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LES THÉRAPIES FAMILIALES
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS

Qu'est-ce que c'est ?
La thérapie familiale consiste, comme son nom l'indique, à recevoir tout le groupe familial, parents et enfants, parfois les grands parents ou d'autres membres de la famille au cours de séances collectives.
Cette méthode s'appuie sur un certain nombre d'évidences :
-lorsqu'un enfant, un adolescent ou un jeune adulte présente des symptômes (dépression, tentatives de suicide, anorexie ou boulimie, fugues, toxicomanie) toute la famille souffre de la situation ; les parents, mais aussi les frères et sœurs se sentent volontiers coupables

-les signes manifestés par le jeune sont parfois l'expression d'un malaise qui ne le concerne pas directement : il s'inquiète d'un conflit entre ses parents, il craint la maladie ou le décès d'un grand parent

-surtout, les réponses apportées par les parents ou l'entourage, plutôt que d'améliorer la situation, vont parfois l'empirer

Il ne s'agit donc pas de culpabiliser les parents en les rendant responsables de ce qui se passe mais au contraire de les aider à aider leur enfant, et à dégager les frères et sœurs d'une atmosphère trop tendue ou dépressive.

La thérapie peut se justifier du simple fait du refus de la patiente à consulter pour elle-même ; il s'agit alors d'aider la famille à faire émerger une demande chez leur fille par une prise de conscience de certains problèmes familiaux liés à ses symptômes.
Le thérapeute peut repérer par exemple que son patient est enlisé dans une dynamique familiale pathologique qui majorait sa dépression ; si rien ne change du côté de ses parents, il va rester lui-même bloqué dans ses conduites suicidaires qui sont peut-être un appel lancé à sa famille

Le principe de la méthode
La thérapie familiale s'articule autour de deux pôles
-chacun dans la famille occupe une fonction explicite (père, mère, enfant) et une fonction implicite (tel enfant va être le soutien de sa mère en cas d'absence du père, tel autre va toujours tenter d'attirer l'attention sur lui en manifestant des symptômes pour diminuer les conflits et les disputes) Ces fonctions sont petit à petit mises en évidence et chacun apprend à s'en dégager

-d'autre part, les membres de la famille peuvent souffrir d'une histoire très lourde que chacun ne connaît pas très bien : ce sont ces fameux " squelettes dans les placards " dont parlent les Anglais : suicides, déportations, enfants adultérins, internements psychiatriques.

L'histoire secrète peut devenir une histoire commune

Les dysfonctionnements de la communication entre les personnes proviennent de ce que l'on peut appeler des " ponctuations " dans la description de la réalité; prenons un exemple :
Dans la famille Dupont, André, le père, a un problème d'alcool. " Je bois, déclare-t-il, parce que ma femme est dépressive ; cette dépression est si pénible que je n'ose pas revenir à la maison, et je reste au bistrot.. "
Mais Jacqueline, la mère annonce quant à elle : " voir mon mari s'enfoncer ainsi dans l'alcool provoque en moi un tel désarroi que je m'enfonce irrémédiablement dans la dépression.. "
Chacun a raison et décrit sa vision de la réalité ; vu de l'extérieur, on dirait que André et Jacqueline sont inscrits dans une boucle de feed-back positif dans laquelle la dépression de l'un provoque et majore l'alcoolisme de l'autre et réciproquement.
Leur fille Pauline qui songeait à quitter le domicile familial pour aller faire ses études dans une grande ville commence à manifester des signes d'anorexie qui lui font renoncer à son projet ; le fait que sa fille reste auprès d'elle soulage inconsciemment Jacqueline qui redoutait son départ ; la dépression de Jacqueline s'améliore : il y a là une boucle de feed-back négatif entre l'anorexie et la dépression.
Jacqueline, André et Pauline (et sans doute d'autres protagonistes, tels les grand parents ou d'autres frères et sœurs) font partie d'un système dans lequel chacun se met à occuper des " fonctions " qui les relient les uns aux autres.
Dans une période de crise chaque membre de la famille est bloqué dans sa fonction et donc dans ses symptômes.
Seule une prise de conscience de leurs dépendances réciproques permettra à chacun de reprendre une évolution plus harmonieuse.

Quel type de praticien pour cette méthode ?
Face à de telles culpabilités, les thérapies familiales sont à l'heure actuelle un mode de psychothérapie parfois indispensable en complément d'une prise en charge individuelle. Issues d'un important courant de recherche américain, elles se sont implantées en France et en Europe depuis les années 70.
Au delà du cadre privé, des psychiatres et des psychologues des hôpitaux ou des institutions spécialisées, des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, des intervenants en toxicomanie se forment à la thérapie familiale pour comprendre l'impact de la dynamique de la famille sur les problèmes qu'ils ont à traiter et pour savoir comment l'améliorer.

Ceci va à l'encontre de l'habitude de certains services, notamment pour enfants, qui ont tendance à rejeter la famille et à la juger ainsi implicitement responsable des problèmes rencontrés.

Si un membre de votre famille est suivi dans une institution, des rencontres familiales peuvent lui être proposées.
Si vous souhaitez consulter, il existe des lieux de consultation gratuits ou remboursés par la sécurité sociale ainsi que des lieux privés.
La société française de thérapie familiale, qui regroupe de nombreux intervenants, publie tous les ans un annuaire.

Les points forts et les points faibles de la méthode
Aucune méthode n'est miraculeuse !
Le grand intérêt des thérapies familiales est de prendre en compte un contexte plus vaste que le symptôme tel qu'il se manifeste, c'est à dire de mieux comprendre comment naissent les symptômes et comment ils s'entretiennent.
Souvent quand un membre d'une famille ou d'un couple connaît une amélioration par une prise en charge personnelle, il rechute lorsqu'il est replongé dans son milieu habituel : il faut que tout le monde puisse avancer en même temps et le traitement conjoint de toute la famille peut le permettre. A l'inverse, participer à ces séances peut provoquer de douloureuses prises de conscience chez un ou l'autre membre de la famille. Tout ne se résout pas dans les entretiens et il sera parfois nécessaire d'aller consulter quelqu'un pour soi-même.



Document écrit tiré de l'émission de télévision PSYCHE