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Patient-usager


 

 

Article du journal « L’ECRIT DE LA VAGUE », N° 87, septembre 2008,

 (à paraître)

 

 

 

RENCONTRES A AMSTERDAM DE DIFFERENTS ACTEURS

DE L’ORGANISATION « VRIENDENDIENSTEN »

 OU « SERVICE DES AMIS »

 

Honorant le projet qui en mai dernier nous a valu le Label Paris-Europe, nous avons effectué en ce mois d’octobre 2008, un voyage d’étude à Amsterdam pour y rencontrer différents acteurs d’une expérience inédite en France dans le champ de la santé mentale.

 

Comment rendre compte de l’ambiance de ce voyage marqué de tant d’émotions : visite d’une ville superbe (nos photos en témoignent), travail de rencontres et de recherche intenses sous l’égide de nos hôtes de l’organisation « Vriendendiensten » ou « Service des amis », rencontres individuelles multiples et croisées avec Anneke, Ellina, Marlou, mais aussi Marit, la directrice de l’organisation, Marco et les autres usagers dont nous n’avons pas retenu les noms. Toutes ces personnes aux statuts divers : « usagers », « bénévoles », « professionnels », rayonnaient de simplicité et de générosité. Une belle leçon de vie.

 

A travers notre projet visant à comprendre l’origine et les modalités de fonctionnement du « Service des amis » d’Amsterdam, nous avons pu apprécier l’extrême gentillesse et la spontanéité des Amstellodamois. Nos séances de travail, au siège du « Vriendendiensten », le dîner au restaurant Freud, comme celui de la maison ouverte de quartier De Havelaar, la visite et le déjeuner au centre De Waterheuvel (une association d’usagers qui se réclame des valeurs de « Fountain House », créée en 1948 à New York), nous ont permis de découvrir des quartiers et des modes de vie que nous n’imaginions pas. Quatre jours d’une immersion intense dans la ville d’Amsterdam et la vie de ses habitants.

 

Origine de l’organisation « Vriendendiensten » d’Amsterdam 

 

Créé il y a une quinzaine d’années, le « Service des amis » a connu grâce à la détermination conjointe de ses promoteurs (usagers, élus, services de santé), une extension progressive à l’ensemble des arrondissements d’Amsterdam, puis à d’autres villes des Pays-Bas (plus d’une cinquantaine de services aujourd’hui).

 

L’organisation, telle que nous la découvrons aujourd’hui, s’est construite à partir d’une enquête menée en 1992, dans un des arrondissements d’Amsterdam, pour identifier auprès des usagers de la santé mentale vivant chez eux, ce qui leur manquait le plus au niveau de leur réintégration sociale. Parmi différentes questions portant sur les difficultés rencontrées, l’une d’entre elles revenait à souligner le manque d’amis, la détérioration du réseau relationnel avec la maladie. Pour certains usagers, en dehors  des relations avec leur famille, il est apparu que les contacts se réduisaient le plus souvent aux soignants et/ou à d’autres patients. Comme Anneke Bolle* qui a organisé pour nous le programme de visites à Amsterdam, le dit dans son article de l’ « Info Psy » d’octobre 2007,  « un de leurs désirs le plus prononcé quant à la vie de tous les jours était la possibilité de rencontrer quelqu’un avec qui entreprendre une activité en commun ».

Des expériences de rapprochements un à un, entre des bénévoles de la société civile et des personnes souffrant d’isolement social du fait de leurs problèmes de santé, existaient aux Etats-Unis sous le nom de « compeers, qu’on peut traduire par copains ou buddies », mais ces jumelages étaient proposés et administrés par des soignants en psychiatrie.

L’audace et l’originalité du projet hollandais, a été de soustraire ces jumelages à l’emprise du regard psychiatrique, renforçant ainsi le caractère égalitaire de la rencontre entre bénévole et usager, et clarifiant les objectifs de ces rapprochements qui n’ont pas de visée thérapeutique, mais répondent à une volonté d’intégration citoyenne des deux parties. Donner et recevoir sont les deux facettes d’une même médaille, quand on donne on reçoit, quand on reçoit on donne… « l’ambiance qui fait confiance aux capacités du couple bénévole-adhérent est capable de libérer des forces d’émancipation » nous dit encore Anneke Bolle dans son article.

