SEXOLOGIE
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS
Qu'est-ce que c'est ?
C'est avec William Masters et Virginia Johnson que naîtra dans les années soixante aux Etats-Unis la sexologie moderne. Cette nouvelle approche des troubles sexuels a pour principale caractéristique de restituer d'emblée les dysfonctionnements sexuels comme une dysfonction du couple. En cela, elle se distingue des traitements antérieurs médicaux, psychiatriques ou psychanalytiques.
C'est après la parution du célèbre rapport Kinsey sur le comportement sexuel des Américains que ces médecins entreprendront des observations en laboratoire pour déterminer les mécanismes psycho-physiologiques de l'activité sexuelle.
Au paroxysme de cette période expérimentale, la sexologie se constitue peu à peu et émerge de la confrontation de disciplines aussi différentes que la gynécologie, l'endocrinologie, la chirurgie, la psychiatrie, la zoologie ou la sociologie.
Les arcanes du fonctionnement sexuel féminin et masculin sont ainsi peu à peu mis en évidence ; et il en découlera des interventions psychothérapiques visant à retrouver une harmonie sexuelle.
Car s'il existe bien une spécificité de la sexologie, c'est que des thérapeutes vont se focaliser sur le plaisir et le vécu du plaisir dans une dimension relationnelle.
Les difficultés sexuelles varient selon les époques, et leur évolution reflète celle de la société.
Il y a une dizaine d'années, les femmes consultaient surtout pour vaginisme, une contraction involontaire des muscles qui rend la pénétration impossible, et les hommes pour éjaculation précoce, c'est-à-dire une éjaculation incontrôlable en moins d'une minute.
Aujourd'hui, c'est l'absence de désir qui constitue la première cause de consultation. Les cabinets des sexologues se remplissent de couples qui s'inquiètent pour leur avenir : ils ont du mal à éprouver des désirs concordants et surtout à communiquer sur leur sexualité ; les relations sexuelles s'espacent jusqu'à devenir quasi inexistantes.
Les spécialistes estiment ainsi que seul un tiers des couples connaît des relations sexuelles satisfaisantes ; un autre tiers a un partenaire frustré et le dernier tiers n'a jamais, ou presque, de relations sexuelles.
On peut aussi se rendre chez le sexologue pour des questions très précises que l'on ose poser à personne : comment fait-on pour se masturber ? mon sexe est-il de taille normale ? comment retarder une éjaculation ou maintenir une érection ?
Des questions corporelles et physiologiques très précises mettent souvent en lumière l'absence d'une éducation sexuelle ; mais les sexologues savent bien que dans la plupart des cas, le problème prédominant ne concerne pas la mécanique sexuelle mais les difficultés qu'ont les hommes et les femmes à fonctionner ensemble et à se comprendre.
Il faut réaliser qu'un symptôme sexuel peut relever d'une multitude de domaines très différents les uns des autres : une lésion organique qu'il faut soigner, une méconnaissance de son corps qu'il s'agit d'éclaircir, l'expression d'un conflit intérieur ou d'une dépression qui relève d'une psychothérapie, un conflit conjugal qui s'exprime à travers la sexualité.
Tous ces éléments peuvent bien sûr coexister et s'amplifier les uns les autres !
Le principe de la méthode
On aura compris que face à la diversité des causes des symptômes sexuels, l'acte essentiel du thérapeute va être d'établir un bon diagnostic de la situation afin de dégager la meilleure orientation thérapeutique pour l'individu ou pour le couple. Des explorations biologiques, radiologiques, gynécologiques pourront parfois s'avérer nécessaires.
Dans la plupart des cas, c'est une orientation psychothérapique qui va être appropriée :
-il s'agit soit de psychothérapies traditionnelles comme les psychothérapies analytiques, la relaxation ou les psychothérapie de couple
-soit de thérapies corporelles ou de sexothérapie à proprement parler.
Les sexothérapies sont orientées spécifiquement sur le trouble sexuel. Il s'agit d'une méthode thérapeutique brève de quinze à vingt qui visent à un réapprentissage sensuel et sensoriel à l'intérieur du couple.
Le couple peut être reçu par un couple de thérapeutes ou un thérapeute seul. Il peut parfois s'agir d'entretiens de groupe.
Les entretiens ont aussi une visée pédagogique : ils visent à informer, à remettre en cause les croyances erronées, à déculpabiliser la sexualité, et surtout à mettre des mots sur des conduites et des désirs qui restent habituellement dans le domaine du non-dit .
Les sexothérapies sont orientées spécifiquement sur le trouble sexuel. Il s'agit d'une méthode thérapeutique brève de quinze à vingt séances qui visent à un réapprentissage sensuel et sensoriel à l'intérieur du couple.
Les premiers entretiens consistent à mettre des mots sur des conduites et des désirs qui restent habituellement dans le domaine du non-dit .
