GESTALT
Dr Serge HEFEZ
Psychiatre. ESPAS
Qu'est-ce que c'est ?
Selon les principes de la Gestalt, si vous négligez un seul élément de votre vie, de votre comportement, de votre passé, de votre psychisme ou de votre corps, vous ne pourrez aboutir au mieux-être et à la guérison.
Pour y parvenir, il vous faudra découvrir votre propre unité, et acquérir une vision d'ensemble de vous-même.
C'est ce que le psychiatre allemand Fritz Perls a résumé par " gestalt "du verbe " gestalten " qui signifie mettre en forme, donner une structure signifiante.
Né à Berlin à la fin du XIX° siècle, Perls entreprend plusieurs psychanalyses dont la dernière avec Wilhem Reich, qui, comme on le sait refusait toute rupture entre le corps et l'esprit ; fuyant le nazisme, il finit par se réfugier aux Etats-Unis où il rompt progressivement avec la communauté psychanalytique internationale pour fonder cette méthode originale destinée à rendre à l'individu sa globalité et son unité.
Et c'est à partir des années 70, époque propice à la quête de l'authenticité et de l'épanouissement personnel, que la gestalt thérapie qui se focalise sur les émotions vécues dans le présent, va connaître un essor considérable dans le monde entier.
Perls disait : " la gestalt est une méthode trop efficace pour n'être réservée qu'aux seuls malades ! "
C'est pourquoi, au delà de l'aspect thérapeutique, elle est souvent présentée comme un art de vivre, voire comme une philosophie de l'existence.
Chaque problème de la vie peut être abordé, de la timidité aux difficultés sexuelles, des problèmes familiaux à la recherche spirituelle, en passant par l'anxiété ou les souffrances affectives.
Elle est néanmoins contre-indiquée aux personnes trop destructurées, incapables de faire la différence entre " mettre en scène " et " passer à l'acte ". Et dans les troubles mentaux graves, la Gestalt pourra éventuellement être pratiquée mais en association avec un traitement prescrit par un psychiatre.
le but de la Gestalt est en effet de donner libre cours à ses émotions : elle s'adresse ainsi préférentiellement aux personnes hyper-intellectualisées, " sous pression ", qui font fonctionner leur esprit plutôt que leurs sensations et qui ne donnent jamais libre cours à leurs émotions ; mais attention, il faut qu'ils s'attendent à ce qu'elles émergent parfois violemment, souvent en présence d'un groupe !
Le principe de la méthode
Les séances se déroulent seul avec le thérapeute, ou plus souvent au sein d'un groupe de cinq à quinze personnes.
L'originalité de la Gestalt est qu'au lieu de raconter ses problèmes, le sujet va représenter les conflits qu'il éprouve. Pour cela, les thérapeutes utilisent un certain nombre d'exercices :
-le monodrame, par exemple, va consister à exprimer les différents personnages qui sont à l'intérieur de nous ; jouer ces rôles permet de faire ressortir les facettes contradictoires de notre personnalité, les aspects de soi qu'on ne veut pas voir ou que l'on projette sur les autres ; assis sur une chaise, le patient va jouer sa " conscience autoritaire " qui va exhorter la chaise vide face à lui à se comporter mieux ; puis s'asseyant sur l'autre chaise, le patient va devenir la partie de lui soumise et pleurnicharde qui boîte à travers la vie pour défier cette autorité
De la même façon, il pourra également interpréter les personnages principaux de nos relations quotidiennes (mère, enfant, conjoint, patron..)
-l'interpellation directe consiste à ne jamais parler de ou sur quelqu'un mais de lui adresser directement la parole, même s'il est absent ; on choisit alors un objet ou une autre personne du groupe pour le représenter, ce qui fait surgir plus rapidement une émotion ou une difficulté.
Le but de ces exercices est d'atteindre une prise de conscience globale du flux permanent de nos sensations physiques, préoccupations, désirs, émotions, d'être attentif à soi-même, de relier des éléments que l'on croit séparés comme le corps et l'esprit dans un " ici et maintenant " cher aux orientaux.
Le principe de cette méthode est de repérer ce qu'on appelle les gestalt inachevées : ce sont les traces d'évènements traumatiques du passé (deuil mal assumé, agression sexuelle, punition terrible d'un parent par exemple) qui parasitent la vie actuelle.
