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CHER LUCIEN, CHERS TOUS.

Avec toi, Lucien, il fallait bien comprendre dans quelle révolution tu nous menais. Tu traçais avec d'autres un chemin difficile. Il t'avait paru simple, mathématique, comme allant de soit, ce chemin !

Considérer la folie tout bonnement comme un drame humain à traiter avec compassion et non comme un scandale inhumain à rejeter dans la périphérie des villes, à maintenir enfermé hors du monde des vivants dans l'indifférence d'une société qui les ignore puisqu'ils ne la perturbent plus.

Considérer ensuite le sujet fou, celui dont le détachement moral ou la souffrance aliénait la conduite au point que des générations de psychiatres que tu qualifiais gentiment d'archaïque se trompaient en confondant une hyper sensibilité avec de l'indifférence et créaient ainsi un monde déshumanisé ou tu sauras toi, avec d'autres, grâce à ta propre sensibilité de jeune médecin surréaliste, reconnaître des trésors d'humanité.

Tu as su enfin considérer qu'il était indispensable, de voir émerger de la c onscience publique, qu'il fallait reconsidérer nos attitudes et nos réponses face à ces drames tellement humains qu'ils nous dérangent encore, même quand on se veut néo-aliéniste de bonne volonté.
Alors certains se sont mis au travail. D'abord, avec les moyens du bord dans nos institutions. Avec quelques-uns que tu persuadais de démasquer les impostures scientistes, tu créais un mouvement profond : " ce secteur là ! " comme tu le disais si bien avec dans la voix cet accent profond et rocailleux qui faisait le bonheur de nos stagiaires. Tu as su remuer les ministères et défendre la théorie de ta cause pour qu'elle se mette en pratique. Car seuls ceux qui agissent savent !

Tu as su nous montrer la route, ce fut un plaisir de te considérer comme notre " bon maître. "

Nous avons fait d'énormes progrès grâce à toi. Non content que ces progrès ont un retentissement social évident et mondialement reconnus mais beaucoup plus subtilement, des progrès individuels, personnels, au quotidien dans une pratique éclairée par tes écrits, par ton travail, tu étais... " ma référence à moi "et très important, celle de ceux que nous éclairions à notre tour...

Merci Lucien !

Tous sont là pour se souvenir !

Maurice Mallet