LA PSYCHANALYSE
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS
Qu'est-ce que c'est ?
" Etes-vous psychiatre, psychologue ou psychanalyste ? ? Etes-vous freudien, lacanien, ou junguien ? ?
Au fil de ces questions, mille fois posées aux psychothérapeutes lors d'une première rencontre, se dessine l'inquiétude de celui ou de celle qui demande qu'on soulage sa souffrance psychique : quelle est votre méthode, votre école d'appartenance, votre formation ; dans l'esprit du grand public, en effet, toute psychothérapie relève de la psychanalyse.
Il n'en est rien : inventée par Freud au début du siècle dernier, la psychanalyse est une discipline qui s'appuie sur des concepts rigoureux (l'inconscient, les pulsions, le refoulement), une méthode d'investigation de l'esprit et une technique de traitement fondée sur cette méthode.
Cette découverte de pensées inconscientes souterraines, sources de conflits avec les pensées conscientes, a bouleversé l'approche du fonctionnement mental et a suscité une véritable révolution dans la manière de concevoir l'individu.
Si la théorie psychanalytique est largement utilisée dans de nombreux contextes, la cure psychanalytique proprement dite ne s'adresse pas à tout le monde : il ne s'agit pas de faire disparaître rapidement un symptôme, mais d'explorer jusqu'aux sources de la souffrance, de modifier profondément les processus mentaux, les mécanismes de défense qui se sont rigidifiés avec le temps ; bref de diminuer les conflits internes et les sentiments inconscients de culpabilité.
La psychanalyse se trouve donc indiquée dans les névroses qui sont le plus souvent dues à des conflits intérieurs entre processus conscients et inconscients ; les troubles plus graves de la personnalité demandent généralement une modification du cadre traditionnel de la cure.
Mais il ne s'agit pas non plus de penser qu'une analyse est une simple exploration intérieure, un voyage hygiénique pour accéder à une meilleure connaissance de soi.
Il s'agit d'un traitement long, coûteux, réclamant un investissement psychique considérable
Le principe de la méthode
La technique psychanalytique élaborée par Freud s'est modifiée au fur et à mesure de l'évolution de la théorie : il a d'abord utilisé l'hypnose pour accéder aux souvenirs refoulés, puis il est passé à la règle de la libre association qui permet de libérer les affects et les souvenirs refoulés.
A partir d'une ou plusieurs séances préliminaires, seront fixées la fréquence, la durée des séances et leur prix.
Soumis à cette règle des associations libres, étendu sur un divan, l'analyste étant hors de sa vue, l'analysant enchaîne des idées les unes avec les autres, évoque des rêves, des morceaux de souvenirs. C'est à partir de la façon dont tous ces éléments s'associent les uns aux autres, comme les différents maillons d'une longue chaîne, que s'énonce l'accès aux pensées inconscientes ou aux fantasmes inconscients.
Freud s'est d'abord attaché à montrer l'importance de la sexualité, ce qu'il nomme les pulsions sexuelles, dans le développement de l'individu ; ceci a provoqué à l'époque un véritable scandale. La découverte des différents stades de la sexualité lui permet d'élaborer la notion du complexe d'Œdipe en référence à la tragédie antique : l'enfant s'attache au parent de sexe opposé et éprouve des sentiments hostiles pour le parent de même sexe.
Ces désirs et ces conflits, insupportables pour l'enfant, sont refoulés, c'est-à-dire transportés hors du champ de la conscience, d'où la constitution de l'Inconscient, véritable pensée parallèle à la pensée consciente. Dans l'inconscient viendront se nicher tous les traumatismes sexuels ou non, que le sujet préfère oublier. Les conflits entre pensée consciente et pensée inconsciente sont à l'origine de symptômes comme les phobies ou les obsessions ; ces symptômes sont des émergences de l'Inconscient sous une forme travestie.
Grâce au dispositif de la cure analytique, le patient projette sur l'analyste les images parentales dessinées au cours de son enfance, il répète des situations infantiles dans sa relation à l'analyste : c'est le transfert qui est le véritable levier de la méthode. Il s'agit donc de transporter des sentiments, des affects plus anciens dans le cadre d'une relation actuelle.
Par l'analyse de ce transfert, et par le biais des rêves ou des lapsus, le patient accède à ses pensées inconscientes et se libère ainsi des traumatismes pénibles qui l'empêchaient d'évoluer.
Quel type de praticien pour cette méthode ?
Choisir son psychanalyste si l'on est décidé à entreprendre un cure relève souvent du parcours d'obstacle, tant les écoles et les praticiens sont nombreux. Des associations professionnelles, des Instituts délivrent des listes de noms, mais comment choisir entre les différentes écoles, comment connaître la formation de son futur thérapeute ?
Pour vous aider à vous diriger, retenez tout d'abord que la psychanalyse est une méthode thérapeutique et non un métier.
L'appellation de psychanalyste sur une carte de visite ne signifie rien car il n'existe pas de diplôme de psychanalyste.
Les professionnels peuvent être des psychiatres (c'est-à-dire des médecins spécialistes) ou des psychologues (qui ont mené à terme cinq années d'études de psychologie), qui pratiquent la psychanalyse.
Ceci signifie en général qu'ils ont eux-mêmes suivi une psychanalyse appelée didactique et qu'ils sont affiliés à une école ou à un groupe.
D'autres praticiens qui ne sont ni médecin, ni psychologue pratiquent la psychanalyse : mieux vaut alors qu'ils figurent sur les listes d'un institut professionnel reconnu.
Une autre difficulté tient à la diversité des courants qui ont suivi et modifié les découvertes de Freud ; chacun d'eux a tendance à se considérer comme les tenants de la " véritable " psychanalyse.
Ainsi, une analyse menée par un disciple de Jung ou par un disciple de Lacan sera fondamentalement différente.
Quel que soit votre choix, ayez recours à des professionnels, prenez conseil auprès de praticiens ou de médecins que vous connaissez ou interrogez un entourage en qui vous avez confiance
Les points forts et les points faibles de la méthode
Victime de son propre succès, la psychanalyse s'est trouvée menacée, selon le mot de François Roustang, de devenir " la seule religion possible à l'Ouest " tant ses disciples et zélateurs pratiquent volontiers un certain prosélytisme.
Il ne se passe pas une semaine sans qu'une couverture de magazine ou une émission audiovisuelle ne se consacre à ce sujet.
Au delà des effets de mode, l'invention freudienne est devenue au fil des ans une pratique solide et rigoureuse ; l'importance du transfert dans la relation thérapeutique, par exemple, est reconnue par l'ensemble des praticiens, même par ceux qui pratiquent d'autres méthodes.
Les exigences de la " cure-type ", avec ses trois à quatre séances hebdomadaires, sa durée qui excède souvent cinq ans, le prix des séances qui grève parfois lourdement un budget, peuvent rendre la démarche difficile. Mais la plupart des psychothérapeutes ont à présent assoupli ces règles, et nombreux sont les lieux où une démarche analytique est possible dans un cadre de soins moins contraignant.
Document écrit tiré de l'émission de télévision PSYCHE