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Patient-usager

Des Usagers Actifs en Angleterre




Ce texte est signé Florence. Patiente, usagére, accompagnatrice, formatrice, survivor ou user, vous pouvez la contacter à florence@serpsy.org, nous transmettrons.


Amis Usagers:
Ceci est un résumé de mon parcours d'usager représentante et formatrice au sein des services de santé mentale en Angleterre. J'ai essayé, à chaque fois, de donner une idée du contexte, de ce que nous faisons et de l'ambiance. J'espère que l'on pardonnera mon français à la grammaire rouillée. D'autre part, certains termes et expressions ne sont pas toujours faciles à traduire de façon satisfaisante.
NDLR, ayant dû retaper tous les accents (absents des claviers anglais), il est possible que certains nous aient échappé. Merci de nous le signaler.



Quelques termes laissés en Anglais:
Service users: Ici, nous nous définissons comme usagers des services de santé mentale -plutôt qu'une  étiquette imposée. S'utilise pour les usagers présents ou ayant utilisé les services dans le passé  et de temps en temps aujourd'hui. 
Survivors: Survivants -du système
User led : se dit des associations d'usagers qui se regroupent et sont indépendants des professionnels. Elles fonctionnent comme groupes de pression afin d'obtenir de réels changements, une amélioration des services de santé mentale et  sont aussi une source importante de soutien moral etc. mutuel. Être engagé dans un tel groupe, c'est prendre le pouvoir en quelque sorte, pour dire ce que l'on souhaite des services et affirmer ses droits. Ces associations n'offrent pas de services particuliers a leurs membres. Ceux-ci se réunissent régulièrement, souvent une fois par semaine, pour discuter des projets dans les services, échanger des idées et des informations, planifier si besoin est une réponse à des changements dans les services ou textes de lois, envisager d'envoyer un représentant à une réunion etc., mais ils se réunissent aussi pour un soutien mutuel et un peu de chaleur humaine. Elles n'ont en géral pas de budget, pas de bureau etc.
Advocacy/Advocate: Il y a beaucoup d'associations qui offrent un service beaucoup plus rapproché à leurs membres et s'occupent de leur redonner la parole. Les usagers et leurs familles se sentent souvent désarmés, intimidés par les professionnels de santé (mentale ou autre d'ailleurs),  ont peur de poser des questions, de recevoir une réponse hostile etc. Il est donc bon d'avoir le soutien neutre (attention, il ne s'agit pas de médiation) d'une autre personne, un "advocate", qui peut parler en votre nom et faire passer le message. Ces "advocates" sont indépendants du système et leur but est de rendre le pouvoir d'expression et autre aux usagers, non de se l'approprier.  Certaines associations sont spécialisées et représentent des communautés spécifiques (voir plus bas). D'autres sont aussi très combatives pour les intéts des usagers à une plus large échelle.
Trust: L'autorité administrative de tutelle. La notre est AWP: Avon and Wiltshire in Partnership: très vaste, couvre deux comtes. Partnership, c'est le partenariat, entre les services de santé mentale et les services sociaux, donc équipes multidisciplinaires et budgets mixtes. Mais aussi partenariat avec les usagers.
Carers: Accompagnants dits familiaux. Traduction très insuffisante et ixacte. La définition en Anglais est à la fois plus précise et plus vaste et recouvre tous ceux qui se trouvent dans la position d'avoir à s'occuper d'une autre personne, que l'on soit de la famille ou pas. Les carers ont un statut beaucoup plus reconnu, administrativement et financièrement (même s'il y a encore beaucoup à faire), qu'en France. Ils ont leur place dans les plans d'aide et commencent aussi à avoir leur propre plan d'aide.
Un peu d'histoire!
Le mouvement des usagers  et des survivants - du système - ("users and survivors") tel que nous le connaissons aujourd'hui en Grande Bretagne a réellement pris son élan à partir de la fin des années 80, début des années 90.  Le débat actuel n'est plus de se demander si les usagers doivent être partie prenante des grandes et des petites décisions au sein des services de santé mentale mais comment être le plus efficace?
Ce mouvement remonte aux années 60, en même temps que les grands mouvements civiques et sociaux, tels que ceux des Noirs et des Gays, pour la défense des libertés et des droits. Les usagers ont alors commencé à questionner les modes de traitement, l'approche traditionnelle de la psychiatrie, les idées reçues et les préjugés.
Aujourd'hui, se joindre à d'autres usagers et survivants dans une action forte, on le sait, est un excellent antidote au sentiment d'impuissance que la psychiatrie induit souvent chez les individus. Ces mêmes individus, qui vivent avec un diagnostique de "maladie mentale" (expression àbattre !), ont vraiment une contribution à apporter au(x) débat(s), au fonctionnement des services à cause de, précisément, et non en dépit de, leur expérience personnelle.
