce décloisonnement est aussi une obligation future de la santé mentale. On se heurte surtout à la timidité ou aux limites des professeurs français en ce qui concerne la dimension sociale. Mais un enseignement calqué sur la sociologie serait également incomplet.

 

Comment ne pas constater que la pensée psychiatrique française est ici en plein recul ? Comment ne pas constater que l’on ne veut plus, que l’on ne sait plus tendre la main aux professionnels des pays francophones (au moins) ? Comment ne pas constater que, sous prétexte que l’on a tant à faire aujourd’hui en France, on se replie dans un hexagonisme frileux, dans l’ignorance des évolutions de nos voisins européens dans ce domaine ? La conséquence est nette, l’enrichissement réciproque dû aux échanges et aux voyages professionnels se tarit.

 

Le manque de « pensée psychiatrique » en France, à commencer par le niveau universitaire, comme tout vide, aspire ce qui vient d’ailleurs. Cet ailleurs c’est l’Amérique du Nord (USA et Canada), ailleurs marqué par le business et l’argent, Amérique qu’on prend comme modèle alors que l’OMS a remis à sa place et les USA et le Canada. Ce sont toujours les mêmes qui se replient frileusement, les autres -et dans le monde entier c’est la même chose- se laissent activement corrompre.

1.   Des formations inadaptées aux évolutions sociales et aux pratiques

« Il s’est constitué au fil des années un large domaine théorico-pratique diversifié, où coexistent et se superposent, partiellement ou largement, les différents métiers de la santé mentale [41]». Aucun des acteurs actuellement sur le terrain n’est complètement formé, dans les cursus officiels, pour répondre à la réalité rappelée ci-dessus, ni les médecins, ni les psychologues, ni les travailleurs sociaux, ni les infirmiers…

Les maladies et souffrances psychiques font globalement appel à divers types de réponses sanitaires qui peuvent bien entendu se cumuler :

 

§         des réponses techniques dans le cadre d’une relation individuelle avec la personne souffrante. Ces techniques sont de différents niveaux et l’on peut grossièrement les diviser en trois grandes catégories :

1-       réponses utilisant les moyens pharmacologiques ou autres techniques issues des recherches neuro-biologiques ou génétiques, dont la prescription est de la compétence exclusive des médecins ;

2-       réponses utilisant les diverses techniques psychothérapiques (d’inspiration psychanalytique ou non) ;

3-       réponses associant les deux premières, également de la compétence exclusive des médecins ;

 

§         des réponses dans le cadre du travail en groupe, réponses faisant référence à diverses théories et modalités techniques en fonction des problèmes à traiter (thérapies familiales, psychodrames, post-traumatismes, comportementalisme…) ;

§         des réponses en direction et avec des intervenants partenaires dans les réseaux (sanitaires, médico-sociaux et sociaux) par des techniques de supervision, de groupes Balint, de formation, de réflexions institutionnelles…et des réponses plus globales par la participation des acteurs de la santé mentale aux instances de réflexion, de décision, d’organisation, de suivi et d’évaluation d’actions de dimension plus large de Santé Publique.

 

 

Actuellement tous les professionnels sont de plus en plus formés, dans les formations initiales comme dans les continues, à une pratique éloignée de celle qu'ils vivent régulièrement sur le terrain.

Parfois les formations restent cloisonnées et trop spécialisées, reprenant en miroir les cloisonnements statutaires ainsi que les cloisonnements institutionnels.

 

1.1  Les psychiatres

Les psychiatres sont, à l’heure actuelle, formés de manière inégale et sans doute incomplète .

 

En pratique publique, un problème majeur saute aux yeux : l’absence de formation à l’animation et la gestion d’équipe pluridisciplinaire. Où le psychiatre a-t-il appris à animer une équipe ? Nulle part ! La psychiatrie publique souffre, sur ce point, d’une double médiocrité :

 

§        l’absence de formation des psychiatres et donc leur insuffisance dans ce domaine, la notion de soins indirects est négligée, si ce n’est écartée, par les responsables.

§        la même chose en ce qui concerne l’encadrement infirmier du fait des inégalités criantes dans les écoles de cadre,

§        le télescopage catastrophique de ces deux pouvoirs sans connaissance ni volonté de dynamique institutionnelle sur le dos des utilisateurs et des personnels « non-chefs ».

 

Mais d’autres manques existent dans la formation initiale : des notions de base de santé publique, des bases solides dans les trois dimensions biologique, psychologique et sociale, l’une n’étant pas privilégiée par rapport aux autres.

 

1.2  Les psychologues cliniciens

Ils devraient être, par leur formation de base, compétents pour appliquer les techniques psychothérapiques. Toutefois, les stages compris dans leur formation de base sont très inégalement organisés, laissant trop souvent les étudiants seuls pour les trouver et s’y faire admettre. Cette mauvaise organisation allant de pair avec une inégalité des contenus et de la validation de ces stages. Leur formation initiale manque souvent aussi d’une préparation au travail en équipe et à l’exercice hospitalier.

Quant à la formation continue en 1/3 temps, si cette formule est exceptionnelle et respectable, il serait certainement juste que des contrôles soient effectués quant à la réalité des formations suivies.

1.3  Les infirmiers

Les infirmiers DE sont à ce jour, inégalement formés selon les IFSI, sur le plan de la santé mentale.

Ils assurent, en soins à temps plein ou en ambulatoire, un travail spécifique dans le cadre de suivis individuels ou de groupe, basés sur des techniques d'entretiens (accueil, accompagnement vie quotidienne, soutien et suivi à visée thérapeutique et psychothérapique.)

Mais force est de constater que :

§         la réforme des études en 1993 a considérablement diminué le volume horaire de formation en psychiatrie : actuellement 400h pour 4715h de formation

§         le réaménagement en cours des contenus de la formation initiale prévoit de diminuer les stages en psychiatrie (ainsi qu’en médecine et chirurgie)

§         le peu de connaissance et de reconnaissance de leurs pratiques professionnelles

§         l’augmentation significative des demandes faites aux infirmiers, qu'il devient de plus en plus difficile d'assumer avec la qualité requise

§         le manque d'attractivité de plus en plus flagrant de la psychiatrie pour les jeunes infirmiers. En moyenne moins de 1 étudiant sur 30 choisit cette voie à la fin de ses études.

§         la pénurie d'infirmiers constatée dans certains services de psychiatrie, qui s'aggrave de plus en plus, suivant en cela la tendance générale française et européenne.

§         la diminution progressive des « anciens » infirmiers psychiatriques, due aux départs naturels, limitant ainsi le compagnonnage et le tutorat qu'ils pouvaient mettre en place pour résoudre une partie des difficultés constatées

§         les difficultés d’adaptation actuelles en psychiatrie des jeunes infirmiers DE

De fait, de nombreux membres de la profession revendiquent la mise en place d’une spécialisation en santé mentale pour les infirmiers :

§         évoquant une recommandation européenne des 15 et 16 avril 86 qui demandait la promulgation d'une directive européenne visant à la mise en place d'une spécialisation pour les soins infirmiers en psychiatrie ;

§         affirmant que « tous les pays de l'UE qui avaient une spécialisation et l'ont abandonnée le regrettent et tous ceux qui n’en ont pas en souhaitent la mise en place. »

1.4  Les travailleurs sociaux

 

Si la pénurie commence à toucher les infirmiers elle est, par contre, chronique en ce qui concerne les travailleurs sociaux. Leur participation aux actions en santé mentale les a toujours placés, auprès des usagers, à l’interface entre le travail sanitaire et le travail social. Ils ont été parmi les acteurs importants qui ont permis à de très nombreuses personnes exclues dans les anciens asiles de sortir de ces lieux en récupérant leurs droits.

Ils sont maintenant dans une phase de diversification de leur corps professionnel (il n’y a plus seulement des assistants sociaux mais aussi des éducateurs spécialisés, des animateurs, des éducateurs techniques, des aides médico-psychologique, etc) et devant la nécessité d’une réflexion sur leurs formations, la redéfinition de leurs objectifs, de leurs rôles respectifs et de leurs fonctions dans le cadre de l’évolution de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale.

Ils sont une partie importante de l’avenir de cette évolution de la même façon qu’ils l’ont été pour le passage de l’asile vers la psychiatrie de secteur dans les années 70-80.

 

Toutefois, les travailleurs sociaux sont incomplètement préparés au cours de leur formation initiale à la dimension santé publique de leur exercice professionnel.

 

1.5  Les médecins généralistes.

Ils sont bien souvent en première ligne et on sait qu’une part importante de leur clientèle relève de soins faisant appel à des médicaments psychotropes et/ou à des techniques psychothérapiques. Leur formation initiale les prépare très peu et mal pour ces traitements.

 

Actuellement, un étudiant en soins infirmiers a plus d’heures de cours et de stage en psychiatrie qu’un étudiant en médecine !!!

 

De ce fait il n’est pas surprenant que les prescriptions de psychotropes des généralistes soient souvent surdimensionnées, et que leur exercice de la psychothérapie soit peu qualifié.

 

1.6  Les personnels de direction

Aucune formation spécifique aux enjeux posés par l’organisation des soins psychiatriques ni à la santé mentale n’existe dans le cursus de formation des personnels de direction. Cette carence explique en partie la gestion forcément hospitalo-centriques des établissement de santé mentale ayant vocation au contraire, à fonctionner en réseau ouvert sur la cité.

 

 

2.      Une pratique de recherche inféodée et non coordonnée

 

Lorsque l’on regarde l’évolution des pratiques dans des pays comparables au notre, force est de constater qu’insensiblement les psychiatres s’orientent majoritairement vers une spécialisation dans la sphère « médicale » et dans une fonction d’experts. Ceci est également le cas en France mais, pour l’instant, dans une moindre mesure. Cette évolution, qui serait liée au libéralisme et au managed care, est soutenue par des décideurs. Il convient, selon nous, que le médecin (et en particulier le psychiatre) reste un soignant, un thérapeute et un psychothérapeute pour ce qui concerne les psychiatres. Pour la pratique publique, nous l’avons dit, le psychiatre doit animer une équipe travaillant dans la proximité des lieux de vie des patients.

 

L’influence de l’industrie pharmaceutique mondialisée, avec la caution scientifique de quelques psychiatres, universitaires ou non, payés confortablement par les laboratoires est problématique et de plus en plus préoccupante.

 

Pour être bref : les tentations permanentes auxquelles sont soumis les praticiens, toutes disciplines confondues (car il n’y a pas de spécificité psychiatrique dans cette matière), en transforment quelques-uns et risquent d'en transformer de nombreux autres, en toute discrétion, en corrompus passifs.

Les pouvoirs publics se sont, depuis longtemps, désengagés du financement de la recherche en santé mentale. Ainsi, aucune unité INSERM ou CNRS n’est actuellement dédiée à ce thème. Seules quelques thématique ciblée se retrouvent, plus ou moins saupoudrées dans diverses unités (ex : le suicide ou l’Alzheimer).

