Eugène MINKOWSKI
1885-1972
Eugène Minkowski
est né le 17 avril 1885 à Saint-Petersbourg dans une famille juive d'origine
polonaise. Il passera sa jeunesse en Pologne et commence ses études de médecine
à Varsovie, études qu'il termine à Munich. La Pologne étant occupée par les
russes, il devra valider ses études à Kazan pour bénéficier d'un diplôme de
Docteur en médecine reconnu dans toute la Russie. Avant la première guerre
mondiale, il rejoint son épouse Françoise Minkowska, psychiatre, près de Zurich
à la Clinique du Burghölzli où il travaillera comme assistant bénévole du
Docteur Bleuler qui est à l'origine du concept de schizophrénie. En 1915,
Minkowski s'engage dans l'armée française où sa bravoure lui vaudra de
nombreuses décorations militaires. La France est son nouveau pays et il ne le
quittera plus. A Paris en 1926, il passe sa troisième thèse de médecine qui a
pour titre : La notion de perte de
contact vital avec la réalité et ses applications en psychopathologie. Après
plusieurs emplois, il travaille à l'hôpital Saint-Anne à Paris. En 1925, il est
l'un des membres fondateurs de la revue L'Evolution Psychiatrique.
De cette vie bien remplie, Eugène
Minkowski construit une oeuvre hors des chemins battus entre la psychiatrie et
la philosophie, sa seconde vocation.
Tout d'abord, Minkowski aborde la maladie
mentale simultanément sous deux aspects :
- l'aspect
idéoaffectif et
- l'aspect
spatio-temporal ou structural (page 158 [1]).
De là, il applique aux diverses pathologies mentales
cette approche phénoménologique de la perception du temps qui passe et de la
perception de l'espace. Il fait référence au travail précédent de De
Clérambault qui définit l'automatisme mental et ses symptômes afférents par :
- l'écho ou vol
de la pensée
- l'énonciation
des actes, des dialogues intérieurs
- des
hallucinations psycho-motrices et
- le sentiment
d'influence à distance.
Voici ce qu'il
en écrit dans Le temps vécu (page 202
[2]) :
« Dans la
conception de M. de Clérambault la formule classique, comme il le dit lui-même,
se trouve inversée. L'idée délirante, qu'elle soit déterminée par des causes
mécaniques ou qu'elle soit l'expérience de tendances préétablies, ne joue en
tout cas qu'un rôle secondaire. L'idée qui domine la psychose n'en est pas la
génératrice, bien que la psychologie commune semble l'indiquer et que la
psychiatrie classique le confirme. C'est, au contraire, l'ensemble des
symptômes qui, réunis, forment le syndrome de l'automatisme mental ou, comme
nous pouvons l'appeler également, le syndrome de Clérambault, qui constitue le
trouble initial. Dans ce groupe de psychoses, il y a donc lieu de distinguer,
du point de vue pathogénique, deux ordres de faits :
a) le fait
primordial qui est l'automatisme mental [ troubles générateurs qui affectent la
personnalité toute entière de façon structurale ];
b) la
construction intellectuelle secondaire, qui seule mérite le nom de
délire. » (...)
« Nous
constatons que toutes les manifestations parcellaires du syndrome de
Clérambault ont ceci en commun qu'elles comportent un facteur d'ordre spatial.
Tout se joue dans l'espace ici ; on dirait que la personnalité humaine
n'arrive plus à s'affirmer par rapport à l'espace ; perturbée dans son
intimité, elle se dédouble, pour ainsi dire, dans l'espace et semble ouverte à
tous les vents : ses pensées comme ses actes sont répétés ou volés ou imposés à
distance. C'est là une structure toute différente de celle du délire
mélancolique. Ici, au contraire, tout se joue dans le temps :
- l'avenir se
trouve barré par l'attente du châtiment ou de la mort imminente
- le passé
s'immobilise sous forme d'idées de culpabilité
- quant au
présent, enclavé entre les fautes du passé et l'expiation de l'avenir, il se
réduit à néant, est nié sous forme d'idée de ruine ou de négation.
Et cette
opposition, se ramenant en fin de compte à l'opposition du temps et de
l'espace, ne fait que mettre encore davantage en relief tout l'intérêt que
présente pour nous le syndrome de Clérambault. » (...)
