Retour à thérapies  
  Retour à l'accueil

Club thérapeutique

Dans son texte écrit en 1959 pour le rapport introductif aux journées annuelles de la Fédération Nationale des Sociétés Croix-Marine à Paris, Oury reprend très en détail l’histoire et la conceptualisation des clubs thérapeutiques et je ne peux qu’y renvoyer le lecteur. Pour lui, « le développement des véritables clubs est relativement récent et semble résulter de la convergence de plusieurs courants : remise en question des fondements de la psychopathologie par l’avènement du freudisme ; doctrine de la thérapeutique active d’Hermann Simon à Gütersloh après la première guerre mondiale ; développement des psychothérapies de groupe aux Etats-Unis à partir de 1930 ; les activités extra-hospitalières s’inspirant de K. Lewin à la Tavistock Clinic en Angleterre et aboutissant pendant la deuxième guerre mondiale à des applications à la thérapeutique hospitalière ; l’impulsion donnée par Bierer à la constitution de clubs socio-thérapeutiques ; l’occupationnal therapy ; le développement des méthodes actives dans le domaine de la pédagogie proposé par Makarenko, Montessori, l’école de Hambourg, le mouvement Freinet, etc ; les mouvements de jeunesse tels que le Scoutisme, les Auberges de jeunesse...(...) Nous voudrions souligner cette brusque éclosion de conceptions analogues dans divers domaines : psychiatrie, pédagogie, protection de la jeunesse,...Résultant de manifestations du profond remaniement historique et de remise en cause de la plupart de nos principes par éclatement des cadres culturels, les clubs thérapeutiques apparaissent dans cette perspective comme une étape d’une remaniement structural de la société globale. Par la remise en question du style de la vie intérieure des hôpitaux, ils ouvrent ceux-ci au monde environnant. Paradoxalement, ils deviennent des foyers de culture, refondant la vie collective sur une tradition authentique ; le phénomène de la folie retrouvant sa dignité par sa fonction de remise en question permanente de nos règles de vie »