Qui sont ces usagers actifs?
Ils sont de toutes sortes et participent à des degrés divers selon leurs envies, le degré de motivation, le degré de bien être (qui peut, bien sûr, varier énormément), les compétences naturelles, les centres d'intét, le temps disponible (certains travaillent, les enfants etc. ...)
Le degré de bien être est évidemment un facteur important car il peut varier énormément, en intensité, en durée, et donc avoir des conséquences sur l'investissement des usagers. Les associations sont toutes confrontées à ce "risque", lequel est bien compris et accepte de tous, y compris des autorités de santé. Parfois on peut y palier s'il y a assez de "volontaires" sur un projet particulier ou si quelqu'un d'autre a le temps de s'en occuper. C'est l'avantage d'être en association, la force résidant dans le nombre. Parfois, c'est impossible, c'est tout, et on peut se dire que les minutes des réunions, par exemple, seront communiquées ou que quelqu'un d'autre,  un individuel ou un membre d'une autre association dont on savait qu'ils allaient être là, feront part de ce qui s'est passé ou peuvent parfois parler au nom de l'association. Se lier avec d'autres organisations est vital dans ce contexte comme dans d'autres.
Je ne sais pas si c'est une spécialité locale, mais je remarque qu'il y a plus de filles (femmes) que de garçons (hommes).
Il y en a qui appartiennent aux associations d'usagers gées et dirigées par des usagers (user led), et agissent en tant que représentants de ces associations, ceux aussi qui appartiennent à des associations  à vocation plus spécialisée qui travaillent de façon rapprochée avec leurs membres, offrant des  services spécifiques (Advocacy) et représentent celles-ci, et ceux qui travaillent en "solo". En fait, a moins d'être investi d'une mission de représentation d'une association, la plus part des usagers s'investissent en tant qu'eux même, au nom de leur expérience, de leurs souhaits, de leurs idées, de leur questions etc.
Les associations
Les associations d'usagers sont très nombreuses et se sont multipliées depuis une dizaine d'années, représentant des intéts divers et/ou des groupes particuliers, comme décrit plus haut. Un certain nombre d'entre elles sont établies au niveau national avec des branches régionales et locales. Les autres sont locales, représentant des intéts et des groupes locaux. 
Je suppose qu'en Grande Bretagne, il faut prendre en considération une tradition nettement plus importante, historique (engendrée sous le règne de Victoria) de vie associative.  Ce qui a pour effet de faciliter les regroupements d'individus par  centres d'intét(s). Les associations de patients en tous genres en font donc naturellement partie.
Dans la pratique, cela veut dire une plus longue expérience  de l'organisation: se faire connaître de l'autorité de tutelle, d'autres associations, du  grand public, de la communauté; se tenir au courant de ce qui se passe dans le Trust et au niveau des lois; être aisément joignable. En étant rigoureux sur tous ces aspects, on finit par être pris au sérieux  par les professionnels de santé et par le système (les ministères, les médias, le grand public).
Cette présentation résolument assez brève des associations n'a pour but que de donner une idée du contexte. Par ailleurs, être membre d'une association ne veut pas forcement dire usager actif. Il y a beaucoup d'usagers qui sont membres de telle ou telle association (une ou plusieurs), par soutien intellectuel, par empathie avec une cause ou une approche, sans ressentir le besoin d'être autrement engagés, ce qui est tout à fait légitime.
On peut aussi être actif et engage sans être membre d'une association. C'est une option plus difficile car il faut se faire connaître de certains acteurs comme le Patients Council (voir plus loin) afin d'être tenu au courant de ce qui se passe et être éventuellement invite a joindre tel groupe ou telle conférence etc., et entretenir ces contacts.  Peu choisissent cette route. C'est une question de tempérament.
Au niveau national on compte, parmi les plus importantes: UKAN (UK Advocacy Network - très active depuis longtemps, avec des liens européens),Survivors Speak Out,(les deux premres étant "user led"), MIND (association représentant les droits de tous les usagers en hôpital et dans la communauté), National Depression Alliance, National Schizophrenia Fellowship (NSF) etc. (toutes celles-ci représentant le mouvement Advocacy).
Au niveau local: Bristol, grande ville universitaire, jumelée avec Bordeaux. Sur Internet, on trouve une bonne douzaine d'associations locales dont: Black Orchid (minorités noires et ethnies mixtes), Bristol Survivors (très actifs, lies à UKAN), Our Chance (liée à National Schizophrenia Fellowship), Bristol South Mental Health Forum (qui offre aussi des services tel que des  lieux de rencontres et autres activités de type sociales), des groupes de patients dans des unités de traitement spécifique (par ex alcoolisme), plus des branches  de  Mind, NSF, Depression Alliance etc.