« Quant au
nom à donner à ces troubles, je m'arrêterais volontiers au terme de subduction
mentale morbide. »
Il en donne la
classification suivante :
Subduction mentale morbide :
a) dans le temps
( délire mélancolique et probablement toute la psychose maniaco-dépressive ) ;
b) dans l'espace
( syndrome de Clérambault et processus schizophrénique).
La conception de
la temporalité chez Minkowski est résumée par le Professeur Yves Pélicier dans
l'introduction de l'ouvrage Le temps vécu :
« Dans le
Traité de psychologie générale ( 1946) Maurice Pradines reprend la théorie de
Minkowski qui fait de l'oubli du passé le principe vivant de la mémoire. Le
passé ne semble pas du tout nous être donné d'une façon primitive par la
mémoire. Ce serait plutôt l'oubli, en tant qu'indistincte conscience qui nous
porte au-dessus de nous-même. Il s'agit de l'action propulsive d'une mémoire
obscure. Le passé ne peut être qu'à dépasser ...
Jean Sutter,
s'appuyant sur la conception d'Eugène Minkowski selon laquelle notre vie est
essentiellement tournée vers l'avenir, a prolongé sa propre réflexion dans le
sens d'une nouvelle évaluation de l'anticipation. L'anticipation est pour nous
le mouvement par lequel l'homme se porte de tout son être au-delà du présent,
dans un avenir proche ou lointain, qui est essentiellement son avenir. »
(...)
« Minkowski
retient une affinité de principe entre les données immédiates [ de la
conscience ] chez Bergson et la vision des essences chez Husserl. »
Un intérêt
supplémentaire des textes de Minkowski tient dans le nombre important
d'illustrations par des vignettes
cliniques. En voici un exemple sur la Désagrégation de la notion du temps dans
la dépression :
« Quand je
prends le journal, j'ai toujours une impression désagréable. La date me
rappelle la marche du temps, puis j'y trouve des événements auxquels je ne
participe pas. J'ai la sensation de vide pour tout le temps de ma maladie. J'ai
l'impression comme si le temps de la maladie n'existait pas. » (...)
« Je ne
sens plus le passage d'un jour à l'autre. Je n'ai plus la sensation de me
réveiller le matin. Je n'ai plus du tout la sensation de réveil. J'ai ainsi
l'impression d'être un type en état de somnambulisme ou de léthargie. Dès le
matin, quand je me réveille, j'ai la conception du recommencement, de
l'éternel. »
« Je suis
dans le présent uniquement par l'idée, mais ni par le sentiment, ni par
l'émotivité. J'ai l'obsession du passé. C'est comme un défilé cinématographique
d'images de mon passé, mais je ne les rattache pas au présent, j'y assiste en
spectateur. Quand j'évoque des souvenirs, je me sens embarqué par ces
souvenirs. Je ne puis pas m'arrêter. Ce sont de véritables hallucinations du
passé. Je viens de vous dire que je vous prêterai un livre, mais je me suis
arrêté ; quand je parle du futur, c'est sans m'en rendre compte ; le futur ne représente
rien pour moi. » [1] pages 309-310.
L'autre grand apport théorique de
Minkowski est son approche de la schizophrénie avec pour élément central la
perte du contact vital avec la réalité, éléments qu'il expose dans son ouvrage
La schizophrénie [3] ; perte de contact vital avec la réalité qui se décline
sous deux axes majeurs :
- une rigueur
doctrinale poussée à l'extrême sans aucune forme de dialectisation des
sentiments humains ( attitude antithétique),
- une référence
absolue à son ego dans une position schizoïde où il ne répond plus de façon
syntone avec l'ambiance ( retrait autistique ) [note 1].
« Un malade
nous déclare que dans sa vie il n'y a que les valeurs spirituelles qui
comptent, les choses matérielles d'ici bas n'étant, au fond, que peu de chose.