 

Ce que nous avons retenu du programme de visites

 

Guidée par Anneke venue nous chercher à l’hôtel, nous avons été reçus au siège de l’organisation « Vriendendiensten », dans une grande maison hollandaise du « vieux sud » d’Amsterdam, pour une première journée de travail. Nous découvrons de vastes locaux comportant plusieurs bureaux où plusieurs personnes travaillent sur des ordinateurs ; des cartes de communication très colorées, comme autant d’invites, donnent le ton à l’entrée.  Accueillis par la directrice de l’organisation, Marit Postma et deux coordinatrices salariées qui parlent couramment le français, Ellina et Marlou, nous avons, avec le café et les gâteaux, un premier contact chaleureux et concret.

 

D’emblée il nous est proposé de regarder et de commenter un petit film vidéo sous-titré en français où l’on voit évoluer deux « paires » de « copains ».

La vision de ce petit film très riche nous informe sur les points de vue respectifs du bénévole et de l’usager, leurs motivations, l’intérêt qu’ils trouvent à se rencontrer, la place du « Service des amis » dans ces échanges : existence d’une sorte de « contrat de jumelage», possibilité de rencontres entre bénévoles, possibilité de recours à l’organisation pour chacune des deux parties, en cas de difficultés ou de doute.

Il apparaît dans la discussion que le « Service des amis » se porte en quelque sorte garant de la mise en relation entre un bénévole en quête de partage, et un usager de la santé mentale qui souhaite rencontrer quelqu’un, dans un cadre qu’ils choisiront librement ensemble (café, visites culturelles, pratique d’un sport, balades, etc.).

 

Nous apprenons ensuite que les personnes bénévoles sont choisies au cours d’un entretien avec l’un des « coordinateurs » répartis par arrondissement ou groupes d’arrondissements. Un jeu de rôle improvisé par Ellina et Marlou, nous permet de mieux comprendre l’importance de cette étape. Les bénévoles doivent répondre à certains critères et être au clair avec leurs motivations, par exemple ne pas être trop interventionnistes, ne pas avoir trop d’idées reçues sur la maladie mentale, etc. De fait aujourd’hui, la moitié des « bénévoles » sont des « usagers » qui pour certains ont pu bénéficier eux-mêmes d’un contrat de jumelage. C’est un des points forts de cette expérience qui a révélé les potentiels d’entraide entre les usagers eux-mêmes. Ils peuvent selon les moments de leur parcours avoir envie d’être accompagné par un « bénévole » ou se proposer d’accompagner un autre usager.

 

La recherche de bénévoles constitue donc un des axes de travail essentiel de l’organisation, puisque s’il y a aujourd’hui à Amsterdam en moyenne environ 450 bénévoles par an pour un nombre de demandes de compagnonnage bien supérieur - 650 -.

Les campagnes d’appel à bénévoles sont donc permanentes et utilisent des moyens très diversifiés : cartes postales de communication, affichettes, spots télé, annonces hebdomadaires dans les journaux gratuits de la ville et dans trois grands journaux.

 

Chaque année des jumelages s’arrêtent alors que d’autres commencent (le contrat qui encadre la rencontre est fixé à un an). Pour répondre à l’attente de certains usagers, l’organisation a donc développé des actions collectives dans la ville : sorties, ateliers de musique, de danse, repas dominicaux dans des centres de quartier comme celui de De Havelaar où nous aurons l’occasion de dîner le dimanche suivant. Là, des usagers et des bénévoles se rencontrent régulièrement autour d’un repas d’un coût modique, qui peut être partagé avec les habitants du quartier. Une coordinatrice du « Vriendendiensten » est présente à ces repas.

 

Ces différents services, jumelages et actions collectives, demandent malgré leur apparente simplicité une logistique solide assurée par des professionnels : au secrétariat, plusieurs personnes accueillent au téléphone les personnes intéressées (bénévoles et usagers) et remplissent des fiches techniques permettant d’enregistrer certaines caractéristiques les concernant. Le travail des coordinateurs vise ensuite à rapprocher offre et demande, recevoir les bénévoles, participer aux formations, dispenser l’information, communiquer avec les partenaires, etc.