A ces associations d'usagers, il ne faut surtout pas oublier d'ajouter les associations d'accompagnants familiaux (par ex Black Carers, The Princess Royal Trust etc).

Des chiffres?
Il aurait é intéressant de pouvoir illustrer la participation des usagers (pas seulement l'appartenance à telle ou telle association) en donnant au moins une idée du nombre de ceux qui sont actifs. Or il s'avère que cela est assez difficile. Cela tient à la nature même de la notion d'engagement, souvent informelle, fluctuante, de duréet de degré variable etc.
Mon impression, et ce n'est que cela, au niveau local sur Bristol, est que nous sommes probablement au moins 200, sinon plus, à être actifs d'une façon ou d'une autre.
En plus des associations d'usagers et d'accompagnants il y a aussi, dans les hôpitaux (et parfois aussi dans les hôpitaux de jour), ce que l'on appelle les "Patients Councils" ou Conseils de Patients, autrement dit la voix des patients à l'hôpital et dans la communauté. En géral, et c'est le cas ici, il y a un travailleur (Development Worker, qui est aussi un usager des services), payé certes par le Trust, mais entièrement indépendant (mais si!). Telle est la volonté du gouvernement d'avoir ce type de travailleur reconnu et rémuné, avec un bureau équipé, dans l'enceinte même de l'hôpital psychiatrique. Le Patients Council serde liaison entre les usagers,centre d'information et de documentation,  des groupes de travail, fait circuler des informations sur ce qui se passe dans le Trust, réagit aux décisions prises dans la localité (Bristol) etc., mais n'a pas la fonction (pas le temps non plus) de représenter les individus.
Des réunions d'information et de discussion autour de projets en cours etc., sont organisées tous les mois  au sein des hôpitaux de jour. Le Patients Council est contactable par téphone, au bureau, par e-mail, par courrier. Autour du travailleur, il y a d'autres membres du Patients Council, des volontaires qui appartiennent ou non aussi à d'autres associations. Mind et Bristol Survivors  par ex, travaillent très souvent en collaboration avec le Patients Council ici.
(VOIR DOCUMENT EN ANNEXE)
Depuis le début des années 90, les différents gouvernements ont affiché leur reconnaissance de l'importance de la participation des usagers au processus de décision à tous les niveaux ( politique, types se services offerts, formation, recherche, traitements etc.). Ceci est reflé dans un certain nombre de documents et de plans d'action importants, parfois ambitieux, parfois timides. Cette participation est devenue la seule voie possible pour un service moderne. Le Trust lui-même a publié un document en mars 2000 réaffirmant la volonté officielle de voir les usagers impliqués dans les différents processus de décision.
Ceci est aussi confirmé par la création d'un budget important, plus de £100,000 (plus de 152450 euros), entièrement dédié au développement et à la bonne mise en pratique de l'engagement des usagers dans les services avec, entre autres, la création de postes, rémunés et tenus par des usagers. Il y a,  entre autres, deux travailleurs spécifiques  User Development Workers) dont le rôle est d'éduquer les équipes qui travaillent de façon rapprochée (se déplaçant et traitant les individus chez eux en cas de crise etc.), à  travailler en se concentrant sur les besoins des usagers, ce que l'on appelle "user centred". Leur rôle est aussi de mener  des travaux d'études sur l'expérience des usagers dépendants de ces équipes et sur l'efficacité de ces équipes. L'un travaille partie nord, l'autre partie sud de la ville. Il  est prévu un troisième poste pour la partie centrale (zone sensible), dans un avenir assez proche. Il y a aussi un poste User.
Cette participation n'est pas encore pour autant un fait acquis. C'est un combat quotidien qui requiert beaucoup de vigilance, d'énergie et de motivation.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que les problèmes de santé mentale ne sont pas confinés dans les villes, grandes ou petites. Il ne faut pas oublier les zones rurales ou les usagers sont aussi très actifs malgré les obstacles pratiques évidents (distance, difficultés pour se réunir, créer et maintenir des groupes, peu de publicité et de reconnaissance, difficultés de faire circuler les infos -tout le monde n'a pas accès a Internet, dans les campagnes ou dans les villes d'ailleurs - etc.)
Bien sûr, il y a encore des dinosaures, parmi les administratifs,  parmi le personnel de santé peut-être surtout, qui considèrent les usagers comme des simplets, des illettrés sans éducation, incapables de comprendre et de réfléchir aux enjeux autour de la santé mentale... alors que les faits prouvent le contraire, que les usagers ont beaucoup à dire et à contribuer, offrant souvent une approche fraîche, novatrice et pleine de bon sens, sans pour autant être censés être des spécialistes de tel ou tel aspect des services.