C'est là évidemment une opinion qui ne nous choque en aucune façon. Pourtant
quand notre malade ne croit plus pouvoir, au nom de ce principe, s'occuper de
son rucher, auquel il consacrait jusque-là avec plaisir ses loisirs et qu'il se
voit obligé de ranger maintenant sous la rubrique des choses matérielles, nous
ne le suivons plus du tout. Pourquoi, au fond, n'arrivons-nous pas à le suivre
? C'est que là un précepte, pouvant être considéré comme juste par lui-même, se
meurt de la rigueur avec laquelle il est appliqué à la vie. Le sentiment de
mesure et des nuances, qui entoure, comme d'une frange vivante, tous nos
préceptes, en les rendant infiniment malléables et essentiellement humain en
même temps, vient à manquer. Dans ces conditions on arrive à se détacher
entièrement de la matérialité, à voir les hommes impersonnellement, à se
rapprocher de l'absolu, comme le disait notre malade lui-même, on aboutit à
l'attitude antithétique absolue, comme nous l'appelons, attitude profondément
morbide, témoignant d'une perte totale du contact vital avec la réalité. Chez
notre malade, toute la conduite se trouve dominée par des antithèses poussées à
l'extrême. Chacun de nous connaît, pour l'avoir éprouvé plus d'une fois dans la
vie, le besoin de s'isoler, puisque c'est l'isolement qui est la source de la
réflexion profonde, qui est aussi la source dont jaillit notre élan personnel.
Notre malade rationalise ce besoin et en fait une règle absolue ; pour ne pas
être troublé dans ses réflexions, il fuit le monde, ne lit même plus du tout de
peur d'être influencé par des pensées exprimées par d'autres et s'enferme ainsi
de plus en plus dans son autisme. (...) Il préfère réfléchir et, avant de se
mettre à table, établit d'avance les sujets qui doivent l'occuper pendant le
repas, pour ne pas perdre son temps inutilement, comme il le dit. Tout ce qui est spontanéité,
tout ce qui est de l'imprévu se trouve exclu de la vie et celle-ci n'est
qu'organisation, qu'intégration, que marche en avant, se transforme en mosaïque
difforme, composée de préceptes logiques et de bribes de pensée ; celle-ci
d'ailleurs, ne pouvant pas non plus tenir le coup lorsqu'elle n'est pas
alimentée par les sources vives du devenir, se désagrège à son tour de plus en
plus. » [1] pages 260-261.
L'exemple
suivant de rationalisme morbide occupe un malade qui conduit sa vie uniquement
suivant des préceptes géométriques avec toujours ce lien à la structure
indissociable du temps et de l'espace.
« Je cherche l'immobilité. Je tends au repos et à l'immobilisation. J'ai aussi en moi la tendance à immobiliser autour de moi la vie. J'aime pour ça les objets immuables, les choses qui sont toujours là et qui ne changent jamais. La pierre est immobile, la terre, par contre, se déplace ; elle ne m'inspire aucune confiance. J'attache de l'importance seulement à la solidité. Le train passe sur un remblai ; le train n'existe pas pour moi, je veux seulement construire le remblai. Le passé c'est le précipice. L'avenir c'est la montagne. C'est ainsi que l'idée m'est venue de laisser un jour-tampon entre le passé et l'avenir. Pendant cette journée je cherche à ne rien faire du tout. Je suis resté ainsi une fois vingt-quatre heures sans uriner. Faire revenir mes impressions d'il y a quinze ans, faire refluer le temps, mourir avec les mêmes impressions avec lesquelles on est né, faire des mouvements en cercle pour ne pas s'éloigner de la base, pour ne pas se déraciner, voilà ce que je voudrais. »
En complément à sa définition de la perte de contact avec la réalité et suite à ces différents exemples cliniques, il tient à préciser la définition de l'autisme telle qu'elle fût créée par Bleuler pour mieux s'en détacher par la suite.
« Si nous nous reportons à la description de Bleuler : Les schizophrènes les plus avancés qui n'ont plus aucun rapport avec l'ambiance, vivent dans un monde qui n'est qu'à eux. Ils s'y sont enfermés, pour ainsi dire, avec leurs désirs qu'ils imaginent réalisés ou avec leur souffrance, résultat des persécutions dont ils se croient être les victimes. Ils limitent leur contact avec le monde extérieur. Nous appelons autisme ce détachement de la réalité accompagné d'une prédominance relative ou absolue de la vie intérieure. [ fin de citation de Bleuler ] » La critique de cette richesse intérieure si relative avait dèjà été faite par Kretschmer, que Minkowski cite dans son texte :
« Kretschmer, en étudiant les schizoïdes, met bien en relief, d'une façon imagée, la différence dont nous parlons ici. Il compare certains schizoïdes à des villas romaines dont les volets ont été fermés au soleil brûlant ; mais à l'intérieur, dans le demi-jour, ce ne sont que fêtes et banquets ; par contre chez d'autres schizoïdes, nous dit-il, il n'y a derrière cette façade silencieuse que ruines et poussières, que le vide monotone et le souffle glacial de la démence affective. Mais là aussi, dans les deux cas, il s'agit de schizoïdes. (...) La prétendue vie intérieure, la rêverie éveillée, cessant d'être le primum novens de l'autisme, apparaissait maintenant comme élément plus ou moins contingent, destiné à remplir tant bien que mal le vide creusé par la maladie. Elle devenait ainsi, à côté d'autres phénomènes susceptibles de remplir le même rôle, comme le rationalisme, la bouderie, les regrets, la tendance interrogative morbide, une simple attitude schizophrénique ou stéréotypie psychique. La compensation phénoménologique paraissait bien plus devoir être mise en cause ici que la compensation affective, au sens propre du mot »
Quelques années plus tard, dans son article intitulé : Phénoménologie et analyse existentielle en psychopathologie [2], il complète sa définition de la perte de contact vital avec la réalité et la place de la notion de hasard.