De nombreux clubs thérapeutiques, ou des structures approchantes, ont alors été réalisés : Daumézon à Fleury lès Aubrais, Sivadon et Follin à Ville Evrard, Le Guillant à Villejuif, Ey à Bonneval, Balvet et Requet à Lyon, Ueberschlag à Lannemezan, Fanon à Blida et surtout Tosquelles à Saint-Alban et Oury à la Borde. Le club thérapeutique est une structure associative rendue possible par la circulaire du 4 Février 1958. Elle s’appuie sur l’intérêt de l’intervention d’une association dans l’organisation du travail thérapeutique, évitant que l’argent gagné dans les ateliers thérapeutiques soit la propriété de l’hôpital et non de ceux qui ont travaillé. Une telle association loi 1901 est en général composée de soignants, et, si possible, de personnalités extérieures au soin, et porte le nom de comité hospitalier.
Ce comité passe convention avec l’établissement de référence et créé en son sein, un club thérapeutique composé suivant les cas et les expériences de chaque service, de soignants et de patients, voire de patients seuls. Les objectifs immédiats de ces clubs thérapeutiques sont de pouvoir organiser la vie quotidienne du service en assumant la responsabilité des achats et des dépenses de chaque atelier : la cafétéria, les ateliers créatifs et/ou de production...Mais les objectifs sous-jacents sont de disposer d’unetablature institutionnelle d’espaces et de temps diversifiés possiblement utilisables par le patient, même à son insu, comme les touches d’un clavier, ou mieux, comme les éléments d’un langage. Ces lieux dans lesquels de l’argent est « gagné » viennent autoriser des activités qui en « dépensent » tels les voyages, les sorties et activités culturelles, un journal, ou un fonds de solidarité. Une assemblée générale de tous les membres du collectif a lieu chaque semaine, un bureau est élu parmi les patients ; puis ce bureau élit son président, son secrétaire et son trésorier(il arrive que le trésorier élu par ses pairs du bureau pour gérer les comptes du club thérapeutique, soit lui-même sous curatelle aux termes de la loi du 3 Janvier 1968). Des réunions ont lieu pour poser les problèmes à débattre, prendre les décisions ; des votes sont organisés pour les décisions concernant le budget du club et les orientations ; une réunion régulière a lieu pour les malades « entrants », éventuellement suivie d’un repas, pour les accueillir et leur expliquer le fonctionnement du club thérapeutique et du service, leur présenter les différentes personnes qui y occupent une fonction ; les soignants sont là comme « conseillers techniques ». Depuis la mise en place de la politique de secteur, ce dispositif a été « extrapolé » et des innovations ont eu lieu, telles que la création de « clubs de secteurs »(Denis, Le Roux, ou des « clubs extra-hospitaliers » Colmin, Buzaré, avec tout un travail très intéressant de soutènement du traitement des patients par ces activités de groupes, et des liens avec les autres associations de quartier ou de village. D’autres encore ont utilisé la « fonction club »(Oury), c’est-à-dire un opérateur qui n’a pas forcément la présentation d’un club thérapeutique mais qui peut en avoir la fonction, par exemple une classe coopérative(Laffite ), une association culturelle(Chemla ) ou un journal. On retrouve ces expériences dans différents types d’établissements comme les classes plus ou moins spécialisées(Fernand Oury, Catherine Pochet  ), les Instituts Médico-Educatifs(Claude Guillon, Jean-François Aouillé), les services de Pédopsychiatrie(Yves Racine), Pierre Delion). De telles organisations du milieu humain dans lequel se déroule la vie quotidienne, même à temps partiel, plutôt que de laisser se pérenniser les attitudes de dépendance vis-à-vis des soignants et du système hospitalier, néfastes au traitement, ont permis et permettent de vivifier l’ambiance dans laquelle se passent les soins, de responsabiliser les patients sur des activités qui luttent de façon concrète contre les mécanismes d’aliénation, et surtout d’introduire de la différence entre les lieux et les moments de la journée. On comprendra l’importance de cette stratégie dans l’aspect diachronique du traitement en ce qu’elle assure une fonction phorique pour le patient, soit tout ce qui contribue à lui permettre d’être porté, tenu, soutenu, accompagné, tant qu’il ne peut le faire lui-même, comme pour l’enfant qui ne parle ni ne marche a lui aussi besoin d’être porté dans les bras et dans la parole de ses parents jusqu’à ce qu’il puisse le faire lui-même. Il y a donc une véritable dialectique entre l’accueil, le club thérapeutique et la fonction phorique. Mais cette stratégie est également importante sur le plan synchronique puisqu’elle met en évidence le chemin que le patient va être amené à prendre, et pour tout dire, à choisir, même par le négatif. Ne pas aller au rendez-vous prévu peut avoir plus d’importance que d’y avoir été sans y être vraiment. Il y a incidemment toute une réflexion sur le travail du négatif à mener dans ces nouvelles perspectives des institutions articulées entre elles, voire même « structurées comme un langage »...



Pierre Delion
http://www.psychiatrie-desalieniste.com/imprimer.php3?id_article=30



- Oury, J., Les clubs thérapeutiques, Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle, Payot, Paris, 1976, 69-70.

- Denis, D., et coll., Un inter-club pour cultiver des passerelles, Actualité de la psychothérapie institutionnelle, Matrice, Vigneux, 1994, 202-229.

- Le Roux, MF., Le club, carrefour du collectif et de la singularité, Actualité de la psychothérapie institutionnelle, Matrice, Vigneux, 1994, 276-284.

- Colmin, J., L’aventure du quartier Ney, Scarabée, Paris, 1980.

- Buzaré, A., La psychothérapie institutionnelle, c’est la psychiatrie, Editions du champ social, Montpellier, 2000.

- Laffite, R., Une journée dans une classe coopérative, Matrice, 1997.

- Chemla, P., et coll., Pérégrinations, Actualité de la psychothérapie institutionnelle, Matrice, 1994, 147-178.

- Pochet, C., Oury, F., L’année dernière, j’étais mort, Matrice, Vigneux, 1986.

- Racine, Y., Psychothérapie institutionnelle, institutions et secteurs, L’information psychiatrique, 59, 4, 1983.


nous contacter:serpsy@serpsy.org