Mon parcours:
J'ai atterri dans les services psychiatriques fin 1989. Dé à l'époque, et depuis quelques années, il y avait des réunions de patients (terme que je prére a celui de malade)  une fois par mois, encouragées et organisées à l'hôpital de jour ou j'étais, par deux infirmiers qui se chargeaient de prendre des notes et de nous faire passer des informations en tous genres, concernant le plus souvent le fonctionnement de l'hôpital. Ce qui étais d'autant plus important que cette structureplein centre ville comprenait une unité avec des lits.
J'ai commencé mon engagement en 1991. A ce moment là, la politique de fermeture des hôpitaux victoriens et l'imposition d'une politique de soins dans la communauté (bonne idée, mais mal pensée et sous financée),  a supprimé des lits partout. On a donc voulu "fermer" les lits de cet hôpital pour les transférer, à 8 km du centre ville, dans l'hôpital psy principal de Bristol. Un groupe d'usagers s'est formé spontanément afin de sauvegarder ces lits si précieux (par leur nature et location). Nous nous sommes investis pendant des mois, organisant des réunions entre nous, avec des associations,  des administratifs et des médecins, des conférences de presse (presse locale et nationale) etc. ... Malheureusement les lits furent  fermés" et transfés le jour même de l'élection de John Major (pas innocente comme date) au printemps 1992. Ce qui en dit long...
Nous avions perdu cette bataille comme on dit. Mais c'est grâce à elle que l'Administration sur Bristol s'est rendue compte qu'on ne pouvait plus nous ignorer, que les usagers savaient s'organiser, avaient une voix et qu'ils comptaient bien s'en servir.
Des lors, les réunions de patients sont devenues de plus en plus politisées (actives), posant des questions pertinentes sur le fonctionnement de l'hôpital (moins ses lits), de l'équipe, sur les conditions des stages des étudiants en médecine et autres chez nous, (manque de respect, attitude, manque de professionnalisme etc.), sur le manque de personnel (problème récurrent), sur le type d'activités et de traitement proposés, sur l'absence de services le week-end et en dehors des heures de bureau, sur le type de sandwichs offerts a midi (sempiternel sujet  de débats après!) etc. ...
Depuis 3 ans, mon engagement a changé, je pense en partie à cause du type de politiques et de plans d'action qui sont arrivés.  Ce n'est pas tant que je souhaitais m'y remettre; je me suis trouvée "aspirée" par ce qui se passait. 
L'année 1999:
En 1999, nous avons appris que nous pouvions participer au processus d'embauche de certaines catégories de personnel de santé et para santé, de façon informelle. Dans la pratique, un petit groupe d'intéressés s'est réuni pour discuter de ce 
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que nous attendions par exemple d'un infirmier ou d'un éducateur, préparant une liste de questions (respectant toutes les règles de confidentialité, de parité, d'égalité etc., prescrites par le Département des Ressources Humaines). Nous avions donc un entretien avec chaque candidat avant leur entretien officiel avec l'équipe. A la suite de ces 2 entretiens, nous allions faire part de nos sentiments et commentaires avec l'équipe ainsi que de notre sélection. Le plus  souvent, il y avait concordance de vues, ce qui montre que nous étions compétents.
Aujourd'hui, les choses ont beaucoup bougé puisque les usagers font partie intégrale du processus d'embauche, ayant accès à tous les documents (CV, lettre de motivation etc.) et sont présents, à part égale, avec les membres de l'équipe. A ce titre nous étions d'ailleurs en retard par rapport à d'autres régions du pays..
L'année 2000:
L'année 2000 a é une  année de grands changements pour tous. L'autorité de tutelle qui gouvernait tous les aspects des services psy ne devait plus le faire au profit de l'émergence d'un  nouveau Trust spécialisé dans les services de santé mentale, avec son budget, son mode de fonctionnement, son personnel, une nouvelle définition géographique (beaucoup plus importante que prédemment puisqu'elle couvre maintenant deux comtes, celui de l'Avon et du Wiltshire) etc.
Accompagnant ce changement, sont arrivés les travaux de finalisation d'un projet gouvernemental visant à en finir (en raccourci) avec une psychiatrie traditionnelle -pour ne pas dire archaïque-, avec des critères et des objectifs nationaux et locaux. Respecter les souhaits locaux et les nuances locales étant tout aussi important.