 

Ce désengagement entraîne des conséquences en cascade beaucoup plus préoccupantes encore. En effet les plus engagés dans ces travaux de recherche sont obligés de se tourner vers l’industrie pour les financer. D’où, et c’est dans la nature des choses, des orientations biaisées dans le sens des intérêts à court (parfois à moyen terme) des firmes multinationales qui sont passées maîtres pour l’élaboration de stratégies commerciales subtiles. Tant dans ce domaine que dans d’autres, elles sont, actionnaires obligent, à la recherche de profits à court terme.

 

Pour progresser dans cette hiérarchie il faut publier des recherches. Le lien est donc très étroit et permanent. Qui plus est, ceux qui dirigent la recherche sont, en France, ceux qui contrôlent l’enseignement. Ceux qui dirigent l’enseignement influent sur les grandes orientations de cet enseignement.

 

Et c’est ainsi que les psychiatres qui sortent actuellement de l’Université (tendance accentuée par le numerus clausus) ont une formation incomplète, en tout cas n’ont pas de formation sérieuse sur les théories et les pratiques psychothérapiques (sauf les « brèves » moins coûteuses pour les assurances)  ni sur la santé publique, ni sur les pratiques en secteur, ni sur l’animation d’équipe, car cela n’intéresse pas l’industrie pharmaceutique.

 

Toutefois il faut noter qu'une réflexion est en cours (au sein du CNUP et de la FFP) pour revoir le contenu de la formation initiale des futurs psychiatres.

 

De même, certaines firmes pharmaceutiques développent des programmes de soins et insertion et des conseils aux usagers. Quelques-uns de ces programmes sont ambitieux et les recherches sont financées sans référence apparente aux produits fabriqués. De plus, l’industrie pharmaceutique participe fortement à l’organisation des Enseignements Post-Universitaire. Un parrainage et un partenariat honnêtes, dans lequel la part publique ne devrait plus être négligeable sont toujours possibles, mais ils nécessiteraient un encadrement plus strict visé par des organismes publics indépendants.

 

3.      Une multitude de statuts pour les praticiens hospitaliers

 

L’ordonnance instituant la multitude des statuts de praticiens travaillant dans la fonction publique hospitalière ne correspond plus aux besoins de notre temps et peut même être considérée comme un frein important pour l’évolution du système.

4.      Une répartition professionnelle inadaptée aux besoins des populations

 

La situation sur ce plan n’est pas l’apanage de la psychiatrie et y remédier doit être considéré comme une urgence nationale.

 

4.1 Les psychiatres

Nous l’avons déjà souligné : les inégalités de répartition sont flagrantes (cf. Première partie de ce rapport : « La démographie médicale »).

 

Pour la psychiatrie il faut, se rappelant que la France est le 2ème pays au monde en nombre de psychiatres par habitant (actuellement près de 13 000 psychiatres en France), le paradoxe est frappant.

Une norme ancienne (avant que les missions de la psychiatrie publique sectorisée ne connaissent l’inflation de ces dernières années) définissait les besoins, en psychiatrie générale, à environ 1 psychiatre pour 10.000 habitants, soit 6000. Si l’on ajoute les psychiatres s’occupant particulièrement des enfants et adolescents, on obtient un effectif d’environ 8.000 praticiens pour la psychiatrie publique. Nous sommes actuellement bien en dessous de l’effectif global des psychiatres en France mais cela manifeste le déficit en psychiatres publics qui ne sont qu’un peu moins de 5.000 et dont la raréfaction est prévisible si rien ne change.

 

En effet, chaque année ne sont formés que 176 nouveaux psychiatres, ce qui ne permet pas le renouvellement des effectifs globaux existants. Ces jeunes psychiatres restent, pendant leur formation, essentiellement dans les services universitaires et se dirigent très majoritairement, à la fin de leurs études, vers la pratique « libérale », s’installant le plus souvent à proximité des universités, dans les zones fortement  urbanisées.

 

4.2. Les infirmiers

Le déficit démographique touche, au niveau européen, et ce de façon de plus en plus importante, les infirmiers. Certains pays européens ont d’ores et déjà programmé des « importations » massives d’infirmiers venant soit d’Espagne, soit de Pologne, soit encore d’Asie, pour combler rapidement ces déficits prévisibles.

 


Les propositions

1.   Adapter les formations professionnelles aux évolutions sociales et aux pratiques de terrain

 

Il serait intéressant que les différentes sciences humaines soient au minimum évoquées dans les formations. Travailler sur le psychisme, donc sur une part essentielle de l’homme, suppose à la fois des connaissances techniques, mais un recul, voire une sagesse (pour ceux qui y arrivent) permise par l’ouverture vers d’autres cultures quelles qu’elles soient.

Les réponses monocolores, standardisées, en série, pré-programmées, même si elles sont quelquefois nécessaires, ne résistent pas longtemps en face d’une réponse plus recomposée, de ce fait plus humaine, des diverses approches.

 

1.1            Les psychiatres.

 « La société française a besoin pour ses psychiatres de bien plus de polyvalence que de formation mono-disciplinaire et univoque…Il ne s’agit pas de plus de diplômes mais de plus de formation[42] ».

Au fil de leur formation médicale puis de leur spécialisation ils devraient, selon nous, d’abord avoir des bases solides dans les 3 domaines « bio-psychologique-social » et ensuite pouvoir approfondir leur formation dans une, deux ou les trois directions selon leur inclinaison personnelle et leur choix de carrière.

Les psychiatres en formation doivent, à l’avenir, beaucoup plus « tourner » dans les secteurs de psychiatrie et ne plus être d'une certaine manière "réservés" à l'usage quasi exclusif de services universitaires qui sont de fait en situation de monopole, étant juges et partis.

De même il est souhaitable de déspécifier la formation des psychiatres à l’intérieur de leur spécialité : tous les psychiatres devraient être formés à la psychiatrie de l’enfant et des différents âges de l’homme.

Une nécessaire adaptation du chiffre du "Numerus Clausus" pour garder les effectifs à leur niveau actuel doit être programmée. On peut également envisager une sorte de contrat de service public, pour 5 ans, dans la zone où l'on effectue son internat.

Cet enrichissement, conforté par une réorganisation en profondeur des formations continues agrées et contrôlées par les organismes publics, les orienterait alors vers des pratiques et des responsabilités différentes.

Un enseignement complémentaire est indispensable en santé publique ainsi que pour l’animation d’équipe.

1.2.           Les psychologues cliniciens

Un aménagement de la formation initiale des psychologues est indispensable au niveau de l’organisation des stages, de leur contenue et de leur validation.

La meilleure intégration et la meilleure formation hospitalière des psychologues sont sans doute des voies à explorer. A noter l’expérience de l’Espagne, où existe un internat en psychologie sur concours, avec exercice hospitalier pendant deux ans, préparant aux carrières de psychologue clinicien.

Reste le problème du 1/3 temps de formation : soit il est étendu à tous les professionnels, soit il est supprimé pour cette catégorie professionnelle. D'une part dans un souci d'équité, d'autre part parce que le temps de formation-recherche est un besoin pour toutes les catégories professionnelles.

Un enseignement complémentaire est indispensable en santé publique.

 

La pratique publique et/ou « libérale » serait bien entendue possible mais donnant lieu à un conventionnement spécifique. Il est indispensable que, pour actes thérapeutiques, les personnes soient adressées aux psychologues par un psychiatre, afin d’écarter au préalable les affections somatiques à expression psycho-comportementale et afin de faire bénéficier les patients d’un remboursement par la sécurité sociale, ce qui étendrait l’accès à ce type de thérapeutique.

 

1.3.           Les infirmiers

La formation initiale, insuffisante en psychiatrie, doit être à tout prix garantie car ce sont les infirmiers DE qui, dans leurs différents lieux d’exercice, sont et seront bien souvent en première ligne face aux troubles psychiques. Comment, au delà du Diplôme d’Etat et pour les infirmiers qui travaillent en secteur de psychiatrie, apporter des formations nécessaires qui ne soient pas trop hospitalo-centriques ni livresques ? Nous pensons que cette formation au diplôme d’infirmier DE devrait être intégrée dans le corpus des enseignements universitaires (en faculté de médecine par exemple).

Il serait souhaitable d’y adjoindre une réflexion sur les représentations sociales, le travail individuel avec un patient, les pratiques ambulatoires, les psychothérapies, le lien avec la communauté etc.

Faut-il en passer par une spécialisation ou bien faire assurer ceci par les organismes de formations continues (qui assureraient dans ce cas une charge attribuée normalement à la formation initiale) ? Nous pensons préférable d’organiser cette formation supplémentaire par l’acquisition d’un certain nombre de modules pendant que l’infirmier DE travaille dans un secteur de psychiatrie. Une sorte de stage en cours d’emploi qui pourrait s’organiser en 1/3 temps de cours à la faculté et 2/3 temps dans une équipe soignante. Nous préférons donc l’accès à une formation complémentaire mais qui ne consiste pas en une simple année supplémentaire à la faculté.

 

Le débat est posé et il dépasse la seule corporation infirmière. Peut-on imaginer, pour l'ensemble du système sanitaire, un autre découpage des spécialités en, par exemple, Chirurgie, Médecine interne, Obstétrique, Santé Mentale, Santé Publique, Pédiatrie et la fin de la multiplication à l'infini des sous-spécialités ?

1.4  les travailleurs sociaux

Ce sont des innovations dans la pratique des travailleurs sociaux, tant en direction des équipes soignantes que des acteurs dans la communauté, que dépendra en grande partie l’évolution globale des prises en charge en santé mentale. Une plus grande mobilité, une plus grande responsabilité leur seront demandées et ils participeront au travail dans les réseaux dans une dynamique d’aide et d’accompagnement des personnes et dans celle d’articuler les dispositifs les uns aux autres.

 Pour eux aussi, des enseignements complémentaires en cours d’emploi sont nécessaires.

Nous pensons qu’une formation conjointe à la santé mentale et au travail social devrait être organisée pour l’ensemble des filières, ce qui permettrait de limiter les incompréhensions et de favoriser l’articulation entre champ sanitaire et social.

Les professionnels de ces deux champs devraient pouvoir diversifier leurs connaissances (les nouvelles fonctions) en renforçant leurs compétences dans différentes directions et également, s’ils en expriment la volonté, accéder à une formation supplémentaire (avec stages) dans les domaines psychiatrique et/ou social.

Dans le cas de l’acquisition d’une compétence en psychothérapie, la pratique publique et/ou « libérale » serait bien entendue possible donnant lieu à un conventionnement spécifique, dans des conditions comparables à celles des psychologues.

 

1.5   Les ergothérapeutes. Les psychomotriciens.

Eux aussi se trouvent devant la nécessité de repenser leur formation, leurs objectifs et leur rôle respectif dans la perspective de l’évolution de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale dans les années à venir. En effet, ils seront tout naturellement impliqués dans les futures actions de  soin et d’insertion :

Pour les uns dans les stratégies à mettre en place pour l’accès au travail, que se soit en milieu protégé ou même en milieu ordinaire.

Pour les autres dans des stratégies à mettre en place, dans la communauté, notamment pour l’amélioration des capacités d’autonomisation.