Si le désir n'est plus au rendez-vous, un travail psycho-corporel à base de relaxation, respiration et massage sera proposé : c'est le sensate focus :
Assis par terre sur des coussins, dos à dos, chacun parle à l'autre de ses difficultés et de ses besoins.
Puis, ils se relaxent, allongés, (et habillés !) en se prenant par la main, pour renouer le contact.
Il est en général suggéré une période d'abstinence de quelques semaines au cours de laquelle le couple réapprend progressivement à son domicile des approches corporelles, des massages, des attouchements sans pénétration afin de ne pas se focaliser sur leur problème.
Lorsqu'ils suivent ses étapes, la majorité des couples reprend par la suite une vie sexuelle satisfaisante.
Un motif fréquent de consultation pour les hommes concerne l'impuissance ou les troubles de l'érection.
L'érection nécessite en effet une mécanique très complexe.
La verge comprend deux cylindres appelés corps caverneux ; ils contiennent des alvéoles dont la paroi est constituée de fibres musculaires lisses.
Lorsque les fibres musculaires se relâchent, les alvéoles se remplissent de sang : il y a une vasodilatation responsable de l'érection
Ce relâchement des fibres musculaires est sous la dépendance étroite du système nerveux par l'intermédiaire de nombreux médiateurs chimiques dont le monoxyde d'azote (NO)
Au niveau de la moelle épinière, deux centres interviennent :
-un centre parasympathique au niveau du sacrum commande l'érection
-un autre centre sympathique au niveau lombaire maintient la flaccidité de la verge
Ces centres médullaires sont sous la dépendance de très nombreuses zones du cerveau qui interviennent dans la régulation du désir et du plaisir.
L'origine de l'impuissance peut ainsi se situer dans le cerveau et les pensées ; c'est le plus fréquent : le désir, les fantasmes, les difficultés relationnelles, mais aussi le stress, la fatigue, l'anxiété, l'appréhension interviennent sur la qualité de l'érection.
Mais les causes peuvent être également neurologiques, hormonales ou vasculaires : fuite veineuse au niveau des corps caverneux, diabète, problèmes thyroïdiens, prise de médicaments etc…
Depuis quelques années, le Viagra qui provoque une vasorelaxation artérielle au niveau des corps caverneux a grandement soulagé des personnes souffrant d'impuissance totale ou partielle).
Quel type de praticien pour cette méthode ?
La sexologie s'est développée en France dans les années 70 dans un contexte socio-politique spécifique avec le féminisme, la contraception, l'avortement légalisé, la reconnaissance des mouvements homosexuels, l'exigence de la jouissance féminine ; de cette grande époque de la culture du corps naît la Société française de sexologie clinique à laquelle participent des médecins, des gynécologues, des urologues, des psychiatres, des psychanalystes.
Par la suite sera créée l'Association Inter-hospitalo universitaire de sexologie, le Syndicat national des médecins sexologues et un Syndicat national des sexothérapeutes qui regroupe des médecins et non médecins.
Le but de ces regroupements est de réglementer une profession qui risque d'être sujette à toutes les dérives : l'appellation de sexologue n'est pas protégée par la loi ; n'importe qui peut s'intituler " sexologue " mieux vaut donc s'assurer qu'il s'agit d'un professionnel qualifié.
De même, la vente libre de médications soi-disant sexotropes n'est soumise à aucune législation.
En matière de sexo-thérapie, rien ne justifie la nudité des participants, ni les passages à l'acte sexuels de soi-disant thérapeutes sur leur patient
La misère sexuelle a donné naissance à une foule de prétendus thérapeutes qui abusent sans vergogne de personnes en situation de faiblesse ou organisent de véritables partouzes sous prétexte d'un traitement.
La sexologie est une discipline sérieuse et efficace lorsqu'elle est pratiquée par les professionnels qui respectent l'éthique de leur discipline.
Les points forts et les points faibles de la méthode
Un gynécologue ne parle pas toujours de plaisir et d'orgasme avec ses patientes, un chirurgien n'explore pas la fantasmatique du désir, un psychanalyste ne prescrit pas d'exercices érotiques, un psychologue ne prône généralement pas de massage sensoriel.
C'est pourquoi la prise en compte de la réalité sexuelle et de la fonction érotique mobilise le domaine de la sexologie qui n'est pas entièrement contenu dans les disciplines qui la constituent.
Certes, les symptômes sexuels sont souvent le signe d'autres difficultés plus profondes, d'inhibitions relatives à l'histoire de chacun ; mais s'attacher à soigner spécifiquement un symptôme n'empêche pas de s'interroger si on le souhaite sur d'autres aspects de soi.
Une fausse croyance existe, très largement partagée : l'amour doit être magique et se faire naturellement. C'est faux ! faire l'amour ça peut s'apprendre et se réapprendre. Faire renaître le désir n'est pas forcément spontané. Plus que des spécialistes du sexe, les sexologues sont devenus des spécialistes de la relation à deux, et ceci parce qu'un symptôme sexuel est toujours un symptôme relationnel.
Document écrit tiré de l'émission de télévision PSYCHE