Les usagers ont donc é invites à participer à ces travaux. Nous étions une cinquantaine en tout je pense, ne serait-ce que sur Bristol, à en être. Y participaient les suspects habituels: les administratifs, les services sociaux, les professionnels de santé et para santé, les associations d'usagers, les associations caritatives de logement (qui comptent une proportion non négligeable d'individus fragiles et d'usagers parmi leurs locataires, certaines sont d'ailleurs spécialisées), des usagers etc. ... Il s'agissait de savoir ce que les uns et les autres attendaient de ces nouveaux services tant souhaités (ou, quoi, comment?), sollicitant aussi les points de vue des habitants des quartiers au sein desquels se trouvent les dits services présents et futurs. Mon rôle m'a entraîe à produire un document, après consultation exhaustive auprès de mes "collègues usagers", établissant une liste de nos souhaits, aspirations, soucis, et questions
Mission importante que de représenter la voix des autres. Cela n'a pas été  toujours facile car il a fallu argumenter et me battre dans des réunions ou un certain nombre de professionnels, surtoutcliniciens consultants (chefs de service/clinique) mais aussi un ou deux infirmiers, se sont montrés ouvertement hostiles à la présence d'usagers à ces débats. Certains refusaient de nous adresser la parole, d'autres parlaient comme si nous n'étions pas là. Le sérieux de mon engagement ou celui de mes camarades n'a pas toujours suffit àgeler ces joyeux personnages et il aura fallu que le président de session, pas du tout amusé par la conduite de ses collègues,  impose le respect et rappelle qu'on en était plus là....
Je me suis aperçue, quelques mois plus tard, que notre liste avait é reprise et adoptée dans le document final produit pour consultation auprès d'associations etc.. Résultat!
Fin 2000:
On est venu me chercher "Tu viens, ça va t'intéresser!" (Pourquoi est-ce que je dis oui?!...)  pour participer à une réunion d'information autour d'un document très important concernant tous les usagers et qui devait être entièrement revu, dans son contenu et sa mise en pratique. Il s'agit des formulaires utilisés comme instrument d'évaluation par les professionnels de santé lorsqu'une personne arrive dans le service avec un suivi régulier (en théorie tous les 6 mois). Ce document existe dans les textes depuis 1990 et est connu sous le nom de Integrated Care Programme Approach (Plan d'Aide) mais peu y ont eu droit (manque d'organisation, de volonté aussi).  J'ai eu mon premier Care Programme en Juin 1999... soit 10 ans après avoir é admise dans le service!
Ce document touche à tous les aspects de la vie de l'usager : histoire personnelle, familiale, médicale, sociale, carrière, description du "problème" de santé mentale, niveau d'études, conditions de logement, allocations reçues ou à mettre en place, problèmes physiques, problèmes avec la justice,  abus de drogue, abus d'alcool, l'évaluation du  risque de danger pour l'usager lui-même ou pour les autres,  les commentaires de l'usager lui-même et sa propre version des choses, sa propre évaluation de sa situation mentale, ainsi que ses souhaits, etc. ...Tout cela afin de déterminer le niveauet le plan d'action à mettre en place, en géral en accord avec la personne, sauf cas très particuliers (et définis par la loi).

Les réunions qui ont suivi (des groupes de travail se sont mis en place dans tout le Trust) ont discuté  tous les aspects du document, la formulation des questions posées, sur le type de questions, sur ce qui manquait, ce qui se faisait ailleurs (modèles de bonne pratique clinicienne), le graphisme etc. jusqu'à pouvoir produire un nouveau document qui, après différentes consultations, serait approuvé. Cela à pris deux mois.

L'étape suivante a consisté à faire connaître ce document auprès de tous les acteurs susceptibles  de faire partie du processus d'évaluation (personnel de santé et para santé, travailleurs sociaux en tous genres, à partir d'un certain grade de séniorité). Tâche difficile d'avance. Personne n'aime la paperasserie et encore moins lorsque des changements sont imposés, même s'ils prétendent offrir une amélioration. Il fallait aussi les former par rapport à toutes les implications, y compris légales, contenues dans le document.

Un programme de formation (sur deux jours avec environ 20 participants à chaque session) a donc é mis en place avec, en prime (!), l'intervention d'un usager et d'un accompagnant, venant présenter leur perspective respective.

En bref,  parce qu'il est souvent difficile de trouver des gens pour ce type d'engagement, nous nous sommes retrouvées à deux, moi pour la perspective usager et une accompagnante pour sa perspective, à tenir  ces rôles. Nous avons eu des réunions avec d'autres associations d'usagers et  d'accompagnants, dirigées parfois par le chef de formation, afin de préparer notre présentation. Nous avons produit une liste de thèmes que les usagers et les accompagnants, chacun de leur coté, voulaient voir traités. Le  Le Patient Council de l'hôpital principal psy m'a laissée utiliser son ordinateur, son téphone et son photocopieur, tout en me préparant  quantité de cafés ou en me traînant parfois de force à la cantine, voyant que je fondais devant l'écran! 

Ma compère non seulement représentait les accompagnants mais aussi, étant elle-même de race mixte, les intéts et aspects ethniques et culturels souvent ignorés de ces populations.