Le cycle normal d'une gestalt se caractérise ainsi : besoin, tension, excitation sensitive et motrice puis satisfaction qui ramène l'organisme au repos ;
Lorsque la satisfaction ne peut être obtenue (par exemple qu'il ne peut y avoir de consolation s'il s'agit d'un deuil ou de réparation s'il s'agit d'une agression), le cycle normal de la gestalt ne peut se conclure ; la tension demeure et ces gestalt inachevées stoppent l'individu dans son développement et le rendent indisponible à d'autres tâches du présent.
C'est par la prise de conscience active du présent à travers les exercices dans le groupe, c'est-à-dire l'expression ouverte en public de tous les besoins, toutes les émotions, tous les ressentiments éprouvés que le processus naturel de formation des gestalt peut se remettre en route.
Il ne s'agit donc pas d'expliquer ou d'interpréter la passé mais de le faire revivre et rééprouver dans le présent pour pouvoir s'en débarasser.
Le patient se met en relation avec lui-même et la réalité environnante et retrouve son unité et sa totalité.
Quel type de praticien pour cette méthode ?
Le thérapeute qui pratique la gestalt est intervenant et actif, mais jamais directif ; il s'agit d'une implication contrôlée par laquelle il partage une partie de son ressenti pour aider le patient à explorer sa difficulté.
Certaines écoles et associations de gestalt organisent des journées de contact pour découvrir différents aspects de la méthode et rencontrer les thérapeutes ;
En raison de divergences théoriques et pratiques de plus en plus marquées, la gestalt thérapie est aujourd'hui représentée par deux mouvements différents
-l'École Parisienne de Gestalt, mouvement majoritaire, se réfère à l'époque " californienne " de Perls ; elle renforce l'aspect émotionnel de la méthode en faisant usage de techniques très diversifiées (vidéo, piscine, théâtre..) pour mettre les patients en situation d'ouverture sensorielle
-L'Institut Français de Gestalt thérapie s'appuie sur les textes fondateurs de Perls ; elle se focalise sur l'aspect thérapeutique de la méthode en s'appuyant sur les concepts de la psychanalyse ; les thérapeutes insistent plus sur les explications et utilisent des techniques plus austères.
Une thérapie individuelle dure en moyenne deux ans à raison d'une séance d'une heure par semaine, mais un résultat satisfaisant peut être obtenu plus rapidement ;
Fixés par le praticien, les tarifs varient de 34 à 61 € ; en groupe, les stages coûtent en moyenne entre 69 et 115 € la journée. (en 2001/2002)
Un inconvénient réside toutefois dans la formation des thérapeutes : ils n'ont pas forcément mené à terme des études de psychiatrie ou de psychologie ; tous ne sont donc pas formés aux névroses graves ou à la maladie mentale ce qui peut poser des problèmes dans certaines situations de crise.
Les points forts et les points faibles de la méthode
La " sagesse du corps ", l'" unité de toute expérience ", jointes à l'idée sous-jacente de la bonté humaine, font de la gestalt une psychothérapie positive, très semblable à nombre de méthodes nord-américaines. Les européens volontiers friands de la compréhension intellectuelle qu'apporte la psychanalyse se sont montrés moins enthousiastes, mais ce mouvement tend cependant actuellement à se développer.
De fait, Perls a introduit avec la gestalt l'importance du maintenant, de l'instant, du vécu de l'expérience.
C'est dans l'ici et maintenant que se réactualisent, que se revivent les conflits anciens ; il ne s'agit pas de comprendre " pourquoi " le sujet en est arrivé là mais plutôt " comment " il fonctionne, comment s'expriment ces conflits passés dans les émotions présentes et à travers le langage du corps.
En permettant à chaque partie de sa personne, habituellement piégée dans ces conflits, de s'exprimer, le patient réalise qu'à travers ses déchirures, il n'y a en lui qu'une seule organisation, une totalité.
" L'important n'est pas ce qu'on a fait de moi mais ce que je fais moi-même de ce qu'on a fait de moi ". En gestalt-thérapie, le " je ne peux pas " n'existe pas, mais seulement le " je ne veux pas ". il s'agit là avant tout d'une mise en contact du patient avec son potentiel humain.
Document écrit tiré de l'émission de télévision PSYCHE