 

1.6  Les professionnels issus d’autres formations en sciences humaines.

On comprend que les techniques psychothérapiques doivent être assujetties à une formation spécifique. L’accès à cette formation doit être possible pour d’autres professionnels que les seuls psychiatres, psychologues cliniciens et infirmiers (sociologues, philosophes…) qui, jusqu’à maintenant, «s’autorisent d’eux-mêmes et de quelques autres » comme le disait J. Lacan au sujet des psychanalystes. Ce cursus de psychothérapeute devrait être sérieusement encadré et validé par l’université ou des écoles agréées.

Le débat et la réflexion sur ce sujet sont en cours au niveau national.

Pour certains professionnels, l’accès à la compétence en psychothérapie devrait être accessible à  d’autres professionnels, par un système d’équivalences, en passant par les seules formations (revisitées comme évoqué ci-dessus) de psychologue ou de psychiatre. Autrement dit pour être psychothérapeute il faudrait, selon eux, être soit psychiatre soit psychologue (c’est-à-dire avoir satisfait à un cursus universitaire garantissant la formation). D’autres pensent à un cursus autonome.

Quelle que soit la formule nous pensons que cette compétence doit être ouverte à des personnes d’origines professionnelles diverses. Toutes les techniques devront être validées et évaluées par l’ANAES.

 

1.7  Les secrétaires médicales.

Les compétences et les fonctions des secrétaires médicales évoluent. Dans la nouvelle organisation des soins elles seront la cheville ouvrière de la circulation d’informations dans les réseaux. Elles devraient avoir, comme les autres professionnels, après formation adaptée, accès aux nouvelles fonctions en santé mentale.

1.8  Les médecins généralistes

La future réforme du 3ème cycle des études médicales devrait obligatoirement intégrer un semestre obligatoire en secteur de santé mentale, qu’il est souhaitable d’organiser au sein des équipes de soins ambulatoires et plus particulièrement dans le travail en réseau avec les champs sanitaires somatiques et les champs médico-sociaux et sociaux.

1.9  Les personnnels de direction

La formation des personnels administratifs de direction d’établissement bénéficierait également d’un approfondissement dans le domaine de la santé publique et de la santé mentale, de stages dans les services de soins organisés spécifiquement pour eux. Ceci faciliterait peut-être les passages de la direction d’établissement somatique à celle des nouveaux STP et inversement avec des compétences élargies mais surtout ceci devrait permettre à certains de moduler une vision parfois trop centrée sur la gestion administrative et comptable des équipes et des structures sous leur responsabilité.

1.10                     Les familles d’accueil

Les familles d’accueil sont des personnes qui acceptent de vivre avec des semblables ayant des troubles mentaux. Alternative forte à l’hospitalisation (utilisée comme hébergement), il conviendrait de leur donner, une formation adaptée, un statut adéquat et de les valoriser.

 

1.11                     Pour tous

L’enseignement supérieur en France reste très cloisonné, avec très peu de passerelles, ce qui conduit un certain nombre d’étudiants dans des impasses.

Pourquoi ne pas imaginer un tronc commun sanitaire ou sanitaire et social, pour les études de médecine, d’infirmier, d’éducateurs. Avec, s’il existait toujours un numerus clausus en médecine, un positionnement après ce tronc commun ?

Des formations complémentaires dans le domaine de la santé mentale et de la santé publique, devraient être accessibles à tous les professionnels. Ces formations pourraient être dispensées par l’Ecole Nationale de santé Publique, sous réserve que cette école soit réformée, c'est-à-dire développe des compétences élargies bien au-delà de la gestion (Infirmiers Généraux et directeurs).

Il faudrait mettre en place des compétences permettant d'assumer et de développer des missions de santé publique, de garant de la qualité des soins, pour reconnaître les compétences d’ «opérateurs en santé mentale »,  d’ «ingénieurs réseaux » … que certains d’entre eux montrent depuis longtemps sur le terrain. Cela pose bien sûr le problème des profils des formateurs de cette école.

Des stages de 1 à 3 mois en secteur de santé mentale, par échange de poste autant que possible, devraient être organisés, tous les 5 ans au moins. Nous serions tous visiteurs critiques et visités critiqués. Cela pourrait être inclus dans la formation continue et les échanges pourraient être une véritable bibliothèque d'idées et de pratiques, ainsi qu'une bourse d'expériences qui permettraient de voir se répéter les innovations et les créations pertinentes de la sectorisation bien comprise. 

Des formations donnant accès à de nouvelles fonctions ou des postes plus qualifiés :

§         développeur d’actions auprès des usagers,

§         ingénieurs réseaux santé mentale,

§         agents d’intégration culturelle et artistique (il faut absolument souligner que les artistes manifestent depuis toujours une qualité d’accueil, d’écoute et d’intégration à la vie sociale. Il doivent faire partie des acteurs sociaux partenaires des STP et des RTSM et être rétribués en fonction).

 

Ces professionnels exerceraient de façon transversale dans le cadre des réseaux au niveau des secteurs, des bassins de santé, des départements et des régions dans les sphères sanitaires, sociales et médico-sociales.

 

De même les responsables-qualité actuels, tout à fait nécessaires et qui devraient être valorisés, devront étendre leurs actions aux bassins de santé.

 

 

 

 

2. Structurer la recherche en santé mentale au niveau régional

 

2.1.           La recherche clinique

Nous proposons la création, dans tous les RTSM, de départements de recherche médicale qui intègrent les personnels volontaires  des secteurs, la médecine «libérale», les acteurs sociaux et dans certains cas les usagers, dans des politiques de recherche. Il s'agit aussi de ne pas oublier les recherches cliniques (et pas uniquement pour des patients hospitalisés) mais aussi sur les représentations sociales, la dynamique des groupes etc., sans limitation à quelque champ de recherche que ce soit.

 

Une aide méthodologique pourrait être fournie par des Centres Régionaux de Recherche en Santé Mentale (CRRSM) à tous les acteurs en santé mentale qui ont un projet de recherche. Ces centres, fédérant l’ensemble des secteurs de santé mentale, passeraient des conventions avec les universités de santé, de droit, de sciences humaines et sciences sociales, ainsi qu’avec les organismes nationaux tels l’INSERM, le CNRS, les ORS et les Conseils Régionaux. Les 26 régions (dont 4 outre-mer) auraient chacune un centre régional de recherche en santé mentale, co-financé par les ARH. Cette organisation permettrait :

§         d’une part, de développer des indicateurs fiables région par région.

§         d’autre part, d’impulser une véritable dynamique de recherche à la fois médicale et sociale, la seule capable de modifier les pratiques dans le cadre de recherche-actions. La participation de professionnels d’autres champs serait recherchée, car la santé mentale est évidemment dans tous ces domaines affaire de spécialistes et non spécialistes, affaire de complémentarité entre les savoirs initiés et les savoirs profanes.  L’expérience pilote menée dans ce sens dans la région Nord Pas-de-Calais[43] est un exemple de ce qui peut ce faire.

Cette proposition se rapproche des Délégations Régionales à la Recherche Clinique (DRRC). Aussi conviendrait-il de trouver un dispositif ou une formule qui garantisse les projets de recherche issus des services non universitaires par :

§         des organisations fédératives régionales pour porter et promouvoir les projets : les CRRSM ci-dessus, éventuellement en collaboration avec les universités et la DRRC ;

§         au niveau d’un établissement on peut confier la coordination des projets de recherche à un médecin (travaillant sur quelque fonction que ce soit sans en exclure le DIM).

En 2001, pour la 1ère fois, les crédits Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) ont 2 enveloppes :

§         projets de recherche nationaux,

§         projets de recherche régionaux (il doit y avoir des crédits réservés pour des projets non universitaires).

 

L’idéal serait évidemment que les financements se complètent : des financements publics (qu’il n’y ait aucune défaillance de l’état, des universités, des organismes de recherche) et des financements privés.

 

 

2.2                         La recherche pharmacologique

Les essais médicamenteux devraient aussi être effectués par des experts indépendants. Il serait judicieux de collecter depuis l’industrie pharmaceutique des ressources permettant d’effectuer, par le biais de l’Agence du médicament et avec des mandats précis des pouvoirs publics, certaines études qui paraîtraient complémentaires de celles menées dans le privé[44] . Les molécules seraient testées dans l’ensemble du système public et privé à partir de protocoles mis en place par l’Agence.

 

Nous souhaitons qu’une réflexion s’engage sur la place des médicaments dans les stratégies thérapeutiques en matière de santé mentale.

 

3.      Un statut unique pour les praticiens hospitaliers

 

Une revalorisation des carrières et une mise à plat des statuts hospitaliers doit accompagner la mutation du système. L’ordonnance instituant la multitude des statuts de praticiens travaillant dans la fonction publique hospitalière doit être abrogée, avec, bien entendu, des mesures transitoires pour les personnes concernées.

 

Nous préconisons l’instauration d’un statut unique de médecin de service public, avec la même échelle de salaire et les mêmes devoirs[45].

 

Cela aurait pour avantage de revaloriser l’activité clinique, et de permettre aux praticiens de service public volontaires, d’effectuer de la recherche ou de l’enseignement. Ce statut unique rendrait possible, par exemple, des périodes d’exercice préférentiel comme clinicien, d’autres périodes comme chercheur et d’autres enfin comme enseignant, selon les compétences et inclinaisons des uns et des autres.

 

Il aurait également l’avantage de :

§         de diversifier le contenu des formations des différents professionnels,

§         de dynamiser les sujets de recherche (à la condition que leurs financements soient réorganisés et transparents),

§         de rendre plus attractives les carrières publiques par l’accès facilité à une  diversité des pratiques (clinique, enseignement, recherche, organisation et santé publique),

§         de permettre l’élaboration de passerelles public/privé

.

La limite pour l’accès à ce statut unique, sans passage par un concours de médecin de service public (actuellement praticien hospitalier), serait fixée à 20 %. Au-delà il y aurait nécessité  de concours et le temps consacré au service public pourrait aller de 100 à 30 % par périodes de temps contractuellement fixées.

 

Dans cette optique il est naturel que des compléments salariaux soient octroyés en cas de fonctions de responsabilité dans les domaines clinique (chef de secteur …), de recherche (responsable de projet …), d’enseignement (responsable de département …), d’organisation (fonction de direction médicale - et paramédicale bien entendu - dans les STP...).

 

Ces fonctions de responsabilité devraient avoir une période limitée, par exemple 5 années, avec un maximum de 2 mandats consécutifs.

 

 

Pour les universitaires le statut unique serait appliqué, comme pour tous les praticiens, en ce qui concerne leur temps de soin. Quant à leurs responsabilités et leur statut, d'enseignement et de recherche elles ne seraient pas modifiées, pour ceux qui sont en poste actuellement.

 

Par contre il est indispensable que, dans les mêmes conditions de rémunération et proportionnellement au temps passé, l'accès à des fonctions d'enseignement et de recherche (sous la forme de chargé de cours, de professeur associé…) soit repensé au plan de ses procédures (une ouverture des commissions de nomination à des non-universitaires devrait être envisagée).