« Le phénomène de hasard, de contingence n'intervient plus en aucune façon, ce hasard qui ne sert pas uniquement à des calculs de probabilité, mais qui fait justement que nous pouvons nous mouvoir avec un sentiment d'aisance sans nous arrêter à des rencontres fortuites, à chaque passant, à chaque objet que, par hasard, nous voyons sur notre route. Et là les personnes et les choses s'agglomèrent en une masse compacte, ne peuvent avoir qu'une signification, qu'une seule détermination, se polarisent en une seule direction, étreignent l'individu [ schizophrène ]. Si nous éliminons par la pensée les facteurs de hasard et de contingence de notre vie et posons à propos de chaque objet ou de chaque passant croisé dans la rue la question de savoir pourquoi ils se trouvent justement là, si nous envisageons les choses sous cet angle, eh bien, nous ne serons pas loin d'interprétations délirantes et d'idées de persécution. »
Après ces longs exemples cliniques, voyons quel accueil a reçu ces idées théoriques dans la communauté scientifique, tout d'abord chez Karl Jarpers que Minkowski cite comme le père des premiers concepts de la psychiatrie phénoménologique. Jaspers parle de Minkowski dans son Traité de psychopathologie générale au chapitre sur les phénomènes psychiques lorsqu'il aborde la question de la conscience individuelle de la notion de la temporalité et du temps vécu, temps subjectif contre temps objectif. Il précise dans la schizophrénie l'écoulement non continu du temps lié à cette affection mentale.[4]
Minkowski influencera également son ami Ludwig Binswanger. Voici ce qu'il en dit au sujet de la distorsion comme forme manquée de la présence humaine dans la schizophrénie :
« Minkowski parle fort pertinemment d'actes sans lendemain, d'actes qui n'ont pas de suite mais qui, en dépit de l'énergie déployée, se meurent. Minkowski montre, avec une remarquable clarté, le caractère inadapté, contradictoire, insolite de la distorsion ( = activité autiste ) en s'appuyant sur les résultats de l'activité. Du dispendieux piano neuf qu'une femme d'employé a acheté pour ses enfants contre l'avis de son mari, Minkowski écrit : Le piano est là. Il jure avec le restant du mobilier, avec toute la vie du ménage, il est là comme un étranger, comme une chose morte sans lendemain. (...) Le jurer-avec des choses jaillit du caractère antinomique des actes ; la chose sans lendemain. Car ces deux sphères sont indissociables, et la description ne fait que gagner en clarté et en légitimité quand elle s'en tient à la chose-au-monde. Du reste Minkowski se réfère à l'élan vital de Bergson et à la perte de contact vital avec la réalité au sens de Pierre Janet. ». [5]
Binswanger va largement citer un exemple venu d'un cas clinique de Minkowski :
« Il s'agit d'un instituteur âgé de 32 ans, schizophrène depuis assez longtemps et maintenant atteint par la maladie. Il s'était fait un devoir de ne rien lire pour ne pas déformer sa pensée et fuyait le commerce des hommes afin de ne pas être perturbé dans ses réflexions et de ne trouver qu'en lui-même la source de ses pensées philosophiques. Le malade déclarait en outre qu'il avait pris l'habitude de passer tous ses actes au crible de ses principes. Sous l'emprise de l'idée de perfectionnement spirituel, il évitait tout travail pratique. Le malade fait varier non seulement ses principes de conduite mais également ses méthodes éducatives, passant de l'indulgence absolue à la discipline militaire stricte, remplacée à son tour par le principe de douceur et de cordialité libérales. Minkowski note tout d'abord que la rationalisation ( ou la logique ) est poussée ici aux limites extrêmes - ce qui, d'un point de vue intellectuel, mène au dogmatisme, voire à l'erreur, et d'un point de vue pratique à l'absurdité. Le