Georges Daumézon
« Georges Daumézon devient médecin-directeur de Fleury lès Aubrais en 1938. C’est son deuxième poste. Brillamment reçu au médicat en 1937,
à l’âge de 25 ans, il a rédigé sa thèse sur « La situation du personnel infirmier des asiles d’aliénés ».
Très engagé dans le mouvement des
Eclaireurs unionistes, il poursuivra cette activité même après sa prise de fonction de médecin-chef à Sarreguemines. Il a puisé dans cette
expérience une partie de ce qu’il va investir comme organisateur de ce collectif dont il se verra confier la charge par un arrêté ministériel.
Sa formation juridique, l’aura que lui valent ses fonctions de secrétaire général du tout nouveau Syndicat des Médecins des Hôpitaux
Psychiatriques, font de lui le référent privilégié de ceux qui cherchent des points d’ancrage théoriques et pratiques pour mener « le combat
désaliéniste »(Bonnafé) dans des services de plus de 400 malades avec des infirmiers à peine sortis de l’ère du gardiennage.
Daumézon met
l’accent sur l’importance d’une étude sociologique du milieu asilaire et sa transformation par la création d’activités diversifiées
fournissant aux patients des occasions de rencontres et d’échanges. Pour la réalisation de cet objectif, il montre l’importance de ce
personnage en position de convivance avec les malades qu’est l’infirmier, et en 1949, il créé avec Germaine Le Guillant, permanente aux
centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, des stages de formation destinés aux infirmiers en psychiatrie. Ces stages vont
avoir une influence déterminante pour l’essaimage de cette action transformatrice voire subversive. Il fait école, et deux de ses élèves
qui achèvent leur internat à Maison Blanche avant son arrivée à Sainte Anne, vont prolonger son action à leur accès à la fonction de
médecin-chef.
Philippe Koechlin, co-auteur de l’article qui créé le terme de « psychothérapie institutionnelle » rédigera
sa thèse sur « Etude sur la place du travail dans la pratique psychiatrique actuelle »(1951), ouvrira en 1960 l’hôpital psychiatrique
Charcot en Seine et Oise, où en tant que médecin-directeur, il initiera une expérience analogue à celle de Daumézon. Philippe Paumelle
[37] qui a choisi pour sujet de thèse « Essai du traitement collectif du quartier d’agités »(1952), et ceci avant l’ère des neuroleptiques,
s’engage en 1960 dans la réalisation d’un secteur de santé mentale sous la forme juridique d’une association loi 1901. L’expérience
du XIIIème arrondissement se fera avec quelques psychanalystes de valeur attirés par le travail en institution(Racamier, Diatkine, Lebovici,
Woodburry). Ils feront part de leur expérience dans un ouvrage paru en 1970 : « Le psychanalyste sans divan ». Les stages des CEMEA sont
l’occasion de rencontres entre médecins et infirmiers.
Mais Daumézon constate certains malentendus quant à l’usage qui peut en être fait
.
Il écrit le 9 Mai 1957 dans une lettre destinée à ceux qui l’ont aidé dans la réalisation de ces stages :
« L’utilisation par les médecins et les administrateurs qui ne participent pas à nos perspectives des stages et de leur enseignement,
donne lieu souvent à des résultats aussi aliénants que l’était l’asile traditionnel ». L’amertume qui se dégage de cette remarque
répondait au fait que les infirmiers revenaient des stages des CEMEA enrichis, non pas tant de techniques sociothérapiques ou de
recettes pour occuper les malades, que d’une approche et d’une compréhension du fait psychopathologique et des modes relationnels,
qu’ils avaient eux-mêmes vécues, entièrement repensées et modifiées. Il en découlait un changement radical de leur attitude
professionnelle et le désir de la mise en place de structures désaliénantes et thérapeutiques. Et ce faisant ils se heurtaient
au traditionnalisme de la hiérarchie infirmière et médicale. C’est ce qui va l’amener à proposer des rencontres entre psychiatres
et psychanalystes d’où sortiront, aux termes d’échanges fructueux et parfois passionnés, des orientations très précises, tant sur
le devenir de la psychothérapie institutionnelle que de la psychiatrie de secteur. »