 

A terme ne faut-il pas revoir les statuts et règles de fonctionnement universitaires pour que les postes hiérarchiques soient, là aussi, assis sur des mandats de 5 ans, avec un maximum de 2 mandats consécutifs ? L’évolution, la dynamique des idées et des enseignements en seraient certainement enrichies.

 

Ce statut unique, pour la pratique en service public, permettrait de corriger le différentiel actuel de rémunération entre les psychiatres privés et publics qui, s’il reste trop important, resterait un obstacle aux passerelles envisagées.

 

Ces passerelles doivent être lancées afin de favoriser les pratiques « mixtes » (public/privé, clinique/recherche/enseignement), dans le temps et les fonctions, selon les orientations et compétences professionnelles. Pour cela, une grille de rémunération incitative, doit être mise en place de façon égalitaire, afin de permettre les passages enseignement – recherche – clinique (le mi-temps hospitalier doit être payé au même niveau que le mi-temps universitaire)

 

 

Un temps public de 2 demi-journées (20%) de travail pourrait alors être demandé aux praticiens libéraux conventionnés. Ce temps, dédié au secteur public pour la prévention et des actions de soins et de réinsertion ou autre, ne serait pas payé à l’acte. Il correspondrait aux 2 demi-journées (20%) d’intérêt général (ou de privé) que peuvent actuellement effectuer statutairement les praticiens hospitaliers, médecins de service public à temps plein.

 

Dans les zones non déficitaires la situation des praticiens hospitaliers est, depuis la signature du protocole de mars 2000, plus satisfaisante qu’auparavant si l’on n’exclut pas de la prime multi-établissements les psychiatres praticiens hospitaliers (et les autres professionnels des secteurs) actifs, inscrits nommément dans des réseaux ayant donné lieu à agrément et conventionnement. Le secteur de psychiatrie a fait avant les autres du «multi-établissements» dans le social et la communauté. Il doit maintenant bénéficier de la reconnaissance de ce travail précurseur.

 

La question particulière de la participation des professionnels de la santé mentale à des actions humanitaires mises en place par des ONG reconnues devrait être revue tant au plan de la durée (15 jours ne sont parfois pas réalistes pour certaines missions) que de celui de la procédure d’autorisation interne aux établissements.

 

 

4.      Une meilleure répartition des professionnels sur le territoire national

 

4.1            La gestion des carrières des psychiatres publics.

Il faudra adapter aux besoins locaux la gestion des postes vacants. Le système actuel a pour conséquence de fixer dans la durée, pour près de 2 ans dans certains cas, l’inoccupation d’un poste. Les nominations doivent toujours rester de la compétence du Ministre, mais ne faudrait-il pas que le rythme des commissions paritaires soit beaucoup plus fréquent ?

 

Pour remédier aux inégalités (dont nous avons vu qu’elles venaient parfois d’une carence de candidatures en personnels qualifiés plus que d’une absence de budget), pour ne plus voir la désertification, choquante pour ne pas dire scandaleuse en terme de santé publique et d’équité en terme d’accès aux soins des populations, de certaines zones du territoire national, il ne faut pas se contenter de la prime de 65.000 F/5 ans (soit moins de 1000 F/mois), proposée aux seuls praticiens hospitaliers.

 

Il faut aller vers un doublement des salaires (exemple en Suède) pour toutes les catégories de personnels qui s’engageraient, pour 5 ans, à travailler dans ces zones. Il s’agit le plus souvent de zones du territoire et non pas de régions entières. Faut-il créer des Zones où la Santé est une Priorité (ZSP) ?

 

L’on connaît les perspectives d’évolution démographique de notre pays en ce qui concerne les psychiatres publics. Si les mesures proposées ci-dessus se mettaient en place, notre pays (le premier dans la communauté européenne pour le nombre de psychiatre par habitant) doit, à effectif constant pour les psychiatres, mieux répartir géographiquement et vers le secteur public ces professionnels du public et du « libéral ».

 

4.2            Les infirmiers, les psychologues et les travailleurs sociaux

Il devrait être établi, et publié, un plan national pluriannuel de formation d’un nombre (que les évaluations prospectives devraient préciser) supplémentaire d’infirmiers. Le secteur public offre en France, pour les infirmiers, des avantages financiers légèrement plus intéressants que le privé. Mais certains établissements privés sont en train de réagir et de proposer des avantages secondaires parfois « alléchants ». Il n’en reste pas moins que ces salaires ne vont pas suffire pour rendre attractif le métier d’infirmier qui attire de moins en moins de jeunes. Une revalorisation semble inéluctable.

 

En termes d’effectifs, les disparités entre secteurs sont choquantes et inadmissibles. Le plan que nous proposons devra être chiffré  précisément, au niveau des STP et en tenant compte de leurs spécificités.

 

Quant aux psychologues, travailleurs sociaux et autres intervenants, une modification, négociée paritairement, des conditions d’embauche, des conditions de travail et de mises à disposition dans les secteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux doit intervenir.

 

 

4.3            Les personnels administratifs

Les personnels administratifs, locaux, départementaux et régionaux, sont également concernés par cette dynamique de changement. Ne peut-on imaginer, pour les directions d’établissement, une incitation, qui dépasse la bonne gestion des institutions dont ils ont la charge, en faveur de projets - élaborés collectivement dans les établissements actuels - de relocalisation des structures de soin  dans les secteurs ?

 

Ne peut-on imaginer des procédures de gestion des secteurs et des activités de réseau plus transparentes et plus participatives ?

 

4.4            Conséquences sur la répartition public / privé

Dans le cas d’une réforme d’ensemble de ce type on peut prévoir à terme une nouvelle répartition, qualitative et quantitative des divers professionnels, très différente de celle que l’on connaît actuellement. Cette nouvelle répartition serait accentuée par la régulation administrative des lieux d’installation.

 

En effet, en dehors de l’argumentation clinique envisagée plus haut, un nombre important de psychologues cliniciens (pour certains actuellement au chômage) pourrait se diriger vers un travail « libéral » ainsi que certains infirmiers, travailleurs sociaux et d’autres personnes ayant obtenu la qualification de psychothérapeutes, (on se souviendra que près des 2/3 des patients pris en charge par les psychiatres libéraux ne reçoivent aucun médicament et sont suivis en psychothérapie ou prétendue telle[46].

 

Dans cette pratique « libérale », du fait de la diversification des intervenants qualifiés évoquée ci-dessus, on pourrait voir une diminution des effectifs des psychiatres (le marché étant partagé entre un plus grand nombre d’acteurs dont les tarifs seraient directement concurrentiels) et la réorientation vers des pratiques publiques si les possibilités statutaires étaient aménagées associé à des conditions de travail attractives.

 

Les statuts de psychothérapeute reconnus, une embauche spécifique de ces professionnels dans les services publics pourrait être organisée ou bien des collaborations conventionnellement établies par territoire pertinent ou bassin de santé.


Les acteurs sociaux

Le déploiement de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale se fera avec les acteurs sociaux

 

Le constat

1.      La dispersion des structures et des organisations sociales

 

Ce thème est complexe et il ne se trouve que peu d’exemple dans le monde d’un développement harmonieux, global et complémentaire entre les équipes et les structures sanitaires d’une part et les équipes et structures médico-sociales et sociales d’autre part.

L’immense volet social en santé mentale part de la nécessité d’apprendre ou réapprendre aux personnes souffrant de troubles mentaux les moyens devant leur assurer un fonctionnement et une participation à la vie en société, en passant par des services en matière de logement pour y vivre, pour aller vers des services de réinsertion professionnelle et de soutien à et dans l’emploi.

Cela suppose des mécanismes de suivi et de soutien, légers mais efficaces, des politiques sociales publiques claires, bref ce devrait être l’objet d’un rapport complémentaire. C’est à ce niveau que la nécessité d’harmonisation des cartes sanitaires, sociales, scolaires et judiciaires est la plus grande. Les circonscriptions sociales (où travaillent la majorité des 30 000 travailleurs sociaux employés par les Conseils Généraux) ne correspondent en rien, par exemple, aux secteurs psychiatriques.

Cependant nous avons vu, à Birmingham et en France, des centres de soin parfaitement intégrés dans des lieux sociaux. Le travail de l’équipe soignante anglaise est, par ailleurs, grandement facilité par un système de logements sociaux conséquent et performant.

En Suède le programme général de transfert de charges et de financement entre le secteur sanitaire et le secteur social se heurte à de nombreuses difficultés et réticences de part et d’autre, sauf du côté des usagers qui semblent y trouver leur compte dans une autonomie retrouvée.

En Italie, à Trieste essentiellement mais dans d’autres régions également (il faut ici rappeler que la plupart des hôpitaux psychiatriques ont été fermés plus de 20 ans après la Loi 180 et que l’ensemble des psychiatres italiens ont décidé, il y a prés de 2 ans, de ne jamais revenir sur cette loi), les structures de soin sont implantées dans la communauté. Les structures de d’insertion professionnelle, sociale et culturelle, les célèbres coopératives, ont été créées par le secteur sanitaire qui les gère en partenariat avec les acteurs sociaux.

Au Québec le « communautaire » n’a qu’une part minoritaire du financement global de la santé mentale et les professionnels du sanitaire développent, depuis quelques années, des actions et structures sur le terrain de façon rarement coordonnée avec les acteurs sociaux.

Les droits de l'homme comprennent le droit au logement pour tous. Dans le cas de personnes hospitalisées pendant de nombreuses années l’insertion, le retour dans la communauté, est extrêmement difficile et doit être progressif et accompagné.

 

Le travail des professionnels de la santé mentale, les soins dans la communauté, peuvent être envisagés (avec la collaboration, dans certains cas, des associations d’usagers et des familles) selon le découpage classique de prévention primaire, secondaire et tertiaire qui correspond aux trois étages d’un travail de collaboration interactive entre les champs sanitaires, médico-sociaux et sociaux.

 

§        Prévention primaire 

C’est-à-dire un travail en groupes de sensibilisation et d’information pour la sensibilisation auprès du grand public, des divers partenaires et la lutte contre la stigmatisation :

ü        auprès des généralistes, des pharmaciens, des infirmiers libéraux,

ü        auprès des travailleurs sociaux,

ü        auprès des associations d’usagers et des familles,

ü        auprès des médecins scolaires,

ü        auprès des médecins du travail…

ü        auprès des municipalités et des élus locaux,

ü        auprès des media,

§         Prévention secondaire.

Auprès des interlocuteurs professionnels pour la mise en place de dispositifs de repérage précoce des troubles afin d’orienter ou d’essayer de prendre en charge sans trop attendre, (réseaux ville-hôpital associés à un paiement spécifique pour les médecins généralistes, interventions de soutien dans les structures médico-sociales et sociales…), de tenter de prévenir les rechutes.

 

§         Prévention tertiaire.

Il s’agit là de réduire les conséquences péjoratives de la maladie, d’éviter les pertes d’emploi pour cause de trouble psychique ou maladie avérée et de contribuer au retour des personnes à la plus grande autonomie possible.