Nous nous sommes rendues compte qu'accompagnants et usagers, contrairement aux idées reçues, ont beaucoup plus de points communs que de différences. Ce qui peut changer, c'est la perspective, mais cela n'empêche pas d'avoir une approche constructive.  Il est tout aussi vrai qu'il y a des usagers hostiles aux accompagnants (carers) pour tout un tas de raisons (maltraitance, ignorance etc.) et des accompagnants qui ne comprennent et  ne connaissent pas grand chose aux problèmes des usagers. Mais nous nous entendions bien (ça aide !) et nous avionschoisi de souligner cet aspect dans le format même de notre présentation en nous aidant mutuellement.
Le programme de formation avait démarré en Avril 2001, sans nous, à raison de deux sessions mensuelles (800 personnes à former sur Bristol seul). Nous n'étions pas prêtes,rce qu'il faut une belle dose d'énergie et de temps pour accomplir ce travail, pour arranger des réunions, y aller, sonder les uns et les autres sur tel ou tel aspect de la présentation ou des thèmes abordés, s'occuper des nôtres et si possible de soi aussi... En tant qu'usagers (ou qu'accompagnants d'ailleurs) nous ne sommes pas toujours vaillants. Heureusement, le système le reconnaît et le chef de formation nous avait laissées autant de temps que possible. Par contre, si nous n'étions pas là officiellement, nous l'étions en tant qu'observateurs (nous deux et d'autres), quelques heures à la fois ou plus. Ce qui nous a permis  de prendre la température en quelque sorte, de nous rendre compte de la façon dont cela se passait, des réactions des stagiaires, la dynamique des groupes.
Nous avons démarré officiellement en Juillet 2001. Une demie journée, 1h30+ chacune, pour présenter le point de vue des usagers et des accompagnants (et de ceux qui sont les deux et dont je fais partie par ailleurs). Ce qui va, ce qui ne va pas, ce qu'on peut/doit changer dans les attitudes, les approches, les clichés etc. . Comme quoi l'amélioration de la qualité des services ne passe  pas forcément par une augmentation de budget... sans pour autant oublier de rappeler que tout n'est pas noir et qu'il y a beaucoup de très bons praticiens de tous poils dans les services!
Pour ma part, j'ai choisi d'utiliser deux exercices, prétexte à confronter certaines pratiques professionnelles préhistoriques et/ou détestables etc., afin de les faire réfléchir, avant d'élargir le débat en incorporant le maximum de thèmes que les usagers voulaient faire passer. Une heure et demie, c'est court pour cela mais peut parfois paraître une éternité lorsqu'on a à subir ne serait-ce qu'une seule remarque désobligeante, parfois franchement injustifiée, qui vous désarme. Ce n'est pas toujours évident.
Aujourd'hui, après plusieurs mois d'interruption du programme de formation, le document va ressortir dans une nouvelle version. Malheureusement, cette fois ci, principalement à cause du manque d'organisation du chef de formation et de manque de communication, les usagers n'ont pas é consultés, ce qui crée un remue ménage de taille un peu partout et le mécontentement se fait sentir. Nous nous en occupons sérieusement. Tout n'est donc pas rose au domaine de la participation...
En attendant que le programme redémarre sous une forme ou sous une autre,  je fais partie de quelques groupes de travail. A savoir:
Research and Development Department: (Dept Recherche et Developement du Trust)
La recherche est bien sûr un domaine très important. Ici, la recherche psy -et autres- post doctorale en universités est très active. Les Trusts travaillent en collaboration avec les facs. La source du financement pour ce type de recherche vient du Ministère de la Santé.
L'idée de notre groupe de travail, (groupe détaché du Comite du même nom  formé de professionnels) (environ 25 usagers, couvrant les deux comtes, se réunissant une fois par mois), ainsi que la volonté du gouvernement et du Trust est que les usagers doivent influencer le type de recherche financée par le Trust (et donc par le Ministère de Santé) pour, d'ici trois ans maximum, être les seuls décideurs. Pour ceux qui auraient des doutes, nous suivons rigoureusement les protocoles professionnels en vigueur, à tous les stades. Par ailleurs, les usagers ont beaucoup d'idées de recherche,  souvent très intéressantes.
Il s'agit de changer la façon dont la recherche est entreprise, au moins au sein du Trust et d'en finir avec les travaux de recherche soit purement au béfice du chercheur (avancement de carrière), soit à la qualité scientifique douteuse etc.  L'idée est d'avoir des programmes de recherche dont l'issue, en définitive, doit être au béfice des usagers. Approche pragmatique certes mais qui a ses mérites.
Le groupe démarre tout juste -3 mois- mais est dé très actif. C'est une coïncidence du calendrier. Les projets de recherche émis par des professionnels pour l'année fiscale, viennent tout juste d'être soumis. Notre avis sera pris en compte.