malade, privé des affinités normales, se trouve constamment en contradiction avec la vie. Car la vie ne consiste pas seulement en principes généraux rigides : c'est toujours un facteur irrationnel qui en fixe les limites. (...) La présence humaine ne peut réussir que dans le libre antagonisme de l'affirmation et de l'abandon de soi, du sentiment de soi et de l'ouverture au sens commun, au koinos Kosmos, au sens de l'amour, au tu [ l'être-avec ], elle se cramponne ici désespérément à son individualité. Derrière ce spasme désespéré, cet attachement, exténuant par sa logique excessive, à un principe inconsistant est tapie l'angoisse de la présence
[ l'angoisse de la présence de se perdre dans la raison universelle - rapport de la pensée du particulier et du général, comme Héraclite les a déjà nettement posés et Hegel énergiquement travaillés. D'après celui-ci, l'esprit, en tant qu'individuellement isolé, perd l'objectivité.] ». [5]
Binswanger continue à illustrer et à donner vie aux concepts de perte de contact vital avec la réalité dans sa notion de référence absolue au moi :
« Toute l'histoire de la maladie d'Aline est, comme celle de la plupart des malades délirants, caractérisée par le fait que ses énoncés sont dominés par des termes égoïques et, à la vérité aussi bien sous la forme du pronom personnel ( je, moi, à moi ) que de l'adjectif possessif ( mon, de mon, à mon ). Les propos d'Aline :
« Je crois qu'il y a un complot, pour me causer du mal. Tous les êtres humains qui me fréquentent sont au courant. C'est pourquoi je ne veux plus aller parmi les êtres humains. J'ai un appareil électrique dans la nuque à travers lequel mes ennemis peuvent agir sur moi électriquement. Je crois qu'on peut tout faire de moi. On m'envoie des rayons. Déjà depuis cinq ans, les êtres humains ne me laissent pas en paix. Mais j'entends aussi ceux que j'observe. Je leur laisse avoir mes propres pensées. Par la même j'entends mes propres pensées. Rendre sonores mes pensées... »[6]
Minkowski n'était sûrement pas qu'un épigone de plus de Bleuler mais bien un précurseur dans l'application pratique de la phénoménologie en psychiatrie.
note 1 :
Définition de syntonie et schizoïdie (texte de Minkowski ):
A la schizophrénie latente de Bleuler succédera la schizoïdie de Kretschmer et les tempéraments dans la vie.
C'est le comportement à l'égard de l'ambiance et la notion de contact vital avec la réalité qui permet après Bleuler de différencier la clinique de la schizophrénie et de la PMD.
Bleuler, en reprenant les recherches de Kretschmer, aboutissait aux notions de schizoïdie et de syntonie ( 1922 ). En dépassant le domaine propre de la caractérologie, il y voyait l'expression de deux principes fondamentaux de la vie. La syntonie vise le principe qui nous permet de vibrer à l'unisson avec l'ambiance, tandis que la schizoïdie, au contraire, désigne la faculté de nous détacher de cette même ambiance. (...) C'est dire que loin de se comporter comme des forces contraires, ils visent deux côtés différents de notre être, aussi essentiels l'un que l'autre d'ailleurs.
in www.serpsy.org dans l'article sur La paranoïa de Kretschmer
[1] Eugène MINKOWSKI Phénoménologie et analyse existentielle en psychopathologie 1948 L'Evolution Psychiatrique vol. 13 pp. 137-185.
[2] Eugène MINKOWSKI Le temps vécu 1933 Ed. PUF Quadrige 409 pages.
[3] Eugène
MINKOWSKI La schizophrénie 1927 Ed. Petite bibliothèque PAYOT 286 pages.
[4] Karl JASPERS General Psychopathology volume 1 et 2 Ed. Johns HOPKINS 1959. 922 pages.
[5] Ludwig BINSWANGER Trois formes manquées de la présence humaine. La présomption La distorsion Le maniérisme Ed. Collection Phéno Le cercle herméneutique 1956. 223 pages.
[6] Ludwig BINSWANGER Délire col. Krisis Ed. MILLON 1965. 184 pages.
Paul LE GARZENNEC