 

La tendance est à l’élargissement des possibilités d’accès aux soins et c’est un bien. Mais, si l’on permet ces entrées diversifiées, il faut également se soucier des portes de sortie du dispositif de soin sinon l’engorgement des filières est assuré et l’objectif de retour (ou de maintien de) dans la cité pour les usagers ne sera jamais atteint.

 

 

Le problème particulier de l’accès aux soins des personnes en situation d’exclusion fait partie de la prévention secondaire et tertiaire et pose, en ce qui concerne sa mise en œuvre, le problème de la coordination et de la mobilité des équipes de secteurs qui doivent impérativement se déplacer dans les lieux et les structures sociales qui sont en première ligne.

Signalons que certains responsables de secteur psychiatrique refusent de considérer l’accès aux soins des personnes en situation précaire comme faisant partie de leur mission de service public de psychiatrie.

L’inscription de ces personnes dans des programmes de soins ne doit pas rompre les liens préexistant avec les équipes sociales car cela ne ferait que déplacer l’exclusion du champ social au champ sanitaire. Il ne faut pas psychiatriser la précarité. Il serait peut-être de bonne stratégie sociale que de s’enquérir de possibilités de logement et de ressources pour ces personnes et de voir ensuite ce que deviendraient les troubles psychiques plutôt que soigner en première intention.


§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale en les écartant plus ou moins ouvertement des dispositifs de droit commun en ce qui concerne l’accès au logement, au travail, à la culture ?

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale sans le concours effectif (pour l’accès au logement, au travail, à la culture…) des municipalités, des Conseils Généraux, de la DGAS, de la DGEFP ? Quels liens entre ceux-ci et  les ARH  ? Quelle répartition des compétences Etat/Conseils Généraux dans le cadre de la décentralisation ? 

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale sans une révision de la séparation des financements du sanitaire et du social, sans une mise en synergie des actions sanitaires et sociales ? Mais il faut souligner que les synergies souhaitables se heurtent souvent à l’opposition entre d’une part l’organisation départementale (par les Conseils généraux) pour le social et le médico-social et d’autre part l’organisation régionale de la psychiatrie (par les SROS et les ARH).

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale sans une révision des procédures de l’AGEFIP ? Et pourtant l’on sait l’importance de l’accès au travail pour la reconstruction identitaire. Mais, comme le souligne avec force la FNAP-Psy : « Travailler coûte cher aux défavorisés ! » Il faut cependant remarquer que l’AGEFIP semble, depuis peu, prendre conscience de ce problème.

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale quand il faut, dans certains départements, parfois plus d’un an et demi pour que la COTOREP rende ses décisions ? La question doit être toujours rappelée du forfait hospitalier qui, chez des personnes démunies, peut se transformer en un système redoutable contre le retour en milieu ordinaire quand elles perdent leur logement et que les équipes de psychiatrie ne travaillent pas en réseau avec le champ social.

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale quand même les circuits de travail protégés (CAT et Ateliers Protégés) sont, pour la plupart, inaccessibles à ces usagers précisément ? Faut-il « spécialiser » les CAT à travers les projets d’établissement et en informer les COTOREP ? Il y aura bientôt 100 000 places en CAT, dépendant de la DGAS. Les Ateliers Protégés (20 000 places) dépendant quant à eux de la DGEFP, quant aux entreprises d’insertion elles relèvent plus du Secrétariat d’Etat à l’économie solidaire… . Le paradoxe est frappant et signifiant : certains personnes adoptent une véritable stratégie d’évitement du milieu protégé car il n’est pas possible d’en sortir (1 à 2% par an seulement) !

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale sans poser la question de la Classification internationale des Handicaps, point d’appui du guide barème des CDES et des COTOREP, qui renvoie à la distinction problématique entre handicap mental et maladie mentale ?

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au  soin et à l’insertion des usagers de la santé mentale sans réformer les CROSS qui sont clivés entre une section sanitaire et une section sociale ?

 

§         Peut-on véritablement espérer travailler au soin et à l’insertion  des usagers de la santé mentale sans revoir la possibilité pour les établissements de santé de créer et de gérer seuls des institutions médico-sociales ?

 

Tous les acteurs sociaux sont concernés. La société ne se limite pas à ses représentants nationaux. Il y a les élus locaux, départementaux et régionaux, et également les membres des structures privées, qui oeuvrent  dans les champs sociaux et médico-sociaux et qui sont, pour la majorité d’entre eux, financés par des fonds publics.

Pour tout cela il faudrait en finir avec la confusion ancestrale qui irrigue (ou assèche ?) la psychiatrie publique et qui lui fait croire qu’elle est toujours seule en charge, comme aux temps asilaires, en même temps du soin et de la totalité de la prise en charge sociale des personnes qui s’adressent à elle.

 

Dans la perspective évolutive actuelle des soins en santé mentale elle est bien incapable de continuer à assumer cette double responsabilité. Il faut qu’elle se recentre sur sa mission de soins et insiste sur le partage collégial des missions car elle est trop souvent repliée sur ses chapelles théoriques et ses « vérités », qui ne seraient pas partageables.

 

Cette problématique se retrouve à l'identique dans le social et le médico-social.  Le travail en réseau doit renforcer le lien social et non pas, comme certains le craignent, le contrôle social. 

 


Les propositions

Apprendre à travailler en réseau entre professionnels des différents champs

 

Il faut répéter le rôle essentiel de la formation.

 

Le travail en réseau suppose que les différents professionnels de chacune des filières (infirmiers, médecins, psychologues, éducateurs spécialisés, assistants de service social, enseignants...) se connaissent, apprennent à travailler ensemble, coordonnent leur action autour de projets communs. Il en est de même avec les bénévoles qui contribuent à certaines initiatives.

 

Cela va de pair avec la nécessité de former des professionnels aptes à saisir les mutations en cours, à intervenir dans des dispositifs sociaux nouveaux, à faire évoluer les pratiques. Il importe donc d'aider à la construction d'un langage commun et à la mise en synergie des savoirs, des expériences.

 

La transférabilité des compétences d’un secteur à un autre implique également de réfléchir aux ajustements nécessaires et possibles entre les pratiques. De ce point de vue, une organisation modulaire des formations qualifiantes, avec des troncs communs, mériterait d'être mise en chantier de manière plus active : à la fois par des collaborations pour les formations initiales entre les facultés de médecine d’une part, les centres de formations sociales et éducatives d’autre part. Des actions de formation continue pluri-professionnelles, comme cela se fait dans certaines régions pour l’application de la loi de lutte contre les exclusions sont des exemples à développer.

Ce chantier concerne non seulement les professionnels de la psychiatrie et de l'action sociale, mais aussi ceux de la médecine générale, de la justice, de la jeunesse et des sports, de l'Education nationale...

 

Rapprocher les cultures professionnelles

 

A l’inverse des inquiétudes exprimées par les professionnels de la psychiatrie et, de manière symétrique, par le secteur médico-social, on a vu se développer la crainte des effets non maîtrisables d’une  immigration institutionnelle de malades mentaux venant des intrusions du monde hospitalier (avec la crainte de devoir passer sous le contrôle de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation). Ceci d’autant que la psychiatrie a une très mauvaise image de marque.

Plus immédiatement, les frictions sont souvent fortes dans les institutions sociales et médico-sociales autour de la question du soin. Des témoignages en font la démonstration à propos d’un institut médico-éducatif : les conflits de pouvoir entre le personnel éducatif, le directeur et les psychiatres montrent bien, s'il en était besoin, les méfaits des replis sur les identités professionnelles de chacun[47].

 

Cette double inquiétude en miroir est fondée sur une méconnaissance réciproque très grave et tout à fait dommageable aux enfants, adolescents et adultes qui ont à la fois besoin de soins et d’un accompagnement éducatif et social. La réalité de chacun de ces deux mondes a heureusement beaucoup évolué. Encore faut-il que chaque camp accepte de découvrir l’autre, ce qui est la moindre des choses quand on s’occupe de personnes en difficulté... Dans certains cas les rencontres se développent rappelant ainsi, dans le quotidien, qu’il vaut mieux penser les modalités d’une prise en charge à partir de la personne dans sa globalité, plutôt que de procéder à l'inverse, en partant des clivages institutionnels.

Les leçons commencent a être tirées par la Protection judiciaire de la jeunesse et par les instituts de rééducation, en première ligne avec des populations « impossibles ». Le Samu social et le Réseau national souffrance psychique et précarité (RNSPP) aussi.

 

Mais le phénomène le plus intéressant est le mouvement de fond qui traverse toutes les structures, à savoir la recherche de partenariats formalisés par des conventions, de mises en réseau entre des équipes de secteur psychiatrique et des institutions sociales (CHRS notamment) et médico-sociales (IME, CAT, foyers, MAS...). Certes, l’évolution des pratiques ne se résume pas à la signature de conventions. Le travail en réseau suppose que les différents professionnels de chacune des filières (infirmiers, médecins, psychologues, éducateurs spécialisés, assistants de service social, enseignants, directions...) se connaissent, apprennent à travailler ensemble, coordonnent leur action autour de projets communs. S’il faut un cadre réglementaire pour pérenniser les collaborations et dépasser les seules empathies entre différents intervenants, il importe surtout que soit pensée la question de la coordination des actions, que les niveaux de travail en commun soient parlés et sans cesse interrogés, que la rencontre soit aussi celle de cultures différentes, donc que des formations transversales soient mises en place.

 

Les champs social et médico-social doivent prendre leur responsabilité pour le volet social de la trajectoire de ces personnes et les professionnels de la psychiatrie doivent, après élaboration de projets de soin personnalisés, passer progressivement la main aux acteurs sociaux, et ce de plus en plus complètement pour la plupart des personnes.

 

Cela suppose que l’on cesse parfois de considérer qu’une personne présentant des troubles mentaux est totalement identifiée à ces troubles. Un « psychotique », par exemple, est une personne présentant des troubles mentaux de la série psychotique, de même une personne « diabétique » ne peut se réduire à ses troubles insuliniques ou Beethoven à sa surdité.

 

Cela suppose que l’on cesse de penser a priori l’avenir des personnes et que, au contraire, on leurs permette d’élaborer, avec notre aide, des projets de vie « sans tabou ni exclusive ». La psychose, par exemple, est aussi une potentialité de l’être humain, un mode d’être au monde. Beaucoup de patients « résistent » à la réinsertion par le travail.  L’insertion n’est pas que dans le travail mais aussi par la possibilité de trouver une place dans la société.

 

Cela doit permettre aux personnes concernées par l’accession à l’autonomie maximale possible, d’utiliser leur dynamisme propre avec l’objectif de passer d’un système d’assistance à un système favorisant l’autonomie, sans négliger un possible partenariat à travers des aides personnalisées. Les bénéfices qu’elles en tirent sont le plus souvent surprenants, même si l’on veut n’en rester qu’à une évaluation strictement sanitaire.

 

Quelques réflexions très provisoires

 

§         Passer d’une prise en charge financière à la structure à une prise en charge financière à la personne qu’il s’agit de solvabiliser.