Dans la pratique, nous allons prendre une journée complète et travailler en petits groupes, chaque groupe s'occupant d'environ 6 projets que nous allons examiner en nous concentrant sur l'aspect scientifique, la pertinence et l'importance du sujet pour le béfice des usagers et la participation proposée des usagers à la recherche (critères voulus par le Ministère). Pour ce faire, chacun d'entre nous recevra les projets, les listes de critères de sélection et toutes les informations nécessaires par avance. Si nous avons des questions à poser à l'avance, nous pouvons contacter le responsable du Comité, qui est aussi Directeur du Département. Il faut aussi savoir que notre groupe compte, aussi, des usagers qui sont par ailleurs des chercheurs professionnels et enseignants en fac, ou des usagers qui ont dé fait des travaux de recherche pour des associations  et institutscomme The Mental Health Foundation.
Notre groupe envoie plusieurs représentants aux réunions du Comité, qui ont lieu tous les deux mois, afin de leur faire part de nos travaux, de nos commentaires et de nos souhaits sur les programmes de recherche etc.
C'est un groupe intéressant, qui stimule agréablement les méninges -pour ceux qui aiment ce genre de choses!- en posant des questions pertinentes sur la santé mentale à un niveau scientifique et intellectuel.
C'est un groupe à long terme,  amené à devenir permanent, non fermé et acceptant de nouveaux membres.
Nouveau travailleur en santé mentale: (New Mental Health Worker)
Groupe de travail à court terme (1 an?), s'occupant de définir le profil d'un nouveau type de travailleur en santé mentale. Nouveau sur le papier seulement. En fait, il s'agit de regrouper un certain nombre de professions dé existantes sous une ombrelle professionnelle unique mais ouvrant l'accès à toute une catégorie de gens possédant certaines qualités réelles non reconnues officiellement par le système. Il s'agit par exemple des accompagnants, des volontaires des associations caritatives, de certaines catégories professionnelles telles que les aides soignant(e)s et para santé etc. ... qui souhaiteraient travailler dans ce secteur mais n'ont pas forcément les qualifications habituelles requises ou qui ne se sentent pas assez de confiance pour entamer des études classiques. En bref, une formation poussée sur le tas et bien sûr obligatoire, menant à des qualifications, est prévue. Pour le moment, nous travaillons à créer un profil professionnel ainsi qu'un profil
Etape suivante: Les usagers seront amenés à participer aux sélections et entretiens d'embauche comme décrits plus haut.
Puis surveillance du processus à court, moyen et long terme.
Journée de formation d'une équipe:
Au cours du mois de juin, je dois participer à une journée de formation d'une équipe de la ville qui travaille de façon très rapprochée : éducateurs, infirmiers, travailleurs sociaux rapprochés, "community care workers" etc., 24h/24, 7j/7, avec des usagers qui sont en danger de décrocher du système, des usagers en crise etc., pour qui le séjour en hôpital n'est pas la bonne solution/approche. Ces participants sont géralement des individus très motivés, travaillant dans des conditions assez particulières, ayant souvent beaucoup plus de temps à offrir à un usager ("S'il faut rester des heures chez X, on y reste des heures!) que les équipes traditionnelles et peuvent donc offrir une qualité de soins meilleure et plus créative.
J'interviens l'après-midi en tant qu'usager des services, qu'accompagnante et finalement en tant que formatrice. Ce que l'on attend de moi, c'est que je parle de mon expérience des services, en appuyant sur des aspects particuliers, ainsi que ce que j'aurais souhaité que l'on me propose, ce que l'on peut faire pour redonner le sentiment de pouvoir aux usagers en ce qui concerne leur traitement, les services et ce que d'autres usagers attendent des services. Vaste programme qui prendra forme autour de questions- réponses. Durée : 3 heures, qu'il faudra garder les plus léres possible sans compromettre le "message", sinon il y aura 20 candidats au suicide à la fin de la session!
Si celle-ci est un succès, le responsable de cette formation souhaite la proposer à d'autres équipes.
Clinical Audit Committee (Comité d'Evaluation Clinicienne)
Je viens de recevoir une invitation à joindre ce groupe de travail s'occupant de l'évaluation de l'efficacité (au sens large) des différents services, de la bonne mise en pratique des décisions, des formations, des pratiques cliniciennes, de la qualité du processus de recherche etc.
Ce groupe (permanent) se réunit une fois par mois.
ve:
L'une de mes aspirations - par forcement un rêve d'ailleurs-, en tant qu'usager formatrice, serait de voir se créer et se mettre en place des formations obligatoires (sous peine de sanction), pour tous les personnels des services judiciaires, des services de police, les médecins géralistes (les stages en psychiatrie arrivent en deuxième année et sont vite oubliés), les fonctionnaires de la Sécurité Sociale (Social Security), au sein même des écoles de formation, des facs, des écoles de médecine etc. , ainsi que sur les lieux de travail.