 

A noter ici une des particularités de tous les services ayant trait à la santé aux Pays-Bas : un « Comité des usagers » est chargé de veiller au respect des droits et des bonnes pratiques. Il est régulièrement consulté par les professionnels mais il peut également faire des observations à ces mêmes professionnels. Tous les projets doivent être soumis à ce Comité ; c’est ainsi que dans l’après-midi nous avons pu rencontrer Marco, un membre du Comité du « Service des amis » ayant bénéficié lui-même d’un jumelage pendant cinq ans. Il nous a expliqué en français à quel point la présence d’un « copain bénévole » à ses côtés l’avait personnellement aidé.

 

Voilà pour l’essentiel ce que j’ai pu comprendre de l’expérience si vivante et si bien rodée, du « Vriendendiensten » d’Amsterdam. Pour ce qui est des financements, il semble que la participation municipale soit importante, mais les caisses de maladie et peut-être encore d’autres organismes financent ce service.

Il y a bien sûr encore plein de questions en suspens : sur les partenariats avec les centres de santé, avec les élus, avec les autres organismes de soins ou de travail d’Amsterdam.

En l’absence d’une connaissance précise des lois et règlements qui régissent les Pays-Bas en matière de santé, il nous est difficile d’appréhender tous les rouages de ce qui nous a été présenté. Que nos hôtes nous pardonnent pour les erreurs ou imprécisions qui se glisseraient dans ce compte-rendu.

 

Au-delà de cette première journée de travail, nous avons pu apprécier la variété et l’originalité des services destinés à, ou gérés par, des usagers de la santé mentale. L’ouverture sur la ville et le monde ordinaire, le désir de mixité sociale y sont primordiaux. Ainsi nous avons pu déjeuner dans ce qui nous est apparu comme une forme d’ESAT qui sert des repas à des groupes extérieurs. Nous avons dîné au restaurant Freud, un restaurant « chic » de quartier où la cuisine et le service sont faits par des usagers dans une optique de passerelle vers le milieu ordinaire de travail. Nous avons visité dans le quartier rouge, une petite brasserie qui tient boutique, où l’on nous a expliqué que les travailleurs comme les vendeurs étaient également des usagers engagés dans un processus d’insertion.

Le dernier jour, nous avons déjeuné avec le directeur de De Waterheuvel à la caféteria où se retrouvent chaque midi professionnels, usagers et  bénévoles de ce lieu. Toute personne en difficulté psychique peut y trouver un accueil et un travail à la mesure de sa disponibilité. Toutes les tâches utiles à la vie de la maison sont potentiellement ouvertes aux usagers : ménage, cuisine, informatique, courrier, comptabilité, réalisation d’un journal, etc.

Partout nous avons été sensibles à la convivialité des échanges et à la très grande simplicité avec laquelle les usagers évoquent leurs difficultés, sans honte ni tabou. Il nous semble qu’aux Pays-Bas, la santé mentale n’est pas un vain mot et qu’elle concerne tous les citoyens.

 

Peut-on transposer le concept du « Service des amis » en France ? C’est bien la question que nous nous posons et que nous voulons poser aux élus qui ont financé ce voyage.

 

Nous serions fiers de pouvoir faire connaître ce modèle qui fonctionne si bien aux Pays-Bas que les jumelages tendent à se spécialiser en services différenciés, « copains » ou « buddies » pour les étudiants, les jeunes, les immigrés, les sans domicile fixe…

 

Et si l’on nous donnait les moyens d’expérimenter par nous-mêmes ce modèle à Paris, à petite échelle, celle d’un ou deux arrondissements par exemple ?

 

Mettons-nous à rêver car « le plus important, c’est de se mettre en route », comme nous y encourage Anneke qui nous a pilotés tout au long de ce voyage.

 

 

                                                                                                          Michèle DRANCOURT

 

* Anneke BOLLE est représentante au niveau national des usagers en santé mentale des Pays-Bas, elle est également consultante et membre du conseil administratif du SAF (Vriendendiensten)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





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