 

§         Des actions plurisectorielles devront être organisées au niveau du territoire pertinent ou bassin de santé (RTSM) et la coordination devra être faite aux niveaux départemental et régional. Le soin et l’insertion doivent être organisé au niveau du bassin de santé ou territoire pertinent.

 

§         Un dispositif qui vise à créer un « guichet unique [48]» en associant un « pilote » pour faciliter les démarches de la personne en situation de handicap, le tout financé par l’Etat, paraît une initiative très intéressante si du moins les usagers de la santé mentale y ont accès, d'où l'intérêt de la notion de handicap psychique.

§         Il est indispensable de faire évoluer la réglementation sanitaire et sociale la situation actuelle étant souvent kafkaïenne pour les adolescents et les jeunes adultes. La pédopsychiatrie prend en charge jusqu’à 16 ans et la majorité est à 18 ans. La C.D.E.S traite les dossiers jusqu’à 20 ans et le RMI n’est possible qu’à partir de 25 ans. Quel minimum garanti de ressources pour un jeune de 20 ans qui ne relève pas de l’AAH et qui est en rupture familiale ? En l’état actuel des CLI, et des CJM, tous n’en bénéficient pas, loin s’en faut.

 

§         Il ne peut suffire de compter sur les initiatives et la bonne volonté de tels ou tels. Leur participation dans les RTSM (évoqués plus haut), dans les instances départementales et régionales (par exemple dans les ARS comme le sujet est actuellement en débat), leurs responsabilités respectives, doivent être précisées.

 

§         Il est essentiel d’appliquer l’obligation d’embauche de 6% de travailleurs handicapés pour l’intégration des personnes dans les entreprises publiques et privées. Plutôt qu’un forfait, en cas de manquement à cette obligation, un système progressif d’amendes dissuasives serait certainement plus incitatif. Il faut, là aussi, prévoir de vrais mécanismes d’accompagnement du travailleur et de son employeur, afin que la charge ne paraisse pas trop lourde, et surtout sans fin, à ce dernier ! Il serait certainement judicieux de lui garantir une période d’essai prolongée et un « contrat » régulièrement actualisé, précisant les obligations et les droits de chacune des parties.

§         Apprendre à « passer la main » aux professionnels du champ médico-social.
Il y a, dans les unités d’hospitalisation de chaque secteurs, nombre de personnes dont la pathologie mentale ne nécessite plus uniquement des soins mais également une prise en charge médico-sociale ou sociale qui ne peut être apportée là où ils sont.

 

Pour ces personnes il faut envisager une admission dans des structures médico-sociales ou sociales, de dimension humaine, pour des populations non homogènes (existantes, comme les maisons des 2ème et 8ème secteurs de psychiatrie de l’Essonne en partenariat avec l’APAJH financées par l’Etat, la sécurité sociale et le Conseil Général, ou à créer selon les réalités locales, départementales et régionales) où les soignants auront leur rôle, où les divers professionnels du champ médico-social seront également actifs, de manière coordonnée et complémentaire. Des allers et retours doivent être envisageables sans que la personne perde de ce fait le bénéfice de son inscription dans ces structures.

 

Certaines des structures médico-sociales perdent, en ce moment, leur personnel soignant en psychiatrie, ce qui contribue à augmenter la charge du service public, et laisse sans soin suffisant des patients. Des positions divergentes s’expriment quant à la place du soin dans ces établissements. Rappelons que 7000 psychiatres, travaillant en moyenne 2 à 3 demi-journées par semaine, soit environ 2000 équivalents temps plein, prennent en charge 100 000 personnes dans ces structures.

 

Le statut unique, la participation des psychiatres libéraux et celle, dans le cadre des réseaux, des psychiatres et autres professionnels publics, serait l’une des réponses  permettant la réorganisation globale de l’offre de soin dans le champ médico-social.

§         Renoncer à la gestion du médico-social par les établissements de santé.

L’article 51 de l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée rend possible la création et la gestion par les établissements de santé de services ou établissements sociaux et médico-sociaux. Cette possibilité était déjà ouverte par la loi du 18 janvier 1994, mais pour le seul domaine de l'hébergement des personnes âgées.

 

C'est une manière, certes, de rapprocher les deux secteurs et d’aider à la reconversion de structures hospitalières. Des garanties ont été données pour que les établissements sociaux ou médico-sociaux ainsi créés et gérés par les hôpitaux relèvent bien des procédures prévues par la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, comme le précise une circulaire du 20 février  1997. Mais la formule a l’inconvénient majeur de se situer dans une logique inverse à celle de la mise en réseau. Elle maintient une conception hospitalocentriste et évite d’avoir à traiter avec les institutions environnantes, notamment avec le secteur associatif[49].

 

§         Favoriser l’intégration dans le milieu ordinaire. Certaines personnes, bien entendu, devront toute leur vie bénéficier de programmes plus ou moins importants de soins et d’assistance et rester dans un milieu protégé. Toutes devraient pouvoir entrer ou essayer d’entrer dans des processus d’insertion ou de soin qui mèneraient potentiellement au milieu ordinaire (aussi bien sur le plan social, associatif et culturel que professionnel). L’insertion par l’économique, en vue de l’accès au travail en milieu ordinaire, est ignorée sinon réfutée et refusée par nombre de professionnels de la psychiatrie.

Serait nécessaire, dans ce domaine, la création de fonctions, de type « thérapistes en réhabilitation psycho-sociale » (Italie), intervenant en santé mentale communautaire, la mise à disposition d’ergothérapeutes et d’éducateurs techniques dans les structures sociales qui accueillent les patients pour la remise à l’emploi.

 

§         Le soutien des pouvoirs publics, dans le cadre des RTSM, est indispensable au développement de structures d’accès au travail en milieu ordinaire. Les financements des entreprises d’insertion, comparables aux coopératives créées à Trieste, devraient être revus, diversifiés, augmentés et pérennisés.

 

§         Pour les enfants il est souhaitable que la PMI poursuive son travail avec les enfants jusqu’à la fin de l’école primaire et ensuite passe le relais à l’Education Nationale qui, elle devrait prendre en compte beaucoup plus la santé qu’elle ne le fait actuellement. A tous ces âges les équipes de santé mentale (enfants et adultes) devraient être partenaires.

 

§         Mise à disposition de travailleurs sociaux et de soignants de santé mentale, en équipes identifiées de santé mentale,  dans les circonscriptions sociales et autres structures sociales et médico-sociales, par convention, qui, de ce fait, participeraient aux actions de santé mentale. Un mouvement identique de la part des acteurs du champ social est à organiser corrélativement. Nous devons répondre aux demandes des travailleurs sociaux : soutiens de la part des professionnels de la santé mentale, supervisions, échanges sur les pratiques.

§         Revoir le dispositif d’accès aux soins des personnes en situation d’exclusion.  Le réseau à faire fonctionner dans ce cas n’est pas, , « une enveloppe coercitive, une unité de surveillance. C’est le résultat d’un travail de constitution de liens qui favorisent la communication inter-institutionnelle et autorisent le sujet et citoyen à s’éloigner de l’institution mère pour s’autonomiser loin de son omnipotence nourricière. Ces personnes ont besoin de psy, mais dans un cadre autre que celui qui leur apparaît une caricature et ils n’ont pas toujours tort »[50].

Le fonctionnement de l'équipe "Diogène" à Lille, est un exemple de ce que l'on peut organiser pour la grande précarité en associant, sur un territoire pertinent, tous les secteurs et toutes les institutions sociales d'aide aux précaires. Dans les secteurs plus ruraux, où la misère est tout aussi présente mais selon des expressions différentes, le travail en réseau que fait l’équipe de psychiatrie de Dax est à citer.

 

A l’opposé la précarité à Paris, et dans la petite couronne, se présente avec des caractéristiques démesurées qui nécessitent, pour l’accès aux soins en santé mentale et pour lutter contre ce que certains appellent « l’innomable » des conditions de vie de ces personnes, un dispositif de grande ampleur. Le rejet de la part du système sanitaire en général est un comportement quotidien. La carence en solutions d’hébergement crée des situations explosives. Il nous paraît complètement inadapté la création récente d’un poste infirmier pour chacun des CHS concernés soit environ 5 alors qu’il s’agirait plutôt que les quelques 150 équipes de psychiatrie, de Paris et de la petite couronne (adultes et infanto-juvénile),  mettent chacune à disposition un mi-temps infirmier pour ce travail dont la coordination serait à penser au niveau intercommunal. L’ampleur du problème nécessite un effort de cette ampleur. 

 

La question reste cependant de l’insuffisance des réponses sociales, et dans l’adaptabilité des systèmes. A l’intérieur des dispositifs RMI le volet  sanitaire est le maillon faible. Le récent dispositif ASI (Accompagnement Social Individualisé), qui veut apporter une prise en charge globale (sociale et sanitaire) pour une personne pendant 6 mois, est peut-être un début de réponse adaptée.

 

§         Conventionner un nombre suffisant de logements sociaux avec les organismes du logement social, les municipalités, les préfectures (qui ont chacune un quota disponible en la matière). Sur l’ensemble du territoire national les estimations disponibles évaluent les besoins à environ 3000 logements par an pendant 5 à 10 ans.

 

§         Mettre en place une commission nationale de lutte contre la stigmatisation des personnes qui ont des troubles mentaux. C’est très important pour permettre d’actionner une série de lois et d’orientations politiques déspécifiées qui existent déjà. Elle proposerait des campagnes médiatiques sur ce thème.

La santé mentale restera dans sa boîte noire si elle ne dispose pas de processus de déstigmatisation auprès du grand public, des élus, des corps constitués, de la presse. C’est un énorme chantier, en jachère, car il n’existe pas (comme au Canada et au Royaume Uni, par exemple) d’organismes susceptibles de diffuser à la fois des informations fiables sur les troubles psychiques et les ressources de l’offre mis à disposition des citoyens. La santé mentale devrait être l’un des thèmes permanents du CFES.

 

La lutte contre la stigmatisation passe par la professionnalisation de la communication sur la santé mentale, vers le grand public. Les difficultés pour la mettre en œuvre sont connues : absence de « discours commun unitaire de base » entre les professionnels et perception, par le grand public, d’une cacophonie inaudible ; paresse, pour ne pas parler d’ insuffisance qui nécessiterait peut-être une formation particulière sur la santé publique, chez de nombreux journalistes qui associent, systématiquement et sans réflexion, violence et « suivi en psychiatrie » ; incapacité des professionnels à positiver les informations sur les soins laissant ainsi la place vacante pour les messages publicitaires de l’industrie pharmaceutique ; image floue des évolutions en cours et déficit de débat sur les concepts de réseaux et les articulations sanitaire et social ; absence de discours politique sur la santé mentale depuis de longues années.

 

 

§         Développer le conventionnement des réseaux

Puisque l’on a l’impression, confuse et souvent fausse, que la psychiatrie sectorisée fonctionne déjà en réseau, la création de réseaux entre les champs sanitaires, médico-sociaux et sociaux conventionnés, coordonnées, programmées et évaluées par les tutelles et par les ARH  au niveau des territoires pertinents ou bassins de santé (RTSM), des départements et des régions doit être explicitée et encouragée. Nous rappelons que les secteurs ne doivent pas y être dominants.