Les préjugés institutionnalisés, les idées reçues, l'ignorance flagrante de tant de catégories professionnelles, qui sont pourtant en contacts réguliers et qui sont amenées à prendre des décisions souvent importantes au sujet d'individus fragiles ou reconnus comme usagers des services de santé mentale, doivent être combattus avec force.
Je verrais bien des équipes mixtes (professionnels, usagers) se déplaçant ici et là.
Ce résumé (mais si!), ce n'est que moi.
Il y a des usagers qui s'engagent dans des actions, qui participent à des groupes très différents de ce que je fais. Il y en a qui sont beaucoup plus actifs que moi et d'autres qui le sont moins. Et puis il y a des moments où on en n'a pas envie du tout. Ou bien on ne "fait rien" parce qu'on est pas au courant - l'information ne passe pas toujours bien- ou on n'est pas sur les bonnes listes pour recevoir des infos etc. En fait, c'est beaucoup de travail mais ça vaut le coup car les usagers font avancer les choses.
D'un point de vue pratique, nous pensons qu'il est prérable d'aller aux réunions et autres groupes de travail  (que les professionnels y soient en majorité ou pas),deux, pour un soutien moral, pratique et/ou émotionnel mutuel. Ces situations peuvent être intimidantes pour certains ou bien parce qu'on nest pas toujours en forme. D'autre part, afin de permettre à ceux qui ont des problèmes pour sortir (agoraphobie) ou pour utiliser par exemple les transports en commun, nous avons la possibilité d'avoir quelqu'un avec nous, qui sera aussi remboursé de ses frais.
Enfin, il faut savoir que nous sommes rémunés. En effet, le gouvernement et le trust considèrent qu'il est tout à fait normal que nous soyons récompensés pour le temps passé/donné, tout comme les professionnels.
Tarif de participation à un groupe de travail, réunion, conférence: £5/heure (7.60 euros environ) plus  frais de transport (sauf hélicoptère!) etc.
Tarif de participation pour une présentation à un groupe, une assemblée : £27.50/heure (42 euros  environ- tarif de fac pour un intervenant invité) plus frais de transport etc.
Afin qu'il n'y ait pas de problème avec les allocations (la Secu autorise un revenu non déductible de £20/semaine) on peut, si l'on touche plus de £20 dans une semaine, faire étaler le paiement afin que nous ne soyons pas pénalisés.
Il y a d'autres options possibles mais celles-ci sont les plus courantes.
D'autre part, tout comme pour les professionnels, boissons (non alcoolisées!), déjeuners etc. sont prévus (toujours très correct, parfois très bien).
Voila, j'espère que cela vous donnera au moins une idée de ce que nous faisons ici, de ce qui est possible.
Nous sommes tout à fait conscients que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, que les barrières ne sont pas encore toutes tombées, loin de là.
L'encouragement des professionnels est aussi très important. Ils ne sont pas nos ennemis. Lorsque des membres actifs d'une équipe d'hôpital, de jour ou autre, intéressés PAR LA NOTION d'engagement des usagers,  s'en vont (promotion, dénagement...), on se rend compte que l'engagement des usagers s'effrite. Motiver les usagers, se mobiliser, est un boulot en soi. Ce qui me/nous motive, c'est que d'autres usagers ailleurs dans le pays sont plus  avancés que nous, nous montrant la voie.
On peut s'engager un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout. Ce qui compte, c'est que c'est possible et que ça apporte des résultats.
Cordialement,
Florence
florence@serpsy.org


ANNEXE 1
(Avec l'autorisation du Patients Council de Bristol:)
Charte des Objectifs du Patients Council:
- Travailler en tant qu'organisation indépendante d'usagers des services de santé mentale
- Mettre en avant et soutenir les enjeux collectifs des usagers des services de santé mentale
- Influencer les changements et travailler pour une amélioration des services de santé mentale (incorporant les services de santé, les services sociaux et les organisations caritatives)
- Faire au mieux afin que les expériences et les enjeux des usagers soient entendus et reconnus
- Aider et encourager les usagers à regagner confiance dans leurs aptitudes et techniques, afin  d'aller aux réunions et d'y prendre la parole etc.   
- Être constamment a jour et au courant de ce qui se passe dans les services de santé mentale
- Se battre contre toute discrimination
- Disséminer les infos au sujet d'autres organisations indépendantes qui peuvent aider
- Être en contact avec d'autres organisations d'usagers, localement et nationalement
- Nous adapter et progresser selon les besoins et les situations.
(Juin 2002)
                                                    THE  END !
                                                     
(Florence) florence@serpsy.org




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