Actuellement les conventions officiellement signées par le champ psychiatrique sont très peu nombreuses sur l’ensemble du territoire national.

Ces conventions doivent en premier lieu éviter le risque de la reconstitution de « ghettos » pour les plus faibles.

Elles doivent répondre aux besoins sociaux diversifiés des personnes. Certains doivent pouvoir accéder, dans des institutions ou à domicile, aux prestations (accompagnement, soins, activités…) ouvertes à tous les handicapés sans ségrégation. En fait, selon les besoins des personnes, les orientations correspondent aux divers établissements listés dans le chapitre II, section I, art. 9 du projet de loi portant réforme de la loi de 1975, en insistant spécialement sur les « appartements de coordination thérapeutique ».

Les conventions doivent précisément établir les objectifs, les moyens mis à disposition par les équipes professionnelles concernées, la durée de fonctionnement, les responsabilités de chacun et enfin prévoir régulièrement des évaluations quantitatives et qualitatives des actions envisagées.

Les divers professionnels, participant à l’action définie par la convention, doivent y être nommément désignés ainsi que leur rôle et le temps qu’ils doivent y consacrer.

Elles doivent aussi favoriser la mise en place d’actions innovantes, expérimentales dont l’initiative peut trouver son origine dans l’un ou l’autre champ mais toujours fonctionner avec des partenariats clairement identifiés.

 


Conclusion : Les politiques

Le déploiement de la psychiatrie vers le champ de la santé mentale se fera avec les politiques

 

AFFICHER UN NOUVEL ELAN POUR LA SANTE MENTALE

Une Loi Cadre, issue d’un débat parlementaire, après concertation avec les professionnels et leurs instances représentatives, doit impérativement manifester l’engagement du gouvernement et de la nation.

Nombreux sont les professionnels qui pensent que l’opinion publique serait sans doute prête à adhérer à un discours clair et cohérent des politiques sur le thème de la santé mentale.

 

Pour modifier la situation actuelle il faut impulser une évolution :

§         des pratiques,

§         de leurs dynamiques institutionnelles internes,

§         des rapports avec le sanitaire somatique (de proximité, normalisés mais respectant les singularités),

§         des rapports avec les champs social et médico-social (rénovés, structurés, lisibles dans leurs objectifs, leurs moyens et leurs intervenants) élaborés et équilibrés.

 

Une expérimentation, dans 2 ou 3 départements,  destinée à rôder les nouveaux outils administratifs, juridiques et techniques ainsi que pour mettre à jour quelques difficultés éventuelles dans les partenariats, serait sans doute nécessaire.

 

L’objectif de tout ceci est de permettre aux personnes, souffrant de quelque trouble psychique que ce soit, de choisir ses soins auprès de professionnels spécialisés recentrés sur leurs compétences, dans une société qui les aiderait à lutter contre la stigmatisation en restaurant le lien social (et le rôle des élus locaux à ce propos est essentiel car ce sont eux qui sont garants de l’accès à la citoyenneté de chacun).

 

 

L’accumulation, les superpositions actuelles et à venir, sur les équipes, de sujets importants comme la démarche qualité, l’accréditation, le PMSI, les 35 h, la redéfinition des métiers, l’éventuel redéfinition de la politique et des orientations générales en santé mentale, les évaluations, les innovations, les nouveaux partenaires, imposent :

 

Un affichage fort et cohérent par les responsables politiques d’un nouvel élan pour la santé mentale, dont les objectifs doivent être échéancés, financés et évalués régulièrement, devrait donc s’appuyer sur les thèmes suivants :

 

1-       renforcement de la place des usagers et des associations de familles,

 

2-       refonte des formations initiales et continues pour tous les professionnels,

 

3-       refonte des statuts des médecins (statut unique et passages public/privé),

 

4-       réforme des soins sous contrainte,

 

5-       réforme des soins aux personnes placées sous main de justice,

 

6-       création de Services Territoriaux de Psychiatrie (STP) et de Réseaux Territoriaux de Santé Mentale (RTSM), par rapprochement Psychiatrie/Somatique/Social/Elus locaux/Médico-social,

 

7-       répartition des effectifs hôpital temps plein/soins ambulatoires et insertion à 40/60 pour les secteurs, à terme rapproché, amenant un développement considérable des soins ambulatoires et de l’insertion,

 

8-       moratoire pour les investissements lourds sur les sites pour créer sur les secteurs, toutes les structures de soins ouvertes et intégrées

 

9-       moratoire sur les projets d’implantation de structures médico-sociales et sociales sur les anciens sites hospitaliers,

 

10-    arrêt des admissions dans les établissements psychiatriques situés à distance des lieux de vie des usagers,

 

11-    Mise en place de procédures d’accompagnement claires :

ü       régionalisation de la santé et modifications administratives correspondantes,

ü       contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels négociés, évalués et garantis par les ARH, utilisation facilitée des FIMO et FASMO,

ü       financements programmés,

ü       redéfinition des missions, du fonctionnement (avec une participation et un pilotage plus affirmé de l'administration) et des moyens de la MNASM,

 

13- Echéancier réaliste : 2 SROS maximum, en commençant par les SROS de 3ème génération qui seraient ainsi mieux anticipés.

 

 

 

 

 

 

La faisabilité de cette perspective globale suppose volonté, programmation, priorisation et financements, incitation, évaluation et contrôle. La tâche n’est pas impossible si une majorité de décideurs techniques et politiques sont convaincus du bien-fondé de cette perspective.

 

Il y a urgence à engager le changement, au regard des droits des usagers, des expériences françaises et étrangères et  du caractère intenable de la situation présente. 

 

Il y faudra de l'imagination, de l'ambition, de la persévérance, du courage et surtout de la pédagogie

 

Il s’agit bien de trouver le bon agencement entre d’une part une représentation globale de la psychiatrie, une orientation mobilisatrice de la politique de la santé mentale, une visibilité des bonnes pratiques et, d’autre part, leur interactivité transformative avec les dispositifs sanitaires sociaux, citoyens.

 

Le désenclavement de la psychiatrie, son inclusion dans la loi commune, sa déspécification ne signifient pas sa disparition, son gommage, mais bien sa mise en place comme « science des carrefours ».

 

 

[51]Table des matières

Présentation de la mission

La lettre de mission “ Réflexion et prospective en santé mentale ”___________ 7

Les modalités de travail______________________________________________ 7

Les principes généraux qui ont guidé notre réflexion_____________________ 11

Les axes concrets de changement que nous proposons__________________ 11

 

La situation de la santé mentale en France

Un principe de base : la sectorisation psychiatrique______________________ 12

L’augmentation des demandes adressées à la psychiatrie_________________ 12

Une offre de soins importante mais mal répartie_________________________ 13

1.    Les structures de soins________________________________________________ 13

1.1.    Une prépondérance générale du secteur public_________________________________________ 13

1.2.    Des disparités départementales marquées dans l’offre de soins_____________________________ 14

2     La démographie professionnelle_________________________________________ 15

2.1     Les psychiatres________________________________________________________________ 15

2.2     Les infirmiers_________________________________________________________________ 17

2.3     Les psychologues______________________________________________________________ 17

2.4     Capacités d’hospitalisation et densités en psychiatres___________________________________ 17

L’offre de prise en charge médico-sociale_______________________________ 17

1     Etat des lieux________________________________________________________ 18

2     Programmes et perspectives____________________________________________ 19

2.1     Deux plans pluriannuels pour les personnes handicapées________________________________ 19

2.2     Création de lieux ressource (guichet unique)__________________________________________ 19

2.3     Plan d’amélioration des COTOREP__________________________________________________ 20

2.4     Plan Handiscol________________________________________________________________ 20

2.5     Convention AGEFIPH___________________________________________________________ 20

2.6     Le projet de réforme de la loi 1975___________________________________________________ 20

3       La question du handicap psychique_______________________________________ 20

Des droits spécifiques pour les personnes atteintes de troubles mentaux____ 22

1.    La loi du 27 juin 1990__________________________________________________ 22

2       Les limites de la Loi__________________________________________________ 22

 

La situation de la santé mentale en France

Le constat________________________________________________________ 23

1.    Les usagers réclament le respect de leurs droits____________________________ 23

2.    Les familles et les proches appellent à un nouveau partenariat global____________ 25

3     L’image de la psychiatrie porte le poids de la stigmatisation et de l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux_________________________________________________________ 26

Les propositions___________________________________________________ 27

Assurer la représentativité réelle des usagers, à tous les niveaux du système de soins_ 27

Promouvoir les droits des usagers en santé mentale_____________________________ 27

Lutter contre la stigmatisation et l’exclusion des personnes souffrant de troubles mentaux 27

 

Les administrations

Le constat________________________________________________________ 29

1.    La planification est complexe, les outils d’aide à la décision sont inadaptés________ 29

1.1     Une planification complexe_______________________________________________________ 29

1.2     Des outils de planification inadaptés________________________________________________ 29

2.    La politique de sectorisation psychiatrique n’a pas été menée à son terme________ 30

3.    Le système de soins psychiatriques fonctionne à plusieurs vitesses_____________ 31

3.1     Une offre libérale pour les classes moyennes et aisées___________________________________ 31

3.2     Une offre publique plus orientée les catégories moins aisées, les pauvres et les démunis_________ 31

3.3     Une prise en charge sociale des souffrances psychiques des « exclus »______________________ 32

4.    Des erreurs politiques dans la gestion de la sectorisation psychiatrique__________ 32

5.    Une loi d’obligation de soins obsolète_____________________________________ 33

6.    Une opposition entre logique de soins et logique pénale.______________________ 33

6.1     Les limites de l’organisation actuelle________________________________________________ 35

6.2. Les soins psychiatriques pour les détenus en prison_____________________________________ 35

6.3. Les soins psychiatriques pour détenus dans les Unités pour  Malades Difficiles_________________ 35

6.4. Les soins psychiatriques pour les détenus dans les services d’hospitalisation de    secteur_________ 36

6.5. La question de l’irresponsabilité pénale_______________________________________________ 36

Les propositions___________________________________________________ 37

Mettre en cohérence les différents niveaux de planification_______________________ 37

Définir des outils d’aide à la décision adaptés___________________________________ 37

Mener la politique de sectorisation à son terme : passer de la psychiatrie à la santé mentale            38

1. Maintenir le principe de la sectorisation psychiatrique et le mener à son terme sur tout le territoire national 38

2. Créer, par bassin de santé ou territoire pertinent, un service territorial de psychiatrie (STP) articulé à un réseau territorial de santé mentale (RTSM).___________________________________________________________________ 38

Le Service Territorial de psychiatrie (STP)_______________________________________________ 38

Le Réseau Territorial de Santé Mentale (RTSM)__________________________________________ 42

Accompagner la mutation par des mesures adaptées_____________________________ 46

1.     Répartir les personnels entre l’hospitalisation temps plein d’une part, les soins ambulatoires et d’insertion d’autre part, selon une proportion de 40/60._________________________________________________________________ 46

2.     Prévoir un moratoire sur les projets d’investissements lourds sur les sites des anciens CHS________ 46

3.  Implanter toutes les structures de soins gérées par le STP, dans la zone géographique desservie par chaque secteur 46

4.     Prévoir impérativement un moratoire sur les projets de remplacement des services de psychiatrie par des structures médico-sociales et sociales sur site.___________________________________________________________ 46

5      Prévoir, après une période de transition, l’arrêt des admissions dans les sites des hôpitaux spécialisés 46

Réformer les modalités de l’obligation de soins psychiatriques_____________________ 47

1.     Instaurer une loi déspécifiée pour l'obligation de soins psychiatriques________________________ 47

2      Mettre en place une nouvelle organisation de l’obligation de soin___________________________ 47

Proposer une organisation des soins aux personnes sous main de justice qui articule logique de soins et logique pénale__________________________________________________________________ 51

1.     Réorganiser les soins ambulatoires dans les établissements pénitentiaires._____________________ 51

2.     Réformer les modalités d’organisation de l’hospitalisation des personnes placées sous main de justice nécessitant des soins psychiatriques : les UHSI-Psy._________________________________________________________ 51

3.     Favoriser la réinsertion des personnes détenues nécessitant des soins spécialisés de longue durée__ 52

4.     Elaborer les soins dans les établissements pénitentiaires et dans les UHSI-Psy de manière intersectorielle, par bassin de santé.        52

5.     Régler le problème de l’expertise psychiatrique pour les personnes détenues___________________ 53

 

Les professionnels

Le constat________________________________________________________ 54

1.    Des formations inadaptées aux évolutions sociales et aux pratiques_____________ 54

1.1     Les psychiatres________________________________________________________________ 55

1.2     Les psychologues cliniciens______________________________________________________ 55

1.3     Les infirmiers__________________________________________________________________ 55

1.4     Les travailleurs sociaux__________________________________________________________ 56

1.5     Les médecins généralistes.________________________________________________________ 56

1.6     Les personnels de direction_______________________________________________________ 56

2.    Une pratique de recherche inféodée et non coordonnée_______________________ 56

3.    Une multitude de statuts pour les praticiens hospitaliers______________________ 57

4.    Une répartition professionnelle inadaptée aux besoins des populations___________ 57

4.1     Les psychiatres________________________________________________________________ 57

4.2. Les infirmiers___________________________________________________________________ 57

Les propositions___________________________________________________ 58

1.    Adapter les formations professionnelles aux évolutions sociales et aux pratiques de terrain       58

1.1     Les psychiatres._______________________________________________________________ 58

1.2.    Les psychologues cliniciens______________________________________________________ 58

1.3.    Les infirmiers__________________________________________________________________ 58

1.4     les travailleurs sociaux___________________________________________________________ 59

1.5     Les ergothérapeutes. Les psychomotriciens.__________________________________________ 59

1.6     Les professionnels issus d’autres formations en sciences humaines.________________________ 59

1.7     Les secrétaires médicales.________________________________________________________ 59

1.8     Les médecins généralistes________________________________________________________ 60

1.9     Les personnnels de direction______________________________________________________ 60

1.10   Les familles d’accueil____________________________________________________________ 60

1.11   Pour tous_____________________________________________________________________ 60

2. Structurer la recherche en santé mentale au niveau régional_____________________ 60

2.1.    La recherche clinique____________________________________________________________ 60

2.2     La recherche pharmacologique_____________________________________________________ 61

3.    Un statut unique pour les praticiens hospitaliers_____________________________ 61

4.    Une meilleure répartition des professionnels sur le territoire national____________ 62

4.1     La gestion des carrières des psychiatres publics._______________________________________ 62

4.2     Les infirmiers, les psychologues et les travailleurs sociaux________________________________ 63

4.3     Les personnels administratifs_____________________________________________________ 63

4.4     Conséquences sur la répartition public / privé_________________________________________ 63

 

Les acteurs sociaux

Le constat________________________________________________________ 64

1.    La dispersion des structures et des organisations sociales_____________________ 64

Les propositions___________________________________________________ 67

Apprendre à travailler en réseau entre professionnels des différents champs_________ 67

Rapprocher les cultures professionnelles______________________________________ 67

Quelques réflexions très provisoires_________________________________________ 68

 Conclusion : Les Politiques

Une loi cadre                                                                                                                        93

 

Remerciements

 Nous tenons à remercier particulièrement tous nos « correspondants en France comme à l’étranger, pour la richesse des échanges et des débats, pour, la tolérance, l’amitié et la confiance qu’ils  nous ont manifesté.

Nous ne pouvons, en retour, qu’espérer de l’indulgence pour ce texte qui est d’une certaine manière le leur.

Mesdames :

E. Beau                                                                                        I. Guesdon

D. Boissinot                                                                                C. Finkelstein

C. Martin-Leray                                                                        F. Mougeotte

R. Bocher

Messieurs :

J.P. Martin                                                                                A. Castéra

 M. Livet                                                                                      F. Théodore

M. Minard                                                                                  R. Demelemester

E. Perrier                                                                                  C . Louzoun

 G. Vidon                                                                                     G. Milleret

 S. Tomkievicz                                                                           V. Garcin

 P. Beuf                                                                                        Ch. Alezrah

 M. Eynaud                                                                                  Ch. Muller

 Ph. Mullard                                                                               S.D. Kipman

 D. Leguay                                                                                   L. Bonnafé

 G. Massé                                                                                    Ch. Bonal

 E. Graindorge                                                                            S. Kanas

 R. Lepoutre                                                                                P. Morin

 

Un remerciement particulier pour tous ses encouragements, sa clairvoyance et son travail de relecture et de mise en forme à Aude Caria, sans laquelle nous n’en serions pas là !

 



[1] Cf. Les résultats de l’enquête : “ La santé mentale en population générale : images et réalités ” ASEP-CCOMS-EPSM-Lille Métropole-Ministère de la Santé-Ministère des Affaires étrangères – Juin 2001

[2] Mignot

[3] DREES “ L’offre de soins en psychiatrie : des “modèles” différents selon les départements ”, Études et Résultats n° 48, janvier 2000.

[4] CREDES “ Prévalence et prise en charge médicale de la dépression en 1996-1997 ” Bulletin d’information en économie de la santé, n°21, septembre 1999

[5] DREES, ibid cit

[6] Données OMS – “ Mental Health in General Health Care : an international study ” Wiley Ed. 1995

[7] Etude du département statistique de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie CNAM – Juin 2001

[8] centre hospitalier spécialisé en psychiatrie et services de psychiatrie des hôpitaux généraux) et Hôpitaux psychiatriques privés (HPP) qui sont des établissements de santé de lutte contre les maladies mentales privés participant au service public et habilités à accueillir des patients en hospitalisation sous contrainte.

[9] DREES “ L’offre de soins en psychiatrie : des “modèles” différents selon les départements ”, Études et Résultats n° 48, janvier 2000.

[10] Ce chiffre comprend les infirmiers de secteur psychiatrique et les infirmiers DE exerçant dans un service de psychiatrie.

[11] DREES, ibid cit.

[12] pour certains il serait moins polémique d’utiliser le terme d’ “ utilisateurs ” mais “ usagers ” est le terme choisi par les associations.

[13] F. Chapireau, A. Philippe, F. Casadebaig INSERM-CCOMS Enquête handicap, incapacité et déficience 2000

[14] Association française de psychiatrie, Comité d’action syndical de la psychiatrie, Conférence nationale des présidents de CME de CHS, Fédération d’aide à la santé mentale Croix Marine, Fédération nationale d’(Ex)PatientsPsy, Fédération française de psychiatrie, Ligue française pour la santé mentale et UNAFAM

[15] Pour reprendre l’expression de Paul Morin, sociologue québécois, lors du colloque “ Informer les usagers en santé mentale : qu’est-ce que cela change ? ! ” 5 avril 2001, Ministère de la santé

[16] cf. “ La santé mentale en population générale : images et réalités ” ASEP-OMS-EMPS Lille Métropole-Ministère de la santé-Ministère des Affaires étrangères- Rapport de recherche – Juin 2001

[17] DRESS “ Etudes et résultats ” n°116, Mai 2001, “ La perception des problèmes de santé mentale : les résultats d’une enquête sur neuf sites ” Marie Anguis, Jean-Luc Roelandt et Aude Caria

[18] Brochure OMS Bureau Europe : “ Non à l’exclusion, Oui aux soins ” 2001

[19] Petit Larousse

[20] Dr Benedetto SARACENO, responsable de la division santé mentale à l’OMS-Genève.

[21] Etude de l’Union Régionale des Médecins Libéraux d’Ile-de-France  URMLIF  février 2000

[22] Source DGS.

[23]  On ne doit plus voir, par exemple, ce qu’aux Beaumettes on appelle les “ robinets marseillais ”, c’est-à-dire des cellules aux conditions d’hygiène dégradantes.

[24] Observatoire International des Prisons, 28 septembre 2000

[25] C. Balier, C. Parayre et C. Parpillon (1995),

[26] X. Lameyre (2000), reprenant P. Ricoeur

[27]  Dr Paulet du SMPR des Beaumettes

[28]  Dr M. Minard, Dax.

[29] S. Paul, IGAS, in Rhizome n°3 déc. 2000 (qui prouve encore une fois que Lucien Bonnafé avait raison :“ Des hommes plutôt que des murs ”)

[30] Lucien Bonnafé, encore…

[31]  Dr Emmanuelli

[32] L’aménagement du système sanitaire en 2020

[33] cf. Les résultats de l’enquête HID en institutions psychiatriques, F. Chapireau Ibid cit.

[34] Hubert Mignot dans le Livre Blanc de la psychiatrie française de 1963 en signalait le caractère “ exorbitant ”

[35] Comme ne cesse de le dire le Dr Lucien. Bonnafé

[36] M. Delattre, de l’Administration Pénitentiaire 

[37] Observatoire International des Prisons, 28 septembre 2000

[38] Dr Thierry Trémine, Rhizome n° 3

[39] Dr M. Marsili, Dijon, juin 2001.

[40] La question est posée par Alain Ehrenberg, dans « La fatigue d’être soi », Odile Jacob, 1999

[41] Dr S. Kannas, Mission Nationale d’Appui à la Santé Mentale

[42] Christian Bonal, MNASM

[43] Coordonnée par le Pr Thomas, CHRU de Lille

[44] Dr Gilles Vidon, Président de la CME du Centre Hospitalier Esquirol

[45] Comme le préconise, entre autres professionnels, le Pr. Frédéric Rouillon, CH Albert Chenevier, Créteil

[46] cf. l’étude de l’URML-IF de février 2000

[47] Émilia M.-O Marty (« Les enfants de l’oubli », Dunod, 1997)

[48] actuellement en cours de mise en place par la DGAS

[49] « L’articulation du sanitaire et du social », Dunod, 2000, Marcel Jaeger

[50] selon le Dr M. Bon de Lyon

[51]